Chapitre 19
La'ana resta abasourdie. L'idée qu'ils aient pu avoir un enfant ne lui avait même pas effleuré l'esprit. Gênée, elle se mordilla la lèvre. Ils demeuraient tous les trois, enlacés. De petites suffocations pleurantes, et des reniflements émus montraient toute la joie de ces retrouvailles.
La jeune elfe se remémora un détail, lors de sa première leçon chez les Svanson au Sanctuaire, elle avait remarqué la présence d'un ours en peluche. Elle se mordit la lèvre un peu plus fort, se sentant idiote et mal à l'aise de n'avoir pas percuté plus tôt.
Thodus et Lyna avaient été séparés de leur fils pendant quatorze ans.
Une vague de tristesse envahit la jeune elfe. Ces retrouvailles après tant d'années de séparation ne pouvaient que lui mettre en avant sa situation. Elle sentit un picotement la prendre aux yeux lorsque l'image de ses parents et de ses frères lui vint à l'esprit. Elle ne les reverrait plus jamais.
Sa gorge se serra et son estomac se noua avec douleur. La bouche pâteuse et l'œil humide, elle baissa la tête. Une voix chevrotante la sortit de sa léthargie.
« La'ana, je te présente Finn, notre fils, déclara Lyna. Finn, voici La'ana, notre Novice.
— Enchanté La'ana, répondit le dénommé Finn d'une voix rauque et profonde.
— De même.
— La'ana, enchaîna Lyna d'un ton pressé, tu as quartier libre à partir de maintenant. Nous nous retrouverons demain pour notre première leçon. »
La jeune elfe opina du chef, un peu soulagée de les laisser entre eux. Elle glissa un regard à Maître Gaël'he qui s'éloigna en lui adressant un signe de la main.
Elle s'abaissa pour saisir la mallette posée par terre un peu plus tôt et s'éloigna d'un pas vif vers le bâtiment de sa chambre.
Elle grimpa les escaliers et ouvrit la porte de son nouveau foyer. Un croassement l'accueillit.
La'ana fixa Nekkus qui secouait ses plumes sur le rebord de la fenêtre. Elle s'approcha de lui pour lui caresser la tête, si elle n'avait jamais véritablement pris soin de lui en raison de son état de cadavre ambulant, il était désormais son seul souvenir de sa vie sur Terre. Sans crier gare, le corbeau sauta sur son épaule, les serres vissées dans le tissu.
Dans un soupir et une grimace de douleur, elle se dirigea vers la malle que lui avait donnée Mme Hildegarde et y dénicha du papier et de l'encre.
Elle s'installa dans l'un des fauteuils près de l'âtre froid, et nota dans un coin de sa tête d'aller chercher du bois un peu plus tard. Après beaucoup de réflexion, elle écrivit trois lettres. Une pour ses parents, une pour ses frères et une pour Abigaïl.
La'ana ignorait combien de temps venait de s'écouler après la rédaction de ses lettres et tâta son corps à la recherche de son portable pour avoir l'heure. Elle souffla en se souvenant qu'il demeurait à Toulouse, et évidemment, pas d'horloge dans sa chambre.
La jeune elfe jeta un coup d'œil à sa bourse, peut-être l'heure d'un investissement ? Elle haussa les épaules, et saisit ses lettres. Cela lui donnait l'occasion de découvrir le bâtiment Est.
Elle parcourut les couloirs en direction du bureau d'Hildegarde pour y glisser ses lettres et flâna dans le dédale du bâtiment à la recherche de la passerelle Est. La'ana la trouva, identique à celle de l'Ouest, et en profita pour regarder l'heure. Elle avait encore pas mal de temps avant le déjeuner.
La jeune Nécromancienne zyeuta la masse noire sur son épaule. Nekkus n'avait pas bougé d'un pouce. Il ballotait sa tête dans tous les sens comme pour épier son environnement de ses yeux pourtant vides.
Elle espérait ne pas croiser trop de monde.
Ce fut un échec.
Le rez-de-chaussée grouillait de gens.
Le long couloir s'aménageait de manière bien différente aux autres.
Le mur de gauche, tout de pierre grise ne datait pas de l'époque narkienne. Repoussé bien loin de celui de droite, il s'aérait en de grandes arcades ouvertes sur des échoppes. Des panneaux, surplombant les ouvertures, signifiaient leurs productions. Tailleur-cordonnier, menuisier, forgeron, apothicaire.. Cependant certains panneaux restaient vides de toutes indications malgré leur occupation.
Elle flâna sous le regard interrogateur ou amusé des voyageurs et de quelques nécromanciens. Elle s'arrêta pour regarder la production du tailleur, de nombreux mannequins portant capes, vêtements matelassés ou chauds, bottes fourrées ou encore chapeaux. La'ana se mordilla la lèvre, elle serait confinée ad vitam aeternam aux vêtements noirs des Nécromanciens.
Elle s'apprêtait à s'éloigner quand une voix masculine la stoppa.
« Hop hop hop jeune fille ! Un instant ! »
La'ana se retourna et localisa l'homme qui venait de l'apostropher. Petit et maigre comme une allumette, il ressemblait à une pelote de nerfs et d'os. Vêtu d'un tablier rempli de fils et d'une pelote où se plantaient maintes aiguilles, La'ana l'identifia rapidement comme le tailleur.
« Oui ? questionna La'ana.
— C'est toi la nouvelle, non ?
— Oui, je suis La'ana.
— Très bien très bien. Bon, j'ai presque fini tes vêtements, viens les chercher demain. Compris ?
— Oui monsieur. »
Il plissa les yeux en regardant Nekkus et reprit.
« Plutôt après-demain. Je vais renforcer les épaules. Au revoir. »
La'ana n'eut pas le temps de répliquer que l'homme disparut derrière une porte au fond de la boutique.
Elle dépassa le forgeron où se tenaient sur un étal, quelques armes et protections. Mais la production semblait majoritairement concerner les outils, comme le signifiait tout un étal de clefs à molette, de vis, de pieds-de-biche et autres.
La'ana stoppa sa flânerie devant l'échoppe du menuisier. Un large éventail de meubles s'offrait à elle, des tables, des fauteuils, des tabourets et bien d'autres. Dans un angle de l'échoppe, La'ana remarqua quelques pendules et horloges murales.
La jeune elfe s'aventura dans la boutique, tout en lisant l'écriteau posé à l'entrée.
Réparation de charrettes. Vente de planches et objets en bois sur commande.
À l'adresse des Nécromanciens, services de literie et d'ameublement.
La'ana contempla les horloges posées sur la table et effleura du bout des doigts les mécanismes apparents. Une voix chaude la fit sortir de sa contemplation.
« J'peux vous aider jeune fille ?
— Oui, répondit l'intéressée en se retournant. Je souhaite acquérir une horloge pour ma chambre.
— Vous êtes au bon endroit ! s'exclama un homme rondouillard. Voici ce que je peux vous proposer dans l'immédiat. Mais je peux adapter le cadre à vos envies, bien sûr ça prendra un jour ou deux.
— Pas besoin, je vais prendre celle-ci, dit-elle en montrant une horloge au cadre de bois clair.
— Parfait ! Je vous l'encaisse. Venez, lui intima l'homme en se dirigeant vers un comptoir. Vous êtes nouvelle ? Je n'ai pas l'impression de vous avoir déjà vue.
— Exact, souffla La'ana en sortant sa bourse. Je suis arrivée hier.
— Et bien je vous souhaite la bienvenue ! Cela fera deux pièces.
— Tenez. Cela fait longtemps que vous êtes ici ?
— Je suis né ici. Mon grand-père était Nécromancien. répondit-il en un sourire. Mais je suis parti pendant quelques années à la capitale. Puis je suis revenu.
— Pourquoi être revenu ? demanda La'ana, curieuse.
— Et bien... C'est chez moi. L'endroit est particulier, mais tous mes amis d'enfance viennent d'ici, mes parents sont restés ici... Et puis quand je dis que je viens de là, les gens ont tendance à avoir peur. Rares sont ceux qui apprécient les Nécromanciens dans ce pays.
— Je vois...
— Et puis ici, il est simple d'avoir un travail ! On a toujours besoin d'aide pour faire tourner la Citadelle avec tous les marchands et les voyageurs.
— Vous êtes assez diversifié dans votre production ! s'esclaffa La'ana.
— Il faut bien ! rit de bon cœur le marchand. Je ne vous le cache pas, je suis menuisier de formation, comme ma mère. Mais avec mes trois collègues, on doit toucher à tout ! On prend la casquette de charpentier, d'ébéniste, de tonnelier... Quand on peut, on va se former, on apprend majoritairement sur le tas, ou avec les voyageurs. C'n'est pas terrible, mais on se débrouille.
— Et vous êtes aussi horloger ?
— Ah ça ! C'est un voyageur qui m'a appris les rouages, sans mauvais jeu de mots. Personne ne s'occupait des horloges de la Citadelle avant. Maintenant, c'est moi qui m'y colle et je l'enseigne à ma fille.
— Vous essayez de transmettre un maximum ?
— Oui ! C'est comme ça que ça marche ici, vous allez voir. On se transmet les techniques, certains restent des touches à tout, mais parfois on a de vrais spécialistes. Prenez ce bon vieux Jared Blacksmith, le forgeron, son truc ces les outils. Il a transmis ça à son apprenti, mais il préfère les armes. Alors il est parti se former à la capitale.
— Le forgeron s'appelle Blacksmith ? pouffa La'ana.
— Oui, pourquoi ?
— Rien...
— Ça me fait penser qu'il doit être sur le retour... marmona l'homme. Après tout ce temps. Pauvre Finn, grandir sans ses parents n'a pas été facile pour lui.
— Finn ? C'est l'apprenti ? s'exclama La'ana, très surprise.
— Oui, le petit, pas si petit en fait, Svanson. Ses parents ont été bloqués sur Terre. Mais il me semble qu'ils sont de retour !
— Oui, oui ! Je suis arrivée avec eux ! Finn les a retrouvés, j'étais avec eux tout à l'heure.
— C'est pas vrai ! Quelle joie ! Je dois prévenir les autres. »
L'homme claqua dans ses mains, ravi. Il donna une tape amicale sur le bras de La'ana pour la remercier de cette bonne nouvelle.
« Si vous êtes la Novice de Lyna et Thodus, reprit le marchand, heureux. Vous allez souvent voir Finn. Vous verrez, c'est un chouette gars ! Bonne continuation, jeune fille !»
La'ana regarda l'homme s'engouffrer derrière une porte. Elle serra son horloge dans ses mains et murmura :
« L'avenir nous le dira... »
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Hey !!
Petit chapitre de retrouvailles pour Lyna et Thodus :)
Et nouvelles découvertes pour La'ana !
Vous en savez un peu plus sur la Citadelle, il est maintenant temps de prendre une nouvelle direction ! Une partie de la vie de La'ana s'achève et une nouvelle commence.
Je vous retrouve dans deux semaines, pour la suite. Préparez-vous, des révélations seront faites !
Si vous avez des remarques ou des questions n'hésitez pas ! :)
Merci de votre lecture jusqu'ici ! :D
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