Chapitre 28 - Ensemble 1/2
Les doigts chauds de Malaury caressaient ma peau avec douceur, comme s'il cherchait à me rassurer, ou à se rassurer, ou à s'assurer que j'étais bien présente, que c'était bien ma main qu'il tenait. Je lui expliquai tout : le lien avec DN, mon arrivée à Britanger, l'aide apportée par Darren, notre fuite improvisée, les retrouvailles sur La Mora, l'annonce de sa disparition...
Je m'arrêtai brusquement : était-ce le bon moment pour parler de notre peut-être enfant ?
« Un souci ?
— Rien d'important, murmurai-je. Bref, ensuite... »
Je préférais être en tête-à-tête avec lui, quand nous serions plus en forme, dans un lieu plus familier et chaleureux. Je continuai ma lancée sur les recherches de Mora, l'étrange gentillesse d'Augustin et nos retrouvailles.
« Augustin t'a aidée ? répéta-t-il, abasourdi.
— Il y a anguille sous roche, si tu veux mon avis. »
Il réfléchit quelques instants, puis m'observa à nouveau, sérieux :
« Est-ce qu'il ne voulait pas tout simplement te détourner de la couronne ? Et éviter de s'attirer tes foudres ? Il a pensé que s'il t'aidait, d'une, tu n'aurais rien à redire sur ses comportements parfois très limites, et de deux, tu serais trop concentrée sur ta sœur pour suivre convenablement la couronne.
— Tu as sûrement raison. Je me demande d'où il tient ces informations.
— Peut-être que des informateurs qu'on a rencontrés ont parlé. Les rumeurs circulent très vite. En tout cas, Mora est enfin retrouvée, un soulagement pour toi, non ?
— Tu ne sais pas à quel point.
— Et comment elle va ? »
Il avait eu un sourire très doux en posant cette question.
« Elle mettra du temps à se remettre de ces années avec Logan, mais elle est heureuse de m'avoir retrouvée. Elle a l'air inquiète, aussi, avouai-je, songeuse. Elle n'aime pas me savoir sur les mers.
— C'est compréhensible, elle sait à quel point tout peut être dangereux. »
J'acquiesçai et lui expliquai que nous étions retournées auprès de nos parents, puis que Mora avait décidé de venir avec moi. À ce moment-là, j'avais su qu'Augustin connaissait des pistes que j'ignorais.
« Je crois bien que ça confirme mes suppositions. Il voulait plus de temps pour te devancer – ce qu'il a réussi, d'ailleurs. »
Je terminai sur notre rencontre avec Célestin :
« J'étais tellement soulagée de savoir que tu étais peut-être encore vivant...
— J'ai cru apercevoir son bateau au loin quand j'étais à l'eau, oui, mais les corsaires m'ont repêché avant, soupira-t-il. Après, honnêtement... il fallait que je sorte de l'eau, je n'avais plus de forces, j'étais à bout. Encore quelques heures et je mourrais. »
Un frisson terrible me parcourut. Dire que tout s'était joué à si peu de temps...
Je me recroquevillai encore contre lui, à la recherche de sa tendresse et surtout, de sa présence.
« Tu as pu te libérer, au moins ?
— Oh, non... j'ai paniqué en voyant le navire partir, et le fait que j'étais dans une eau sombre... tu me connais, ça me fait peur, de ne pas savoir ce qu'il y a sous la surface... »
Je hochai la tête, les lèvres pincées.
« J'ai fait tomber ton poignard. J'aurais pu le rattraper avant qu'il ne coule trop profondément, mais la peur m'a empêché de plonger. Alors, j'essayais de survivre avec les mains dans le dos. Un cauchemar... j'avais l'impression que je pouvais me noyer dès que je relâchais mes muscles... et toutes les tasses que j'ai bues... »
Il soupira.
« Même si j'agitais les jambes pour ne pas couler, j'avais froid. J'avais peur d'attirer des prédateurs aussi, des monstres, voire des sirènes, mais je ne pouvais pas m'arrêter. Je ne savais pas ce que j'espérais, pour tout t'avouer. Je voulais juste... vivre.
— Tu as eu raison de tenir, Malo.
— J'ai tout de même eu de la chance qu'on tombe sur moi. Comme si la mer ne voulait pas me prendre. Dans mon bonheur d'être enfin tiré de l'eau, les corsaires m'ont malheureusement tout de suite reconnu. Malaury, le second de Neven l'Écarlate, quelle belle prise pour eux ! Alors, ils m'ont emprisonné et interrogé sur toi. Je n'ai rien dit, je suis resté tenace. Ils me donnaient juste assez à boire et à manger pour que je ne meure pas, je suppose. Ils ont aussi commencé à me frapper, à me fouetter, à me donner des coups de couteau... c'était dur, parfois, mais je me taisais. Pour ta sécurité.
— C'est vrai qu'ils t'ont plutôt amoché, soupirai-je en observant son visage encore parsemé de bleus. Mais ça a l'air d'aller déjà mieux, tu as meilleure mine, tu as repris un peu de couleurs.
— On m'a bien soigné, et surtout, j'ai pu enfin boire et manger à ma faim. Ça m'avait manqué. »
Nous restâmes silencieux un moment en nous observant.
Dire que la vie avait failli me l'arracher...
Je n'avais qu'une envie : l'embrasser.
La vie en mer était si imprévisible.
Un coup de vent, un écueil, un ennemi... et tout pouvait être fini.
J'avais tellement envie de l'embrasser et de profiter de ses lèvres autant que possible. De la chaleur de ses paumes, de son souffle dans mes cheveux, de son regard plein d'amour...
« Issan a insisté pour venir avec Célestin et toi, c'est ça ? »
J'oubliai mes désirs.
« Tu le connais bien. »
Il soupira :
« J'aurais aimé que tu le forces à rester sur La Mora, ça lui aurait évité cette blessure... je m'en veux, tu sais ? D'avoir été si faible pendant que l'on partait. Si j'avais eu la force, j'aurais pu le protéger.
— On était là pour te sauver, pas l'inverse, chuchotai-je. Et puis, vous allez bien tous les deux, on a encore de bonnes aventures à vivre ensemble, souris-je désormais. »
Il finit par acquiescer, la mine plus apaisée.
« J'ai hâte de retrouver l'équipage, ils me manquent, m'avoua-t-il.
— Tu leur manques beaucoup aussi, crois-moi. On devrait se retrouver d'ici trente minutes, de ce que j'ai compris. »
Quand un homme grimpa non loin de nous, Malaury lâcha ma main, un sourire aux lèvres :
« On peut éviter de se montrer trop proches, si tu préfères.
— A priori, nous ne sommes déjà pas vraiment discrets...
— Tu accepterais qu'on annonce notre relation, alors ? taquina-t-il.
— Non ! Pas encore, me repris-je avec un rire timide. On a le temps, je n'ai pas envie que les gens parlent trop de nous, qu'on perde notre autorité... pire, que tu aies encore des problèmes à cause de notre proximité. Je me rends compte que je peux vraiment te mettre en danger, confiai-je, et avec ce qu'il vient de t'arriver... »
Un frisson me parcourut. L'œil brillant, je murmurai :
« Je n'ai définitivement pas envie de te perdre, ou que tu sois encore en danger.
— On a le temps, reprit Malaury, l'air doucereux. D'ailleurs... le Darren... »
Son regard s'était durci.
« Il t'embête ?
— Hum ? M'embêter ? Tu sais que quiconque m'ennuie ne s'en remet pas de sitôt, non ?
— Pas ce genre d'ennuis.
— Quoi, alors ? questionnai-je, un sourcil haussé. »
Je me doutais de ce qu'il voulait me demander.
« Il t'aime encore ? »
La question épineuse.
« On dirait bien, mais je lui ai dit qu'il ne m'intéressait pas et qu'il ne m'intéresserait jamais.
— Je lui ferai comprendre à nouveau qu'il n'a pas à t'approcher.
— Ha, car je ne peux pas le repousser toute seule ? taquinai-je.
— Non, ce n'est pas ça, c'est juste que... euh... »
Ses joues rosirent et son visage s'adoucit dans l'innocence et la timidité.
« Pff, souris-je, tu es jaloux ?
— Jaloux ? Non. Enfin... Je veux juste... que... eh bien... tu es ma chérie, chuchota-t-il, c'est tout. »
Je m'attendris, à le regarder perdre ses moyens pour m'avouer son amour.
« Si tu insistes, mon chéri, murmurai-je, le regard amoureux. »
Je caressai sa main chaude du bout des doigts tandis qu'il jouait avec mes boucles qu'il enroulait autour de son index. Durant le temps restant, nous papotâmes de tout et de rien, de sujets moins graves, et je me sentais légère à rire avec lui.
« Ils arrivent ! cria la vigie. »
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