Chapitre 5
« Annie lève-toi » dis-je avec agacement en tirant sur la couverture recouvrant son corps.
« Je ne veux pas y aller » grogne-t-elle en tirant sur la couverture.
« C'est le dernier jour Annie, après tu es en week-end. Allez lève-toi »
Elle grogne une fois de plus avant de se lever. C'est le même scénario à chaque fois que c'est moi qui la réveille. Elle traîne des pieds jusqu'à la cuisine où son petit-déjeuner est prêt. Elle sourit à mon père, lui embrasse la joue avant de s'asseoir à table.
« Ils vont arriver dans une heure à peu près. Soit prête » dit mon père sans relever les yeux de son journal.
J'hoche la tête, sachant qu'il me regarde du coin de l'œil et vais à ma chambre. Je prends rapidement une douche et m'habille avant de sortir de ma chambre. Heureusement Annie est prête, je ne vais pas devoir courir après elle ce matin. Je lui donne son sac et la regarde descendre les escaliers pour aller à l'école.
« Soit souriante et polie » m'ordonne mon père alors que je débarrasse le bol d'Annie.
J'espère qu'ils pourront se débrouiller quand... quand je serais partie.
« Tu m'as entendue ? » demande-t-il de sa voix grave.
« Oui... »
Je vais ranger la chambre d'Annie en attendant. Je n'ai vraiment pas envie d'y aller. Je vais me retrouver seule avec Jeanne et je n'ai pas envie de voir toutes ces robes de mariée qui autrefois me faisaient rêver. Maintenant elles font partie de la liste de mes pires cauchemars.
« Jade! La voiture est là ! » crie mon père depuis le salon.
Je prends mon manteau et met mes bottines puis souffle avant d'ouvrir la porte d'entrée.
« J'y vais ! »
Bien sûr que j'y vais. Ce n'est pas comme si j'ai le choix. La voiture est là? Non, plutôt la limousine est là. À quoi ça sert de venir dans une rue comme celle-ci avec une limousine ? En plus on est que deux.
« Mademoiselle » dit un homme, que je suppose être le chauffeur, en m'ouvrant la porte.
Je le remercie d'un signe de tête et monte dans la voi... la limousine. Jeanne n'est pas là, pourtant c'est avec elle qu'on devait y aller.
« Madame est déjà partit » annonce le chauffeur après s'être installé.
J'hoche la tête et il ferme la petite fenêtre qui nous sépare, me laissant seule. Je ne me sens pas à l'aise, mais alors pas du tout. Je ne suis pas à ma place ici et je le sais. J'étais heureuse dans ma petite maison avec mon vélo. Je n'ai jamais demandé tout ça.
Je regarde par la fenêtre alors qu'on roule. Les gens dans les rues s'arrêtent pour nous regarder passer. Pour certains ça doit être la première fois qu'ils voient une limousine. Surtout si elle passe dans un quartier comme le nôtre.
La voiture s'arrête au bout d'une demi-heure. Le chauffeur m'ouvre la porte et me tend la main pour m'aider à descendre. C'est ridicule de descendre d'une limousine habillée comme ça. Non c'est ridicule de descendre d'une limousine tout court.
Je me retrouve devant un bâtiment blanc à deux étages. Les vitrines sont décorées par des mannequins portant des robes de soirée au rez-de-chaussée et des robes de mariée à l'étage. Je suppose que je dois entrer ici. Je peux encore partir mais je ne le fais pas. « Soit polie ». La voix de mon père résonne dans ma tête alors que je force un sourire en poussant la porte.
« Bonjour mademoiselle » m'accueille une jeune femme.
« Bonjour... Je... Je devais venir avec... » balbutiais-je.
« Je sais, madame est à l'étage, on attendait que vous » dit-elle avec un grand sourire.
Je sens que mon cœur va me lâcher alors que je monte les escaliers. Je débarque dans un espace tout blanc. Les murs sont presque tous décorés avec des miroirs et les diamants des robes de mariée scintillent dans celles-ci.
« Ah voilà notre jeune mariée ! »
Je me retourne à l'entente de cette exclamation pour faire face à Jeanne dans une tenue toujours aussi professionnelle. J'espère qu'on ne m'obligera pas à porter ça parce que je n'y arriverais tout simplement pas.
« Tu as tout pour te plaire ici! J'ai déjà fait quelques choix, je voudrais que tu les essaies » dit-elle après m'avoir saluée.
« Euh oui bien sûr » marmonnais-je en la suivant.
Un tas de robes est disposé sur une table, toutes plus belles les unes que les autres. Jeanne me montre la cabine d'essayage et j'hoche la tête avant de prendre la première robe et de rentrer à l'intérieur. Deux femmes entrent avec moi et m'aident à mettre la robe. Ce ne sont que des femmes après tout mais d'une certaine façon je suis mal-à-l'aise.
« Tu es magnifique ! » s'exclame Jeanne dès que le rideau s'ouvre.
« Merci » murmurais-je en me retournant vers le miroir.
La robe est vraiment belle. De la dentelle, des diamants, tout ce qu'une belle robe peut contenir.
« Tu ne l'aimes pas ?»
« Si mais... » je ne pourrais pas dire que le problème c'est que je ne veux aucune robe.
« Essaye les autres aussi » me dit-elle en me pointant le tas.
J'essaye robe sur robe, en essayant de garder le sourire mais ça devient lassant. Jeanne me complimente à chaque essayage mais elle n'a toujours pas l'air convaincue.
« Ah celle-ci est merveilleuse ! Elle te va si bien ! Tu devrais la prendre. » s'exclame-t-elle alors que je regarde mon reflet dans ma... peut-être trentième robe.
« Elle est vraiment belle... » dis-je le pensant réellement.
« Bon, change-toi » dit-elle d'une voix triste après un instant de silence.
Après m'être revêtue Jeanne insiste pour qu'on aille boire un café ensemble. La voix de mon père surgit dans ma tête, je suis obligée d'accepter. Un restaurant se trouve non loin de la boutique alors on décide de marcher. Qui ferait une vingtaine de mètres en limousine? J'aurais préféré rester dehors mais vu le temps qu'il fait il ne vaut mieux pas. De toute façon je ne fais que suivre Jeanne qui s'installe à une place à côté de la fenêtre. Le restaurant est presque vide et je suis encore mal à l'aise. L'ambiance, les couleurs, la disposition, rien n'est chaleureux ici.
« Deux cafés s'il vous plaît » commande Jeanne.
Le serveur qui était devant nous hoche la tête et s'éloigne, me laissant seule face à un visage détenant une expression indéchiffrable.
« Écoutes ma belle, je comprends ton manque d'enthousiasme pour tout ceci mais je t'assure que si je pouvais t'aider je le ferais » commence-t-elle.
« Je comprends » dis-je sans la regarder dans les yeux.
« Ça va être dur pour toi et pour Samuel, j'en suis consciente mais vous devez vous habituer. Tu auras tout ce que tu veux, tu vivras comme tu veux, tu seras heureuse mais seulement si tu y mets du tien aussi »
J'aurais tout ce que je veux? Est-ce que j'aurais l'amour que j'ai tant attendu? Est-ce que j'aurais la famille que j'ai rêvé de construire? Je ne pense pas alors non, je n'aurais pas tout ce que je veux. Je vais être heureuse? Pourquoi tout le monde me répète ça? Pourquoi il ne comprennent pas que je ne vais jamais être heureuse?
" Bon, tu peux choisir la robe que tu veux. Elles te vont toutes très bien de toute façon. "
La robe que je veux? Je sais laquelle que je veux.
" Est-ce que... Je peux mettre la robe de ma mère? " demandais-je hésitante.
" De ta mère? "
" Oui... Elle est en bon état et c'est la seule que je veux " souris-je.
Elle me regarde un moment, pensive. Quand elle souffle, j'ai comprends que j'ai gagné.
" Si c'est le seul moyen pour que tu souries... Alors tu peux la mettre. Mais je veux la voir avant, il faudra peut-être faire quelques retouches " cède-t-elle.
" Elle n'a pas besoin de retouche " dis-je sur la défensive. Personne ne peut toucher la robe de ma mère.
____
" J'espère que tu t'es bien comportée " dis mon père dès que je rentre à l'appartement.
" Oui " soufflais-je avant d'aller dans ma chambre. Après une bonne douche pour évacuer tout ce stress, je m'habille confortablement et vais à la cuisine pour préparer le repas.
" Yes !" entendis-je Annie crier dès qu'elle rentre dans la cuisine.
" Qu'est-ce qu'il y a ? "
" Je suis en week-end ! " crie-t-elle avant de m'embrasser la joue. Je voudrais être aussi joyeuse qu'elle en ce moment... " On mange quoi ? " demande-t-elle en essayant de voir par-dessus mon épaule malgré sa petite taille.
" Lasagne " souris-je. Je sais qu'elle adore ça.
" Yes ! " crie-t-elle une fois de plus avant de me laisser seule dans la cuisine.
Je dresse la table lentement, tout en réfléchissant. Est-ce que je devrais mettre la robe de ma mère? Oui je devrais. Au moins on doit me laisser cette opportunité.
" Est-ce que je peux voir ta robe ? " demand Annie pendant le repas.
Je regarde mon père du coin de l'oeil. Il relève la tête de son assiette pour me regarder un instant, attendant sûrement une réponse aussi.
" Oui... Je... Je vais mettre la robe de ma mère "
La fourchette de mon père tombe de sa main, sa bouche s'ouvre mais il ne dit rien et se lève de table. J'aurais peut-être dû attendre pour le dire.
Après avoir débarrassé la table avec l'aide d'Annie, je vais dans ma chambre. Je ne reste presque plus dans la même pièce que mon père. Quand je repense au passé, les dîners en famille, les soirées cinéma, les sorties le week-end...
" Jade ? " demande mon père derrière la porte.
" Entre " dis-je sans conviction.
" Édouart vient de m'appeler " dit-il en restant dans l'embrasure de la porte. Je sais que je ne vais pas aimer ce qu'il va me dire. " Samuel viendra te chercher demain soir pour t'emmener dîner " Qu'est-ce que j'ai dit? Ah oui je n'allais pas aimer...
Sans que je puisse répondre ou plutôt protester, il referme la porte. Après une journée avec sa mère, je dois passer une soirée avec lui. Il me déteste, pourquoi voudrait-il m'emmener à un dîner? Sauf s'il est forcé, là je comprendrais.
" Jade! Jade réveille-toi ! " entendis-je hurler près de mon oreille.
" Qu'est-ce que tu veux Annie ? " grognais-je.
" C'est papa. Il a dit que tu devais t'acheter une robe pour ce soir " explique-t-elle.
Une robe? Il peut toujours rêver! Il est hors de question que je mette une robe pour... lui.
" C'est bon Annie, j'arrive " dis-je pour qu'elle me laisse.
" Papa est déjà partit. J'ai faim, dépêche-toi ! " crie-elle en refermant la porte de ma chambre.
Je me lève en soufflant et vais dans la salle de bain pour me laver le visage. Je prépare rapidement un déjeuner pour Annie, puisqu'il est déjà midi, et commence à faire le ménage. Je ne peux pas manger quand la maison n'est pas rangée. Bizarre? Je sais mais je suis comme ça.
Il est rapidement l'heure de commencer à me préparer comme me le fait remarquer mon père qui est rentré il y a quelques minutes. Je suis sûre qu'il est venu pour être sûr que j'aille à ce dîner. Après avoir pris une douche, je mets un jean noir avec une blouse bleue et mon manteau noir. Je tiens mon bout, je ne mettrais pas de robe.
" Jade! Samuel est en bas !" crie mon père avant que je ne sorte de la chambre.
" Je t'avais dit de mettre une robe " dit-il sévèrement pendant que je mets mes bottines.
" Comme tu vois, je n'ai pas mis de robe " répliquais-je avant de sortir en claquant la porte. Déjà qu'il me force à... pleins de choses, il faut qu'il arrête un jour.
Une voiture noire est garée juste devant mon immeuble, je devine que c'est lui. D'une main hésitante, j'ouvre la portière côté passager. C'est bien lui. Il regarde droit devant lui pendant que je m'installe. Je n'ai même pas le temps de mettre ma ceinture qu'il a déjà démarré. Je sens que je vais passer une très trés bonne soirée...
Il y a un silence pesant et personne ne peut le briser. Je n'arrive pas à croire que bientôt je vais vivre avec lui. Dehors, la nuit m'empêche de reconnaître les lieux. Bon il y aussi le fait qu'il roule vite mais bon, je ne dis rien. Quand il s'arrête d'un coup fort, je suis obligée de me retenir à la portière pour ne pas cogner ma tête. Je le regarde avec incompréhension alors qu'il a le regard ancré devant lui. On n'est même pas arrivés en plus. Il s'est arrêté à côté de la route, que je ne connais pas.
" Tu as pensé à ce que je t'ai dit? " demande-t-il froidement toujours sans me regarder.
" J'en ai parlé avec mon père mais... " ma voix sonne ridicule.
" Je pense que je n'ai pas été très clair. En aucun je ne voudrais me marier avec... toi " dit-elle d'une voix dégoûté. Comme si moi je le voulais... " Si tu ne veux pas vivre un enfer, fais quelque chose pour empêcher ce mariage ".
" J'ai essayé mais ... "
" Essaye encore alors ! " je sursaute face à son haussement de voix. " Tu gâches ma vie putain, je te déteste déjà ! Descend !"
" Quoi ?" dis-je surprise.
" Descend ! " hurle-t-il une fois de plus.
" Mais je ne sais même pas où on est ! "
" Je m'en fiche descend! "
Je le regarde d'un regard noir mais il tourne la tête. À contrecœur j'ouvris la portière. " Je te déteste " dis-je avant de claquer la porte. Dès que je suis dehors, il démarre et s'éloigne, me laissant seule ici. Je regarde autour de moi mais je ne reconnais pas les lieux. Il n'y a pas de panneaux pouvant m'aider et on est hors agglomération. Comment peut-il être aussi cruel? Qu'est-ce que je vais faire maintenant? Il fait nuit, il fait froid, et je ne sais pas où je suis. Je m'assois au sol, et essuie mes larmes qui coulent abondamment. Peut-être qu'il va comprendre son erreur et venir me chercher. Je veux juste rentrer chez moi...
Après une heure d'attente, je pense qu'il serait temps de prendre conscience qu'il ne viendra pas. Mes mains et mes joues sont gelés. Je prends mon sac pour sortir mon portable. Un papier tombe au sol quand je prends mon portable. C'est une carte. La carte de cet inconnu que j'avais vu au parc. Il y a le numéro de son cabinet et son portable. Je repose la carte dans mon sac, je ne sais même pas pourquoi je l'ai gardé. J'essuie mes larmes du revers de la main et regarde ma liste de contact. Qui viendra m'aider à cette heure? Je n'appellerais sûrement pas mon père. Mais je ne vois pas qui je pourrais appeler aussi. Mes yeux divaguent vers la carte dans mon sac. Il m'avait dit que je pouvais l'appeler en cas de problème. Est-ce un problème? Oui, un gros problème. Mais je ne le connais pas. Mais il est avocat. Je suis sûre que je pourrais lui faire plus confiance qu'à Samuel.
D'une main tremblante je compose son numéro et porte mon portable à mon oreille. J'espère que je ne fais pas une bêtise...
« Marc Roudet, bonjour » dit-il dès qu'il décroche.
« Euhm bonsoir... Je... Vous m'aviez donné votre carte il y a quelques jours dans un parc... » balbutiais-je.
« Ah oui je m'en rappelle! Tu vas bien? Est-ce que tu pleures? »
« Je... J'ai besoin d'aide » avouais-je.
« Euh d'accord... Où es-tu? »
« Je ne sais pas... » pleurais-je.
« Calme-toi d'accord? Tu es loin de la ville? »
« Je... On est sortis de la ville, il y a rien autour... »
« Euh... Écoutes, marche un peu, n'aies pas peur et dis-moi si tu vois un panneau ou un indice » me conseille-t-il.
Je me lève et commence à marcher dans le sens opposé que l'on arrivé . Je ne vois presque rien puisqu'il fait nuit. J'aperçois une lumière non loin et je commence à courir.
« Euh il y a une petite maison en pierre au bord de la route et un panneau indiquant la sortie n°5 de Paris. »
« Je vois où c'est. Ne bouge pas j'arrive » dit-il avant de raccrocher.
Cette maison est délaissée et ça me fait encore plus peur car une lumière s'en dégage quand même. J'essaye de rester debout malgré mes jambes qui tremblent et attend... Marc.
Une voiture s'arrête devant moi un quart d'heure plus tard et je reconnais Marc quand il descend. Oh mon Dieu, il est en pyjama. Je crois que je l'ai dérangé et pas qu'un peu...
« Ça va? » demande-t-il en accourant vers moi.
« Je suis vraiment désolée, je ne savais pas qui appeler... »
« Ne t'inquiètes pas ça va... Viens on y va » dit-il en me prenant la main.
Il m'aide à m'installer dans sa voiture et monte à son tour avant de démarrer.
« Tu veux que je t'emmènes chez toi? » demande-t-il alors que j'essaye d'arrêter de pleurer.
« Je... non, s'il te plaît » murmurais-je.
« Ok. Ça ne te dérange pas si on va chez moi? Parce que sortir dans un lieu public en pyjama ça ne me tente pas trop » rit-il.
« Ça ne me dérange pas » ou peut-être que je ne veux juste pas aller chez moi...
« Très bien » dit-il en souriant.
Merci papa. Merci Samuel.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top