21.2 Siskann

(TW : Violence)

Moi et Rika nous regardons silencieux, lui fou de rage et moi juste perdu.

Je détaille son visage, ses traits froncés, ses beaux cheveux blancs qui glissent sur son front, ses yeux déterminé, ses dents serrées et ses veines devenues violettes. Il attend un faux pas de ma part pour m'anéantir. Nous jouions ensembles petits, nous nous aimions. Comment tout a pu si rapidement basculer ? Loana sort de la chambre et sourit au coin. Cette fois c'est elle qui accapare toute mon attention. Elle et un mouvement que je n'oublierai jamais. De ses deux mains, elle attache un collier autour de son cou.

Mon collier.

Ma respiration s'accélère et j'observe attentivement chacun de ses doigts qui caresse le médaillon. Depuis tout ce temps, elle l'a gardé et sans jamais me le rendre. Elle m'a laissé brisé pour son plus grand plaisir. Et aujourd'hui, alors que je tente de sortir des griffes de mon frère, elle le sort de sa cachette pour m'abattre d'avantage.

Je les déteste tous.

Dans un élan surhumain, je repousse Rika. Puis tout s'est joué sur une fraction de seconde. C'était si rapide que personne n'a su m'en empêcher.

Tel un éclair, je me rue vers Loana et charge mon poing d'énergie. J'ai tout juste le temps de voir le visage de la future maman s'écarquillé que mon attaque s'abat sur elle. Une explosion impressionnante surgit et embrase tout l'appartement. Les vitres se brisent, les meubles partent en fumée, les murs s'effritent. Rien ne résiste au nucléaire, pas même les Yurii. C'est pour ça qu'ils ont toujours peur de nous.

C'est pour ça que je dois les abattre.

Le corps de Loana est méconnaissable. Émietté au sol et mélangé aux cendres et débris, je reste debout face à mon carnage. L'enfant aussi a disparu, sans jamais avoir pu voir le jour. À quoi bon naître dans un monde destiné à périr ? Et un sourire malsain se forme sur mon visage.

Soudain une toux masculine me sort de mes mauvaises idées. Je me tourne et aperçois Rika au sol, adossé au mur avec le visage recouvert de son sang. Il est noir de poussière et ses mèches de cheveux lui collent sur les tempes. Je m'approche lentement mais son regard est déjà sur moi.

- Lèves-toi, et arrêtes-moi si tu peux, le provoque-je avant de sortir de son appartement.

Des soldats se tiennent déjà devant la porte prêts à m'abattre. Mais très vite j'y mets fin. Je fais pleuvoir les éclairs et les réduits en chairs grillées. Je fais imploser les lustres et envoie leurs débris de verre dans le crâne de tout ceux qui se dressent sur mon passage. Mieux vaut garder mes forces pour des adversaires plus robustes. L'espace-temps et ses rouages seront utiles contre les Yurii, mais pas face à de futiles soldats.

Je parcours le couloir sans une égratignure mais ma facilité s'arrête subitement lorsque mon père surgit. Armée d'une épée étincelante qu'il devait me faire hériter, il sourit.

- Tu es impressionnant, Siskann, mais tu es un monstre. Et les monstres doivent être abattu.

Je me redresse et plonge mon regard dans le sien, essayant de trouver la moindre peine. Pourtant je ne perçois rien, il semble heureux d'enfin mettre un terme à son propre fils. Toute manière il a Rika, pourquoi s'embêter à avoir Siskann.

- Tu vas enfin m'être utile, poursuit-il. Je pourrais au moins me vanter d'avoir sauver les Yurii de tes mains.

Je les déteste tous.

Il dresse son épée et fléchie légèrement les jambes, faisant tournoyer les murs autour de nous. Il se sert de l'espace-temps pour me faire perdre mes repères. Le couloir tourbillonne, le plafond remplace le sol indéfiniment mais mon esprit voit rouge, et je suis incapable de tomber dans l'un de ses pièges. Tout autour de moi s'assombrit, je ne vois que père. Les murs deviennent d'un rouge sang ténébreux, les décorations disparaissent comme les soldats qui accourent derrière-moi pour m'arrêter. Mon regard est figé devant la silhouette de mon paternel, celui qui m'a toujours avoué que j'étais le plus fort. Rika était le plus doué, et moi le plus robuste.

Y avait-il un sens caché derrière sa phrase ? Me voyait-il comme un ennemi de taille dès mon plus jeune âge ?

- En fait, j'ai toujours su que tu finirais ainsi, sourit-il, électrisant son épée avant d'accourir vers moi.

Il ment. Il ne peut que mentir.

Je n'étais pas destiné à être le méchant, c'est eux qui m'ont fait devenir ainsi. Ils voulaient que je sois le monstre qui les protège mais sans penser que je pourrais me retourner contre eux. Parfois l'élève abat le maître. Est-ce la faute du maître pour l'avoir mal dressé ou l'élève d'avoir mal obéis ?

J'esquive son premier coup, puis son deuxième et son troisième. Je fuis ses attaques sans riposter. Ça n'a pas l'air de le faire réagir, au contraire il s'amuse. Il prend du plaisir à vouloir mettre fin à son fils. Et malgré mes nombreuses tentatives à trouver une once de pitié dans son regard, je ne remarque rien. Mon père veut me tuer, rien de plus.

- Siskann ! s'écrit une voix féminine derrière-moi. Pitié arrêtes !

D'un pivot je me tourne vers elle. Ma mère accourt à moi en relevant le bas de sa robe, montrant ses pieds nus qu'elle a sûrement privilégié aux talons pour se battre. Me battre. Mais non, ma mère ne peut pas vouloir me tuer aussi. Pas elle.

Mon père profite de mes quelques secondes d'absence où j'observe la femme en larmes pour planter son épée dans mon épaule et me plaquer contre le mur. Des engourdissements désagréables se propagent dans mon corps et ma vision s'homogénéise. Les couleurs deviennent grises, flous et m'étourdissent. L'épée est empoissonnée. Mon père sourit face à moi, tenant fermement son arme dans mon épaule pour me maintenir. Dans un grognement, je tente de la retirer.

- Siskann...

Ma mère s'approche lentement de moi, méfiante. Sa silhouette est uniforme, j'ai du mal à la reconnaître tant elle se fond dans le décore. Ce poison va me rendre si faible que je ne pourrai plus me défendre. Je ne distinguerai plus l'ennemi, ni le son, dans quelques minutes je serai aveugle et sourd si je ne fais rien. Une main délicate se dépose sur mon visage, celle de ma mère. Elle m'observe, caressant ma peau avec soin pour essayer de me calmer. Ses murmures de ne me parviennent pas mais je sais qu'elle tente de m'apaiser.

Pour mieux me tuer ensuite.

De mes deux mains, j'agrippe le col de mon père et m'approche de lui, enfonçant d'avantage l'épée dans mon épaule. Je grimace, mais rien ne me fera plus mal que de voir la trahison de ma propre famille. C'est donc derrière leur dos que je crée une dimension miroir où mon propre clone prépare son attaque.

Les quelques secondes qu'il m'a fallu pour maintenir mon père en place ont suffit à ce que mon plus fidèle partenaire transperce sa cage thoracique avec sa main pour y retirer le cœur. Mon clone miroir sourit, ses veines violettes sont sorties et son extase devant le cœur de mon propre père dans sa main le comble. J'observe le corps de mon père chuter, le regard vide de toute vie, s'en est finit pour lui.

Et pour tout ceux qui m'ont trahis.

Sous les cris de ma mère, je retire l'épée de mon épaule et lui tranche la gorge avec. Puis arriva ce qui arriva, tous mes frères et sœurs m'entourent, voulant venger leurs parents. Mes parents.

Mais je n'ai plus de famille, et les voir périr est la seule idée qui me ferait sourire. Alors je maintiens ma dimension miroir, sachant pertinemment que aucun d'eux en est capable. Même mon père ne le maîtrisait pas, c'est un sortilège dont le contrôle de son psychisme est en première loge. Moi et Rika sommes les seuls à avoir connaissance des rouages de l'espace-temps, et pour une fois ça sera à mon avantage.

D'un sourire narquois, je me jette sur mes frères et sœurs et les réduit en miette avec l'aide de mon clone. Plus rien ne peut me résister, sauf les Yurii. Ils collectionnent les alters et je n'ai aucune idée de comment je vais pouvoir les battre. Alors après mon ménage et avoir recouvert les couloirs de sang, j'ouvre un portail jusqu'à l'appartement de Rika, le dernier membre de ma famille encore en vie. Je dois être sûr qu'il soit dans mon camp pour poursuivre, car s'il refuse il sera le seul à pouvoir m'arrêter.

Passant une jambe après l'autre dans mon portail, toujours avec l'épaule presque non-fonctionnelle, je découvre que l'appartement est vide. Seulement les traces de mon carnage sans aucun indice sur la disparition de mon frère. Il s'est volatilisé.

- Rika ? tente-je à travers le silence lugubre de la pièce.

Le soleil commence à se coucher et transforme l'espace en un cimetière mal entretenu. L'odeur de sang séché me parvient, tout comme les rafales de vent qui me fouettent le visage à cause des baie-vitrées brisées. Mais rien d'autre. Et cette ambiance est très étrange.

Soudain, la pièce fond sur elle-même. Les murs s'écoulent sur le sol, le sol devient pâteux et je ne perds pas une seconde pour accourir vers la sortie. Même sauter par la fenêtre me sauverait. Comme toutes attentes, mes pieds restent collés au sol, impossible de les retirer de cette matière boueuse dont s'est transformée la pièce. Les portes aussi ont fondu. Tout disparaît comme si ce n'était qu'une mise en scène.

Puis une femme apparaît devant moi, une Yurii sûrement. Ça fait bien longtemps que je n'ai plus le droit de m'en approcher, ni même de les voir de mes propres yeux. Elle tend son bras vers moi et de fines lames sortent de sa paume pour me transpercer. Grâce à la télépathie, je parviens à en arrêter quelques unes, mais trois se plantent dans mes poumons. Un crachat de sang remonte automatiquement de ma bouche.

- Les Yurii se battent contre les magiciens comme toi depuis des siècles, et tu ne feras pas exception, dit-elle, approchant lentement de moi.

Elle venait de dévoiler leur secret sans s'en rendre compte. Mais ça, je ne le savais pas encore à cet instant.

Je garde le regard vers elle et dans un ultime et dernier effort, j'ouvre un portail. Toutefois, je ne l'ouvre pas sous mes pieds comme habituellement, vu que je suis accrochée au sol. Je crée mon trou de ver autour de moi et le fait passer de mes pieds à ma tête pour me transporter sans avoir même à bouger. Je me téléporte loin du Royaume, dans un navire en pleine mer alors que les orages s'abattent autour de nous.

Évidement, la femme Yurii m'a suivi.

Étrangement, son alter à disparu, je ne suis plus immobilisé et de nouveau libre. Atterrissant sur mes pieds difficilement, je me tiens à la rambarde du pont du navire en observant mon adversaire. Son visage est horrifié et elle recule en essayant de s'éloigner le plus de moi. Pourquoi a-t-elle soudainement peur de moi alors qu'elle est censée être plus puissante ?

Je préfère ne pas savoir la réponse et me redresse pour m'approcher d'elle. Je titube légèrement mais pas assez pour m'effondrer. Elle doit mourir. Alors qu'elle pivotait pour me fuir en courant, je l'attrape à distance par télékinésie et fracasse son corps contre le mur près de nous. Ses os craquent mais pas plus fort que ses hurlements de douleur.

- Tu as perdu tes pouvoirs, Yurii ? ris-je tout en m'approchant de son corps meurtrit au sol

Si seulement j'avais su...

Je ne perds de temps et retire une de mes lames encore plantée dans mon corps pour l'enfoncer dans le sien. Mais cette fois je veux définitivement en finir, la lame se plante dans son front et j'attends patiemment l'arrêt de son cœur pour souffler de soulagement. Je jette ensuite son corps à la mer avant de m'accouder à la rambarde et observer les vagues qui claquent contre la cuirasse du navire. Enfin un véritable silence, pas de suspens ni de tension dangereuse, simplement un silence.

Je n'ai aucune idée d'où peut aller ce navire, mais je sais une chose : mon devoir m'attend.

- Tu as raison, notre devoir nous attend.

Doucement, je tourne le visage vers Petra qui s'avance vers moi. Même par un temps de pluie pareille, elle porte une robe et de jolies bottes en cuir, de quoi illuminer ma vision si stérile. Le poison de l'épée fait encore effet et mes poumons hachent ma respiration douloureuse. Je m'adosse à la rambarde en gardant le regard rivé sur la demoiselle dont les cheveux bouclés sont tressés dans une longue natte arrivant jusqu'à ses lombaires. Elle est si belle.

- As-tu fait ce que tu avais à faire, Siskann ?

Ses mains se déposent de chaque coté de mon visage, observant avec attention mes traits comme si elle y cherchait une faille. Ses yeux gris m'hypnotisent sans me regarder, j'ai même du mal à répondre à sa simple question.

- Il reste Rika...

Son regard se relève et plonge en moi, il touche mon cœur de plein fouet et j'ai l'impression qu'il s'arrête. Pourtant, aucune douleur ne me parvient. Au contraire, mon épaule se sent mieux tout comme mes poumons. Je revis.

- Ton frère comprendra, il faut être patient, me rassure-t-elle. Ne le tue pas, il mérite de vivre autant que toi. Crois-moi, Siskann.

Mes mains glissent sur son dos pour la rapprocher de moi. J'ai besoin d'elle.

- J'ai besoin de toi, murmure-je.

- Et moi de toi.

Puis ses lèvres se pressent sur les miennes, mais cette fois je ne l'a laisserai pas s'éloigner. Plus jamais.

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