chapitre vingt

Améthyste fixe le plafond depuis des heures, la lumière des spots éblouie ses yeux noisettes et ne parvient pas à éclairer son air morose. Il y a cette ampoule grillée qui attire toute son attention depuis ces deux derniers jours et elle aimerait bien la réparer avant le retour de Charles.

C'est en partie de sa faute que cette dernière a arrêté de fonctionner, si seulement Améthyste arrêtait de fixer ce maudit plafond. Voilà trois jours que Charles est parti en Hongrie et la métisse reste dans son lit où l'odeur suave du monégasque est présente sur les draps.

Charles a laissé le double des clés depuis son départ et Ame n'a pas quitté le vaste appartement face à la mer, se sentant un peu mieux dans des endroits où la présence du monégasque est indéniable. Il lui a simplement demandé de ne pas fumer à l'intérieur, chose qu'Améthyste ne fait pratiquement jamais, même dans son propre appartement.

Améthyste finit par se convaincre de demander de l'aide, celle de Ludo. Elle l'appelle pour la première fois afin de réussir à changer l'ampoule grillée dans l'appartement du monégasque.

- C'est celle-ci, souffle Améthyste en désignant le plafonnier.

Ludovic acquiesce en sortant une ampoule adaptée pour remplacer le spot grillé. Il ne questionne pas Améthyste quant à sa relation avec Charles, il ne le fait jamais ne préférant pas intervenir dans leurs affaires. Mais Améthyste sait qu'elle peut compter sur lui, percher sur l'escabeau qu'elle tient fermement d'une main pour assurer la sécurité de l'homme qu'elle considère comme son père, malgré qu'elle ne l'ai jamais montré explicitement.

- Pourquoi nous ?

Cette question brûle les lèvres d'Améthyste depuis bien trop d'années pour qu'elle puisse la contenir plus longtemps. Ludovic ne semble pas pris au dépourvu, il descend simplement de son échelle pour remettre un pied sur la terre ferme.

- Il y avait d'autres enfants moins compliqués, rajoute Améthyste. Des enfants plus jeunes et moins abîmés que...

- Tu n'es pas abîmée, corrige Ludovic en fronçant les sourcils. Tu es juste toi, dans ton entièreté.

Améthyste l'observe replier l'échelle qu'il range dans le placard à l'entrée de l'appartement. Ça ne répond pas à sa question et elle s'apprête à surenchérir mais Ludovic la devance en racontant :

- On avait fait le choix de ne pas lire votre dossier avant de vous rencontrer pour la premiere fois, on n'a vu que ce que vous aviez à montrer. Une petite fille bavarde, ne s'arrêtant pas un instant de poser des questions et une autre tenant fermement un lapin contre sa salopette rose pâle. C'était une évidence, Améthyste. Et même si vous aviez cinq ans de plus, j'aurais saisi cette chance.

Améthyste déglutit difficilement face à ces mots. Elle est une chance.

- Améthyste, est-ce que tu sais pourquoi on s'est tourné vers l'adoption ?

- Vous ne pouviez pas avoir d'enfants, elle répond comme une évidence.

Elle observe les lèvres pincées du cinquantenaire quand il secoue la tête pour sa plus grande stupéfaction.

- C'était un choix depuis que jai rencontré Viviane. Il y a des parents qui peuvent mettre au monde des enfants mais qui ne les élèvent pas forcément, et je pense que chaque enfant mérite d'être élevé comme il se doit, tout le monde mérite une seconde chance. La première n'en est jamais une, car tu n'as pas choisi de naître à cet endroit et c'est ce qu'on a essayé de faire, de te donner la chance que tu n'as jamais eu, il conclut.

Améthyste ne sait pas quoi répondre et elle meurt d'envie de le prendre dans ses bras pour la première fois mais l'émotion l'en empêche. Elle se contente de raccompagner Ludo vers la porte et elle finit par le remercier d'une petite voix :

- Merci pour l'ampoule.

Et Ludo esquisse un sourire discret qu'elle ne remarque pas, il sait pertinemment qu'Ame ne le remercie pas seulement pour avoir changé une ampoule.

Après son départ, Améthyste flâne dans l'appartement du monégasque, observant la chambre. Elle continue de fixer le plafond où les lumières l'éblouissent avec plus de puissance depuis que les ampoules fonctionnent tous. Elle cherche le sommeil qu'elle ne trouve pas, serrant son lapin violet contre son corps comme s'il allait chasser les insomnies.

Chose qu'il faisait un peu mieux avant.

Améthyste finit par s'effondrer de fatigue en plein milieu de la nuit sur l'oreiller où l'odeur de Charles est ancrée. Son corps finit toujours pas faiblir face à la fatigue persistante s'accumulant, même si elle aimerait s'endormir bien avant, évitant la crise de larmes et les tremblements incontrôlables liés à son anxiété.

Améthyste se réveille en plein débat et pousse un hurlement terrifiant face au contact d'une peau sur la sienne en pleine nuit noire. Elle chasse les bras encerclant sa taille sans chercher à comprendre qu'ils sont différents de ceux de son enfance, elle fuit simplement ce contact qui l'a prise de court.

- Améthyste...

Elle tourne la tête pour apercevoir le visage de Charles dans l'obscurité, il est déjà rentré en plein milieu de la nuit. Ses lèvres se mettent à trembler en constatant l'erreur qu'elle a faite dans cet élan de terreur. Améthyste l'observe à travers ses yeux brouillés de larme, il tend doucement son bras pour caresser sa joue d'une main hésitante, craignant de réveiller des pensées alarmantes.

- T'es rentré, souffle-t-elle à mi-voix en sentant le contact de la paume de sa main, n'y croyant pas.

Le monégasque acquiesce doucement en effectuant aucun mouvement pouvant l'effrayer encore plus. Il attend simplement qu'Améthyste veuille bien se glisser dans ses bras, c'est ce qu'elle fait immédiatement après avoir calmé les battements frénétiques de son cœur après cette frayeur.

Charles se glisse sous le drap en resserrant son étreinte autour de la métisse. Il plonge sa tête dans son cou pour l'embrasser tendrement, respirant son odeur de nicotine qu'elle dégage. Il contient difficilement ses larmes en murmurant pour la première fois :

- Je le hais, putain.

Améthyste ne répond rien et se contente de laisser ses lèvres glisser sur la joue du monégasque, retrouvant la douce sensation piquante de sa barbe et la chaleur de ses bras.

- Charles, souffle-t-elle.

Il sort de sa cachette et elle croise enfin ses yeux bleus qu'elle aime tant regarder, elle se sent si bien quand il la détaille ainsi. Elle ne risque rien, blottie contre lui et ses bras chasseurs d'insomnies.

- J'ai pris le premier vol. Tu m'as beaucoup manqué, avoue-t-il.

Améthyste acquiesce et finit par déposer ses lèvres sur les siennes dans un baiser étourdissant d'amour et il comprend que c'est sa façon à elle de le remercier et de montrer que, lui aussi, lui a manqué.

La métisse sent les doigts du monégasque marteler la peau de ses hanches quand il la tire un peu plus contre lui. Il approfondit le baiser lâchant un grognement contre les lèvres d'Améthyste qu'il ne quitte pas d'un geste, même lorsqu'elle tire l'ourlet de son t-shirt pour lui montrer son impatience.

Il s'empresse de s'écarter pour qu'elle puisse lui retirer d'un geste vif. Améthyste laisse ses ongles manucurés glisser dans son dos et le monégasque frissonne sous ce contact, il étouffe un râle en cherchant de nouveau ses lèvres, comme une drogue.

Améthyste comme codéine.

Améthyste comme nicotine.

Une drogue qu'il touche de la pulpe des doigts et qui lui procure un millions de frissons à chaque consommation.

Une addiction quand elle murmure son prénom avant l'explosion.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top