Chapitre VI
《 She was completely whole, and yet never fully complete 》
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Son désir.
Voilà qu'à présent Hypnos te faisait peur. Bien plus qu'Hadès. Jusqu'où irait-il pour satisfaire son désir ? Tu n'avais pas vraiment envie de le découvrir. D'ailleurs tu n'avais plus envie d'avoir d'autres surprises de ce genre. Ton cœur se serra douloureusement. Caleb. Il fallait que tu essaies de t'en souvenir. Aucun autre que lui n'avait le droit de te désirer comme il le faisait. Et pourtant.. tu avais beau forcer ta mémoire à te redonner tes souvenirs, rien n'y faisait. Caleb te semblait de plus en plus loin, ne te laissant que la simple pensée qu'il fusse un jour un être aimé. Caleb. Cinq lettres qui perdaient tout leur goût. La rage s'insinua peu à peu dans ton esprit, cet endroit ne te correspondait pas. Tu n'étais plus totalement toi et tu ne le serais plus, sans jamais savoir pourquoi. A moins d'accepter de revoir Hypnos.. Mais au fond, avais-tu vraiment envie de le revoir ? Ta décision est déjà prise n'est-ce-pas ? Tu es faible Esmee. T'éloigner de la vérité ne l'effacera pas. Tu comptes le refuser dans tes rêves ? Mais qui es-tu, petite chose ?
Tes poings se serrèrent, jusqu'à ce que tes ongles meurtrissent tes paumes et que tes phalanges virèrent au blanc. Semblable à une furie tu te jetas sur le plus proche des buissons, arrachant ces fleurs qui semblaient te narguer, et tu eus tout le loisir de sentir ta peau s'ouvrir sous les griffures que tu t'infligeais, tandis qu'un parterre de fleurs arrachées et malmenées se formait sous toi. Quand la plante te sembla suffisamment amochée, tu t'éloignas enfin, loin d'avoir expulsé toute cette rage qui brûlait en toi. Cette rage.. La haine d'être encore vivante, de respirer, de sentir ce cœur battre, de vivre seule, loin de lui. Lui. Les larmes ne se firent pas attendre, tu ne pouvais plus les retenir, pas maintenant.
Non. Non. NON. Peu importe tes larmes, Esmee, rien ne te ramènera ces souvenirs. C'est de ta faute après tout, n'est-ce-pas ? Au plus profond de toi, tu le sais. Ta faute. Uniquement la tienne.
Vomir ta rage. Te débarrasser de tout pour ne plus rien sentir. Ta vie. Ta vie était clairement le problème, tu aurais préféré errer dans les limbes une centaine d'années plutôt que d'être confrontée à cette réalité. Tu crias à la lune jusqu'à ne plus avoir de souffle, jusqu'à en avoir mal, jusqu'à ce que tes larmes cessent d'elle-même. De là, tes pas te ramenèrent à ta chambre, dont la simple vue te rappela ta situation. Ton estomac se serra de lui-même, une lourde barre te pesant sur les épaules. Ton reflet dans le miroir te fit sursauter, tu n'avais pas bonne mine. Tes mains saignaient légèrement, tes ongles étaient sales, tes brindilles étaient emmêlées dans tes mèches de feu. Ton visage.. eh bien, tu ferais peur même au Dieu des Enfers. Hadès.. Quelle comparaison ? Il était parfait, du moins son physique l'était. Et toi.. Tes yeux étaient bouffis, rouges, et tes lèvres étaient si sèches.. Cependant ton apparence était bien le dernier de tes problèmes. Sans prendre le temps de te déshabiller, tu te laissas tomber sur ton matelas, enfouissant ton visage dans l'un des nombreux coussins avant de sombrer dans un sommeil sans rêves.
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Hadès.
Cette nuit avait été des plus agaçantes. Le Roi des Enfers s'était rendu invisible aux yeux de tous hier. Pourquoi ? Cette humaine avait le don d'attirer sa curiosité, et pour la satisfaire il l'avait suivi dans les jardins, observant ses mouvements, son corps. Son corps.. Il avait détourné de nombreuses fois le regard afin d'éviter de s'y perdre. Les humaines étaient bien différentes des déesses.. Elles étaient si imparfaites. Et ce manque de perfection était captivant. Le dieu avait bien failli se rapprocher d'elle et humer son parfum, mais Hypnos était intervenu. Bien heureusement, Hadès avait ce don de se rendre invisible aux yeux de tous, Dieux comme mortels. Alors il s'était éloigné de quelques mètres, écoutant et observant la scène qui allait se dérouler.
Hypnos ! Ce salaud en avait trop dit ! Et pire encore, il n'avait pas aimé ce rapprochement, le Dieu des Songes était bien trop entreprenant, avait-il oublié que l'âme de cette chose lui appartenait ? Il la tuerait dès qu'elle reviendrait en Enfers, de sorte à ne plus être tourmenté par ce début de jalousie qui commençait à l'envahir. Il avait voulu pouvoir toucher à cette chevelure flamboyante.. Et Hypnos avait trouvé le moyen de s'insinuer dans l'esprit de la petite humaine, de la toucher. Hypnos la désirait. Ce fait fit trembler de rage Hadès, qui pour une quelconque raison éprouvait un fort sentiment de rivalité pour l'autre Dieu. Ce n'était pas dans ses habitudes, et voir que ses habitudes étaient changées avait pour don de l'énerver, il trembla de colère, tout en se forçant à garder son calme. Il voulait la tuer, tuer cette mortelle qui venait bousculer son esprit et qui l'intriguait. La tuer et s'en débarrasser. Il hésita un long moment, et allait s'y résoudre lorsque Hypnos fût parti. Mais.. La rousse ne lui en laissa pas le temps. Elle semblait au moins autant que lui habitée par une rage dévorante, et cette vision l'apaisa et le consola dans son propre ressentiment. C'est à ce moment là qu'il repartit aux enfers, laissant l'humaine à ses humeurs changeantes.
Néanmoins, sa curiosité fût plus forte que le reste, et le lendemain il était de retour sur l'Olympe. La première personne qu'il croisa était la dernière qu'il avait envie de voir. Hypnos. Encore et toujours lui. Même les Enfers étaient plus agréables.. Sa mâchoire se contracta lorsqu'il vit que le Dieu voulait le saluer. Hadès ne lui rendit que brièvement sa politesse avant de tourner les talons et se diriger en direction de la chambre où logeait l'humaine sous le regard inquisiteur d'Hypnos, qui se mit à sa hauteur sans un mot. Leur arrivée fût silencieuse puisqu'ils la trouvèrent profondément endormie. La tension devait être palpable dans la pièce, et elle dût se sentir observée parce que la rousse ouvrit les yeux, sa première vision étant les deux hommes qu'elles auraient voulu à tout prix éviter.
Sa tête lui hurlait de s'en aller, de ne pas croiser son regard et d'appeler Thanatos pour qu'il exécute le travail qui lui revenait. Autrement dit, prendre la vie à cette fichue chose.
Le Roi des morts ne savait pas trop ce qui l'avait mené ici, et il comprenait encore moins ce qui le forçait à y rester. Hypnos fit les premiers pas, séparant la distance entre lui et le lit. Cette initiative ne parut pas plaire à la mortelle qui se releva d'une traite, livide.
- Sors. Tonna la voix d'Hadès.
Le concerné se retourna, jaugeant le Dieu. Il lui paraissait bien sérieux.. Bien trop sérieux pour pouvoir tenter le diable. Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres, et il disparu, sans répliquer. Alors seulement, Hadès se permit de contourner le lit, restant à une bonne distance de l'humaine.
Le silence installa une gêne dans l'esprit de la mortelle, il pouvait le sentir. Son cœur battait à s'en rompre, ses joues devaient être rosées et son regard fuyant. Il ne parlait pas, intensifiant ainsi sa gêne. Il ne comptait pas parler, oh non. Il se contenta de se retourner pour l'observer et la détailler. Était-ce malsain ? Probablement.
Esmee.
Il te gênait. Hadès était là, dans ta chambre, le regard rivé sur ta personne.
Et ce regard était perturbant. Tu ne l'aimes pas. Tu le hais. Et plus il t'observe, plus tu le déteste, lui et son air arrogant. Tu pris ton courage à deux mains et lui adressa finalement la parole.
- Arrêtez.
Il sembla tout à coup t'accorder plus d'intérêt puisqu'il se rapprocha de toi, curieux d'entendre les arguments que tu pourrais bien lui donner.
- Arrêtez de me regarder, et sortez d'ici s'il vous plaît.
- Pourquoi donc ?
- Je ne vous apprécie pas. Tu avais vraiment dit ça ? Tu n'avais pas l'impression d'avoir parlé. Pourtant c'était bien le cas. Une part de toi te faisait dire des choses que tu ne voulais pas énoncer.
Il souffla, et en deux enjambées il se retrouvait devant toi, serrant ton poignet gauche avec force avant de te soulever à sa hauteur comme un vulgaire pantin.
- Crois-tu que ton avis m'intéresse ? J'aimerai tellement pouvoir t'arracher le coeur petite..
Tu devins aussi blanche que l'était la neige. Te tuer ? Cette idée te faisait peur, pourtant.. Pourtant tu l'avais tellement désirée hier. Et voilà que ta parcelle d'humanité te raccrochait à la vie. D'autant plus que ce ton te surprit. Hadès s'était montré plus ou moins indifférent avec toi tout au long de ta présence ici. Et voilà qu'il avouait vouloir t'ôter la vie, et pas de la plus douce des manières.
Peur. Tu crevais de peur, tes yeux s'écarquillant d'effroi. Allait-il le faire ? Maintenant ? Les sourcils du Dieu se froncèrent et il te relâcha sur ton lit, sur lequel tu t'écroulas, dos contre le matelas. Il se laissa tomber au dessus, de toi, son bras soutenant son poids alors que son visage n'était qu'à une vingtaine de centimètres. En d'autres mots, beaucoup trop près de toi.
- Mais je ne peux pas. Pas pour le moment.
Ton soulagement dût être visible, puisqu'il glissa d'une voix plus sombre ;
- Mais rien ne m'empêche de te faire souffrir, n'est-ce-pas ?
Joignant le geste aux paroles, sa main se glissa sur ton cou. Ton délicat cou. Et sa prise se referma aussitôt, te laissant encore un peu d'air. Hadès ne semblait pas particulièrement prendre du plaisir à ça, tu le voyais, mais ne semblait pas non plus détester ce qu'il t'infligeait. Mais au fur à mesure des secondes qui passaient, il semblait agacé. Pas parce que tu te débattais, non, au contraire. Parce que tu ne réagissais pas. Sa main avait beau se serrer, ton être entier se concentrait à ne pas lâcher prise.
Il devait céder en premier. Il céderait. Il céderait où tu mourrais.
Et tu n'était pas prête à mourir.
Et lui ne semblait pas pas prêt à céder.
Ton souffle ? Tu n'en avais plus, tes poumons te faisaient souffrir, tu voulais hurler, gémir, pleurer, mais rien ne sortait. Tu pouvais sentir chaque battement de ton cœur, la chaleur de ton visage, ta peur qui commençait à grandir.
Et lui le ressentait aussi.
Alors il lâcha. Remontant sur ta mâchoire, et prenant en coupe ton visage alors que tout ton corps pouvait enfin se relâcher et retrouver de l'air. Tu avais mal, cette première bouffé d'air te faisait mal. Pourquoi tout te semblait si lointain ici ? D'abord Caleb, ensuite.. Ensuite ce que venait de faire Hadès.. Tu aurais dû hurler, te débattre, le frapper, pourtant rien de tout ça n'était arrivé.
C'était mal ce qu'il venait de faire, tu en avais conscience. Alors pourquoi ne lui reproches-tu pas Esmee ?
- Je veux te voir disparaître Esmee. Plus vite tu mourras, mieux je me porterais.
- Alors pourquoi ne pas me tuer maintenant ? Vous étiez pourtant bien parti.
Tu t'étonnais de ta propre audace.
Il ne prit pas la peine de te répondre, te lâchant avec dégoût, et disparu. Une fois de plus.
Ce qui venait se passer.. était étrange. Cette situation.. Tu n'y comprenais rien. Et tu n'étais pas la seule, Hadès était contrarié.
Il n'y arrivait pas. Il n'arrivait pas à s'y résoudre.
Une fois que ton âme serait sienne Esmee, alors là seulement, il t'arracherait le coeur.
Quand tu lui appartiendrais.
Rien n'est plus puissant que le désir de possession.
Et le choix s'était porté sur toi.
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