Chapitre 33 - L'image de la capitaine 2/2
Le regard perçant et désireux, je soufflai :
« Tu peux me réchauffer ? »
En deux temps trois mouvements, Malaury se pencha, récupéra une couverture sur le matelas, puis m'en enveloppa délicatement en me demandant avec le plus grand sérieux :
« Est-ce que ça va mieux ? »
Je ne pus m'empêcher de rire en douceur avant d'appuyer mes mains sur son torse en lui murmurant :
« Oui, mais j'attendais plutôt d'être réchauffée par toi... »
Les yeux brillants, il frotta ses mains sur mon dos :
« Comme ça ? »
J'éclatai de rire plus fort encore, sous le charme. Je ne pouvais définitivement pas le décevoir alors qu'il semblait si fier et heureux de me contenter :
« Oui, comme ça, mon amour... Je t'aime, tu sais ?
— Moi aussi... mais tu es malade ? Tu n'as pas froid, d'habitude...
— Malade d'amour seulement. »
J'attrapai son cou et attirai son visage. Nos lèvres se goûtèrent en douceur, bien loin des braises qui m'avaient animée quelques instants plus tôt.
« On va voir les étoiles ? proposai-je.
— Mais tu risques d'avoir froid...
— Mais non ! ris-je en descendant du hamac.
— Mais si tu es malade, ça risque de s'aggraver. »
Je lui lançai un regard défiant en m'écartant :
« Il va falloir me réchauffer...
— Mais Neven, je ne pense pas que...
— Si tu ne veux pas que je prenne froid, rattrape-moi ! ris-je en lui balançant la couverture à la figure. »
Je fuis dans les coursives du navire, suivie de près par des pas précipités. J'évitai Jack qui écarquilla les yeux à mon passage, deux marins qui avaient un peu trop picolé à mon goût, et je bondis sur l'échelle pour rejoindre le pont au plus vite.
L'instant d'après, je me jetai sur un cordage, ignorant la douleur à mon épaule, et je me balançai jusqu'au gaillard d'avant où j'atterris souplement malgré les tiraillements sous ma peau. Malaury, le drap sur les épaules, sortait tout juste de l'écoutille. Il me chercha du regard jusqu'à me croiser en train de le saluer avec un grand sourire aux lèvres.
Il se rua sur l'échelle, et une fois face à moi, un jeu commença autour des caissons qui nous séparaient. On se regardait droit dans les yeux, le sourire aux lèvres, joueurs, en essayant de deviner par quel côté l'autre irait.
Il fit un pas à droite, alors je me déplaçai à gauche, mais feinte ! Il me rattrapa par la taille :
« Je t'ai eue ! »
Je ris un moment alors qu'il m'embrassait, nous reculant petit à petit vers les bastingages. Bloquée contre les barrières en bois, je l'observais, amoureuse, les joues chaudes et le sourire à l'œil.
Je croisai le regard d'un marin non loin... oh, et puis zut ! J'attrapai le visage de Malaury et plaquai mes lèvres sur les siennes, le retenant contre ma bouche pour faire durer notre baiser jusqu'à ce que je m'écarte dans une longue inspiration.
« On regarde les étoiles, alors ? proposai-je avec un sourire amoureux. »
Installée sur le sol, entre les jambes de Malaury qui s'était adossé à un caisson, nous observions les étincelles qui éclairaient notre Archipel, dispersées comme des taches de peinture sur la toile du ciel. Avec ses grands bras, il étendit la couverture soyeuse pour la déposer sur nous, s'assurant d'envelopper chaque parcelle de ma peau. Il me serra enfin contre lui, par-dessus le drap :
« Tu es au chaud ? »
Entre son torse brûlant qui se soulevait lentement contre mon dos, ses bras et le duvet qui m'enserraient, la chaleur de ses lèvres qui effleurait ma tête...
« Presque trop, souris-je. Heureusement qu'il vente un peu. »
Je décalai mes mains pour toucher les siennes à travers la couverture. Il les enveloppa comme il put, mais je réclamai d'une petite voix :
« J'ai envie que tu me tiennes les mains sous le drap... »
Il s'exécuta, et je pus enfin profiter de la chaleur et de la rudesse de sa peau. Je jouais avec ses doigts que je prenais et caressais inlassablement, entrelaçant mes phalanges aux siennes pour connaître chaque millimètre de ses mains jusqu'au parcours de ses cicatrices.
Détendue, ma respiration s'accordait à la sienne, de plus en plus lentement, me faisant peu à peu m'affaler contre son torse. Je n'avais jamais connu de grandes difficultés pour m'endormir, mais la présence de Malaury avait toujours été particulièrement apaisante.
« Neven, souffla-t-il. Je peux te poser une question ?
— Oui ?
— Est-ce que tu t'ennuies avec moi ? »
Je fronçai les sourcils :
« Comment ça ?
— Hum... comment dire... j'ai peur d'être trop calme pour toi. Tu es toujours dynamique et souriante, et moi...
— Qu'est-ce que tu racontes ? m'insurgeai-je. »
Je me tournai et croisai ses yeux plissés d'inquiétude.
« Pourquoi tu dis ça ? Je t'aime comme tu es, tu sais ? Je ne veux pas que tu changes ou je ne sais quoi ! Je me sens bien avec toi. Tu es tellement gentil et doux...
— Mais... j'ai peur d'être trop... sans émotions.
— Mais ce n'est pas le cas ! Tout à l'heure, quand tu me courais après ! Ou quand tu me fais des câlins ! Il n'y a pas plus émotif que toi quand c'est rien que tous les deux... pourquoi tu crois tout ça ? »
Cette fois, ce fut à moi de me sentir inquiète :
« Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? »
Avais-je encore été égoïste ?
« Non, non. Tu es parfaite. »
Il accompagna ses mots d'un baiser sur mon nez.
« Alors qu'est-ce que tu as, mon Malo ? »
Avec un sourire triste, il me confia :
« Hum... Je me suis rendu compte que nous étions assez différents, toi et moi... et que, peut-être, je n'étais pas fait pour toi... ça m'a assez perturbé.
— Quoi ? Mais moi, je me sens comblée avec toi ! »
Comment le rassurer ?
« Tu es sûre ? C'est la première fois que... que j'ai une chérie. Alors, j'ai peur de ne pas être à la hauteur. Je ne veux vraiment rien faire cafouiller, je t'aime vraiment beaucoup... »
Pour toute réponse, je l'embrassai avec force et tendresse. Je voulais qu'il sente la passion qui m'animait à son égard. La confiance qui avait pris racine entre nous. L'amour pur qui avait poussé jusqu'à nous faire se jeter l'un dans les bras de l'autre.
Nous nous lâchâmes dans un bécot frêle et doux.
« Je t'aime, murmurâmes-nous d'une seule voix. »
Nous nous sourîmes, et les doutes qui avaient embrumé ses yeux se dissipèrent enfin. Je posai ma tête contre son épaule et fermai l'œil, espérant avoir réussi à le rassurer. Moi aussi, je voulais absolument que notre histoire fonctionne. Car je l'aimais, mais aussi car j'avais peur de revivre quelque chose de similaire avec Darren.
⋆˖⁺‧₊☽◯☾₊‧⁺˖⋆
Éclairée par des torches aux alentours, les avant-bras plaqués sur les accoudoirs de mon trône, une jambe croisée, j'observais l'assemblée de pirates face à moi, un sourire satisfait sur les lèvres. Crainte et admirée, quelques-uns, mécontents, me huaient, me faisant éclater de rire.
Je tournai la tête vers le grand homme qui se tenait à mes côtés, droit et fier d'être mon second. Il me lançait parfois des regards passionnés, mais se retenait de se pencher pour m'embrasser.
Seulement...
Quelque chose n'allait pas.
Il manquait quelque chose. Mais quoi ?
Je me perdis sur mes bagues serties de joyaux, les détaillant une à une, et en découvris de nouvelles. Je rejetai une mèche en arrière, frôlant une couronne bien trop légère pour de l'or.
Ah, oui.
C'était moi, le Souverain des Pirates.
Mais quelque chose n'allait pas...
Je tournai la tête de l'autre côté, dans un coin si sombre que je ne discernais des formes que lorsqu'une flamme feulait suffisamment fort pour percer l'obscurité. Je plissai l'œil. Des silhouettes humaines s'agitaient. J'avais la sensation de les reconnaître. Je me redressai, mais Malaury m'attrapa le bras :
« Tu ne peux pas tout avoir. »
Je fronçai les sourcils en me tournant vers lui :
« Mais ce n'est pas si loin ! Je peux les ramener au trône !
— Non, ça ne fonctionne pas comme ça. »
Je rejetai mon regard vers l'obscurité où erraient ces personnes. Je fis un pas vers les ténèbres, mais Malaury me tira à nouveau sur le trône :
« Tu ne peux pas tout avoir. »
Je me laissai retomber sur le siège en grognant :
« Mais pourquoi ? Ils sont si près ! Je veux les avoir près de moi ! J'en ai besoin ! Arrête de m'empêcher de les aider !
— Tu ne peux pas avoir les deux. Tu ne peux plus.
— Et si tu me gardais la place ?
— Les vagues déferlent déjà, Neven.
— Et alors ? On s'en fiche ! »
Je me redressai, évitai la prise de Malaury, et m'avançai dans le sombre. À chaque fois que je tentais de saisir un bras, une main, elle s'évanouissait dans les ténèbres, comme une brume mesquine qui se jouait de moi.
« Où êtes-vous ? »
Pourquoi je suis si seule ?
« Reviens, Neven. C'est trop tard.
— Trop tard ?
— Ils ont essayé, tu sais ?
— Mais qui ? Et quoi ? »
⋆˖⁺‧₊☽◯☾₊‧⁺˖⋆
Je me réveillai dans le silence et la chaleur, comme si j'étais emprisonnée sous des couches de tendresse.
En bougeant la tête, de longs cheveux chatouillèrent le bout de mon nez.
Ce n'était pas Malo.
J'ouvris l'œil avec appréhension, comme si cela mettrait fin au dôme de chaleur dans lequel j'avais fondu, et je découvris le visage de Mora non loin du mien, tourné dans ma direction. Seuls ses yeux apaisés étaient visibles tant elle était emmitouflée dans la couverture. Sous le drap, sa main était posée sur la mienne. Elle semblait si heureuse, endormie ainsi.
Je retournai à ma somnolence, essayant de me rappeler ou de discerner les traits des visages entraperçus dans les brumes de mon rêve, en vain. Qu'il avait été embêtant, Malo, dedans !
On tambourina à la porte, nous faisant sursauter :
« Capitaine ! Vite ! L'Irrévérence a des ennuis ! Le capitaine Erklos les attaque ! »
Alors, l'innocence de Malo ? Avouez que c'est mignon ^-^
Et le rêve ? 👀
Bon, on file aider Célestin à présent !
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