PDV Jade.

Je me réveille avec un mal de tête. Et pas seulement, j'ai mal partout. Je me sens épuisée, faible, comme si je ne pouvais faire aucun mouvement. Quand j'ouvre complètement les yeux, je remarque que je ne suis pas dans ma chambre. Je suis chez mon frère. Les événements de la veille me reviennent en tête et les larmes me montent aux yeux. J'essaye d'étouffer mes sanglots pour ne réveiller personne. Il doit sûrement être très tôt, il fait toujours nuit dehors. Je m'assieds sur le lit, amène mes jambes à ma poitrine pour poser ma tête sur mes genoux. Mon mal de tête augmente, je suis épuisée de pleurer mais je n'arrive pas à m'arrêter. La porte s'ouvre et quelqu'un entre dans la chambre. Quand je relève la tête, je peux apercevoir la lumière se propageant à travers les rideaux. J'ai pleuré combien d'heures ? Je donne mon attention à mon frère qui s'est assis à côté de moi. Il me prend immédiatement dans ses bras et je laisse sortir tous les sanglots que j'avais étouffés jusqu'ici.

« Shh, tout va s'arranger... » dit-il en me frottant le dos.

L'insécurité est visible à travers sa voix. Je me demande s'il me dit cela pour me convaincre ou pour se convaincre lui-même.

 « Papa a appelé » dit-il après un long moment.

Je ne réponds pas, je ne veux pas l'entendre, ni le voir, je ne veux rien savoir sur lui.

« Vous allez chez les Huguet demain soir... » continue-t-il.

« Je veux pas » je couine.

« Je sais... Je sais... Mais j'y peux rien, tu dois y aller »

Je suis restée toute la journée au lit. Mon père m'a appelé plusieurs fois sur mon portable ou par l'intermédiaire de mon frère, mais je n'ai pas répondu. Comment un père peut faire ça à sa fille? Comment peut-il croire que je vais être heureuse dans ces conditions?

Je suis assise, adossée au lit, un paquet de mouchoir à mes côtés quand la porte s'ouvre.

« Tata? »

C'est Maria, ma nièce de cinq ans. Elle ferme la porte et avance vers moi. Elle monte sur le lit et s'assoit en face de moi.

« Pourquoi tu pleures? » demande-t-elle toute innocente.

« T'inquiètes pas ma belle, c'est pas important » je lui fais un petit sourire.

Elle se déplace pour monter sur mes genoux. Je veux toujours rester seule mais je la prends tout de même dans mes bras. Elle porte sa petite main à mon visage et essuie quelques larmes de mes joues.

« Tu as mal où? » demande-t-elle.

« Ici » dis-je en posant ma main sur ma poitrine, montrant mon cœur.

Elle pose sa main à cet endroit.

« Ça va passer si je fais un bisou? » demande-t-elle, inquiète.

Je souris face à sa question. J'acquiesce et elle se penche pour donner un bisou sur ma poitrine.

« Ça va mieux ? »

« Oui, merci » dis-je en souriant.

« Bisou magique » rit-elle.

Je ris avec elle. Un vrai rire depuis l'annonce de mon père.

« Je peux dormir avec toi? Comme ça si tu as encore mal je te referais un bisou ! »

« Bien sûr » dis-je et souris en la voyant taper des mains.

On frappe à la porte et Éloïse apparaît quand je lui dis d'entrer.

« Maria? »

« Elle dort avec moi » dis-je.

Ma voix sort plus petite que d'habitude.

« D'accord » dit-elle en me souriant. « Bonne nuit »

« Bonne nuit » dis-je en même temps que Maria.

J'ai réussi à dormir un moment avec les petits bras de Maria m'enveloppant. Je me réveille en sentant des petites mains dans mes cheveux. Quand j'ouvre mes yeux, deux yeux bleus me regardent avec intensité. Maria a les mêmes yeux que moi.

« Ils sont beaux tes cheveux » sourit-elle.

« Les tiens aussi » souris-je à mon tour.

« Viens! Je vais te préparer pour ce soir! » dit-elle en essayant de me faire lever.

« Qu'est-ce qu'il y a ce soir? »

« Tu vas au dîner, c'est grand-père qui l'a dit »

Pendant un moment j'avais oubliée tout cela. Je me relaisse tomber sur le lit et Maria grimpe sur moi.

« Qu'est-ce qu'il y a? Tu as encore mal? » demande-t-elle inquiète.

« Maria, va dans ta chambre s'il te plaît » dis-je en la prenant dans mes bras pour la déposer à terre.

« Jade? » j'entends la voix de mon frère à travers la porte.

« Entre » dis-je. Il vient s'asseoir à côté de moi sur le lit et Maria grimpe sur ses genoux.

« Ça va mieux? » me demande-t-il.

Je hoche la tête avant que Maria prenne la parole.

« Papa, il faut aller chez le docteur! Tata a encore mal. Je lui ai fait un bisou magique comme maman le fait ici, dit-elle en pointant la poitrine de son père, mais elle a encore mal! »

« Non chérie, pas besoin de docteur, tata a besoin de se reposer d'accord? »

« D'accord... Est-ce qu'on va aller avec tata ce soir? » demande-t-elle.

« Non bébé, tata va avec grand-père »

« Matt, venez avec moi, s'il te plaît » le suppliais-je.

« Jade... » commence-t-il.

« Ne me laisse pas seule, je t'en prie »

« Aller papa » intervint Maria.

« D'accord, je vais prévenir Éloïse, va prendre une douche et après on déjeunera » cède-t-il.

J'acquiesce avec un sourire de remerciement.

« J'ai pas de vêtement de rechange » remarquais-je quand je m'apprêtais à sortir de la chambre.

« Va prendre ta douche, Éloïse va te ramener des vêtements » dit-il.

Je hoche la tête et traîne des pieds jusqu'à la salle de bain. Je rentre dans la baignoire et des milliers de frissons parcourent mon corps avec le contact de l'eau chaude. Je sens mes muscles se détendre petit à petit avec la chaleur. Je reste plus longtemps que prévu dans l'eau, appréciant le moment. J'enroule une serviette autour de mon corps et sors de la salle de bain. Quand j'arrive à "ma" chambre, des vêtements sont disposés sur le lit. Une jupe droite noire m'arrivant aux genoux avec une blouse blanche à pois. J'aurais préféré m'habiller plus simplement, avec un jean, mais je n'ai pas trop le choix maintenant. Je m'habille et sèche mes cheveux puis les regroupe en une queue de cheval. Je sors de la chambre, prête, et me dirige vers la cuisine mais j'entends des voix venant du salon. Je n'aurais pas écouté pas si le sujet n'était pas le repas de ce soir, mais c'est le cas.

« S'il se passe quelque chose, je ne veux pas que Maria voit ça » dit Éloïse.

« Il ne va rien se passer. C'est seulement un dîner où ils vont parler du mariage » répond mon frère.

J'entre alors dans le salon avant qu'Éloïse puisse répliquer. Je la comprends, après tout l'ambiance sera tendue, il pourrait se passer quelque chose et Maria doit rester à l'écart.

« Vous n'êtes pas obligés de venir » dis-je d'une petite voix.

« Non, non, Jade, tu ne devrais pas y aller seule, Matthieu doit venir avec toi mais je préfère rester ici avec Maria » s'explique-t-elle.

Je regarde mon frère pour son approbation et il hoche la tête.

« Merci » dis-je simplement.

On va déjeuner. J'ai réussi à manger quelque peu ce matin. Surtout avec l'aide de Maria qui m'a préparé des tartines elle-même. Son innocence me fait sourire, me fait croire au bonheur. Peut-être que j'ai seulement besoin de quelque chose pour continuer à croire...