Chapitre 5
Alertés par le cri et le grand fracas à l'étage, les parents de La'ana se précipitèrent vers la chambre de leur fille et découvrirent l'étrange scène. Leur fille dos à eux, se relevant avec peine, Abigaïl les deux mains sur la bouche, en pleur et un corbeau, avachi contre le mur à l'apposé. « Que se passe-t-il ? s'écria Viviane. »
La'ana se retourna vivement vers ses parents. « Abigaïl vient de faire de la magie ! »
Le visage de ses parents marquait l'incompréhension.
« Impossible ! remarqua Marc. »
Les pleurs d'Abigaïl s'intensifièrent à cette remarque, et aux regards hébétés des parents de son amie.
La'ana prit conscience de la violence de son propos. Abigaïl avait sans aucun doute essayé de cacher sa magie aux yeux de tous, et elle, le lui remettait en pleine face. Son amie était terrorisée. Elle s'approcha lentement et lui murmura : « Ab, regarde. »
La'ana tendit la main vers son amie, qui après quelques secondes releva légèrement la tête, les yeux rouges de pleurs. La'ana ouvrit la paume de sa main et une flamme y apparut. Abigaïl ouvrit de grands yeux et stoppa net ses pleurs. Son regard se porta successivement sur la flamme, son amie et ses parents. Comme pour donner de la contenance à leur fille ses parents firent de même. Leur cœur d'Abigaïl s'accéléra, ses larmes se tarirent.
« Je ne suis pas un monstre ? »
La phrase d'Abigaïl provoqua un choc en La'ana, elle prit brusquement son amie dans ses bras et la serra tout en lui murmurant : « Bien sûr que non, tu es comme nous. Bon, j'avoue que je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe... »
La remarque de La'ana fit rire légèrement Abigaïl, elle se calma un peu et se détacha lentement de son amie. Et demanda : « Je suis quoi alors ? Et vous ? »
La'ana mordilla sa lèvre inférieure et jeta un regard à ses parents. Sa mère prit la parole : « Pourquoi ne pas s'installer tranquillement ? Nous pourrons parler de tout cela en de meilleures conditions. »
Abigaïl acquiesça, le cœur battant la chamade, elle oscillait entre le désir intense de comprendre ce qu'elle était, de résoudre ce mystère qui lui pesait depuis sa naissance et qui l'oppressait de plus en plus chaque jour et la crainte de savoir, de se connaître véritablement et de ne pas réussir à l'accepter.
Ils se retrouvèrent tous assis dans le Petit Salon, les deux jeunes filles assises l'une à côté de l'autre sur un petit sofa bien moelleux, pour ne pas isoler Abigaïl et la rendre mal à l'aise, Viviane et Marc assis sur le grand canapé en face d'elle et Nekkus posé, inconscient sur la table base en verre qui les séparait.
La'ana prit la parole, elle préférait expliquer tout elle-même à sa meilleure amie. « Mes parents, mes frères, Sarah et moi ne sommes pas originaires de ce monde, nous venons du pays d'Ym, sur un autre monde. Nous sommes des Elfes des Neiges, et comme tous les elfes nous pratiquons la magie. »
Abigaïl inspira un grand coup et Anna reprit. « Je... je vais te montrer. »
La'ana approcha ses mains de ses yeux et après quelques secondes, gardant les yeux ferma montra sa paume à Abigaïl.
« Oh ! lâcha la jeune fille. »
Elle n'avait jamais remarqué qu'Anna portait des lentilles comme elle. Elle fixa de nouveau Anna qui ouvrit doucement les yeux. Abigaïl porta ses mains à la bouche, puis tremblotante, à ses yeux pour ôter elle aussi ses lentilles. Ce fut La'ana et ses parents qui émirent leur étonnement.
Se regardant fixement, les deux jeunes filles avaient le regard enfoui l'un dans l'autre, contemplant comme dans un miroir leurs yeux semblables. Deux disques noirs nuit parsemés de paillettes dorées, comme des étoiles dans l'obscurité.
« Tu es une elfe Ab ?! »
La'ana n'en revenait pas, les yeux de son amie étaient les yeux des Elfes des Neiges. Elle s'approcha doucement, et dégagea les cheveux des oreilles de son amie. Etrange, elles n'étaient pas pointues. La voix de son père s'éleva doucement : « Demie-elfe... Mon enfant, tu n'as jamais connu ton père ? »
Abigaïl secoua négativement sa tête. La'ana se mordilla comme à son habitude sa lèvre inférieure, cela expliquait beaucoup de choses. Pourquoi la mère d'Abigaïl était si étrange, distante envers sa fille et en même temps protectrice, pourquoi son amie ne faisait jamais de sport, trop rapide, trop souple, trop forte, elle n'avait jamais appris à se dissimuler autrement qu'en esquivant toute activité, elle ne savait ni contrôler son corps ni ses pouvoirs. La'ana regarda un instant ses parents, son père hocha la tête et esquissa un mouvement. En une fraction de seconde l'apparence de ses parents avait totalement changé.
Viviane n'avait désormais plus ses beaux yeux bleus, mais de profonds yeux noirs tachetés d'or, ses cheveux blonds vénitiens avaient maintenant la couleur de la plus pure des neiges, ses boucles tombant comme une cascade dont les volutes avaient été gelées.
Marc lui abordait des cheveux plus longs qu'il ne les portait, ils étaient blanc argenté, tranchant parfaitement son visage acéré, ses yeux étaient aussi noirs que la nuit et se paraient d'or
La'ana pesta contre sa teinture noire, elle aurait elle aussi aimé montrer sa véritable chevelure, mais bientôt, lorsqu'elle maîtrisera suffisamment sa magie elle pourra dissimuler et montrer sa véritable nature quand bon lui semble. En attendant, elle dégagea légèrement ses oreilles qu'elle tenait toujours cachées derrière sa lourde chevelure brune, dévoilant ainsi ses oreilles pointues. Abigaïl regarda avec étonnement, elles n'étaient pas comme elle s'imaginait les elfes, immenses et très effilées, mais peu ou prou comme celles des humains, à une chose près, le bout était en effet pointu et légèrement enroulé sur lui-même.
Abigaïl passa ses mains sur son visage, elle avait du mal à digérer tout cela. Elle sursauta en voyant l'aile du corbeau allongé tressauter. La'ana se fendit d'un petit sourire. « Oui... Je dois t'expliquer cela aussi...
— Pourquoi m'a-t-il attaquée ?
— Je ne sais pas, répondit La'ana.
— Peut-être, car tu es une elfe et qu'il l'a senti, tu étais une odeur semblable et étrangère à la fois, dit Viviane.
— Peut-être, dit La'ana. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de Nekkus, ajoute-t-elle en regardant ses parents, tu dois aussi savoir que..euh...je... Je peux voir les morts. Enfin, c'est compliqué. C'est un don assez rare, on appelle ça le Don, d'ailleurs, mais... euh... c'est très compliqué...
— Tu sais Ann au point où j'en suis ! déclara Abigaïl, mi-figue mi-raisin.
— Oui d'ailleurs Ab, je ne m'appelle pas vraiment Anna... »
Abigaïl fixa Anna, dubitative. « Ah...
— Je m'appelle La'ana. Et je te présente, ma mère, Via'ava et mon père, Me'rek. Et aussi, Nathan qui s'appelle en réalité Na'arka et Victor, Va'las, et bien sûre Sarah, de son vrai prénom Shaala... »
La'ana regarda Abigaïl avec appréhension, elle sentit que l'information était difficile à digérer pour son amie, qui après quelques secondes d'assimilation déclara : « Je peux continuer à t'appeler Ann ? »
La'ana lui sourit chaleureusement. « Bien sûr Ab ! »
Des bruits se firent entendre au rez-de-chaussée. Marc se leva et se dirigea vers la porte : « Sarah ! Nous sommes au Petit Salon avec les filles.
— J'arrive ! »
Des bruits de pas se firent entendre dans l'escalier, Marc regagna sa place, lorsque, enjouée Sarah commença à parler.
« J'ai trouvé tout ce qu'il me fallait, j'ai aussi fait les courses, il est presque 13h, j'espère que les filles ont fai... »
Sarah stoppa net sa phrase en entrant dans la pièce, face à l'étrange scène qui se présentait à elle.
Dans une étrange atmosphère tous déjeunèrent, se fut La'ana qui prit la parole timidement. « Il faudrait que l'on t'enseigne la magie.
— C'est vrai, renchérit son père, il serait trop dangereux pour toi de ne pas la contrôler, de plus, elle fait partie intégrante de toi, il serait idiot de ne pas la maîtriser.
— Il va falloir que je le dise à ma mère...
— Ne t'inquiète pas, nous sommes là pour te soutenir, déclara Viviane. »
Abigaïl lui sourit timidement, Viviane avait repris une apparence plus humaine tout comme Marc afin de ne pas intimider Abigaïl trop longtemps. La'ana, souriait largement, cela voulait dire qu'elle allait apprendre la magie avec sa meilleure amie ! Elle était assez impatiente, malgré cette révélation bouleversante sur la nature d'Abigaïl, elle ne s'était jamais sentie aussi bien. Elle avait trouvé une amie parfaite, à qui elle pouvait tout confier et bien sûr elle était ravie de pourvoir être la confidente et aider pleinement son amie.
Ses parents décidèrent de ne pas appeler la mère d'Abigaïl et de lui parler lorsqu'elle viendrait chercher sa fille, ce soir 17h, car les filles avaient toujours un exposé à faire... Cette remarque fit grimacer La'ana et Abigaïl, cette dernière espérait ne pas essuyer une autre attaque du volatile noir. La'ana l'avait réprimandé, mais comme il était plutôt indépendant d'elle et qu'elle ne maîtrisait pas vraiment son Don, elle soupçonnait que cela ne servait pas à grand-chose.
De par leur nature elfique, les jeunes filles étaient nettement avantagées sur le plan de la rapidité de la réflexion, et comme elles n'étaient plus tenues de feinter la lenteur l'une à l'autre, elles finirent très rapidement leur devoir, sur le coup de 16h30. Elles purent donc prendre un goûter consistant et se reposer un peu avant d'affronter une nouvelle épreuve difficile.
La sonnette retentit à 17h00. Abigaïl soupira, sa mère était très maniaque la concernant, elle avait été d'ailleurs très surprise qu'elle la laisse aller chez Ann aussi facilement. Mais bon, son amie avait une certaine aura qui tenait les gens au respect et à la confiance, excepté pour Mme Smith... De plus, Ann s'était toujours montrée comme un véritable petit ange avec sa mère. Après réflexion Ab, se dit qu'Ann pouvait manipuler les gens avec efficacité, ses grands yeux lumineux et son visage tout doux faisaient que les gens lui donnaient le Bon Dieu sans confession. Abigaïl pouffa intérieurement, elle s'était fait une sacrée amie, et elle en était heureuse.
Les deux fillettes étaient assisses sur le même sofa que tout à l'heure dans le Petit Salon, sauf que cette fois Sarah était à leur côté, afin d'assurer un équilibre dans la confrontation. Marc et Vivienne seraient aux côtés de la mère, afin de ne pas l'acculer et la rassurer.
Sarah avait préparé le thé, qui fumait tranquillement sur la table basse, et La'ana avait enfermé Nekkus dans la salle de magie, près de sa chambre au 3e étage. Les pas des trois adultes résonnaient dans l'escalier.
La pâle figure blonde qu'était la mère d'Abigaïl entra dans la pièce, elle sourit vaguement à sa fille tandis que Marc fermait la marche et la porte.
La mère d'Abigaïl détailla la scène. La pièce était de taille moyenne, tout en bois, mais le sol de pierre blanche, se couvrait de plusieurs tapis de couleur bleue, au centre de la pièce étaient disposés le large canapé bleuâtre, à la gauche de la table de verre sur laquelle fumait le thé, à la droite, le sofa où patientaient en silence les deux fillettes et la nourrice, inondées de la lumière du soleil qui transparaissait au travers des rideaux de soie. Derrière elles, un beau piano à queue noir et contre les murs quelques buffets et commodes ornés de fleurs en vase. Un frisson lui parcourut l'échine, l'atmosphère était étrange, elle n'aimait pas ça. Elle fixa sa fille, ses yeux verts étaient baissés, elle avait de légers cernes sous les yeux. Abigaïl redressa faiblement la tête. « Il faut qu'on parle maman. »
Son sang se figea dans ses veines, elle était devenue horriblement tendue, que voulait-elle dire ? Elle demanda d'une voix crispée : « De quoi veux-tu parler ma chérie ? Ça ne peut pas attendre d'être à la maison ? »
Sa fille secoua négativement la tête. « Non. »
La femme jeta un coup d'œil aux parents d'Anna, ils lui firent signe de s'assoir sur le canapé. Elle acquiesça et s'installa lentement. Son cœur battait la chamade. Sa fille reprit la parole. « Ils savent maman. »
Elle crispa violemment les poings et fixa au loin, au fond de la pièce un bouquet de roses, comme voulant ignorer ce que sa fille disait. « Mais ce n'est pas grave, car je ne suis pas toute seule maman ! »
De belles roses, gracieuses, c'étaient des roses bleues, c'était rare d'en trouver. « La'ana aussi est comme moi, ses parents, des frères et Sarah aussi ! Ceux sont... nous sommes des elfes ! Des elfes des Neiges ! »
Le vase aussi était fort beau, en cristal, délicat et tendre, comme un souffle glacé, un souffle éphémère. Ephémère. « Maman ? »
Elle sera encore plus les poings, de fines larmes commençaient à perler doucement. Ephémère. Comme les flocons qui tombent, beaux, et qui jamais ne se ressemblent. Elle cacha sa tête dans ses mains. Ephémère, comme la bise en hiver. Elle tressauta. « Maman ? »
Une fine main se glissa entre les siennes. Ephémère comme un baiser. Elle sera fort la main de sa fille. Ephémère comme une nuit. Elle regarda sa fille dans les yeux et elle lui saisit tendrement la tête et l'enlaça. Ephémère comme une promesse. Elle fondit en larme dans les bras de sa fille.
Il s'écoula un long moment avant que la mère d'Abigaïl ne se ressaisisse, la jeune fille aussi s'était mise à pleurer sans vraiment savoir pourquoi, elle avait juste suivi la tristesse de sa mère. Sarah lui tendait un paquet de mouchoirs. « Madame... ? »
— Elisa, appelez-moi Elisa. »
Elle saisit délicatement un mouchoir et s'essuya les yeux, gardant sa fille dans les bras. Elle inspira lentement et commença son récit.
Elle avait rencontré le père d'Abigaïl il y a douze ans ans. Assise à un café, il lui avait simplement demandé son chemin, mais ce fut pour elle un coup de foudre. Elle avait fini par lui montrer le chemin, et puis sous l'impulsion de celui-ci l'avait accompagné à la visite du musée qu'il cherchait. Ils avaient ri, parlé comme jamais. Il disait venir de loin, de très loin. Elle ne le croyait pas, il parlait si bien français et ses cheveux de feu et ses yeux verts faisaient plus anglo-saxons. Mais il continuait de dire qu'il venait de très loin, de par-delà ce monde, elle riait de cela, comme s'il plaisantait. Ils avaient fini par manger ensemble et puis par passer l'après-midi ensemble, elle ne le croyant toujours pas.
Alors il lui a montré, sa magie, ses yeux et alors elle se mit à y croire. Il lui parla de son monde, de la magie et des choses infinies que l'on pouvait y faire et elle l'écouta, s'abreuvant de ses paroles, sourire aux lèvres, sûre de son avenir, sûre de lui. Et le soir vint, il lui promit l'aimer, elle lui jura en retour, sincère. Et la nuit passa, éphémère. Au lendemain, il n'était plus là. Et elle pleura à n'en plus finir, et malgré toutes les précautions quelques mois plus tard elle était enceinte de lui.
Abigaïl se nicha au creux du cou de sa mère, silencieuse, elle ignorait tout cela, elle avait toujours cru que son père était mort après sa naissance. Elle ne pleura pas, elle demeura silencieuse, veillant à garder en mémoire le récit douloureux de sa mère.
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Hey !
Révélations, révélations ! Un paquet de révélations même ! J'espère que vous avez tout bien digéré ! Si vous avez des questions, n'hésitez pas !
La fin est triste aussi et comme tout ce qui est triste, j'ai galéré pour l'écrire :/ Ca me fout le moral dans les chaussettes (oui je fais partie des gens qui vivent à fond leurs histoires x) )
Merci de votre lecture !!
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