Chapitre 33 - L'image de la capitaine 1/2

   Tout en maniant le gouvernail, j'observais Malaury du coin de l'œil. Il passait le plus clair de son temps dos à moi. Dès qu'il devait regarder dans ma direction, il ancrait ses yeux partout sauf sur mon visage. Évidemment, je l'avais vexé. Je comprenais.

Cependant, j'avais l'impression qu'il ne se rendait pas compte de ce que montrer notre relation signifiait. Son regard n'était pas biaisé – ou pas autant – que celui de la majorité de la population à propos des femmes. Il m'estimait et m'élevait sur un piédestal où les autres me voyaient en trophée de chasse.

Je me perdis un moment sur son foulard rouge qui flottait au vent, dévoilant sa nuque que j'aimais tant attraper quand on s'embrassait. Mon œil glissa sur le tissu de sa chemise, de ses épaules robustes jusqu'à sa taille plutôt mince que je devinais sous le coton. Il tomba ensuite à son pantalon en toile et à la ceinture en cuir qui dessinait parfaitement le contour de ses hanches. Mon œil dérapa. La courbe de ses fesses quelque peu bombées aiguisa particulièrement mon intérêt. Lorsqu'il grimpa, ses muscles se contractèrent, mettant plus encore en avant leur fermeté...

« Tu mates ? »

Je sursautai, prise en flagrant délit. Mon visage, attaqué de bouffées de chaleur, se confondit dans la gêne avant de se perdre bien plus haut que les fesses rebondies de Malaury, droit sur l'horizon. Du coin de l'œil, je croisai le regard taquin de ma sœur.

« N-Non, je ne regardais pas ! glapis-je d'une voix mal assurée, les sourcils froncés dans un sérieux bancal. »

Elle gloussa, les mains sur les lèvres :

« C'est trop mignon ! »

Je levais l'œil au ciel tandis que la chaleur de mes joues s'estompait. Mora s'approcha et s'installa sur le tonneau à mes côtés. La fatigue pesait sous ses cils, mais elle s'efforçait de se montrer souriante.

« Tu vas mieux ? murmurai-je pour espérer changer de sujet.

— Oui... désolée pour ce matin, souffla-t-elle en détournant les yeux. Quand je suis fatiguée, j'ai tout qui remonte, et voilà... »

Elle passa sa main sous sa frange qu'elle agita :

« Mais revenons à ton Malaury...

— Oh, non ! grondai-je. »

Elle éclata de rire en me voyant froncer les sourcils. Elle avait toujours été taquine, mais sans jamais trop insister. J'espérais que cela n'avait pas changé...

« Vous êtes encore en froid ?

— Oh ? Euh... oui. »

Je ne lui avais pas parlé depuis son retour du navire de Célestin. J'avais songé à utiliser le prétexte d'en savoir plus sur ce collier – je supposais qu'ils s'étaient vus pour cette raison – mais je n'étais pas certaine que cela m'aide à briser la glace.

« Et pourquoi ?

— C'est compliqué. »

Ma sœur baissa les yeux, peinée.

« Pourquoi tu ne me dis rien ? »

Elle avait vraiment besoin d'être intégrée et de se sentir importante...

« C'est juste qu'il veut m'embrasser devant tout le monde et moi non. »

Les sourcils froncés, ma sœur releva les yeux :

« Mais vous n'avez plus besoin de vous cacher ? Comme tout le monde est au courant...

— Je n'ai pas envie d'être vue comme ça, avouai-je. Je n'aime vraiment pas ça...

— Mais lui, ça doit le blesser, non ? Il a l'air de beaucoup t'aimer... et j'ai l'impression qu'il te respecte beaucoup. Comme tous tes hommes, d'ailleurs. Je ne pense pas que ça changerait quoi que ce soit pour toi, et si ça peut le rendre heureux... »

Elle grimaça :

« Hum... Je peux te dire un truc ?

— Oui ?

— Ne te vexe pas, hein... »

Je l'observais, intriguée.

« En fait... j'ai l'impression que tu n'as pas trop changé sur certains trucs... »

Je penchai la tête sur le côté : à quel propos ?

Tout en triturant ses doigts, elle bredouilla :

« Tu sais, quand on était petites... tu décidais toujours tout et tu t'en fichais un peu de ce que moi je pensais...

— Mais on s'amusait bien, rétorquai-je. »

Elle gonfla ses joues :

« Oui, mais... Comment dire ? J'aurais aimé que tu entendes un peu ma voix tout de même. Des fois, je n'avais vraiment pas envie de faire une balade ou de grimper, et tu me forçais quand même... Et là, j'ai l'impression que tu fais pareil avec ton Malaury. Que tu n'écoutes que tes besoins... »

Je poussai un léger soupir : un reproche que l'on me faisait depuis longtemps, je ne voyais qu'à travers mon prisme.

« J'ai peur qu'il se sente blessé, concéda Mora. Et...

— Je vais lui parler ce soir. Je vais faire des efforts. »

Je n'avais pas envie de le perdre. Je songeais parfois que la disparation de Mora était à cause de moi, quand je l'avais forcée à prendre l'air. Pas question de perdre une autre personne.

Le soir, juste après le dîner, je me précipitai à la sortie. Sa grande silhouette était adossée au mur, les bras croisés sur son torse.

« Est-ce qu'on peut parl-... »

Nous écarquillâmes les yeux de surprise et nous tûmes. Avec un regard entendu, je le suivis jusqu'à sa cabine. Une fois à l'intérieur, je m'installai sur son hamac, les jambes se balançant d'avant en arrière. Face à moi, il posa ses mains sur mes genoux qu'il caressa lentement et tendrement. Leur chaleur me fit esquisser un sourire timide. Son regard s'adoucit, loin de la froideur épineuse d'aujourd'hui.

J'attrapai ses mains avec appréhension, mais il accepta ma peau.

« Malo... je t'ai blessé ?

— Plutôt, oui. J'ai l'impression de te faire honte. »

De la peine étincelait dans ses yeux.

« J'ai aussi l'impression qu'on en revient à notre relation d'avant où tu décidais comme bon te semblait, sans faire attention à moi. Car c'est bien pour toi et ton image que tu me repousses devant les hommes, non ? »

J'avais envie de rétorquer, de lui dire que je n'étais pas si égoïste, et pourtant... j'avais l'impression de ne pas être une bonne compagne. Étais-je déjà ainsi avec Darren ? Ou bien le fait d'être devenue capitaine m'avait tant accaparée que je ne pensais plus qu'à cela dans tous les aspects de ma vie ?

Malaury était le père de notre peut-être enfant, mon second, mon amour, prêt à risquer sa vie pour moi. Comment je le remerciais ? En le repoussant devant tout le monde, sans vergogne. Était-ce si grave que notre équipage nous voit nous aimer ? Ils semblaient toujours me respecter – dès que j'avais menacé, ils s'étaient immédiatement remis à travailler. Ils nous voyaient peut-être plutôt comme un jeune couple qui se tournait autour depuis – trop – longtemps, alors cela les amusait...

Je redressai l'œil vers mon second qui m'observait me perdre dans mes pensées. Je lui concédai en serrant sa main avec douceur :

« J'espère que demain tu m'enlaceras pendant que je prendrai la barre... »

Son visage s'illumina et il m'embrassa avec légèreté, un sourire sur les lèvres.

« Je ne voulais pas être en conflit avec toi, je suis content que tu aies compris. Ou fait des concessions.

— Je te fais confiance... »

Il attrapa mes mains plus fermement :

« C'est si important pour toi, cette image de capitaine ?

— Depuis que je suis jeune, je me rends compte que les femmes n'ont pas leur place chez les pirates, alors j'ai beaucoup travaillé sur mon image. Jusqu'à m'éloigner de certains aspects que l'on range du côté féminin comme l'amour... tant que ça me permettait d'être respectée. J'ai eu cette peur que tout tombe à l'eau en me voyant aimer... je me disais que l'on me rapprocherait de la majorité des femmes : calmes, sages, douces, gentilles... et, par conséquent, que j'en perdrais mon autorité et mon respect. »

Je poussai un soupir et avouai :

« Je crois que je m'inquiète trop. Je n'étais pas comme ça quand je n'étais pas capitaine... »

Je fronçai les sourcils :

« Je n'avais pas à m'en soucier, après tout... »

Je rejetai un regard vers Malaury :

« Je suis vraiment égoïste, mon père avait raison. Je n'ai à nouveau pensé qu'à moi.

— Si ça peut te rassurer, ta réputation est faite, on te craint et on t'évite. Tant que notre relation ne sort pas du navire – et nous y veillerons – tu n'auras pas de problèmes. Et puis, imagine. On apprend que tu aimes quelqu'un. Dans un premier temps, on retrouverait peut-être cette image de douceur dont tu parlais... quelques temps plus tard, nous massacrons un navire, nous pillons une ville portuaire... nous continuons nos activités, en bref. On comprendra que tu restes une pirate redoutable, et c'est vrai. Tu restes qui tu es, ce qui peut changer aux yeux du monde, c'est seulement ton image... mais il n'y a pas de fumée sans feu. Tu es mon dragon des mers, après tout. Ce n'est pas pour rien. »

Je ne pus que sourire et avouer :

« Tu as raison... Je devrais t'écouter plus souvent. Tu es mon second, après tout. Ce n'est pas pour rien. »

J'abandonnai ses mains et je remontai mesdoigts le long de ses bras jusqu'à ses épaules. J'effleurai son cou et attrapaidélicatement le col de sa chemise. Une réminiscence de son fessier musclétraversa mon esprit. Je les savais fermes, j'avais déjà pu les caresser... etj'avais bien envie de recommencer. 

Neven arrivera-t-elle à ses fins ? Meheheh

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