Chapitre 67


PDV Samuel.

" Je le savais, je le savais merde ! " je cri à moi-même en frappant ma main encore une fois sur le volant. Quelques voitures me klaxonnent au passage, mais je suis trop pressé pour m'arrêter et aller voir ce qu'il veulent. De toute façon, je dépasse les limites de vitesse, je dépasse les feux rouges, et je ne fais attention à aucun des panneaux, donc c'est normal que j'entende autant de klaxon.

" Merde non... " je soupire, m'arrêtant derrière une voiture qui bien sûr attend que le feu passe au vert. Mes mains serrent le volant de plus en plus fort au fur et à mesure des secondes, ma conscience continuant à me crier combien je suis idiot. Je suis un monstre. Je l'ai toujours été.

Mais Jade n'a pas voulu comprendre cela. Elle n'a pas vu le monstre que je suis. Du moins, elle n'a pas voulu le voir. Je lui ai dit pourtant, je lui ai même montrée plusieurs fois - tellement de fois.

Le feu passe au vert mais la voiture devant moi prend dix heures pour se remettre en route. Je ne me retiens pas de le lui faire remarquer en appuyant plusieurs fois sur le klaxon. Il avance finalement.

Jade était-elle si aveuglée par ses sentiments pour ne pas voir qui je suis réellement ? Je suppose que oui...

C'est de ma faute. Même si j'ai essayé de prévenir ça, même si j'ai essayé de l'éloigner le plus possible ; je n'ai pas fait assez. C'est de ma faute, parce que je suis seulement un monstre.

Il avait raison quand il me l'a dit.

Je me gare maladroitement sur le parking et tend la main pour ouvrir la portière comme je l'ai imaginé de faire depuis que je me suis mis en route, mais une soudaine force m'empêche de faire cela et je me réinstalle correctement sur mon siège.

Je ferme les yeux en essayant de reprendre ma respiration. Je sens mon rythme cardiaque ralentir. Ma lèvre inférieure commence à trembler.

Une larme s'échappe...

Je la laisse glisser le long de ma joue et s'effacer par lui-même.

J'ouvre à nouveau les yeux en passant mes doigts dessous pour essuyer l'humidité. Je renifle en frottant mon visage avec mes mains, avant de passer ceux-ci dans mes cheveux.

Je me sens enfin prêt à sortir de la voiture. Et quand mon regard se pose sur l'accueil de l'hôpital, tout recommence. Mon rythme cardiaque s'accélère, ma vision périphérique s'efface et je me remet à courir.

J'arrive aux urgences peu après - non sans avoir bousculé un infirmier au passage - et soupire en remarquant les deux personnes attendant leur tour à l'accueil.

Je regarde un peu aux alentours, puis me dirige vers les portes automatiques, espérant trouver Jade sans l'aide de quelqu'un pour gagner du temps.

Malheureusement, dès que je passe les portes, je me retrouve devant un infirmier. Il est rapide pour me faire reculer.

" Vous ne pouvez pas entrer ici monsieur " il remarque.

" Ma femme est là " ma voix est à peine audible, m'obligeant à râcler ma gorge.

" Allez voir la secrétaire d'abord, elle vous dira les informations sur l'état de votre femme " il me conseille.

" Mais je n'ai pas le temps ! "

" Personne n'a le temps monsieur, personne " il se retourne et entre à nouveau dans le bloc, me laissant de l'autre côté des portes automatiques.

Je répète dans ma tête que je dois rester calme et souffle bruyamment quelques fois en regardant les portes.

Soudain, j'entend quelqu'un dire le nom de Jade et me retourne immédiatement, remarquant que c'est une infirmière qui parle avec la secrétaire à l'acceuil.

Je me rend vers eux immédiatement, contournant les personnes qui attendaient leur tour et me faisant sourd à leur remarques.

" Je suis le mari de Jade Huguet " je dis rapidement à l'infirmière.

" Oh, c'est donc vous que j'ai eu au téléphone. " elle fait un rapide signe de tête à la secrétaire avec qui elle parlait, et vient vers moi juste après.

" Je peux la voir ? " je demande immédiatement.

Elle secoue la tête avec une moue désolée. " Le docteur est avec elle en ce moment. Je vais vous faire attendre un instant. Par contre, pendant ce temps, vous devez remplir quelques feu - "

" Elle va bien ? " je la coupe. Ma femme est aux urgences et elle me demande de remplir des papiers ?

" Oh, hum, oui. Elle est arrivée consciente. "

" Ça veut dire qu'elle va bien ? " j'arque un sourcil.

" Je vais voir si le docteur a finit et je viendrais vous chercher " elle me fait un léger sourire avant de s'en aller.

Je veux la retenir par le bras et lui demander plus d'informations, mais au lieu de ça je la suis dans le bloc. L'infirmier de tout à l'heure qui ne voulait pas me laisser entrer n'est pas là pour m'arrêter cette fois-ci.

L'infirmière doit avoir ressenti que je la suis puisqu'elle se retourne.

" Monsieur, vous ne pouvez pas - "

" Je sais " je la coupe, " je veux juste m'assurer qu'elle va bien, et après je m'en irais. " je dis calmement.

Je suis assez surpris quand elle roule les yeux et se retourne pour continuer sa route.

" Restez ici " elle ordonne quand on s'arrête devant une porte. Je hoche rapidement la tête et elle ouvre la porte. Le temps qu'elle entre à l'intérieur et referme la porte, je n'ai que l'occasion de voir des machines à côté d'un lit, mais pas Jade.

Mes mains commencent à trembler et transpirer alors que j'attend derrière la porte. Je relève la tête et regarde le plafond, essayant de refouler les larmes qui essayent encore une fois de passer la barrière de mes yeux.

La porte s'ouvre finalement et l'infirmière ressort de la chambre suivit d'un docteur.

" Elle va bien ? " je répète ma question, cette fois-ci au docteur.

Aucune expression n'est visible sur son visage alors qu'il parle. " Elle va bien, rien de mal. Une ouverture au front et un petit pansement. On va la garder quelques heures de plus pour être sûr qu'il n'y a pas de fracture interne, mais ce n'est rien d'inquiétant. "

Je lâche un énorme soupir de soulagement, ce qui fait sourire l'infirmière qui se tient derrière le docteur.

" Vous pouvez la voir pendant qu'on attend les résultats des analyses " il me fait signe d'entrer et me contourne pour s'en aller.

Je prend une grande inspiration et ouvre la porte. Je fais un pas, puis un autre, et une fois à l'intérieur, je referme la porte derrière moi et m'adosse contre celle-ci.

J'ai l'impression de perdre la voix en la voyant comme ça, allongée sur un lit d'hôpital, à cause de moi. J'espère qu'elle n'a pas entendu le soupir de soulagement que je viens de lâcher.

" Tu... " je m'arrête et me râcle la gorge encore une fois. " Tu vas bien ? "

Sans me regarder, elle acquieçe doucement et tourne la tête de l'autre côté.

Je relève une fois de plus les yeux au ciel, priant pour ne pas craquer maintenant, et m'approche finalement du lit. Mes yeux scannent la chambre, les machines et je suis soulagé de voir qu'aucun n'est attaché à Jade. Je regarde cette dernière un instant, mais voyant qu'elle ne fait ou dit rien, je sors mon portable de ma poche. Je lui jette des coups d'oeil tout en allant sur mon répondeur, mettant son message vocal en haut-parleur.

' Pourquoi tu me fais ça Samuel ? Pourquoi tu aimes jouer ce... Ce jeu, avec moi ? Ça t'amuses ? J'imagine que oui si tu continues à le faire encore et encore. Ça t'amuses, n'est-ce '

" Arrêtes " Jade murmure, fermant les yeux.

' me voir énervée même. Ca t'amuses, n'est-ce pas, de savoir que je suis tombée dans ton piège et que quoique je fasse je ne peux pas en sortir ? De savoir '

" Samuel arrêtes ! " elle tourne finalement la tête vers moi.

' savoir que je t'aime et que tu p - Fin du message '

Je raccroche et range mon portable. Je pose mes mains sur les barres du lit et baisse la tête, essayant de reprendre le courage que j'avais il y a un peu plus d'une heure, essayant de retrouver les mots que j'avais prévu de dire.

" Tu ne peux pas m'aimer " je finis par soupirer, relevant les yeux vers elle.

Elle me regarde un instant comme si elle ne croyait pas ce que je viens de dire. " Pardon ? " elle ricane ensuite.

" J'ai dit, tu ne - "

" J'ai entendu ce que tu as dit " elle me coupe d'une voix froide. " Tu te rend compte que je suis à l'hôpital ? Tu penses vraiment que c'est le moment de parler de ça ? "

" Il n'y a pas de bon moment pour parler d'une telle stupidité " j'essaye de garder ma voix ferme et l'empêcher de me déstabiliser.

" Une telle stupidité ? "

" Oui, une stupidité. Écoutes, tu ne peux pas m'aimer, point final. C'est aussi simple que ça "

Elle secoue légèrement la tête en se redressant. " Écoutes un peu ce que tu dis Samuel. ' Tu ne peux pas m'aimer ' ? Tu penses que c'est moi qui décide aussi ? Et pourquoi je ne peux pas ? Ce sont mes sentiments, j'en fais ce que je veux "

" Jade...  " je baisse la tête encore une fois, mordant l'intérieur de ma joue.

Je suis un monstre. Je suis un monstre. Je suis un monstre. Je suis un mons -

" Tu ne peux pas m'aimer parce que je ne t'aime pas moi " je relève la tête et la regarde droit dans les yeux.

Je suis un monstre. Je suis un monstre. Je suis un monstre. Je répète cette petite phrase dans ma tête alors que je vois la déception dans les yeux de Jade. La douleur, la souffrance, la peine, le chagri -

Je suis un monstre.

PDV Jade.

" Tu m'entends ? Je ne t'aime pas " il répète avec plus de force. " Je ne t'aime pas, et je ne le ferais jamais Jade. Je ne t'aime p - "

" J'ai compris " je le coupe, ma voix sortant plus forte que ce que j'imaginais. Plus ferme. Plus froide même.

" Bien " il continue à me regarder dans les yeux, comme pour me prouver que ses propos sont sincères, vrais. Finalement, il détourne le regard, et quitte la chambre sans un mot de plus.

J'attend les larmes. Je sens la boule dans ma gorge, mais les larmes prennent plus de temps pour monter à mes yeux. Pour une fois je me force, pour une fois je veux pleurer ; mais mon corps décide pour moi et laisse mes yeux secs.

Peut-être que je n'ai plus de larme à pleurer, qui sais ?

Peut-être que j'ai beaucoup trop pleurer. Peut-être qu'il est temps de passer à autre chose.

Je suis presque convaincus qu'il ne me reste plus de larme à pleurer lorsque, deux heures plus tard, je donne le numéro de mon frère aux infirmiers pour qu'il puisse venir me chercher.

Je suis soulagée de savoir que je n'ai rien d'important, mais je suis surprise de me dire que je n'aurai pas été si dévastée s'il m'arrivait quelque chose...

" Elle ne doit pas dormir les vingt-quatre heures suivant l'accident " le docteur explique à mon frère alors que je me prépare pour sortir. " Il est trois heures du matin, donc soyez sûr qu'elle ne dorme pas pendant encore vingt-heure. Les résultats sont tous bon, mais si vous voyez quelque chose d'anormal, n'hésitez pas à revenir. "

" Merci beaucoup docteur " Matt lui serre la main avant de se retourner vers moi. Il me prend le bras gentiment pour - je suppose - m'aider à marcher.

Je ne dis rien, et après quelques mots de plus échangés avec le docteur et l'infirmière qui s'est occupée de mon pansement, nous quittons enfin les urgences.

" Tu veux peut-être t'allonger sur la banquète arrière ? " il propose quand on arrive près de sa voiture.

" Non, ça va aller " je lui offre un léger sourire et il m'aide à m'installer sur le siège passager avant de s'installer à son tour.

" Je t'emmène chez nous, je dois être sûr que tu ne dormes pas " il me rappelle en se mettant en route.

" D'accord " je murmure, pose ma tête contre la vitre et ferme les yeux.

" Je viens de dire que tu ne dois pas dormir " il semble légèrement agacé.

" D'accord " je répète et ouvre mes yeux.

Il me jette des coups d'oeil toutes les deux minutes pour être sûr que j'ai bien les yeux ouverts, et le trajet se fait en silence pendant un moment.

" Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ? " il demande, brisant le silence.

Je prend une grande inspiration, l'accident repassant devant mes yeux et me faisant frissonner. " Je... Il y avait un chat sur la route. J'ai fait une manoeuvre pour ne pas l'écraser, et j'ai finis dans un arbre. "

Je ne veux pas lui dire que je voyais flou à cause des larmes et que le stress et la panique m'ont fait faire les mauvaises choses. Non, il n'y avait pas de chat sur la route. Il y avait Samuel dans mon coeur et dans ma tête.

" Et où est ton supposé mari dans tout ça ? Ça ne me dérange pas de venir te chercher, je préfère même que tu restes avec moi, mais c'est son devoir d'être là quand tu vas mal "

Je ricane. " Tu parles comme s'il était vraiment mon mari... "

" Forcé ou pas Jade, vous êtes mariés. Et il se doit d'être là à un tel moment. "

" Il était là " je me surprend moi-même par ma déclaration. " Je lui ai dit de partir pour s'occuper de la voiture " je mens.

Je me sens comme obligée de le défendre. Même si je suis stupide, et même s'il ne m'aime pas.

Ses mots ne veulent pas quitter mon esprit. Se répétant, se répétant, et se répétant encore une fois. Comme pour me torturer. Augmenter ma souffrance. Me faire plus de mal. Me faire pleurer...

Mais les larmes ne sortent toujours pas.

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