5.2 Aya

J'entre dans la mémoire de mon ami et atterris, avec mon petit corps identique à celui que j'ai dans mon réel, au beau milieu d'un vaste désert. Des dunes à perte de vue, malgré la puissance du soleil qui semble bruler le moindre morceau de chair, il y a assez de vent pour faire voltiger les grains de poussière à mes pieds. Ce sont des détails que je sens très difficilement, seule ma vue me les indique, je ne suis pas assez expérimentée pour ressentir ça complètement. Je peux revivre leurs souvenirs et les modifier mais difficile d'utiliser pleinement mes cinq sens.

Si la chaleur du désert ne me parvient pas assez pour que j'en transpire, c'est que j'ai encore à m'entraîner.

Je pivote pour observer l'environnement et trouver un indice. Si je suis ici, c'est que Amar m'y a amené. Soit il me temps un piège et ce n'est qu'un souvenir inutile soit c'est là que je trouverai son secret. Toutefois il n'y a rien.

Rien jusqu'à ce qu'un portail magique s'ouvre devant moi sur un homme. Je ne l'ai jamais vu, mais je le connais. Je reconnais son aura, sa puissance, je pourrais la repérer parmi un champs entier de magiciens. Seul un homme peut émettre une telle énergie ; Lui.

Ma respiration s'accélère soudainement alors que mes jambes tremblent, je serre les poings et me fige comme une proie face à son prédateur. Mon cœur tape ma cage thoracique telle une bombe à retardement, j'aimerais sortir d'ici et revenir en classe mais mon pouvoir semble s'être paralysé aussi.

Sa grande et large taille vêtue de vêtements noirs s'approche de moi alors que le portail reste ouvert derrière lui. Il écarte ses cheveux mi-longs et noirs encres tout en plissant les yeux. Ses yeux, d'ailleurs étincelants et violets, m'attrapent quelques secondes au passage. Il me jauge, alors qu'il me connaît par cœur, toutefois son regard bascule de mes pieds enracinés à mon visage apeuré.

Il pousse un soupire en voyant ma peau se pâlir de peur et s'arrête dans sa marche. Son visage, qui me semble bien plus jeune que je ne l'imaginais, ne montre aucune agressivité, il semble simplement perplexe.

- Viens, c'est par là que tu trouveras ce que tu cherches, annonce Siskann en pivotant vers le portail.

Mon corps ne suit pas.

Impossible de mettre des mots sur ce que je ressens actuellement, un amas de peur, de stresse, de tourment, d'hésitation, mais aussi d'admiration. Je le vois enfin, Siskann, son corps, son vrai corps, celui qu'il devait avoir avant de mourir. Il est beaucoup plus athlétique que je l'imaginais, sa carrure en impose mais je peux ressentir une fine couche de peine à travers toute la rage qu'il émane autour de lui. Ses cheveux coupe carré sont attachés en un petit chignon sur sa tête qui le rajeunit d'autant plus. Il doit avoir mon âge, loin d'être le vieux mages que j'avais cru à l'entente de sa voix.

Il se tourne en voyant que je ne le suis pas. Son regard violet me menace presque que j'en perds mon souffle.

- Aya, je ne vais pas m'éterniser ici, viens.

Cette fois, c'était belle et bien un ordre.

Mon corps s'exécute sans que je ne le contrôle et je le rejoins en trottinant. Nous traversons le portail et atterrissons cette fois au seuil d'une maison en bois au milieu d'une forêt. Siskann a sûrement raison, Amar m'a souvent parlé de ses entraînements au sabre dans un endroit calme et reculé. Il décrivait une sorte de petit donjon sacré par une famille de magiciens aussi agile que des lézards, et ce au milieu d'une forêt d'arbres fleurissants. Tout semble correspondre à la description.

Siskann s'avance vers la maison et d'un mouvement de bras ouvre la porte à distance. Une télékinésie encore bien plus poussée que celle du professeur, ça me surprend et je ne peux m'empêcher de poser la question.

- C'est la télékinésie ton pouvoir ?

Il ricane et ça m'agace. Il a la fâcheuse habitue de sélectionner les questions auxquelles il souhaite répondre. J'ai tant de mystères à éclaircir, je dois les lui poser maintenant qu'il se trouve face à moi mais je n'ai pas le cœur à recevoir ses moqueries. Ni le temps d'ailleurs, plus nous resterons ici plus Amar en souffrira.

Nous sommes deux intrus au lieu d'un seul, et Siskann à l'air d'y mettre bien plus d'impact que moi. Sa puissance ne peut pas se contenir dans tous les hôtes, il me l'a tant de fois répété.

Pour ma part, je me suis tellement entraînée pour savoir me faufiler entre les courbes de l'esprit que ma présence ne se remarque presque plus. Toutefois, Siskann n'est pas là pour être discret, il joue avec les souvenirs d'Amar comme à un échiquier. Il a su me retrouver parmi les milliards de souvenirs de mon camarade et il a fait apparaître un portail entre deux de ces derniers qui est une pratique relativement nocive pour l'hôte. Les deux souvenirs peuvent se mélanger voir disparaître et aspirer d'autres souvenirs avec eux si le portail ne se referme pas à temps.

Tant de dangers négligés par Siskann que je me dois de rester sur mes gardes, pour le bien de tous.

- Tu ne peux pas comprendre mon pouvoir, finit-il par répondre en entrant dans la maison. Je te l'ai déjà dit.

Je lui emboîte le pas sans ronchonner à sa réponse et débite une autre question qui n'a rien à voir.

- Comment t'as fait pour venir ici ?

Cette fois son air reste sérieux alors qu'il s'aventure dans la maison totalement vide. Je le suis sans prêter attention à quoi que ce soit d'autre que son visage, je ne le reverrai sans doute pas alors je profite et tente de le lire avec minutie.

- Et tu as quel âge ? enchaîne-je en m'apercevant qu'il semble vraiment jeune.

- Tu parles beaucoup, lance-t-il avant d'ouvrir une trape et de m'attraper le bras pour me balancer dedans.

Je hurle et tombe quelques mètres plus bas à plat ventre sur un tatami au milieu d'une grande salle d'entraînement. Siskann me rejoint en sautant comme un félin et atterrit sans un bruit.

Quel veinard.

La différence entre nous deux le fait sourire, il ne tente même pas de me relever et passe devant moi pour rejoindre un groupe d'enfants au fond de la salle.

Il sait qu'il peut rien nous arriver dans un monde virtuel comme celui-ci, autant moi que lui, nous sommes intouchables. Mais Amar non, et c'est ce qui me tracasse le plus. Même si le temps s'écoule bien plus rapidement en spiritualité, les quelques secondes d'action que j'aurais fait en lui peuvent suffire à l'handicaper à vie. Chose que je compte évidement éviter, j'espère.

Une dizaine d'enfants se trouvent assis en cercle autour de leur professeur, tous portent un sabre en bois à la main et ont les yeux clos. Leurs tenues ressemblent à de grands kimonos oranges ceinturés par un noeud sur le nombril. Ils semblent tous concentrés sur leur respiration, ils expirent longuement avant de reprendre une forte inspiration et ce en boucle alors que nous nous approchons. Ils ne peuvent pas nous voir, ni nous entendre, nous ne participons pas vraiment au souvenir après tout.

Mère peut, en infiltrant toute son âme dans l'esprit de sa cible elle peut jouer dans la mémoire comme dans un jeu à choix multiples. Heureusement que, ni moi ni Siskann, avons cette maitrise.

En parlant de ce dernier, il s'approche aisément du professeur comme s'il le connaissait. Alors que le vieux en kimono ne songe pas à sa présence et garde ses paupières fermées, Siskann s'accroupit face à lui pour discuter.

- Où est le sabre du jugement ?

Le professeur ne cille pas, ce qui ne me surprend pas. Il ne peuvent pas communiquer, normalement. Mais Siskann ne semble pas vouloir partir, il a posé une question et en attend la réponse. J'entre-ouvre la bouche pour lui informer que sa présence ici n'est que fictif mais le regard du professeur s'écarquille et me fait sursauter.

- Je savais que vous reviendriez le chercher. Depuis le temps qu'il attend votre retour, annonce le professeur tout en me regardant.

Siskann se tourne vers moi et plisse les yeux suspicieux de voir que le professeur s'adresse à moi et pas à lui.

Mais moi, le simple fait qu'il puisse nous parler me rend malade. Mon corps tout entier cesse de me répondre. Je m'écroule sur mes genoux et observe la scène comme si j'assistais à un meurtre.

Comment expliquer que l'impossible se produit ? Comment j'aurais pu savoir que Siskann arriverait à communiquer à travers les souvenirs ?

Tant de troubles se bousculent en moi qu'une larme vient se loger sous mon œil gauche, une seule, la preuve que ce n'est ni de la tristesse ni de la joie mais un autre sentiment. A cet instant, je comprends que je ne suis rien à coté de cet homme, je lui sers de passerelle pour accomplir son destin, son pouvoir dépasse le mien et il n'hésitera pas à en abuser pour assouvir ses besoins.

Je ne peux m'empêcher de penser à Amar en voyant que Siskann lui brise ce souvenir au fur et à mesure qu'il interagit avec le professeur. Dans quelques minutes, tout ceci disparaîtra de sa mémoire comme une bougie consumée par la flamme.

Siskann tourne sa tête par-dessus son épaule pour m'interpeller.

- C'est ça son secret, ton ami connaît l'emplacement d'une de mes six reliques.

Je ne trouve pas la force de répondre. Mon esprit se perd entre la souffrance que doit ressentir Amar à ce moment-là et le fait que l'un de ses souvenirs soit lié au passé de Siskann.

- Mais... poursuit-il en regardant à nouveau le professeur. J'ai l'impression que je ne pourrai pas soutirer plus d'infos à ce vieux.

Il se redresse sur ses jambes et pivote face à l'un des enfants ; Amar, il devait avoir neuf ans ou moins, assis en tailleur les yeux toujours clos et l'arme en bois enfermé entre ses paumes de mains. Siskann se penche vers lui et lui pose la même question qu'au professeur. Cette fois aucune réponse, le contraire m'aurait fait chavirer à nouveau je pense.

Avec le peu de courage qu'il me reste, je demande d'une voix intimidée :

- Pourquoi Amar ne te répond pas ?

Il pose son regard sombre sur moi et s'avance pour me rejoindre.

- Il y a des limites à tout, autant à moi qu'à ton ami. Si je sabote d'avantage son souvenir il n'en restera rien, alors j'ai puisé ce que je pouvais tirer de lui sans lui infliger trop de séquelles.

Siskann sait donc se contrôler, du moins un minimum. Je préfère dire qu'il sait garder ses victimes en vie mais ça ne l'empêche pas de fortement les blesser, cette phrase est sûrement plus correct. Je me lève aussi et lui fais face pour poursuivre notre conversation, je dois profiter de sa présence pour apprendre d'avantager sur moi et sur mon don, si j'atteignais son niveau de maitrise je pourrai égaler mère plus rapidement que prévu.

- Au final tu n'as pas pu avoir l'emplacement de... enfin de la relique, dis-je sans comprendre de quoi il s'agit.

- Non, mais toi tu peux, en demandant à ton ami directement dans le monde réel.

Alors que j'allais renchérir sur le sujet, il fronce les sourcils en regard le plafond et dit soudainement :

- Tu devrais y aller, ça finira mal sinon.

Puis il disparaît. Une rapide brume noir le remplace comme s'il s'était téléporté. Je ne ressens plus sa présence, il est sûrement rentré dans mon corps vu qu'il n'a plus rien à chercher ici.

En accord avec son ordre — et surtout car je ne veux pas avouer que je lui obéis —, je l'imite et use de mon don pour sortir également de l'esprit d'Amar. Une fois revenue dans mon corps, je bats des paupières comme si j'avais retrouvé la vue et observe mon camarade face à moi, le nez dégoulinant de sang.

Confuse, la première chose qui me vient à l'esprit est de regarder autour de moi. Et heureusement, mes camarades semblent trop concentrés dans l'exercice pour avoir remarqué son état. Je plonge alors ma main dans mon sac et y sors un mouchoir pour essuyer tout ce rouge sur son visage. Amar semble légèrement somnoler et vacille sur sa chaise, je le tiens ferment par les épaules pour ne pas qu'il s'écoule. J'y ai été un peu fort, ou plutôt Siskann y a été un peu fort.

- C'était quoi ça ? crache Lilyn dans mon dos.

Mince, elle a tout vu.

Je grimace et tourne lentement mon visage vers le sien en ayant peur d'affronter sa réaction. Son air froncé mais inquiet jongle entre moi et le corps à moitié hypnotisé de notre ami, elle attend une réponse amplement justifiée pour ne pas me sauter à la gorge.

Nous savons tous les dangerosité que je peux faire avec mon don, elles sont encore plus terrifiantes que les blessures physiques car aucune de mes attaques ne peuvent être guérie. Arranger un souvenir n'est pas grand chose, mais cela reste irréparable. Manipuler un corps à distance, supprimer son auto-contrôle, impureté une âme, déséquilibrer un esprit, modifier la mémoire, brûler des neurones... tout ce que je peux infliger ne peut être contrer par quiconque, et c'est ce qui fait peur aux autres. Ce sont des blessures invisibles mais définitives.

On m'a déjà demandé de porter des lunettes ou un bandeau sur les yeux pour me rendre moins menaçante, mais cette solution n'aurait rien changé au vu des capacités qu'a développé mère. De son coté, elle n'a nulle besoin de croiser le regard de sa cible, elle peut sentir son être-intérieur à distance et s'y loger juste en frôlant son corps.

En bref, je suis dangereuse. Mais habituellement je me maîtrise, hors là, avec Siskann, tout s'est chamboulé très vite et je n'avais plus aucun contrôle. Ma curiosité et ma peur m'ont fait barrage, je n'étais plus capable de l'arrêter.

- Aya, si tu ne réponds pas, je te le fait payer, chuchote-t-elle pour ne pas éveiller les soupçons autour de nous.

Je grimace encore plus et, prise de panique, gifle violemment Amar qui se réveille brusquement. Lilyn émet un cri de surprise face à mon geste et attire l'attention du professeur. Son regard nous fusille de son bureau, il nous jauge tous les trois et s'arrête sur le comportement anormal de Amar.

Mon ami se lève en se frottant les yeux, il caresse ses cheveux comme s'il devenait fou, son regard tremble mais ne se pose pas encore sur moi, ce qui me brise le cœur. Ce sont les symptômes d'une commotion cérébrale mais sans avoir eu le moindre choc, il déraille complètement comme s'il venait de se réveiller d'un accident. Il perd pied, il oublie ses repères, ses souvenirs se bousculent entre eux et ses pensées n'ont plus de sens. Je ne pensais pas que ça l'aurait autant affecté, Siskann m'avait assuré qu'il n'aurait que peu de séquelles. Est-ce la définition de peu pour lui ?

Abattue par ce que je viens de causer, je me lève et attrape le bras de mon ami en l'invitant à se calmer. Malheureusement je suis loin d'être douée pour ce genre de choses, détruire de l'intérieur je sais faire mais quand il s'agit d'y mettre le pansement je perds vite l'équilibre.

Le professeur nous rejoint d'un air irrité et tous les élèves se tournent vers nous, le silence pèse alors que Amar murmure des phrases incompréhensibles dans sa barbe.

- Amar, calme toi, tente-je alors qu'il ferme ses oreilles à moi.

- C'est qui bordel ? s'écrit-il soudainement en m'attrapant par les épaules.

Ses pupilles se dilatent, son regard autrefois vert devient électrique et il me menace de sa hauteur. Ses mains se referment sur mes épaules et me contraignent à ne pas tenter d'y échapper. Je ne peux que le voir souffrir de l'intérieur à la recherche de réponses.

Le professeur s'interpose mais Amar ne me lâche pas, au contraire ses ongles pointus de guerriers s'enfoncent dans ma chair et me font serrer les dents. A cet instant, il n'y pas plusieurs solutions, il faut calmer mon ami avant qu'il n'use de son don sur moi. Si une guerre se déclare en classe, même le professeur ne pourra pas nous séparer, son don de guérisseur n'a rien d'impressionnant face aux arts martiaux de Amar et à mon hypnose. Ça ne sera qu'entre nous.

Cette école a beau être un cadeau des dieux comme on dit, c'est ici que se déclenche la plus part des accidents d'alters.

- Réponds, Aya, s'énerve Amar en refermant sa prise encore plus profond. Qui-Est-Il ?

Je sais la réponse mais je ne la dirai pas, faire couler du sang sur mes bras ne me fera pas assez mal pour me contraindre à répondre. Alors je reste silencieuse, le défiant du regard en priant pour que Siskann ne s'interpose pas à son tour. Après tout, si ma vie n'est pas en danger, la sienne non plus, il ne devrait pas se montrer pour si peu.

Mais si Amar devient plus violent, ça sera surement différent.

Le professeur attrape le bras de Amar pour l'inciter à me lâcher mais rien n'y change, il ne cède pas, il ne veut pas. Il est matrixé par la réponse qu'il attend de moi. Je ne sais pas ce qu'il a bien pu voir de Siskann, mais ça le rend agressif. Alors que je comptais à nouveau tenir ma langue, il ajoute soudainement :

- Pourquoi il veut savoir son emplacement ? Pourquoi tu l'y as conduis ? Qui est cet homme, Aya, que veut-il ?

Je tente de désamorcé sa colère avant qu'il n'avoue mon secret à toute la classe.

- Je ne te répondrai pas, lâche-moi, Amar.

Il grogne, sa colère s'amplifie et il me balance à l'autre bout de la classe avec la simple force de ses bras. Mon corps se cogne contre le mur et me fait tomber au sol. Lilyn hurle de peur et accourt dans ma direction tandis que Amar bondi sur moi pour m'attraper le col.

Il empêche mon amie de s'approcher et me tient fermement la chemise pour m'étrangler. Ses yeux s'éclaircissent d'avantages, ils brillent comme des phares en pleine nuit, ses dents pointues me sourient de rages et je sens ma respiration diminuer. S'il continue je vais devoir user de mon don sur lui, ce que je ne veux pas car je ne pourrai plus faire marche arrière. Je l'ai déjà tant brisé, le faire une seconde fois serait un véritable crime.

Durant quelques secondes, je me demande si je dois appeler Siskann. Jouerait-il au héros rien qu'une fois pour moi ? Puis, en m'imaginant lui redevoir ce sauvetage plus-tard, je décline la demande.

Le professeur s'approche enfin de nous tandis que le reste de la classe s'écarte. Pas qu'ils ont peur de Amar mais plutôt de moi, mon don n'est pas l'adversaire le plus facile à battre. Monsieur Triton dépose ses deux paumes sur nos poitrines. Ma respiration se coupe une fraction de seconde, juste le temps de comprendre ce qu'il compte faire. Mais je n'ai pas eu le temps de l'en empêcher. Encore une fois, je regrette de ne pas l'avoir anticiper.

En voulant nous calmer, le professeur a user de son don de guérisseur pour apaiser nos âmes et nous endormir. Mais malheureusement, il n'y pas que mon âme en moi, et celle de mon colocataire est une bombe à retardement.

Le professeur percute le plafond en un clin d'œil alors que Amar l'imite de près. Les élèves affolés crient de peur. Le bruit lorsque leur deux corps frappent le plafond me pétrifie, ils sont gravement blessés et restent un instant en l'air tentant de se débattre, ne sachant pas celui qui est la cause de ce sort.

Je les fixe silencieuse, ne sachant pas quoi faire. Hurler à Siskann d'arrêter ne servirait à rien. J'ai juste envie de fuir, de les laisser dans le doute, de faire croire que c'est un autre élève, je ne peux pas supporter d'être responsable de cette horreur.

Mais trop tard, ils savent déjà qui s'est le monstre de cette classe.

Lilyn me secoue violemment et hurle de les laisser tranquille, elle a compris que ça venait de moi, sûrement en percevant l'aura terrifiante qui émane de moi. Siskann est à deux doigts de prendre le contrôle sur mon corps mais je l'en empêche en usant de mon énergie, cette bataille entre nous forme une aura effrayante qui fait reculer d'avantage les élèves. Ils me fixent avec horreur, comme ils ont toujours su le faire, ils ont peur de moi, ils n'ont jamais réussi à trouver une faille contre moi mais aujourd'hui ils auront leur preuve. Ils pourront enfin confirmer que je suis dangereuse et incapable de mon contrôler.

Les deux corps accrochés au plafond comme des lustres finissent par retomber, et ça, c'était une scène à laquelle je n'aurais jamais voulu participer.

Amar tombe à quelques centimètres de moi, le corps désarticulé, la tête ouverte, son sang explose sur moi et me scie sur place. Incapable de bouger, je regards le liquide rouge dégouliner sur mes mains comme une rivière. Puis le corps du professeur tombe aussi et explose en mille morceaux. Il était plus vieux, plus fragile, moins tenace, mais il n'aurait pas dû autant s'endommager en touchant le sol. J'en déduis que Siskann ne les a pas juste fait tomber, il les a propulsé vers le sol comme des aimants à la recherche de leurs âmes-sœurs.

Immobile, je n'ai plus la force ni le courage de fuir.

Le hurlement des élèves ne me parviennent même pas. Je suis plongée dans une marre de sang sans savoir nager, mes yeux jonglent entre les morceaux de chairs sans savoir les distinguer.

Siskann est un monstre, je l'ai toujours su, pourtant je ne l'ai pas arrêté.

J'aurais dû être plus méfiante, plus réfléchie, plus ferme, je l'ai laissé jouer avec mon ami sans broncher. Est-ce ça d'être faible ? Ou simplement d'être moi ? Un faible pleurait à cet instant, pas moi, je suis juste perdue. Je suis moi. J'ai simplement envie de m'enfermer dans ma chambre et oublier, quitter l'école, mes amis, mes ambitions, tout abandonner.

J'aimerais redevenir morte.

En regardant le corps de Amar, j'aperçois un bout de papier enfermé dans sa main, un si petit bout que je l'avais pas remarqué lorsqu'il me tenait entre ses griffes. Je me penche pour l'attraper et y découvre l'unique raison pour laquelle il est mort :

Quartier des plaisirs, Ama.

Madame Logastri.

Cette fois, les larmes assombrissent mes yeux et je ne peux les retenir. Amar est mort pour nous donner cette information, pour retrouver ce maudit sabre, et je ferai en sorte que sa mort de soit pas vaine.

Tu vois, je te l'avais dit.

Son rire vainqueur résonne en moi comme un démon assoiffé de vengeance. Il me fait fondre en larme.

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