chapitre quinze
Améthyste conduit vers la principauté, suivant la voiture de Charles. Il ne prend pas l'autoroute, rendant le trajet plus long, et la métisse est soulagée de n'avoir pas besoin d'emprunter la voie rapide où s'est déroulé l'accident qui a mis un terme à son enfance.
Ils arrivent au bout de quatre longues heures à l'appartement du monégasque, ce dernier se précipite dans la cuisine pour boire un café. Ça le réveille un peu, après une nuit raccourcie et une course non-terminée.
- Une tasse ?
Il n'est pas surpris quand Améthyste secoue la tête. Elle continue de serrer son lapin violet contre sa poitrine depuis qu'elle est rentrée dans cet appartement, comme une enfant. Sa voix murmure si faiblement que Charles pense avoir mal entendu :
- J'ai vu ta course.
Le pilote de la Scuderia s'attendait à tout, sauf aux aveux qu'elle fait d'une voix tremblante. Il en lâche presque sa tasse et il est obligé de s'appuyer contre l'îlot central, portant un regard intense à la métisse. Il soutient ses yeux noisettes où la vérité prône à l'intérieur de ses iris.
C'est la première fois qu'elle regarde une course.
Il déglutit difficilement tentant de ravaler les larmes risquant de se déverser de ses yeux humides face à l'effet qu'est Améthyste. Aucun mot ne s'échappe de ses lèvres, il est ébranlé de tout son être par la jeune femme se tenant devant lui, celle qui ouvre sa poitrine et qui tient fermement son cœur entre ses mains.
Améthyste est un paradoxe à elle seule.
Charles tente depuis toutes ces années de comprendre les deux faces de la métisse, dont celle qu'elle cache éperdument aux yeux du monde entier. Elle se découvre parfois, durant les moments les plus inadéquats, prenant au dépourvu le monégasque.
Charles a longtemps cru que c'était par peur des souvenirs du passé qu'elle ne regardait pas les courses et qu'elle ne s'y intéressait pas. Il ne s'attendait pas aux propos qui vont suivre :
- Tu me manquais un peu, j'avais envie de te voir et j'ai eu si peur quand...
Son cœur s'arrête presque et il comprend que ce n'est pas la peur du passé qui bloquait Améthyste, mais celle qu'il ne sorte jamais de sa monoplace et qu'il ne rentre jamais sur la principauté. Charles comprend enfin les raisons de la question qu'elle pose avant chaque départ, quand elle lui demande s'il reviendra.
Ce n'était pas une question d'abandon mais c'était celle de rentrer et de revenir à ses côtés.
Celle de revenir vivant.
Il n'esquisse pas un mouvement encore trop sonné par ce qu'il vient de comprendre après toutes ces années. Il reste à fixer Améthyste et son lapin violet qu'elle tient fermement dans ses bras comme une bouée à laquelle se raccrocher en pleine tempête après les aveux qu'elle vient de faire.
- Normalement, j'veux pas qu'on me prenne dans les bras, mais avec toi, ça ne me dérange pas. Est-ce que je peux avoir un câlin ? demande-t-elle d'une petite voix.
Cela suffit pour que Charles sorte de sa torpeur. Il finit par s'approcher d'Améthyste. Ses bras l'enveloppent et il prend soin de ne pas écraser le lapin violet entre leurs deux corps. Il dépose un baiser sur son front comme pour se rassurer qu'elle se tient bien dans le creux de ses bras après tous ses aveux.
Charles craint aussi d'avouer les siens.
Le monégasque doit le faire, il le sait. Pourtant quand Améthyste reste allongée à ses côtés, il perd toute force de dire la vérité. Il continue de fixer le plafond jusqu'à cinq heures et il sait que ce n'est pas la caféine qui l'empeche de dormir.
Charles est rongé par un secret, ce dernier ronge ses entrailles et tord son estomac sous son poids titanesque. Un secret tire ses traits et permet à la fatigue de s'installer sous ses paupières, brûlant ses yeux rougis d'exténuation et de peur.
Celle de voir partir la métisse dormant contre lui, la tête posée sur son torse qui se soulève au rythme de sa respiration saccadée au fur et à mesure qu'il s'énerve à ne pas pouvoir s'endormir malgré la fatigue accumulée depuis le grand-prix sur les terres du sud de la France.
Il sent Améthyste se redresser, elle se frotte les yeux en l'observant un court instant dans l'obscurité et sans un mot, elle se redresse et se rhabille rapidement sous un Charles stupéfait qu'elle ne parte que maintenant.
- Améthyste...
- Si je reste et que tu ne dors pas, ça sert à rien que j'essaye de faire semblant de dormir depuis toute à l'heure, souffle-t-elle d'une voix fatiguée. Je fais des efforts et...
- C'est pas ta faute, lâche Charles soudainement.
Elle hausse les épaules peu convaincue en terminant de reboutonner son chemisier blanc. Charles n'a pas le temps de réagir qu'elle s'est déjà enfuie sur le balcon pour fumer une clope sous la nuit noire, à peine éclairée par la lune.
Charles se laisse tomber à ses côtés contre le mur en crépis tandis qu'elle souffle une taffe de nicotine, allant même jusqu'à irradier les poumons du monégasque qui respire cette même bouffée d'air. Il ne fait pas bien froid et Charles peut imaginer la mer s'étendant devant lui dans cette obscurité menaçante.
- Je dois te dire quelque chose, murmure-t-il.
Elle pose sur lui un regard intense où l'inquiétude voile ses yeux embués de larmes. Charles s'en veut aussitôt qu'elle pense que c'est de sa faute qu'il se trouve dans un état désabusé.
- Ambre m'a embrassé hier soir.
Il attend que la tempête s'abatte sur lui, il se surprend même à fermer les yeux quand une larme dévale sa joue face à sa culpabilité. Les secondes passent et le monégasque sent toujours la présence d'Améthyste à ses côtés et sa respiration.
- Je l'ai repoussée avant que... je suis désolé, bredouille-t-il.
Sa voix se brise et il ne parvient pas à finir sa phrase, il rouvre les yeux soudainement pour observer les yeux noisettes d'Améthyste. Elle n'a pas détourné une seule fois le regard de lui et continue de le fixer avec intensité, c'est plutôt rare, elle qui fuit naturellement son regard.
- C'est ça d'être amoureux ? demande soudainement Améthyste. On ne veut embrasser personne d'autre jusqu'au point de s'excuser même quand ce n'est pas de notre faute.
Et un grand sourire éclaire son visage quand elle se penche pour poser ses mains manucurées sur les joues du monégasque, plongeant son regard noisette dans le sien. Elle déclare simplement :
- Moi non plus, j'ai envie d'embrasser personne d'autre que toi, Charles.
Et elle l'embrasse.
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