25. Aya
L'an 4031, Époque Harmonieuse, Regrettable amour.
- Les vainqueurs ont toujours raison, et vu que je gagne toujours... je te laisse deviner pourquoi tu as toujours tord, me nargue avec charme Siskann.
Sur cette délicate remarque qui, et je ne peux que l'admettre, me met hors de moi, il envoie son arme en bois en plein dans mes genoux et me fait tomber à la renverse. Ma tête frappe le tatamis. Décidée à ne pas m'humilier d'avantage, je me laisse pour morte au sol.
- On va arrêter de compter les scores, renchérit avec désespoir le maître de feu, adossé au mur de la salle, ma bouteille d'eau à la main.
Il me fait signe d'en boire une gorgée mais je refuse le moindre mouvement. Mes genoux brûles, ma tête aussi, tout mon corps est en forte tension, et ce n'est pas que grâce à l'entraînement. Plutôt à cause des sales coups que je prends depuis ces derniers jours.
- Aya, je te l'ai dit : Tu-Ne-Pourras-Pas-Me-battre, assène Siskann, son air taquin au visage.
Je le fusille du regard et me redresse difficilement. Voyant ma douleur, il m'aide à me remettre debout et me tend l'arme en bois qui sert à imiter le sabre. Il n'est apparement pas encore décidé à me laisser me reposer.
Voilà presque 15 jours que Tyko a récupéré le sabre du jugement, et il n'a pas eu trop mal vu la rapidité à laquelle ça s'est jouée. En 10 minutes c'était plié. Il est entré chez la dame, Madame Logastri, et lui a volé le sabre sans aucune pitié. Au moins, et c'est le cas de le dire vu comment je m'y était très mal pris la première fois, il a été fortement efficace.
Et depuis ce jour-là, je m'efforce de m'entraîner à mériter ce cadeau. On ne peut pas recevoir un sabre sans savoir le dresser. Et vu que celle-ci est particulièrement dangereuse et qu'elle me revient directement à moi, je suis obligée de me préparer à l'utiliser.
Cet apprentissage a donc été ajouté à mes épuisantes journées. J'aurais bien voulu m'en passer mais lorsque j'ai aperçu le sabre de mes propres yeux, je crois être tombée sous le charme de sa prestance. Il est de couleur noir aux rayures d'argents. Sa lame d'acier est fine et légère, sans oublier son manche en peau d'animal accrochée par de minuscules tresses de files argentés. Je n'avais jamais vu de sabre complètement noir, après tout il porte bien son nom.
Le sabre du jugement.
Siskann m'a vaguement expliqué son utilité, mais il pense surtout que je pourrai m'en servir avec l'un de mes nouveaux alters suite à notre fusion astrale.
Le sabre en lui-même serait capable d'emprisonner les âmes de ses victimes dans sa lame et donc augmenter son tranchant à chaque nouvelle cible. De son coté, mon alter serait ensuite en mesure de se servir de ces mêmes âmes selon mes désirs. Ça serait un pouvoir d'incantation. Être capable de réanimer des âmes mortes et les mettre à mon service.
L'objectif de nos entraînements, comme à cet instant, est donc d'apprendre à manier ce sabre et l'utiliser le plus rapidement possible. Mais comme à chaque fois, en plus de devoir me battre, je dois débattre une éternité avec les deux magiciens les plus agaçants que je connaisse.
- C'est normal de sentir ses genoux craquer, comme ça ? lance-je d'un ton sarcastique. Non parce que t'as pas l'air de trop te retenir.
Tyko éclate de rire.
- Ce qu'elle veut dire c'est que si tu veux l'envoyer à l'hôpital, t'as sur la bonne voie ! s'exclame-t-il à son meilleur ami entre deux rires.
Siskann rejoint son enthousiasme et je profite de ce moment d'inattention pour me jeter sur lui avec mon bâton, mais ma tentative tombe rapidement en échec. Il me contre en une fraction de seconde, nos deux armes en bois s'entre-choc et émettent une vibration jusqu'à mes épaules.
Énervée d'être capable de rien, je balance mon sabre de bois au sol en soufflant. Les réflexes de Siskann sont bien trop rapides pour moi, je suis incapable de m'approcher sans qu'il ne me remarque. Il fait passer cet entraînement pour un jeu auquel il maîtrise parfaitement les règles. Et puis ce sourire narquois qu'il arbore à chaque fois que mes attaques tombent ridiculement à l'eau anime d'avantage la mauvaise perdante que je suis.
Mon autre ami, lui, le grand maître de feu, ne manque pas non plus une occasion pour se moquer et voir que je n'arrive toujours pas à frôler Siskann depuis le début de mes entraînements.
- C'est qu'on rigole bien, là-bas, dis-je en pivotant vers Tyko, toujours adossé à son mur, loin de toute forme d'entraînement. Viens me montrer comment tu t'en sors face à lui, alors.
Le maître de feu perd joliment son sourire et c'est à mon tour d'émettre un rire, cette fois. Nous savons tous les deux que Siskann est redoutable, son expérience en combat dépasse les plus doués et son pouvoir est tout aussi exceptionnel.
C'est cette raison qui pousse les Yurii à garder Rika près d'eux, je suppose. Son frère est le seul encore capable de l'arrêter.
En résumé, Siskann est puissant. Et ses coups font mal. Alors je jette l'éponge pour aujourd'hui.
Mes genoux flanchent à chacun de mes pas, je dois m'aider de mon arme en bois pour tenir debout et atteindre le coté du tatamis. Tyko me rejoint pour me lancer ma bouteille d'eau. Mon corps s'affale au sol et je serre les dents aux hématomes de mes cuisses lorsque je m'assois. C'est épuisant et douloureux, ses entraînements deviennent de plus en plus intensifs et je me demande encore comment je vais pouvoir tenir le rythme.
Toutefois, chaque jour cette pensée me vient et chaque jour je suis de retour ici, dans cette salle de torture. La mort de mère a joué aussi un grand rôle dans cette progression. Je ne me bats plus pour elle, je me bâts pour moi. Et ce, grâce à Siskann. Je la vengerai, je me le promet.
Agir sans réfléchir, lui avait dit Petra. C'est ça la liberté.
Quelle belle phrase pour faire de son premier pas, un parmi d'autre.
- J'aurais préféré te voir en souffrance sous les coups de Siskann, mais merci pour l'eau, dis-je à Tyko qui n'a pas l'air de vouloir se jeter dans le bain.
Siskann nous rejoint et s'assoit à mes côtés. Je bois quelques gorgées avant de lui passer la bouteille à son tour, il l'accepte et m'imite.
- Non merci, je préfère m'avouer vaincu, se protège Tyko.
- Trouillard.
Sur ce mot sortit sans réfléchir, mon camarade enflammé me fait basculer sur le dos avec l'une de ses mains. Puis il plaque son genou sur ma poitrine pour m'empêcher de me relever. Son sourire s'agrandit alors que je tente de le repousser avec difficulté. Son poids m'écrase et je commence à suffoquer. Sa prise est très simple mais lorsque notre adversaire pèse plus lourd que soit, s'en sortir est presque impossible.
Du moins, impossible sans magie. Si je pouvais utiliser mon alter il aurait déjà perdu...
- Je suis quoi ? me provoque-t-il, appuyant son genou un peu plus sur ma poitrine.
Dans une série de toux, je crache :
- Un gros trouillard, t'es sourd ?
Ma ténacité fait rire Siskann qui observe notre chamaillerie sans broncher. Il n'interviendra pas, je dois m'en sortir seule, surtout que Tyko ne me fera jamais très mal pour pouvoir me laisser une chance de m'en sortir. L'avantage de se battre avec ses amis c'est qu'ils ne sont pas là pour vous tuer, enfin j'espère.
- Quelle plaie, cette fille, lance le maître de feu en se redressant.
Je prends une grande inspiration au moment où son genou se retire, croyant être de nouveau libre. Mais soudain, avant même que je puisse me relever, l'une de ses mains vient m'agripper la gorge. Mon premier réflexe est de tenir son poignet et l'empêcher de m'étrangler mais ma force contre la sienne ne vaut rien. Sa poigne se referme sur mon cou. Puis il replace son genou sur ma poitrine pour immobiliser mon corps.
Cette fois, je ne vois plus aucune issue à cet affrontement. Il me tient au sol, la gorge prise entre sa main qu'il serre doucement. Je sens ma respiration s'affoler et mon corps s'affaiblir sous la pression de son poids.
- Tu as quinze secondes avant de perdre connaissance. Top départ.
Sa voix se fait moqueuse car lui-même ne doit pas savoir comment je pourrais m'en sortir. C'est impossible. Il porte déjà son sourire de vainqueur, certain que je n'ai aucune chance de le repousser.
Après avoir rapidement réfléchit à un potentiel échappatoire, j'accepte finalement mon sort. Je reviendrai plus forte un autre jour, c'est un beau dicton pour garder espoir. De toute manière, tomber inconsciente n'est pas la pire des souffrances. C'est même agréable contrairement à tout ce que j'ai pu endurer jusque-là. On se sent sombrer dans un sommeil inévitable et puis, soudainement, on se réveille comme si rien ne c'était passé. Ça me fera rattraper mes heures de sommeils, je suis tellement épuisée.
Aya, si tu laisses tomber, tu vas le regretter, crois-moi.
La menace de Siskann me sort de mes pensées et me met une énorme pression. Parfois, j'oublie qu'il lit dans ma tête et qu'il peut toujours communiquer par télépathie avec moi. Apparement je n'ai plus le choix, je dois tenter le tout pour le tout. Quitte à tricher.
« Dans un jeu, il y a le jeu, ses règles et ses failles. Ce n'est pas mal de tricher. C'est simplement un moyen personnel et inattendu de prendre l'avantage sur son adversaire. Il n'y a que les perdants qui crient au scandale à la triche, car ils ne seront jamais capables de lire entre les lignes. » m'a avoué Siskann, ce qui m'arrange bien finalement.
- Lâche-moi, ordonné-je à Tyko qui se redresse instantanément.
Ses yeux vitreux me fixe d'un air impassibles, plus aucune volonté ne peut s'y lire. Le maître de feu est maintenant à ma merci, et je peux en faire ce que bon me semble.
Mais malgré cette folle envie de vouloir le soumettre à mon tour, je lâche la grappe et le libère de mon emprise. J'ai gagné cette manche en trichant car physiquement je suis très loin d'être assez coriace pour me protéger seule et encore moins face à l'un des deux.
Je me lève rapidement aussi et m'éloigne de Tyko au cas où il voudrait de nouveau se jeter sur moi. Je ne l'ai pas mis sous hypnose, je lui ai simplement mis en tête une obligation d'action. C'est-à-dire écouter mes ordres à l'instant où je les dicte. Ce qui fait qu'à tout moment, maintenant qu'il est libre, il peut décider de se venger.
- Un trouillard et une tricheuse, quel charmant duo, se marre Siskann.
Tyko me fusille du regard pour avoir perdu durant quelques secondes son libre arbitre. Je n'avais jamais usé de mon don sur lui auparavant, mais disons que cette-fois c'était nécessaire. Heureusement ce dernier finit par lever les mains au ciel comme capitulation.
- Tu n'as pas gagné, s'empresse-t-il de dire. Mais en situation d'urgence, c'est vrai que ton alter est une arme fatale.
Je lève les yeux au ciel mais le remercie pour ce compliment. Une fatigue soudaine me pend au nez. Je suis trempée de transpiration et porte une coupe de cheveux atrocement emmêlée qui m'empêche de correctement respirer.
- Je peux aller prendre ma douche ? implore-je Siskann comme si je n'avais pas pu me laver depuis des jours.
Il refuse la demande et se met debout pour me rejoindre au centre du tatamis. L'entraînement n'est apparement pas terminé.
- Tu te souviens de comment on ouvre un portail ?
Ah oui... mon nouvel apprentissage de cette semaine — en plus de celui du sabre — a été celui de la formation de trou de ver.
C'est le sort le plus efficace de l'alter de mon ami, il permet de s'échapper de toute situation et de se téléporter à tout endroit. Évidement, malgré sa puissance, la création de trou de ver est interdite par le Royaume. Encore une loi qui a été d'ailleurs écrite le jour où Siskann a trahi la famille Yurii. Ils ont si peur de lui...
Je confirme d'un mouvement de tête, acceptant de faire ce dernier effort.
Le silence tombe dans la salle et je me lance dans mon processus respiratoire d'apaisement. Ouvrir un portail requiert une concentration des plus profonde pour éviter un débordement, comme un changement d'itinéraire de dernière minute ou bien pire ; rester bloqué entre deux dimensions.
Dans un calme absolu, je glisse mon regard sur ce qui m'entoure, je visualise la maison au milieu de la forêt, notre localisation sur ces terres. J'imagine dans ma tête l'endroit exact où nous nous trouvons, et ce dans les moindres détails. Puis, plus je respire, plus mes mains se lèvent et se tendent devant moi. Elles cherchent à toucher le vide, ressentir l'air, manipuler les molécules qui y planent.
J'inspire. Mes mains ressentent un mur invisible devant elles, un bloc, une porte fermée.
J'expire. Je pousse cette porte par la seule volonté de mon esprit et l'ouvre. L'entrée du portail est à ma portée. L'infini de l'univers s'offre à moi.
J'inspire. Mais je choisis une seule sortie parmi toutes celles proposées, une seule porte de sortie.
J'expire. Je l'ouvre aussi.
Maintenant se trouve une entrée et une sortie, un portail éclatant de minuscules étoiles qui nous engouffre dans un vide spatiale terrifiant. Gardant les deux portes ouvertes, l'une qui nous aspire et l'autre qui nous rejette autre part, je pivote vers Siskann tout sourire aux lèvres. La fierté dans son regard me comble de bonheur.
- Tyko, prêts pour un petit voyage ? balance ce dernier.
Le maître de feu sursaute et écarquille les yeux.
- Pourquoi c'est toujours moi qui sert de cobaye pour ses sorts tordus ? se plaint Tyko.
- Parce qu'on est trois et que t'es le seul avec un alter différent, rétorque Siskann. Aller, dépêche, moi aussi je veux prendre ma douche.
Que j'aime voir Tyko dans cet état de méfiance. Se demandant s'il peut me faire confiance ou non. Son incompréhension me fait étrangement sourire, bien que ce portail n'est rien de dangereux.
Évidement, et il a de la chance, mon trou de ver est bien formé. Il ne risque rien, outre un voyage gratuit jusqu'à sa chambre. Car oui, aussi décevant que cela puisse paraître, j'ai ouvert la porte de sortie du portail au plafond de sa chambre à l'étage. Il ne voyagera pas très loin. Je garde tout de même espoir qu'il soit surpris par la chute et retombe de travers, mais difficile d'y croire. Tyko est un combattant, il ne se blessera pas pour si peu.
- Il est fiable, au moins ? proteste le maître de feu.
Je croise les bras, l'air narquois sur tout le visage, et Siskann soupire.
- Fais-moi confiance, orh, souffle-je.
- Je parlais à Siskann, toi t'es vraiment pas fiable pour le coup.
J'étouffe un rire face au peu de courage qu'il a quand il s'agit de me faire confiance. Bien que je le comprenne, au vu de tous les alters que je dois emmagasiner, j'ai encore du mal à organiser mon esprit. Mais Tyko est mon ami, il pourrait au moins daigner faire un effort et croire en mes capacités.
- Oui, tu peux y aller, lui confirme Siskann lassé de sa réticence.
- J'avais prévu de te laisser planer entre deux dimensions, mais je n'ai pas le droit, ajoute-je juste avant qu'il ne mette un pied dans ce portail.
- Ne sois pas déçue, un jour tu m'auras, rit-il. Ou pas.
Sur ce, il traverse le portail que je referme instantanément après son passage.
- Là, tu peux aller prendre ta douche, m'informe enfin Siskann, après la téléportation de Tyko.
Il ne le répétera pas deux fois. Je le remercie et sors de la salle en courant et monte par trois les escaliers. À peine ai-je mis un pied à l'intérieur de ma chambre que j'ai déjà le t-shirt enlevé. Je retire mes sous-vêtements, lance tout par terre et saute dans la douche afin de goûter à la douceur de l'eau chaude.
Je sors ensuite de la salle de bain. La serviette toujours autour de mon corps, j'aperçois Siskann sur mon lit, livre à la main. Il lève les yeux vers moi mais ne semble pas me prêter grandement attention. Il est plongé dans sa lecture autant que je peux l'être quand j'ouvre les pages de mes bouquins.
Les battements de mon cœur s'accélèrent et j'ai si peur qu'il le remarque. Je n'ai jamais rien éprouvé pour personne, alors ressentir quelque chose pour l'ennemi numéro mondiale est vraiment étrange. Enfin, de son coté il n'a pas l'air de le remarquer, trop plongé dans son livre. Ou alors il fait semblant.
Si je le voyais, lui, en petite serviette, je crois que je n'aurais pas pu rester aussi calme.
Mais qu'est-ce que je dis ?
- Tant mieux que tu sois là, j'ai quelques questions, lui informe-je en me dirigeant vers mon armoire à vêtements.
Il arque un sourcil par-dessus son roman et je tombe sous le charme de son regard. Il vient tout juste de prendre sa douche aussi, ses cheveux encore mouillés sont en batailles et ses vêtements lui collent au corps. Sans parler de son regard violet qui m'examine soigneusement, avant de retomber dans les pages de son livre.
- T'as toujours des questions, répond-t-il d'un haussement d'épaule.
Après avoir glissé mes mains parmi tous les tas de tissus bien rangés, je trouve ma tenue pour dormir.
Je sors très peu d'ici pour ma sécurité, mais mes deux amis ne manquent jamais de me ramener des petits souvenirs de leurs missions. Ils ont pris l'habitude de chacun acheter — enfin, voler — un cadeau pour me l'offrir à leur retour. Vêtements, livres, produits beautés, instruments de musique... Cette habitude est devenue mon plaisir quotidien. Comme si chaque jour était mon anniversaire.
Alors pour ce soir, j'ai opté pour un short beige et un débardeur de la même couleur, très simple. Sûrement des vêtements offert par Tyko, il aime beaucoup la mode. Et d'après Siskann, il aimait bien choisir les tenue d'Astrid à l'époque. J'ai l'impression que chacun de ses vêtements qu'il m'offre porte le deuil de sa sœur. Mais si ça peut le consoler, je suis honorée de pouvoir l'y aider.
- Et toi tu as toujours les réponses qu'il me faut, rétorque-je, lui jetant un clin d'œil par-dessus mon épaule.
Dans un sourire, il me jette un coup d'œil par-dessus son livre mais ne l'attarde pas pour me laisser m'habiller dans mon intimité. Il a beau connaître tout de moi, le respect qu'il a mon égard est grand et il refusera toujours d'imposer sa présence.
Une fois prête, je rejoins Siskann sur mon lit et m'allonge près de lui tout en gardant une fine distance entre nos deux corps. Je préfère éviter les tensions inutiles.
Nous nous sommes embrassés deux fois, et c'était lors de la mort de mère. Nous n'en avons pas reparlé, peut-être car ce n'était rien pour lui. Peut-être qu'il ne l'a fait que par obligation, que c'était le seul moyen de me calmer. Il l'a dit lui-même ; il voulait me sauver par ce baiser car je devenais incontrôlable. Apparement, je refusais même de le laisser entrer dans mon esprit.
Et puis comment un simple baiser peut-il autant me faire effet ? J'étais sur le point de ravager la forêt quand j'ai senti cette vague de chaleur émaner de mon corps, une sensation apaisante et juteuse. À cet instant, j'avais tout oublié, même la mort de mère. Je voulais juste poursuivre ce baiser, l'accroître et l'éterniser.
Mais Siskann n'y voyait sûrement qu'un sauvetage. Oui, une méthode efficace en cas de perte de contrôle, rien que ça.
- Ne te tourmentes pas, me lance-t-il, le regard toujours rivé sur son livre.
Aïe.
J'oublie encore qu'il peut tout entendre, même mes plus profonds désirs.
Il dépose son ouvrage sur la commode dans un soupire et se redresse sur les coussins tout en tournant son visage vers moi. Son regard au-dessus de moi me déstabilise, il ne m'effraye pas, il me soumet. Je suis toute ouïe aux paroles qu'il s'apprête à dire, comme si le monde — enfin, mon monde — ne tournait qu'autour de lui. Il esquisse un sourire et caresse mes cheveux de sa main.
Rien qu'à son contact, je frémis. Mon corps se tend et m'envoie de violentes décharges électrique aux cœurs. Cette situation me dépasse, je ne veux même pas tenter d'ouvrir la bouche car je sens que ma voix ne tiendrait pas.
- Aya, tu es une femme merveilleuse. Dès l'instant où je suis entré dans ton esprit, j'ai vu le potentiel que tu y cachais. Ta bienveillance, ton audace, ta vaillance, si tu savais la force que tu as en toi tu n'y croirais pas. Et puis tu es magnifique, tout en toi est remarquable. Mais...
Il marque une pause, cherchant ses mots. Comme si ceux-là n'avaient déjà pas suffi à me désorienter.
- Mais je ne peux pas te faire de mal. Et je le sais, tout ce que tu ressens pour moi je le sais, je le ressens pour toi aussi. Mais je ne peux pas me permettre de te blesser aussi facilement.
- Que veux-tu dire ? bredouille-je sous le choc de ses paroles.
Il ne détourne pas son regard du mien et garde sa main sur mon visage qu'il caresse délicatement, enroulant ensuite mes boucles autour de ses doigts. Mon esprit chavire entre mon attirance pour cet homme et le doute qu'il laisse planer. Je ne sais plus où donner de la tête, j'ai l'impression de ne plus me comprendre et de perdre le file de mes émotions. À cet instant, seul mon ouïe fonctionne, seules ses paroles me parviennent.
- Je ne serais pas toujours à tes cotés, Aya. Si on se permet le moindre écart, tu en souffriras plus-tard.
Je ne comprends pas exactement où il veut en venir. Il m'a ouvertement fait la plus belle des déclarations que j'ai pu voir de toute ma vie, et le voilà qu'il se rétracte. Il prétend de ne pas vivre assez longtemps pour pouvoir prendre du temps avec moi, mais comment peut-il le savoir ?
- Mais... je te garderai toujours près de moi, Siskann, je te l'ai dit. Sans toi, me battre n'aura plus de sens.
Son sourire s'éteint lentement. Tout comme sa main qui se fige dans mes cheveux. Le temps semble s'être arrêté.
- Ne dis pas ça. Tu dois te battre pour toi, pour vivre librement, tu en es capable. Je veux que tu vives ta vie, que tu profites comme je n'en ai jamais eu l'occasion. Si tu en doutes, fais-le pour moi.
Je secoue la tête de gauche à droite et il hausse un sourcil.
- Non, je veux faire ça avec toi. Pas pour toi, Siskann.
Durant un court instant, je crois percevoir ses yeux luire, comme si des larmes s'apprêtaient à couler. Mais il cligne des paupières et tout s'efface, le Siskann impassible refait surface et toute trace de faiblesse s'évapore.
- T'es insupportable, Aya.
- Mais pourquoi ? Je ne comprends pas. Pourquoi tu insinues que... commence-je à m'exclamer tout en voulant me redresser.
Toutefois mon élan se fait rapidement interrompre par sa main qui me plaque contre le matelas. Il se place sur moi, son corps imposant qui me tient allongé, et dépose ses lèvres contre les miennes. Alors ça... je ne m'y attendais pas. Surtout dans un moment pareille, alors que nous étions en plein débat et que je refusais de lui donner raison.
C'est ce qu'il voulait, hein ? Ne pas poursuivre se débat qui le rendait nerveux. Fuir plutôt que d'affronter la vérité. Comme d'habitude finalement.
Je garde la bouche fermée de surprise mais ses lèvres forcent le passage, y ajoutant sa langue qui explore l'intérieur de ma bouche. Le débat semble soudainement loin, trop loin pour le poursuivre. Mon corps s'extase, tout en moi explose et j'entoure de mes bras son corps sculpté pour le serrer d'avantage contre moi. Son torse contre ma poitrine. Il place ses mains de part et d'autre de mon visage, ne me laissant plus aucun échappatoire.
Siskann est loin d'être idiot, au contraire il est le plus sournois de nous tous. Je sais qu'il fait ça pour me faire taire, pour oublier ce sujet délicat qu'il évite à chaque fois que je l'évoque. Mais je ne peux pas refuser ce qu'il me donne car, cette fois, alors que l'une de ses mains se glisse sous mon t-shirt pour remonter vers ma poitrine, je suis incapable de résister à cette attraction que j'ai pour lui.
La symphonie de sensations qui hurlent en moi est incontrôlable, mon corps tout entier ne demande que lui, que sa peau contre la mienne et rien d'autre. Des papillons s'éveillent dans mon bas du ventre et me parcourent entièrement, chatouillant mes membres à chaque fois que je réalise ce qui est en train de se passer.
Siskann m'embrasse. Et pas que.
Il caresse mon corps de sa main, dépose des baisers dans mon cou tout en pressant son corps contre le mien. Jusqu'où pouvons-nous aller ? Si ça ne tenait qu'à moi j'irais aussi loin que mon corps le demande.
Mes mains glissent sur son dos et remontent jusqu'à ses cheveux que j'agrippe de mes doigts. Dans un grondement du plus profond de sa gorge, il redresse son visage et me fixe de ses beaux yeux. Le violet est éclatant, je ne peux pas m'en priver, c'est l'un de mes plus grand désirs de contempler son regard. Il est tant sensationnel. Je ne m'en lasserai jamais.
- J'espère que tu ne le regretteras pas, souffle-t-il.
Aucune raison valable ne peut justifier sa peur de me faire du mal à ce point-là. Si c'est simplement parce qu'il ne pense pas survivre à la traque de son frère et qu'il pense que je finirai seule, il se trompe. J'empêcherai quiconque de lui faire du mal, même débutante que je suis, ça restera mon devoir de le protéger. Il ne me reste que lui. Je ne peux pas me permettre de le perdre. Alors je le fais basculer sur le dos et monte en califourchon sur lui.
- Tais-toi, je ne veux plus t'entendre, lui murmure-je avant de l'embrasser à nouveau.
L'intensité monte, ses mains deviennent de plus en plus baladeuse jusqu'à ce qu'il décide de retirer mes vêtements par la simple volonté de sa télékinésie. Puis tout s'enchaîne. Le plaisir nous transporte et dure toute la nuit, oubliant tout nos problèmes. Il ne reste que lui et moi. Et nos désirs.
Agir sans réfléchir, oui, c'est sûrement ça qu'il se passe. Et ça fonctionne.
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