12. Aya

L'an 4031, Époque Harmonieuse, Robe de malheur.

Je tourne, tourne et retourne devant ce gigantesque miroir accroché à ma cabine d'essayage. Et non pour voir la tenue que je m'apprête à acheter — je suis toujours en sous-vêtement —, mais plutôt pour observer la marque sur mon dos.

Maintenant que je l'ai remarqué, impossible de ne pas y jeter un coup d'œil à chaque fois que je me change.

Pour la énième fois depuis que j'ai balancé ma robe blanche sale au sol, je me rapproche du miroir pour mieux constater ses traits, et plus je plisse les paupières pour en absorber les détails, plus je suis émerveillée. Il y a des formes que je n'avais pas remarqué avant, comme le fait que la fumée forme le squelette de ma colonne vertébrale de manière plus simple et plus gracieuse. Puis, comme les petits visages accompagnés de petites mains qui glissent le long de mon dos en remontant vers ma nuque.

Si Siskann porte une marque aussi complexe, c'est qu'elle doit avoir sa propre signification. Je le vois mal se faire tatouer juste pour le plaisir.

- Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ?

Avant, c'était une représentation de ma maîtrise du sort inversé.

- Avant ? Avant quoi ?

Tu ne poses jamais les bonnes questions, grogne-t-il.

Et oui, je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air.

Oh que si t'es bête. T'as juste la mauvaise habitude de rallonger le chemin dans l'espoir de prendre un raccourci.

- Avant quoi, Siskann ? répète-je à deux doigts de l'insulter devant son insolence.

Rien à faire de ces explications sur le sort inversé que je connais déjà. Du moins, je connais ce que mère connaissait plutôt. Elle avait même écrit des livres à son sujet. Bonne enfant que je suis, j'ai fait en sorte de m'approprier ces connaissances dans l'espoir de ressembler au mieux à mon idole de mère. Et surtout ; lire le plus de livres possibles.

Difficile de me tenir éloigné d'un ouvrage que je n'ai pas encore dévoré. C'est dans l'écriture et la solitude que ça me procurerait que j'ai pu améliorer mon alter.

Tu as juste l'introversion de croire que tu peux atteindre le sommet sans avoir le moindre contact avec le monde extérieur.

- Au moins, je crois en moi. Enfin, un peu.

Ou alors t'es juste égoïste et insociable.

Ok, il m'énerve. Il a toujours réponse à tout.

Mère a maitrisé son pouvoir seule tout en se trouvant une place digne de son talent. Alors, c'est que j'en suis aussi capable.

Toute manière, mère avait toujours un coup d'avance sur tout. Comment expliquer ses connaissances en sort inversé alors qu'elle n'était pas apte à s'en servir ? Qu'est-ce qui l'a poussé à s'instruire autant, plus que tous les savants, alors qu'elle vit au milieu d'un village « perdu » comme le dit si bien Siskann ? Elle connaissait le sort inversé et grâce à elle, moi aussi. Mes connaissances improbables vont enfin me servir.

Donc, tu sais ce qu'est le sort inversé, maintenant ?

- Oui, et je vois que ça t'étonnes, ironise-je tout en croisant les bras devant le miroir, qu'il voit bien mon mécontentement.

Évidement que ça m'étonne, c'est une maîtrise interdite.

- Et toi, alors ? C'est interdit mais tu te le tatoues sur le dos ?

Il ricane quelques secondes, me faisant passer pour une ignorante de la vie. Comme si ma question était encore une fois d'une grande évidence. Mais voyant qu'il ne compte pas me répondre, je re-bascule sur ma première question.

- Donc...? Pourquoi ça, avant ?

Je sais comment fonctionne le sort inversé mais je ne l'ai jamais vu à l'œuvre, preuve qu'il est bien rare — et interdit, apparement.

Comment Siskann peut-il le maîtriser, alors ?

La réponse m'attire mais je sais que ça ne me plaira pas. Je préfère éviter ce sujet, pas qu'il ne m'intrigue pas, au contraire, mais savoir que Siskann est un criminel recherché est déjà amplement suffisant pour moi. Je n'ai pas besoin d'en savoir d'avantage, ça réduira nos changes de s'entendre et je n'ai pas besoin de briser le seul lien qui me donne espoir, aujourd'hui.

Je préfère donc me préoccuper sur le sujet qui m'intéresse le plus, c'est-à-dire le fait qu'il est utilisé l'imparfait sur un événement qui m'arrive aujourd'hui. À savoir, que sa marque ne ressemblait pas exactement à ça sur lui. Comment est-ce possible ? La marque aurait-elle donc évolué ?

Oui, avant. Avant que tu ne t'en appropries.

Je m'assois sur le siège de ma cabine soigneusement fermée par un rideau rose pâle et me prépare à faire fonctionner mes neurones pour cette conversation. Lorsque Siskann rame autant dans ses réponses, c'est que ça promet d'être complexe.

- Je t'écoute.

Je peux l'imaginer sourire au vu de la chaleur qui se répand en moi. Il aime converser, et de plus en plus. On s'est tous les deux ouverts l'un à l'autre aussi naturellement que l'aurait fait deux frère et sœur qui se retrouvent après une journée de travail.

Au fur et à mesure, nous — enfin moi surtout, car Siskann a toujours été plus communicatif que moi — avons appris à faire de notre cohabitation une évidence sans se soucier de ce qui pourrait arriver par la suite.

Il sait que cette fusion astrale se terminera mal, il me l'a bien fait comprendre en me pressant pour retrouver son corps et pouvoir nous sauver tous les deux avant que ça ne soit trop tard. Alors quoi de mieux que de s'accepter avant qu'un de nous ne disparaisse ? Si ce n'est pas nous deux qui disparaissons en même temps.

Ça ne sert à rien de s'entre-tuer, nous sommes obligés de vivre ensemble.

Lorsque je portais cette marque, elle n'avait pas tout à fait cet aspect là. Je n'avais ni les visages, ni les mains. C'était simplement une fumée noire qui suivait les courbes de mes vertèbres. 

Je pivote vers le miroir avec mon siège et illustre ses explications en observant le dessin sur mon dos. Avec un peu plus d'attention, je confirme ses dires. La marque est bien plus détaillée sur moi, comme si de minuscules âmes se promenaient à travers la fumée. 

C'est la première preuve de la fusion de nos pouvoirs. Le sort inversé plus... l'une de tes capacités donneraient naissance à un nouveau pouvoir.

La bouche-entrouverte de stupeur, je reste figée devant le miroir.

C'est... incroyable ? Terrifiant ? Absurde ? Je ne sais plus quoi penser de tout ça, la fusion astrale devait se limiter à nos âmes. Du moins c'est ce que je pensais, c'est ce que mère pensait aussi, je crois. Peut-être connaissait-elle la vérité mais voulait m'en préserver ? Ou alors tout ça sort complètement de l'ordinaire et ça n'arrive qu'à moi.

Mon cœur s'emporte alors que je m'imagine tous les pouvoirs que je vais m'approprier malgré le fait que je n'arrive déjà pas à gérer le mien.

Depuis si longtemps que je m'en souvienne, mon don était une calamité, une erreur de la nature, un alter de vilain, de monstre. J'avais en moi une arme trop dangereuse pour la société mais pas assez offensive pour entrer dans l'armée. Je n'ai jamais su où me placer. Mon enfance a été réduite à un calvaire à cause de mon pouvoir que je ne savais pas contrôler. Alors je l'ai réduis, j'ai fait profile bas en montrant sans cesse la faible fille que j'étais. Mais tout ça n'était qu'une comédie, je fouillait chaque regard que je croisait sans que jamais personne ne le remarque. Le vice de la fille réservée que je suis.

Mon alter m'a toujours porté préjudice. Même s'il est puissant, il ne m'a jamais vraiment aidé.

Je me demande aussi souvent quel pouvoir j'aurais aimé obtenir, quel choix j'aurais fait si je l'avais eu.

Je crois que je n'aurais rien choisi. Aucun alter ne me plait, aucun don me satisfaisait aussi bien que le mien du moins. Alors j'aurais préféré ne pas avoir d'alter du tout, être humaine, neutre et simple. Ne pas être mêlé à la vie d'une magicienne, être aussi loin que possible du monde magique qui nous entoure.

C'est insensé ? Je ne trouve pas. Pourtant, tous mes amis me le répétaient : « Aya, t'es vraiment bizarre ! Y a rien qui te fait rêver ? Un pouvoir de héro ? » me disaient-ils.

Et qu'est-ce un pouvoir de héros ? Un pouvoir puissant ? Ou un pouvoir qui sauve les gens ? Mais doit-on forcément avoir un pouvoir pour sauver les autres ? Je veux dire, comment faisait les hommes et femmes du passé, alors que la magie n'avait pas encore émergée ? Ils sauvaient les autres eux-aussi. Était-ce meilleur ? La magie est-elle réellement utile ? J'ai l'impression que notre monde est encore plus tragique que celui du passé. Pourquoi la magie est-elle soudainement apparue pour faire un tel désastre ? 

Aya ?

La tête complètement dans la lune, je me redresse et me frotte les yeux pour libérer de l'espace dans mon esprit. Je suis surchargée de questions et je n'arrive plus à éclaircir mes pensées. Je prends quelques secondes pour me rappeler de la question qui m'était posée. Ah oui : ce fameux nouveau pouvoir qui est apparu dans mon dos.

- Et... c'est quoi ce nouveau pouvoir ? demande-je très lentement, méfiante de sa réponse.

Nous verrons quand il se manifestera.

- Je vois... Tu le sais mais tu ne veux pas me le dire, plutôt ? soupire-je.

Je sais beaucoup de choses, mais aussi beaucoup trop pour te les partager.

- J'avais remarqué...

Je me lève et enfile ma nouvelle tenue.

J'ai opté pour un pantalon et un t-shirt noirs que je rentre dans la ceinture, rien de plus simple tout comme l'est l'entièreté de ma garde-robe chez mère. Je recouvre le tout d'une grande — bien trop grande pour moi — veste en cuir rouge foncé, qui à l'avantage de posséder plusieurs poches. Pas besoin de sac.

À mes pieds, se trouve d'adorables bottines de cuir pas moins sobre que le reste de ma tenue. Ça reflète bien mon humeur du jour tout ça.

Je me regarde rapidement dans le miroir et remarque la tignasse de cheveux qui me sert de coupe. Dans un long soupire, j'arrache l'élastique qui tenait le tout et recoiffe cette horreur. Une queue de cheval comme je sais si bien le faire. Et je pense que ça sera ma coupe de combat, la seule capable de ne pas m'infliger une tonne de noeuds irrécupérables.

Enfin prête, j'attrape d'une main mon ancienne robe blanche devenue presque recouverte de sang et de l'autre je tire le rideau de la cabine. Nous avons une mission, et plus vite nous la terminerons plus vite je pourrai rentrer chez moi, du moins s'il me reste un chez moi.

Sur une grande inspiration, je lève mon pied pour sortir de la cabine mais, à peine l'ai-je reposé, que deux hommes me passent devant.

Ils me frôlent, me bousculant presque au passage, et escortent une jeune fille à travers la boutique.

Ils sont immenses mais pas aussi larges qu'on pourrait le penser, leurs muscles sont secs et légers, des athlètes bien vifs. Leur peau est bien plus foncée que la mienne et leurs cheveux jonglent entre le bruns et le blancs, le tout dans des locks qui leurs arrivent aux épaules. Les deux hommes se ressemblent tant qu'on pourrait les confondre de dos. 

L'un d'eux, le plus proche de moi, tourne son visage vers moi. Seulement quelques secondes je croise son regard, le temps de me dépasser et veiller à ce que je ne leur barre pas la route, mais ça suffi à me faire vriller. 

T'es pénible, Aya.

Mais il le dit trop tard, je connais déjà toute la vie de cet homme. Et j'en suis terrifiée.

C'est un chasseur de prime, les deux le sont d'ailleurs. Deux êtres abominables dont le meurtre est le quotidien depuis leur enfance. J'ai vu les milliers de visages assassinés sous leurs yeux. Des corps ensevelis de larmes et de sang, hurlant de terreur et priant d'être épargné, c'est tout ce que j'ai pu trouver dans leurs souvenirs. Ce sont des monstres.

Des monstres dont l'alter est l'électrisation. Ils sont donc capable d'endormir n'importe qui par un simple filet électrique bleu projeté de leur doigt.

Je plaque ma main contre ma bouche pour empêcher mon cri de surprise de sortir. Mais ils le remarquent et pivotent tous les deux vers moi. C'est donc avec mon peu d'instinct de survie que j'ai décidé de fuir cet endroit en courant. 

Je jette ma robe au sol et sors de la boutique à toute vitesse, fuyant ces monstres sanguinaires. Mon cœur rythme mes pas qui accélèrent et je traverse les rues sans même faire attention aux véhicules qui klaxonnent lorsque je leur coupe le passage. Je bouscule quelques personnes et me faufile dans une ruelle. Jetant un rapide regard derrière moi, je remarque par chance qu'ils ne me suivent pas. Alors, je m'arrête et reprends mon souffle. 

Quel cardio pourri. J'aurais mieux fait de récupérer cette capacité là à Siskann plutôt que de récupérer ses pouvoirs.

- Hé ! Toi ! hurle un homme au loin.

Je sursaute et, en entendant ses pas courir dans ma direction, j'éclate en sanglot.

C'est fini, je vais mourir.

Je pivote vers mon interlocuteur mais mes yeux troublés de larmes m'empêchent de le reconnaître. Toutefois, il court vers moi et semble en colère, ça suffi à m'effrayer.

Mourir assassinée comme toutes les filles qui se promènent dans les ruelles sombres et terrifiante.

Je me cache le visage et m'étouffe presque dans mes larmes, espérant que mon tueur aura pitié de moi.

Adieu, Siskann.

Quelle comédienne... T'es ridicule.

Sa remarque suivi de son rire soudain me ramène à la réalité. J'essuie alors mes yeux pour essayer de comprendre en quoi la situation est drôle.

L'homme arrive essoufflé devant moi, il se plie en quatre pour retrouver de l'air, appuyant l'une de ses mains sur son gros et rond ventre. Étrange, mon tueur était bien plus athlétique dans la boutique. C'est en ouvrant bien les yeux que je remarque que finalement je me suis trompée d'homme. Loin de là d'être les deux monstres sanguinaires, ce n'est que le vendeur de la boutique. Mon corps se détend enfin et je retrouve mon calme, malgré mon visage trempé de larmes.

- Vous ! s'exclame-t-il soudain en me pointant du doigt. Vous pensiez partir sans payer ?

Ma vie était en jeu, je n'ai pas pensé à m'arrêter à la caisse lors de ma fuite. Puis avec Siskann à mes cotés, c'est vrai que j'oublie souvent de sortir mon argent. Il a tendance à user de mon don pour tout obtenir sans le moindre effort. Cette mauvaise habitude va être dur à retirer, elle est si simple. Je n'y avait jamais pensé avant alors que j'aurais pu tout avoir gratuit, et ce sans même avoir la moindre poursuite judiciaire ensuite. 

- Payez ! ordonne-t-il.

Je me demande ce que j'aurais été voler si j'avais découvert cette méthode plus-tôt.

Enfin, ce n'est pas du vol, c'est pas non plus une arnaque, je dirai plutôt que c'est une forte persuasion. Oui, c'est ça, je négocie de manière très convaincante mes interlocuteurs, ce qui fait que l'on me laisse souvent repartir sans avoir eu à sortir la moindre pièce.

Si le vendeur nous autorise à obtenir un article sans payer, est-ce le client ou le vendeur qui en sort coupable, d'ailleurs ?

- Vous m'écoutez, bordel !

Je crois sûrement que la responsabilité revient au vendeur, après tout, c'est lui qui tient la boutique. Quand je pense à tous les cadeaux que j'aurais pu m'offrir gratuitement, à tous les livres qui auraient pu remplir ma chambre, à toutes les bougies aux milles-et-unes senteurs, à...

Je prends soudainement une énorme gifle dans la joue.

Ouch... ça fait mal.

Le coup était si violent que mon corps entier vacille et je ne peux échapper une grimace en sentant mon visage bruler sous la douleur. Même mère ne m'avait jamais frappé aussi fort, ni personne, d'ailleurs.

Ma main posée sur ma joue rouge sang, je lève les yeux vers le vendeur euphorique. Son visage déformé par la colère semble prêt à exploser. Que veut-il déjà ? Il tend sa paume vers moi comme si je lui devais quelque chose et soudain tout me revient. 

Ah oui, l'argent.

Tout ne tourne qu'autour de ça toute manière. Le monde est prêt à tout pour rapporter gros. Même tuer devient une tâche si facile lorsqu'on est bien payé ensuite. Cette pensée traverse bien assez d'esprits pour devenir une généralité, et ça en devient écœurant. L'être humain est-il capable de tout pour s'enrichir ? Ou plutôt ; est-ce que toute chose a un prix ? Même la vie ?

Alors que je m'apprêtais à me reprendre une claque de plus belle, j'arrive cette fois-ci à anticiper la main du vendeur avant qu'elle ne me touche.

- Ça va pas ou quoi ?! On ne frappe pas quelqu'un pour de l'argent ! m'énerve-je alors qu'il se fige, la main toujours en l'air prête à me tomber dessus.

Mon pouvoir est intervenu par le biais de ma phrase, le vendeur est paralysé dont seuls les sens fonctionnent encore. Alors j'en profite. Je m'approche de lui, observant soigneusement son regard paniqué et son corps près à perdre l'équilibre telle une statue en mauvaise posture.

- Vous m'avez offert ces vêtements, idiot. Et cessez d'hurler vous m'avez donné mal à la tête, lui crache-je tout en pointant mon index contre contre son front. 

Manipuler, c'est si simple.

La vérité est subjective, elle se déforme à chaque nouvelle bouche par laquelle elle sort. Parfois, tellement les points de vue l'ont bousculé, il devient impossible de retrouver la vérité absolue à son origine. Et certains mensonges finissent par moins mentir qu'une vérité déformée.

Enfin, tout ça pour dire que ce bon vieux vendeur aura une nouvelle vérité dans la tête et rien ni personne ne pourra y changer. Alors, cette vérité devient donc absolue, car je suis son origine et qu'encore aucune bouche ne l'a déformée. Et cette vérité est que ce maudit vendeur m'a offert les vêtements que je porte.

Je le contourne pour poursuivre mon chemin, désactivant au passage mon sort. Son corps reprend de ses mouvements mais je suis déjà bien assez loin pour qu'il me poursuive.

Toute manière, c'est lui qui m'a offert ces vêtements, et si le vendeur offre les articles au client alors le client se doit d'accepter. Je ne vais pas refuser un cadeau, certainement pas.

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