Chapitre 15
Yor et Lon venaient de se reconnecter. Le Flux était de nouveau entier. Les Mondes de nouveau réunis par la Magie.
La'ana ne bougeait pas, incrédule, elle fixait Sarah qui n'en revenait pas non plus. Mais cette dernière se ressaisit vite, elle attrapa la main de La'ana et la tira à elle, la plaçant sous sa protection.
La jeune elfe émergea alors de sa léthargie et nota l'euphorie des deux Nécromanciens, qui se tenaient enlacés. Mais ses pensées étaient focalisées sur sa famille. La connexion des Mondes revenus, les passages étaient de nouveau possible. Leurs ennemis pouvaient reprendre la traque.
«Nous devons rentrer, décréta Sarah d'un ton sec qui était sans appel. Allons-y. »
Sarah se dirigea vers la sortie, tenant toujours la main de La'ana qu'elle serrait avec force et détermination. Mais lorsque la voix de Thodus retentit, elle s'arrêta, tendue.
« Attendez, nous venons avec vous. Les Mondes étant reconnectés, nous avons l'obligation de retourner à la Citadelle des Nécromanciens. Je pense qu'une discussion s'impose avec les parents de La'ana, non ? »
Cette dernière restait sans rien dire tant la tension de Sarah était palpable, tout venait de changer radicalement pour elle et sa famille. Elle n'osait pas contredire sa nourrice dont elle connaissait pertinemment les ordres en cas de danger tel que la reconnexion pouvait amener.
Rester sage et scotchée à Sarah était la marche à suivre, même si elle se doutait que les gens partant du Sanctuaire pour Coss empêcheraient forcément le voyage inverse. Par conséquent, ils disposaient d'un temps de répit pour réfléchir et agir.
Sarah se contenta de hocher la tête d'un air crispé, puis elle enfonça le capuchon du sweat-shirt que La'ana portait afin de cacher son visage, et en profita pour lui changer ses traits faciaux magiquement. Elle préférait éviter d'exposer la signature magique de sa protégée. Puis aux, aguets, elle sortit de la maison, les Nécromanciens fermant la marche.
Les rues étaient bondées de monde, pleurant et riant de la reconnexion. Tenant fermement La'ana, Sarah slalomait entre les habitants euphoriques.
Leur arrivée aux portes terriennes se fit presque sans encombre, peu de gens y allaient, mais beaucoup en venaient. Sarah fusillait du regard les curieux qui ne comprenaient pas leur fuite vers le monde terrien extérieur, mais sous le regard ténébreux de l'elfe, ils cessèrent vite.
À grandes enjambées, la demeure familiale fut vite atteinte. Le quatuor déboula dans le hall d'entrée où Marc et Viviane attendaient de pied ferme leur fille. Ils ne purent retenir une mine crispée en voyant le couple de Nécromanciens.
Ces derniers les saluèrent avec déférence sachant que la situation devenait plus que complexe. D'un ton froid et sec, Marc invita le couple à discuter dans le petit Salon.
La'ana intima un mouvement vers le salon quand sa mère lui ordonna d'aller dans sa chambre. La jeune elfe protesta vivement, mais fut rappelée à l'ordre par sa mère dont le ton glacial lui cloua le bec. Dépitée et furieuse, elle gravit les degrés qui menaient à sa chambre, Sarah sur ses talons.
Arrivée dans sa chambre, elle demanda à Sarah si Abigaïl pouvait venir, malgré ses réticences, Sarah accepta. La'ana envoya un message bref à sa meilleure amie. Peux-tu venir ? C'est urgent.
La'ana attendit patiemment sa meilleure amie dans le silence le plus total, seuls les pas de Sarah qui arpentait les couloirs venaient troubler la masse oppressante qu'elle ressentait tout autour d'elle.
Elle percevait peu à peu la diminution de la force bleuâtre autour d'elle, la magie tout autour se stabilisait peu à peu. La'ana enfouit son visage dans ses mains, abasourdie par la tournure des événements.
Elle se ressaisit en entendant la sonnette tinter. Quelques secondes après, elle percevait les pas de son amie et de Sarah dans l'escalier. Quand sa porte de chambre s'ouvrit, elle se leva précipitamment pour enlacer son amie.
« C'est la merde Ab ! Tu as senti ?"
Abigaïl lui tapota le dos en signe de réconfort et lui fit signe de s'assoir sur le lit.
-Oui... C'était bizarre. On était en train de cuisiner, puis d'un coup les assiettes ont explosé ! »
La'ana sourit vaguement, et s'allongea, fixant le plafond. « Je vais devoir partir.
-Je sais, chuchota son amie. Tes parents ne peuvent rien faire ?
-Non. Un Nécromancien qui ne se plie pas aux accords de Juggar est un Nécromancien mort. On est déjà poursuivi, mais là, ma tête serait officiellement mise à prix. Coss ne plaisante pas avec les Nécromanciens, pas après ce que Juggar a fait. Je n'ai pas le choix, je dois partir. »
La'ana ferma les yeux, résignée. Elle sentit son amie lui prendre la main et la serrer en signe d'encouragement. La'ana était dépassée par les événements.
Après leur fuite de Coss, la rupture des Mondes avait été une aubaine pour eux. Le terreau parfait pour une nouvelle vie, loin des préoccupations de leur monde d'origine. Mais là, tout leur passé venait de leur retomber dessus.
Elle allait devoir y retourner, et cela signifiait risquer sa vie. Même si faire partie des Nécromanciens lui accordait officiellement un effacement de son ancienne vie, elle savait parfaitement que dans la pratique, elle serait toujours en danger.
Elle allait devoir se terrer dans la Citadelle en espérant que personne ne la reconnaisse, mais entourée de personnes parlant aux morts cela ne sera jamais chose aisée.
« Ça va bien se passer Ann, j'en suis sûre ! Et puis, tu pourras tout de même revenir un peu nous voir, non ?
-Je l'espère Ab, je l'espère.
-Et puis, il doit bien avoir un moyen de communiquer, non ?
- Pfff... Je crois, oui. Il me semble qu'il existait avant un service postal entre le Sanctuaire et la Terre. Mais avec toute l'agitation, ça va être long à remettre en place. Et puis, faudra trouver des noms de codes, au cas ou... -On y arrivera, déclara Abigaïl d'une voix faussement enjouée. J'en suis sûre !
- Si tu le dis, souffla La'ana sans grand optimisme. »
Elles restèrent un long moment sans parler, attendant des nouvelles des quatre adultes qui négociaient. Sarah apporta aux enfants leur repas dans leur chambre, guettant toujours dans les couloirs le moindre élément suspect.
Au bout d'un certain temps, Sarah ouvrit la porte et demanda à La'ana de descendre, seule.
Abigaïl lui lança un sourire d'encouragement, mais en vain. La'ana était démoralisée et apeurée.
Le chemin jusqu'au Salon lui parut long, très long. Et lorsqu'elle entra dans la pièce, elle eut l'impression d'être de retour dans son pays natal, tant l'atmosphère était glaciale. Les deux couples se regardaient en chiens de faïence.
La jeune elfe prit place entre ses parents, et de nouveau sa mère lui empoigna la main avec force et tension. Mais ce fut son père qui brisa le silence pesant.
« La'ana, après une longue...discussion. Nous en sommes venus à nous accorder. Tu partiras demain à la Citadelle des Nécromanciens. »
La'ana écarquilla les yeux et ouvrit la bouche, elle essaya de formuler sa protestation, mais Thodus reprit rapidement.
« Tu pourras emmener certaines affaires que tu souhaites conserver là-bas, mais n'emporte ni vêtements ni objets trop terriens, la Citadelle fournira tout ce dont tu as besoin. Pour la sécurité de ta famille, n'emporte ni photos, ni quoi que ce soit qui pourrait mener ici. Mais les affaires des royaumes ne concernant en rien les Nécromanciens, tu ne risques rien là-bas. Personne n'aurait intérêt à te dénoncer, au contraire. »
La'ana le fixait avec des yeux vitreux, elle n'avait pas encore digéré son départ si proche. Tout allait trop vite pour elle. Elle était perdue. La'ana serra la main de sa mère, cherchant un peu de réconfort.
« Je dois te dire une chose importante, La'ana, déclara Thodus, gêné. Les Nécromanciens ne sont pas autorisés à sortir de la Citadelle, et encore moins à changer de Monde, il faut une autorisation de l'Archi-Nécromancien pour cela, et elles ne sont données que dans le cas de missions. »
La respiration de La'ana se bloqua un instant. Cela signifiait qu'elle ne reverrait plus jamais sa famille ? La main de sa mère se fit plus pressante, et malgré sa vision qui se floutait de larmes, La'ana voyait ses phalanges blanchir dangereusement sous la pression des doigts de sa mère. Une vague douleur lancinait à ses doigts, mais elle s'en fichait bien. La voix de Lyna la sortit faiblement de cette triste torpeur.
« Mais vous pourrez vous écrire. Je suis sûre que dans peu de temps le service postal sera opérationnel. Nous avons déjà pensé à un moyen de communiquer sans danger. Tes parents, sous leurs alias, nous écrirons et nous te transmettrons les lettres, et inversement. De même pour tes frères. Personne ne cherchera à savoir ce que des Nécromanciens peuvent bien dire à des terriens, après tout, nous y avons passé plus d'une décennie ! »
La'ana ne répondit pas. Le regard dans le vide, elle contemplait sa vie s'effondrer une fois de plus. Les bruits autour d'elle devenaient de plus en plus sourds, les images de plus en plus floues. Elle distinguait à peine la silhouette des Nécromanciens se lever et partir, et elle n'entendit pas leur au revoir.
La'ana se laissa glisser sur l'épaule de sa mère, elle sentit le souffle de son père se rapprocher d'elle, et la pression des corps de ses parents sur elle. Elle resta là, presque inerte, dans une triste étreinte parentale.
Elle se dégagea finalement doucement de ses parents pour pouvoir partager un moment avec ses frères, et Abigaïl.
Ce fut un moment difficile, mais La'ana fut heureusement de voir les tensions qui régnaient entre elle et son aîné se dissiper. Comme avec ses parents, elle resta longtemps dans leurs bras.
Abigaïl resta finalement dormir chez elle, et elles passèrent la nuit à discuter de leurs bons souvenirs, La'ana ne pouvant dormir sous le stress qui la pressait.
Le lendemain, les Nécromanciens sonnèrent aux aurores, leurs quelques bagages à la main. La'ana enlaça chacun des membres de sa famille, et pleura, beaucoup. Elle remercia aussi Sarah d'avoir pris soin d'elle pendant des années. Et réajustant son sac à dos qui contenait ses affaires et un Nekkus furieux, elle rabattu la capuche de son sweat sur sa tête.
Le voyage jusqu'au Sanctuaire parut durer une éternité à La'ana qui s'obstinait à ne rien dire, ignorant les deux Nécromanciens qui avaient perdu l'espoir d'entamer une conversation. L'ambiance était pesante, mais ils le comprenaient. C'était une phase que beaucoup de Nécromanciens avaient, mais au fil du temps, la douleur s'apaisait.
La'ana sortit de sa bulle en voyant l'immense queue qui se massait à l'entrée de la Mairie, lieu où se trouvaient les portes cossiennes. Le Sanctuaire se vidait indéniablement de tous ses habitants.
Le trio longea la file pour prendre l'entrée de la Mairie. La'ana regarda avec étonnement Lyna, qui lui expliqua brièvement. « La Mairie a une porte qui mène à la Citadelle, comme chaque capitale de Coss. »
Ils arrivèrent vite dans une vaste pièce circulaire où s'amassaient de nombreuses personnes en attente de leur passage. Toutes les portes étaient ouvertes et chacun attendait avec impatience de pouvoir franchir le temps attendu palier. Mais dans une niche aussi haute que large, La'ana distingua une porte noire, fermée.
Les deux Nécromanciens s'approchèrent, et invitèrent la jeune elfe à faire de même. Thodus actionna la poignée de cuivre avec joie. D'un sourire euphorique, il fit signe à sa femme de passer, ce qu'elle fit sans demander son reste. Puis, il dévisagea La'ana, son sourire disparaissait peu à peu, il l'incita à d'un mouvement de tête.
La'ana soupira et franchit la porte.
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Hey !
Petit chapitre triste ! (J'ai eu du mal à écrire tellement je trouvais ça déprimant x| )
Que pensez-vous de la réaction de La'ana, ça change de son caractère un peu revêche, mais qu'auriez-vous fait à sa place ?! Avec son lourd passé familial (que vous ne connaissez toujours pas, o:) ), ça se comprend ! Enfin, vous me direz en temps voulu ! ;)
A votre avis, à quoi ressemble la Citadelle ?
Merci de votre lecture !!! :D
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