Chapitre IV

《 I wanted the whole world or nothing. 》

Il était à présent bien trop proche de toi, sa main glissa lentement dans la tienne, la soulevant jusqu'à ses lèvres qui effleurèrent ta peau avec douceur. Tu connaissais cette sensation, mais elle paraissait lointaine. L'envie de fuir était forte. Cet homme n'était pas bon pour toi, il ne te voulait pas du bien et c'était la seule chose que tu étais capable de discerner à présent. Pourquoi étais-tu aussi mal à l'aise ?

Ravale ta salive Esmee. Ne sois pas intimidée.

Bordel ! Qui était-il ? Il se redressa de toute sa hauteur, te surplombant d'un regard narquois. Puis, d'un simple geste, il repoussa une de tes mêches de feu derrière ton oreille.

Pour qui se prenait-il au juste ? Ton regard devint dur sans que pour autant tu oses ouvrir la bouche.

Hadès.

L'humaine avait meilleure mine maintenant qu'elle avait retrouvé la vie, et cela plaisait à Hadès autant que ça l'énervait de l'admettre. Tout ce qu'il cotoyait était sans vie, seules les âmes des morts étaient autorisées dans son royaume et il s'en lassait. Et voilà que pour la première fois depuis longtemps, il pouvait observer une humaine de près, une humaine bien vivante. Pas une de ces âmes abîmées.

Et l'humanité qu'elle portait était attirante. Diablement attirante. Le Roi du monde souterrain se gifla mentalement, elle était humaine bon dieu ! Hors de question de s'abaisser à ça ! Sa mâchoire se contracta, il détestait ne pas être maître de ses pensées. Pourtant il ne pouvait le nier, ce que cette femme avait -la vie- l'attirait. La vie lui était étrangère. Une vie courte et fragile, elle représentait l'opposé total des Dieux.

Hadés faisait parti des rares Dieux avec Arès et quelques autres à ne pas descendre sur Terre, ou à de très rares occasions, au contraire de Zeus, d'Apollon et de beaucoup d'autres, qui avaient l'habitude de se mêler aux mortels. Ils avaient leurs raisons, mais cela n'avait jamais piqué la curiosité du Souverain des Enfers et celui-ci n'était descendu que rarement, cela dit jamais aucun humain n'avait ainsi piqué son intérêt comme le faisait la rouquine. Peut-être était ce de la convoitise et le désir d'avoir une chose que tous voulaient.

Mais voilà qu'Hypnos semblait s'intéresser à la rousse. Hypnos. Hadès avait un certain respect pour lui, d'autant plus que son frère jumeau, Thanatos, était l'un de ses bras droit. L'autre étant Érèbe. La mort et les Ténèbres. Ils n'étaient pas d'une bonne compagnie mais loyaux à leur maître, en d'autres mots, LUI. Et cela suffisait à Hadès, il n'avait pas besoin de compagnie.

Pour revenir à Hypnos, il s'en méfiait un peu.

Hypnos avait été capable, dans le passé, d'endormir certains des dieux et de les plonger dans les pires des rêves. Néanmoins Zeus l'avait tant menacé que le Dieu du sommeil n'avait plus endormi de divinités depuis des siècles. Aussi Hadès restait-il sur ses gardes.

Ainsi, le Dieu aux cheveux nacrés était intéressé. Soit. Une petite part de lui était énervée. L'humaine était à lui, son âme -si pure- était à lui. Et Hypnos serait bien fichu de la souiller ! Cependant il leur avait laissé une semaine et comptait bien tenir parole, il ne pouvait pas faire autrement après tout, et puis ce n'est pas comme si elle avait dormi deux jours entiers.. Dans cinq jour il la rammenerait aux Enfers et la livrerait à Thanatos.

Pour qu'elle meurt pour de bon.

Il était hors de question qu'une humaine vivante se balade dans son royaume, son âme devait rejoindre les autres et cette fois il s'assurerait qu'elle ne se perde pas dans les limbes. Il était même pressé de se débarrasser d'elle, sa présence avait le don de l'énerver sans qu'il ne sache pourquoi. Et c'était un coup à l'énerver encore plus.

Il fallait qu'il détourne son regard d'elle.

- Sais-tu qui je suis, Esmee ?

C'était la voix d'Hypnos. Hadès releva la tête, croisant le regard de la rouquine qui se mit immédiatement à éviter tout contact visuel avec lui.

- Non, répliqua-t-elle séchement.

Mais sa voix trahissait le doute qui l'abritait.
L'homme à la chevelure blanche se recula de la jeune femme, esquissant un sourire malicieux, ne lâchant pas du regard le jouet qu'il avait devant lui.

Arès fût le premier à briser le silence.

- Ne reste pas plantée là humaine, viens, il est temps que tu manges. Hypnos, fit-il durement, sa voix sonnant comme une menace, fais bien attention à ce que tu fais.

La jeune humaine acquiesa, bien embêtée de se retrouver au beau milieu de ces dieux, et finit par les suivre.

Esmee.

Tout avait été si étrange. Hypnos. Que penses-tu de lui Esmee ? Tu as la sincère impression de l'avoir déjà rencontré quelque part. Mais impossible de savoir d'où. Il possédait un charme effrayant, perturbant. Tu cherchais absolument a savoir d'où te venait cette sensation de déjà-vu sans parvenir à mettre la main dessus, et c'était vraiment frustrant pour toi.

Allons.. Esmee, tu n'es plus une enfant, tu ne peux pas faire la capricieuse, pas avec eux.

Tu marchais au niveau d'Arès et d'Hadès, jettant des regards furtifs aux deux. Pourquoi fallait-il que les dieux soient si grands ? Et imposants ! Tu étais pourtant loin d'avoir une petite taille. Attend, pourquoi penses-tu à ce genre de choses ? C'est le dernier de tes problème !

Pense à Caleb !

Non.

Pas après cette nuit.
Pas avec la peur qu'il te remplace. Tu es égoïste Esmee, n'est-ce-pas ? Tu aimerais que Caleb passe sa vie seul. Qu'il ne pense qu'à toi, à son amour perdu, qu'il ne tarde pas à te rejoindre. Qu'il t'aime dans la mort, et surtout, qu'il soit incapable de vivre sans toi.

C'était profondément égoïste et tu ne l'avouerais probablement jamais à voix haute.

Mais c'était la vérité. La stricte vérité.

Le doute commençait à s'insinuer dans ton coeur comme un doux poison, et rien que pour cela tu te haissais. Comment pouvais-tu autant douter de l'amour de Caleb pour toi ? Il était ton pillier, tu étais le sien. Mais il avait le droit ! Le droit de recommencer sa vie sans toi ! Le droit d'atténuer la douleur que tu lui avais laissé en mourant !
Perdue dans tes pensées, tu compris que vous étiez arrivée au festin quand Apollon se racla la gorge.

Un véritable buffet se déroulait devant toi. Un véritable repas de roi. Cela ne pouvait pas être que pour vous quatre non ? Apollon se retourna vers toi, tout sourire.

- Tu aimes ? C'est pour toi !

Pardon ? Un tel repas ? Pour toi ?

- C'est une blague ?

- Ai-je l'air de blaguer ? Répondit le sublime dieu d'un air totalement sérieux.

C'était assez suspect. Tu t'approchas prudemment de la table et en faisant le tour, tu y découvris un mot déposé, sans y toucher tu y jettas un coup d'oeil.

Aussi forte soit la tentation, ne cède pas à ses promesses. Apprend à ton coeur que ce qu'il aime n'est pas toujours bon pour lui, et que les choses qui lui sont bénéfiques ne seront pas toujours celles qu'il désire. 》

Le mot disparut aussitôt, et tu eus à peine le temps de te mémoriser le message. À quoi cela rimait ? À quel problème allais-tu devoir faire face à présent ? Ta tête était sur le point d'éclater, et Héra décida de choisir ce moment pour vous rejoindre.

Elle ne souriait pas. De toute évidence elle ne t'appréciait pas plus que ça et ne se cachait pas de le montrer.
Bien. Enfin quelqu'un d'honnête, peu agréable mais franche.
Elle ne prit même pas la peine de te saluer, et te demanda immédiatement ;

- Ce repas te fait-il plaisir ? Zeus a demandé à ce que l'on te serve les meilleures saveurs de l'Olympe, je m'en suis personnellement chargée.

Tu étais si surprise qu'elle s'adresse à toi que tu pris du temps avant de répondre.

- Oui, merci, c'est.. gentil de votre part.

Ça n'avait rien de gentil.

- Alors mange, ne te prive pas.

- Je n'ai pas faim, avais-tu répondu du tac au tac.

En vérité si. Tu mourrais de faim. Mais un pressentiment t'avait poussé à répondre ainsi. Attend ? Un quoi ? C'est comme si tu n'avais pas choisi tes mots. Les yeux de la Déesse devinrent sombres, et cette dernière s'approcha vers toi.

- Tu refuses un cadeau des dieux, toi, une humaine ?

Eh bien.. Oui ? Tu hésitais à répondre, surtout que cette réponse en particulier ne devrait pas lui plaire. Sauf que c'était la vérité, tu avais du mal à comprendre pourquoi on te forçait à manger.

Même si tu mourrais de faim.

- Je ne vous fais pas confiance, finis-tu par dire. Qui me dit que ce n'est pas empoisonné ?

Arès souffla, visiblement ennuyé d'une telle logique.

- Crois-tu vraiment que Zeus te ramènerait à la vie pour te tuer peu après ?

Bon raisonnement. Effectivement. Cependant tu refusais de lâcher l'affaire, il y avait quelque chose de louche là-dedans.

Ce n'était pas Zeus qui s'était chargé de ça. Alors pourquoi une déesse, une reine de surplus, se rabaissait-elle à faire ton repas ? Héra semblait d'ailleurs bien remontée contre toi. Était-elle susceptible ? Après tout tu ne pouvais faire confiance à personne ici.

- Pourquoi l'avoir rammené Hadès ?! Éclata alors la Reine de l'Olympe.

Le concerné haussa les épaules.

- J'ai passé un marché, mais maintenant que tu le demandes, l'ennui ne doit pas y être étranger.

Le sol se mit a trembler. Était-ce la colère de la Reine ? Ou juste ton imagination ?

- Une humaine ne devrait pas être ici ! Elle devait appartenir à ton royaume ! Es-tu incapable au point de ne pas t'en rendre compte ?

Le regard du Roi des Enfers prit une teinte toute autre teinte. Mais c'est Hypnos qui prit la parole.

- Aurais-tu peur de quelque chose Héra ? Demanda-t-il doucement.

- Tu devrais le savoir Hypnos, toi qui connaît si bien les humaines.. Je fais ce que Hadès aurait dû faire en la retrouvant. Je la renvoie aux Enfers ! Ce que vous faîtes n'est pas sain !

Ah. Bon. Une chose était sûre tu ne toucherais pas à ces magnifiques plats, aussi tentants soient-ils. Mais la dispute continuait, sans toi, tu aurais tout aussi bien pû être invisible.

Ce fût au tour d'Arès de se manifester.

- Et aller contre le bon vouloir de ton Roi et Époux, Héra ? Tu n'as aucun droit sur la vie de cette humaine, seule Zeus et Hadès sont en mesure de décider ce qu'il adviendra d'elle.

- Je vous entend, vous savez ? Fis-tu d'une petite voix.

Ils ne t'avaient même pas entendus, sauf Hadès peut-être qui t'avait lancé un regard meurtrier, qui voulait clairement dire : ferme-la avant que je ne t'arrache la langue.

Hadès.

Héra était insupportable. C'était ta soeur pourtant. De quel droit se permettait-elle de disposer de la vie de cette humaine ? Le Dieu ne savait pas par quel moyen cette stupide rousse avait sû qu'il ne fallait pas toucher à ces platd, mais il la félicitait intérieurement d'avoir eu assez d'esprit pour deviner ça.

Et maintenant ? Arès et Héra se disputait, Hypnos sifflait tranquillement, Apollon avait disparu probablement peu intéressé de se retrouver dans une dispute, tandis que l'humaine tentait de trouver un échappatoire. Hadès soupira et disparut sans un bruit, se volatilisant dans l'air, et revint quelques secondes plus tard.

Une grenade dans la main.

Esmee se retourna vers lui, l'observant avec curiosité. Il le lui tendit, son regard cherchant le sien.

Allait-elle accepter un cadeau des Enfers ?

Esmee.

De toute évidence oui.

Tu pris le fruit dans tes mains, frôlant la main du Dieu avec précaution. Aussitôt fût-il dans la paume de ta main que ton repas se sépara en parts égales, le rendant plus simple à savourer.

Tu n'avais jamais mangé de grenade.

Des graines rubis, ressemblant à de centaine de petits joyaux se trouvaient à l'intérieur. Était-ce vraiment bon ? Pouvais-tu faire confiance à Hadès ? Ce n'est pas comme si Héra venait tout juste d'essayer de t'empoisonner avec un repas sublime.

Mais une voix en toi te chuchotait que tu pouvais, qu'Hadès ne cherchait pas à te faire du mal.

Pas encore.

Alors, ne quittant pas le Roi des yeux, tu portas à ta bouche quelques une des graines sanguines.

Un goût à la fois sucré et acide.

Hadès et toi ne remarquiez rien, vous vous regardiez tout deux sans faire attention au reste.
Mais tous étaient en train de vous observer, curieux, la dispute ayant cessée au moment où tu avais accepté le fruit de la main du Dieu.

Au moment, où pour la première fois depuis des siècles, Hadès avait consenti à donner une chose sans rien en retour.

Ta vie, ton coeur, ton âme.
Ces choses-là te différenciaient des dieux.

Et s'il ne comptait pas l'avouer, reniant absolument tout désir, le Souverain des Morts n'y était pas insensible.

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