Chapitre V
《 Life is so beautiful
That death has fallen in love with it
A jealous, possessive love that grabs at what it can.
But life leaps over oblivion lightly, losing only a thing or two of no importance, and gloom is just a passing shadow of a cloud. 》
~
Hadès avait fini par se rendre compte des regards qui pesaient sur vous. Toi ? Tu étais absorbé par ta contemplation. Son regard était fascinant, fascinant et effrayant. Comme tous les dieux Esmee. Quand il te tourna le dos, tu fermas les yeux, essayant désespérément de te souvenir de la couleur qu'arboraient les yeux de Caleb.
Pourquoi avais-tu tant de mal à t'en souvenir ? Pourquoi son amour semblait-il si loin de toi ? Seuls les iris sévères du Souverain des Enfers apparaissaient dans ton esprit, t'inspirant un malaise palpable. Mais ce n'était pas par amour, loin de là. Il était curieux de voir à quel point un homme qui t'étais totalement étranger arrivait à bousculer ton esprit. Il t'effrayait. Il te repoussait. Et d'une certaine manière, cela faisait naître en toi le désir d'en savoir plus sur lui.
Mais la peur est un sentiment prenant aux tripes. Un sentiment qu'Hadès en particulier avait le pouvoir de faire naître, d'inspirer.
Ce qu'il dégageait n'était constitué que de Chaos.
Du Chaos pouvait tout naître.
Mais du sien, tu ne ressentais que le vide et la solitude.
Et cette solitude t'effrayait.
Puis Hadès s'en alla. Sans un mot. Disparaissant dans une fumée, noire, épaisse.
Tu étais de nouveau seule, en tournant la tête tu te rendis compte qu'Hypnos et Héra en avaient également profité pour partir. C'était une manie chez eux ? Seul Arès été resté avec toi, t'observant, le sourcil arqué.
Tu n'avais pas vraiment d'avis à propos de lui, il avait été dur avec toi dans chacune des paroles qu'il t'avait adressées de façon -très- brève. Mais tu es presque certaine de pouvoir affirmer qu'il est le dieu le moins dangereux pour toi ici.
- Eh, l'humaine, cesse de me regarder comme ça.
- Tu me regardes de la même façon.
- Parce que je suis d'accord avec Héra, tu ne devrais pas être ici, encore moins respirer le même air que nous.
- Tu comptes me tuer ?
- Non, pas pour si peu. Tu retourneras bien assez vite aux Enfers.
- Alors si personne ne veut de moi, pourquoi je suis-là ?
- Parce que tous les dieux ne sont pas capables de se contenter de ce qu'ils ont déjà. Tu es humaine, ta vie n'est rien d'autre qu'un pari pour certains d'entre nous.
- Mais pas toi ?
Un sourire railleur se dessina sur ses lèvres, alors qu'il s'approchait de toi à grandes enjambées. Ce n'est que quand il fut proche de toi, qu'il te souffla ;
- Tu ne m'inspires rien Esmee, pas même l'envie de te détruire, et si tu savais à quel point j'aime ça alors tu comprendrais vite à quel point ton existence m'est indifférente.
Arès. Dieu de la guerre et de la destruction.
- C'est plutôt une bonne chose pour moi j'imagine ?
- Sûrement. La vie d'un humain est si simple à briser, et vous vous en sortez très bien tout seuls. Fit-il, un voile de rancoeur présent dans la voix.
Le Dieu de la Guerre n'avait décidément pas une très bonne estime de ton espèce. Et tu pouvais le comprendre, mais d'un autre côté.. Tu ne supportais pas qu'un être avec si peu d'humanité en lui, soit capable de te juger toi.
Esmee. C'est normal. Il est un dieu et toi une humaine, vos valeurs ne sont pas les mêmes. Les tiennes sont simplement plus.. humaines.
Après avoir discuté un court moment Arès te raccompagna jusqu'à ta chambre, "par ennui" d'après lui, avant de s'en aller sans te laisser le temps de le remercier.
Le remercier de quoi Esmee ? De te dire des mots de plus en plus durs à chacune de vos entrevues ? Arès était sec, froid et ne montrait aucun intérêt à ton sujet. Tant mieux. Tu avais déjà bien assez de problèmes à gérer avec ta mort.. enfin.. avec ta résurrection. Dont Caleb.
Caleb qui disparaissait de ta mémoire. L'oubli.. existait-il une divinité capable de s'emparer de tes souvenirs ? Des seuls souvenirs qui t'importaient vraiment ? Il devait avoir une explication derrière ça, mais tu ne comprenais pas. Les souvenirs de ta vie avec Caleb étaient flous, la seule véritable image qu'il te restait était celle du rêve que tu avais eu.
Comment cela se faisait ? Si tu ne parvenais pas à te souvenir correctement de lui au fur et à mesure des heures, alors pourquoi son nom prenait-il des consonances aussi douloureuses ?
Caleb. Ce simple nom représentait le malheur de ta vie, la personnification même de ta jalousie et la raison pour laquelle ton coeur avait éclaté.
Il t'avait ôté la vie avec son imprudence mais n'avait pas oublié de voler ton coeur avant.
Et cette constatation eut l'effet de te remplir de rage. C'était sa faute ! Sa faute si tu étais ici et que tu commençais à tout oublier ! Tout sauf la peine qu'il t'avait fait !
Veux-tu vraiment oublier Esmee ?
Non. Bien sûr que non.
Transforme ton envie de tout arrêter, par celle de tout recommencer. Et tout ira mieux, tu le sais au fond de toi, non ?
Mais comment tout recommencer lorsque la mort est celle qui t'attend au bout du chemin ?
Peut-on vraiment apprendre à aimer la mort après la vie ? Tu en doutes.
C'est le coeur débordant d'amertume que tu te glissas dans ton lit, peinant à trouver le calme dont ton esprit avait besoin. Tu ne voulais plus partir de cette chambre. Où irais-tu ? L'extérieur était rempli de dieux qui ne souhaitaient que te faire du mal. À quoi bon ? Tu ne pouvais qu'attendre qu'Hadés vienne te chercher pour te mener à la mort.
C'est avec ces sombres pensées que tu laissas la journée défiler. Ce n'est qu'une fois la nuit tombée -de toute évidence il ne faisait pas toujours jour ici-, que tu te libéras de tes draps pour les jardins, réalisant que peu importe que tu sois dehors ou dedans, on viendrait pour toi.
La nuit, les jardins te paraissaient bien plus beaux. Les nombreux ruisseaux étaient éclairés par la lumière nacrée de la lune, dont le reflet sur l'eau parvint à t'apaiser. Les buissons étaient remplis de fleurs en tout genre, dans une parfaite harmonie. Ce n'est qu'en passant sous les arches en marbre que tu réalisas que tu n'étais plus seule. Tu ne pouvais pas voir de qui il s'agissait, mais tu sentais un regard peser sur toi.
Un regard auquel tu ne pouvais pas échapper.
Esmee. Où comptes-tu aller ? Tu ne peux pas y échapper.
Le coeur serré de peur, tu te laissas tomber dos contre une des nombreuses colonnes de marbre. Si tu avais sû dans quoi tu t'engageais en acceptant ce marché, tu serais redescendue aux Enfers avec tes propres moyens.
Ce n'était pas ta place. Héra et Arès avaient raison.
Tu fermas les yeux, essayant de t'imaginer à quoi ressemblait la mort. Deux mains glissèrent sur les tiennes, remontant jusqu'à tes épaules. Tu osais à peine ouvrir les yeux, de crainte de faire face à un nouveau problème. Mais tu sentais sa respiration sur ton visage, son corps déjà trop près. Ce n'est que quand la pression sur tes épaules s'accentua que tu ouvris les yeux.
Hypnos.
Ses mains redescendirent sur tes poignets, les emprisonnant fermement.
- À quoi joues-tu Esmee ? Quel est ton secret ?
- Écartez-vous, s'il vous plaît.
En seule réponse il renforça sa prise, t'arranchant une grimace de douleur.
- Tu m'intrigues de plus en plus petite. Quel sort as-tu bien pu lancer à Hadès ?
Hein ? Hadès ? Qu'avais-tu à voir avec lui ? Tu ne l'appréciais pas particulièrement et le sentiment semblait réciproque.
Hypnos sembla comprendre ton trouble puisqu'il continua ;
- Hadès n'est le genre de Dieu à se soucier de quoique ce soit. Alors l'appétit d'une humaine.. Et cette grenade.. C'était surprenant.
La grenade ? Pourquoi un simple fruit déclenchait-il une telle réaction ?
- La grenade ? C'était gentil de sa part mais..
- Perséphone avait été la seule à pouvoir y goûter.
Ah.. Oui. La fameuse histoire d'Hadès et Perséphone. Dans la mythologie grecque, Hadès avait tellement désiré la fille de Démeter qu'il l'avait enlevée. C'est tout ce que tu connaissais de cette histoire.
- Comment ça avait ? N'est-elle pas aux Enfers avec Hadès ?
- Perséphone avait le droit de passer six mois avec sa mère, Démeter, et les six autres, elle devait retourner au côté d'Hadès. C'était il y a bien longtemps.. Tu sais, le désir nous fait faire des choses parfois.. Hadès la désirait ardemment, mais Perséphone le détestait. On ne lui a jamais demandé son avis cela dit.
- Et donc ? Que lui est-il arrivé ?
Les yeux du Dieu furent animés d'une certaine malice, des nuances de rose se mélangeant à ses iris habituellement gris. Il se pencha vers toi, glissant son visage dans le creux de ton cou, de façon à pouvoir te murmurer la réponse.
- Elle s'est donnée la mort.
Puis il inspira, respirant ton parfum.
Celui de ta vie.
De ta peur.
Une odeur tout bonnement humaine.
Tu ravalas ta salive, difficilement, sans pouvoir rajouter un mot. Alors les divinités pouvaient mourir ? Il semblait que oui.
- Démeter est encore furieuse contre Hadès, elle le tient pour responsable, mais elle ne peut rien faire contre lui.
- Et Hadès ? Il a perdu celle qu'il aimait, non ?
Par sa faute Esmee.
Il était le seul fautif.
L'amour ne pouvait pas se construire ainsi.
On n'obligeait pas à vivre avec soi la personne aimée.
Plus particulièrement si celle-ci ne partage pas les mêmes sentiments.
- Le désir n'est pas l'amour Esmee. Sa tristesse n'a habité son coeur qu'une centaine d'années mais il s'en est remis.
- C'est long une centaine d'années.
- Je vais t'apprendre quelque chose ma belle, susurra-t-il à ton oreille, libérant l'un de tes poignets pour venir chercher l'une de tes mèches, l'enroulant délicatement autour de son doigt, en comparaison des vôtres, nos sentiments sont excessifs. Notre passion est destructrice, notre désir peut nous pousser à des actes ignobles, notre amour nous brise éternellement et notre jalousie est souvent meutrière.
Voyant qu'elle ne répondait pas, il continua.
- Bien heureusement nous ne ressentons pas de telles choses souvent. Certains n'ont encore jamais aimé ou désiré.
- Une vie sans amour, c'est possible ?
- Quelle vie Esmee ? Nous avons l'éternité.
L'éternité..
Voilà la différence entre toi et les Dieux.
- Qui es-tu Hypnos ? Tu avais abandonné le vouvoiement. Pourquoi m'avoir demandé si je me souvenais de toi ?
- Nous nous sommes déjà rencontrés Esmee.
- Tu dois te tromper de personne.
- Non. Nous nous sommes rencontrés, ailleurs. Tu étais face à la pire de tes craintes et j'étais là pour la voir.
Hein ? La pire de tes craintes.. ?
Caleb.
Caleb et son avenir heureux.
Il.. Dans ton rêve ? Comment avait-il..
Le rêve ! C'était lui ! Il t'avait fait vivre tous les moments qui te hantaient actuellement !
Oh Esmee.. Pauvre petite chose.
Tu tentas de le repousser brusquement, sans résultat puisqu'il ne bougea pas d'un centimètre.
- LÂCHE-MOI !
Le Dieu eut un petit rire, avant de bloquer de nouveau ton autre poignet, tandis que tu continuais à l'insulter et à le menacer.
- Tu me détestes pour t'avoir montré la vérité ? Je m'attendais à plus de reconnaissance de ta part.
- Quelle vérité ?! Qui te dit que Caleb me remplacera ?!
- Pourquoi pas ? Ton esprit a déjà commencé à l'oublier n'est-ce-pas ?Pourquoi lui ne le ferait pas ?
Il marquait un point. Comment savait-il ?
- Je.. je ne veux pas l'oublier.
- Pourtant c'est le cas. Souffla-t-il près de tes lèvres.
- Est-ce que.. C'est de ta faute si je l'oublie ?
- Non. C'est plus compliqué que ça.
- Explique-moi.
- Non. Pas ici. Pas maintenant.
- Alors quand ?
Son sourire se fit plus intéressé, et il te relâcha enfin. Tes poignets te faisaient souffrir, en y jetant un coup d'oeil tu vis que la pression avait laissé des traces violacées.
- Fais-moi un plaisir belle humaine, pense à moi lorsque tu iras dormir. Je viendrais.. peut-être.
Il se détourna de toi, sans un mot de plus.
Mais une question te torturait l'esprit.
- Hypnos !
Il se retourna, et attendit.
- Pourquoi me dire tout ça ?
Le Dieu ne chercha pas ses mots longtemps. Son regard avait changé.
- Je pensais que tu avais compris Esmee.
- Compris quoi bon sang ?!
- Mon désir.
Et il disparut. Il avait suffit que tu clignes des yeux pour qu'il disparaisse et te laisse seule.
Si tu étais seule, alors pourquoi avais-tu toujours l'impression d'être observée ?
La scène n'avait pas échappée à une certaine personne.
L'existence de cette humaine était une menace.
Esmee. Pauvre Esmee. Tu n'es pas faite pour ce monde.
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