Chapitre 36 - Fripouille 2/2

   Réveillée dans la chaleur, les rayons du soleil embrassaient nos corps apaisés. Je me hissai sur Malaury pour frotter ma tête contre son cou, en quête de tendresse. Ses grandes mains me manquaient. Sa peau rugueuse me manquait. Ses lèvres tendres me manquaient. Tout me manquait chez lui.

« Hum ? Tu as bien dormi ? peina-t-il à articuler en tournant la tête vers moi, les yeux mi-clos.

— Je veux un bisou. Et des câlins. »

Son visage s'illumina. Il me cajola, les yeux brillants d'amour, ravi.

« J'ai rêvé de toi, cette nuit, me souffla-t-il avant d'embrasser ma tempe.

— De moi ?

— C'était... drôle et mignon. »

Je fronçai les sourcils, un rictus amusé sur les lèvres :

« Je suis curieuse...

— Hum... tu étais enceinte. Et c'était bien avancé. On était encore sur le navire, et tu n'arrêtais pas de crier sur tout le monde car tu avais faim. »

J'éclatai de rire :

« Car j'avais faim ?

— Tu voulais des pommes. Beaucoup de pommes. Je te disais que tu en avais déjà plein la cabine, mais tu me répondais que tu en voulais plus, encore plus. Je t'ai même dit que Mora et Célestin étaient ensevelis en-dessous, mais tu m'as rétorqué que ce n'était pas possible car ce n'étaient que des pommes ! s'esclaffa-t-il.

— C'est comme ça que tu me vois ? ris-je.

— Tu aimes beaucoup trop les pommes, me rappela-t-il avant de m'embrasser. »

Sa main enveloppa tendrement ma taille :

« Et tu étais vraiment magnifique, enceinte. »

Il m'embrassa encore, se penchant de plus en plus sur moi. J'entourai ses hanches à l'aide de mes jambes pour l'attirer sur mon corps. Je le taquinai entre deux baisers :

« Continue comme ça et je risque de te sauter dessus...

— Encore ?

— Encore ? La nuit est passée, c'est une nouvelle journée, non ? Et rien n'interdit de jouer plusieurs fois par jour... »

J'esquissai un sourire coquin en caressant son visage :

« J'avoue que j'aime beaucoup m'amuser... À l'époque, je rentrais sur terre seulement quelques jours, donc il fallait en profiter... Là, je t'ai constamment avec moi, alors peut-être que je serai plus sage, mais... »

Il plaqua ses lèvres sur les miennes. Je m'y abandonnai.


Un sourire contenté sur les lèvres, l'œil clos, je ronronnais entre les bras chauds de Malaury, le corps détendu et somnolent. Dire que je devrais être en train de travailler actuellement... Je bâillai une énième fois.

« Tu es fatiguée ?

— J'ai sommeil contre toi... »

Je me sentais tellement apaisée avec lui...

Il baisa mon front à travers mes mèches emmêlées, puis m'avoua :

« J'ai envie de rester dans tes bras toute la journée...

— Et ne pas travailler du tout, alors ? »

Après un coup d'œil, je le découvris en pleine réflexion, les sourcils froncés :

« Peut-être pas... Il faut qu'on se tienne prêts si...

— Chut, chut, pas maintenant. On n'est pas en train de travailler, justement, le coupai-je avec un baiser.

— Tu veux prendre un bain ? proposa-t-il en caressant mon visage, les yeux brillants.

— Pourquoi pas. »

Un quart d'heure plus tard, nous étions installés dans la bassine. J'étais assise entre ses jambes, étalée contre son torse, le sommet du crâne sous son menton. Ses grandes mains enveloppaient mon ventre qu'il caressait distraitement.

« J'ai envie de te faire des câlins tout le temps depuis hier soir, me confia Malaury. Te pouponner et t'embrasser dès que j'en ai l'occasion. Te protéger car tu es mon trésor le plus précieux. Je t'aime tellement... »

Je tournai la tête et croisai son regard brûlant d'amour.

Un sourire amoureux se dessina sur mes lèvres.

Je l'aimais tellement...

« Quand est-ce que tu demandes ma main ? questionnai-je. »

Il fronça les sourcils.

« Neven ? C'est bien toi ? »

J'éclatai de rire. Il m'observait d'un air décontenancé, les sourcils toujours froncés :

« Tu es sérieuse ?

— Oui.

— J'ai du mal à croire ce que tu me demandes.

— Je vois ça, souris-je. Je me sens juste bien et en confiance avec toi... »

J'avais pris sa main pour la caresser.

« Je me sens tellement aimée... Tu es sûrement l'homme de ma vie...

— Je me fais la même réflexion. Tu es sûrement la femme de ma vie. »

Un sourire entendu.

« Alors, tu la fais quand, ta demande ?

— Eh bien... quand on sera débarrassés de cette histoire d'Augustin et de DN. Qu'est-ce que tu en dis ?

— Pourquoi pas.

— Tu diras oui ?

— Qui sait ? souris-je avec malice. Je serais peut-être tentée de dire non...

— Je te ferai une belle déclaration, sois en sûre.

— Est-ce que ça suffira pour que j'accepte ?

— Dans le pire des cas, je te force à m'épouser en te chatouillant, menaça-t-il en plaçant une main sur ma taille.

— Je répliquerai, je sais quels endroits tu crains, taquinai-je. »

Il secoua la tête de droite à gauche :

« Qu'est-ce que je t'aime. »


Habillés, nous avions décidé que nous étions assez restés au lit pour la matinée.

« Tu ne veux pas t'attacher les cheveux ? Tu risques de tremper ta chemise, j'ai peur que tu prennes froid... »

Je levai l'œil au ciel en ouvrant la porte :

« Arrête de t'inquiéter, j'ai l'habitude.

— Mais...

— Malo...

— Ah, enfin sortis ! »

Mathurin nous fixait avec sérieux derrière ses lunettes en demi-lunes. Il nous fit signe de retourner dans la cabine, et il referma derrière nous.

« Déjà, sachez que vous avez fait fuir le petit Issan hier soir et ce matin, sourit-il, visiblement amusé.

— Fuir ? reprit mon second en fronçant les sourcils.

— Disons que les parois sont fines, et que vous n'aviez pas l'air de trop vous retenir... »

Le visage de Malaury se décomposa dans des rougeurs que je n'avais jamais vues sur sa peau. Il ne parvint qu'à émettre des petits bredouillements incompréhensibles, me faisant glousser. J'attrapai sa grande main en lui lançant un regard plus confiant :

« On sera plus discrets les prochaines fois... »

Le médecin nous scruta avec sérieux en remontant ses lunettes :

« Vous en avez discuté ? »

Son regard glissa sur mon ventre.

« Malaury est au courant, oui. »

Mathurin soupira de soulagement :

« Parfait, on peut enfin parler. Est-ce que tu as eu tes menstruations, depuis ?

— Rien à l'horizon.

— Et ta décision ?

— Je ne pense pas que le garder soit une bonne idée. Ce n'est pas le moment pour. »

Il acquiesça :

« Compris. Je suis en train de me renseigner sur les plantes abortives, j'ai des pistes. Dans le pire des cas, il faudra faire un crochet à Febiran : j'ai des contacts qui en savent quelque chose.

— D'ici quelques semaines, ça irait ? Comme on a la couronne dans les pattes.

— Oh, oui, pas de soucis. Tu as quelques mois devant toi. »

Entendus, nous ressortîmes de la cabine. Les choses avançaient dans le bon sens à ce propos.

Sur le trajet jusqu'au pont, les hommes avaient lancé des regards malicieux à notre passage, d'autant plus en nous voyant main dans la main. Mon cœur avait battu fort. Très fort. J'avais instinctivement serré plus fort la main de Malaury. Je m'étais sentie déboussolée, aussi. Déboussolée d'être aussi sensible au regard des autres vis-à-vis de l'amour alors que je n'hésitais pas à prendre les devants sans gêne le reste du temps.

Mon second, lui, avait semblé fier de me tenir la main, gardant la tête droite et le menton haut. Il m'avait souri et rassuré du regard, ressentant sans doute les craintes qui me parcouraient.

Finalement remontés, une silhouette bleu marine fonça sur nous et clama haut et fort :

« Eh ben ! Vous avez couché ensemble combien de fois, au juste ? »

J'hoquetai de surprise, les joues de plus en plus brûlantes au fur et à mesure que les hommes riaient autour de nous. Je n'osais pas imaginer l'état de Malaury. J'y risquai un coup d'œil. Je ne pensais pas qu'il pourrait être plus rouge que tout à l'heure, et pourtant.

« En plus, vous ne niez pas ! sourit Célestin avec malice. »

J'attrapai fermement son bras et le tirai près de ma cabine, loin des marins qui gloussaient :

« Qu'est-ce... qu'est-ce que tu fais ? bégayai-je. »

Il plaqua ses mèches noires en arrière :

« Eh bien ? Ce n'est pas moi qui ai propagé ces rumeurs. »

Je levai l'œil au ciel et le relâchai :

« Certes, mais tu n'étais pas obligé de les crier à nouveau...

— Elles sont vraies, alors ? »

Son regard argenté passait de moi à Malaury avec intérêt.

« Je ne te pensais commère comme ça, soupirai-je.

— J'attends ça depuis un bout de temps, gronda le capitaine. Je peux vous taquiner autant que je le veux à présent ! s'esclaffa-t-il. »

Pour toute réponse, je lui balançai un coup de pied dans le tibia qu'il évita à temps :

« Réflexes, ma chère. »

Je levai l'œil au ciel :

« Insupportable, mon cher. »

Plus taquin, il souffla :

« Un petit baiser de ton cher et tendre pourrait peut-être soulager ta colère ?

— Dis tout de suite que tu veux le voir de tes propres yeux ! »

Il leva les mains en l'air, coupable :

« J'avoue que je suis curieux. Il paraît que vous vous êtes déjà embrassés, mais à chaque fois, je vous loupe ! »

Je finis par sourire :

« Définitivement irrécupérable.

— Ne suis-je pas le capitaine de l'Irrévérence ?

— Le nom convient bien à une teigne comme toi, oui ! »

Sur le point de rétorquer, il sembla se raviser:

« J'ai failli manquer de respect à ta sœur avec La Mora, je préfère me taire. »

Le regard désormais sérieux, il nous déclara :

« Sinon, nous avons dépassé le Repaire. Je n'ai pas vu Nemer dans les parages.

— Tu penses toujours qu'il peut être DN ? »

Nous nous tournâmes vers Malaury qui avait repris son teint habituel.

« C'est presque sûr, trancha le capitaine. Il aime son statut de Souverain et il t'a en grippe, appuya-t-il en se tournant vers moi. Je te rappelle qu'il n'était pas favorable à ton adhésion aux Princes des Abysses.

— Mais il l'a tout de même autorisée. Il aurait pu totalement me bloquer l'accès en tant que Souverain.

— Je ne pense pas qu'il ait agi de bon cœur, souffla Célestin. J'ai réfléchi. Tu t'entendais déjà bien avec Erklos et Vigy, n'est-ce pas ?

— J'étais plus ou moins sous leur aile, oui, acquiesçai-je.

— On ne sait pas ce qui s'est passé durant la réunion qui a décidé de ton entrée chez les Princes. Ils auraient pu faire pression sur Nemer. Ce sont des pirates puissants et influents. Plus que lui. Il voulait peut-être simplement ne pas se les mettre à dos et espérer que ça lui soit favorable pour le titre suivant. »

Le doigt sur les lèvres, je me perdais dans mes pensées pour jauger les hypothèses de Célestin.

« Mais pourquoi ? demanda Malaury. Le fait d'accueillir Neven ou non n'est pas censé influer sur la place de Souverain. On se tourne vers les hauts-faits de chacun pour juger qui mérite le titre.

— Tout à fait, c'est ce qui me titille, confia Célestin. S'il ne voulait vraiment pas de toi, je ne comprends pas pourquoi il ne t'a pas simplement refusé l'accès aux Princes. »

Il plissa les yeux :

« Vous vous êtes rapprochés d'une façon ou d'une autre ?

— Nous avons un peu parlé, mais de banalités. Rien de transcendant.

— Ou alors, reprit Malaury, il ne s'attendait pas à ce que tu sois une adversaire coriace pour le prochain titre, d'autant plus car tu es arrivée en cours de route. Donc, il a accepté ton adhésion avant de se rendre compte que tu pouvais largement dépasser tout le monde. »

Seul le vent gémissait entre nous.

« C'est cohérent, admis-je. Il fait partie de ceux qui ont du mal à voir une femme entreprendre quelque chose. »

Célestin conclut :

« Définitivement, ce DN est sans doute Nemer. Il a des raisons de t'empêcher d'accéder au titre, et il paraît qu'il n'est pas vraiment cruel, ce qui correspondrait au fait qu'il ait donné les directives de ne pas te blesser quand tu étais prisonnière. »

Je serrai les mâchoires :

« Je ne sais pas si nous sommes capables de nous mesurer à Nemer. Sa flotte est plus importante que la nôtre. Il paraît qu'il a au moins sept bâtiments sous ses ordres. Sans parler des navires dont nous n'avons pas connaissance, comme celui aux voiles noires.

— D'autant plus car nous sommes séparés.

— Sans parler d'Augustin, rajouta Malaury. »

Je secouai la tête :

« Il faudra éviter tout conflit avec lui, c'est mieux pour nous. Voilà nos prochains objectifs : on choppe la couronne, on s'occupe d'Augustin, et on se fait petits jusqu'à la fin de l'année.

— Six mois ?

— Autant de temps qu'il faudra pour que je puisse être proclamée Souverain des Pirates. »

Que pensez-vous de la théorie de Célestin ? 'o'

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