Chapitre 1


La'ana serrait convulsivement la main de sa nourrice. Entourée d'une foule hurlante et babillant d'enfants inconnus, la petite fille ne se sentait pas à l'aise, comme à chaque fois qu'elle entrait dans une nouvelle école. « Ne t'en fait pas ma chérie, tout va bien se passer » la rassura Sarah, sa nourrice. La'ana n'était pas convaincue. Pour une fois, elle n'était pas arrivée en cours d'année, mais pourtant rentrer un même temps que d'autres élèves lui semblait aussi une terrible épreuve. Elle allait devoir se faire des nouveaux amis, enfin plutôt des amis tout court, elle croisait les doigts pour que cela arrive. La'ana dévisagea Sarah, elle cherchait nerveusement le nom de la jeune fille sur la liste des CM1. « Dupond...Dupont, tiens c'est étrange comme noms, Ermitage, lui aussi. F...Feu...G...Euh...là ! Lemoulin ! Tu es en CM1 B ! » Sarah sourit à la fillette qui resta de marbre. Elle détestait son nom de famille, elle le trouvait ridicule, cependant elle aimait plutôt bien le prénom de Sarah.

Sarah et La'ana entrèrent dans la salle de classe où discutaient des parents et l'instituteur. Sarah poussa légèrement La'ana devant elle, et alla les présenter à l'instituteur, celui-ci était sûrement dans la quarantaine, chauve avec une barbe mal rasée, ses yeux noisettes étaient rieurs et enjoués, il parlait d'une voix calme et apaisante. Sarah aborda le groupe de parents et de l'instituteur d'une voix polie et posée : « Bonjour. » La troupe se retourna et salua la femme d'une même voix, sonnante de bonheur, tous fixèrent Sarah un instant, les traits réguliers et fin, la tête légère et alerte, la taille élancée et marquée, elle faisait souvent forte impression sur les gens. L'instituteur prit la parole, après quelques secondes d'absence, d'un large sourire et se présenta : « Je suis Monsieur Farbe, je suis l'instituteur des CM1 B. Et vous êtes ?

— Sarah Lecontre, je suis la nourrice de cette jeune fille. »

Elle poussa légèrement Lana vers le groupe. L'instituteur la regarda et lui sourit.

« Quel est donc ton prénom ?

— Anna. »

La fillette fixait froidement l'homme. Il détourna le regard, mal à l'aise. Sarah jeta un regard noir vers la fillette. La'ana détestait ce prénom.

La fin de matinée arriva vite et l'heure du départ des parents sonnait. Ils retrouveraient leur précieuse progéniture à quatre heures et demi pétante.

La'ana se vit attribuer un bureau, l'après-midi commença par des présentations incessantes et des sourires suants le bonheur. La'ana soupira, cela allait être long.

La nourrice attendait la jeune fille devant le portique vert de l'entrée, elle tenait dans les mains un paquet de biscuit au beurre, elle lança d'un air le plus enjoué : « Anna ! Comment s'est déroulée ta journée ma puce ? »

La'ana émit un rictus, elle en faisait un chouïa trop, mais La'ana devait aussi tenir son rôle.

« Sarah, gazouilla-t-elle, ça c'est bien passé ! On s'est présenté tous devant la classe et par écrit pour le maître ! »

Elle saisit, le paquet de gâteau avec une fausse avidité et la main de la jeune femme avec une vraie douceur. Elles s'éloignèrent de la cohue sous le regard attendri de parents, puis disparurent dans une ruelle.

« Je n'aime pas ces gâteaux, déclara La'ana, ils sont trop gras.

— Je sais ma puce, mais il faut s'habituer...

— Je veux rentrer à la maison.

— Mais nous y allons, ma puce. »

La'ana soupira et mangea.

L'hôtel particulier habité par La'ana et sa famille donnait directement sur la Garonne, la jeune fille pouvait la voir de la fenêtre de sa chambre, située au 3e étage de la vieille bâtisse et passait le plus clair de son temps à observer les gens passer ou à lire devant, elle y nourrissait aussi Nekkus et parfois il lui arrivait d'apercevoir de longues formes blêmes et verdâtres autour de l'eau.

Dès son retour de l'école, elle retrouva ses deux frères en plein remplissage de papiers scolaires. Le plus grand, Na'arka, rebaptisé Nathan, était âgé de 15ans et rentrait en 1re, il avait sauté une classe, au collège. Ses cheveux avaient perdu leur belle couleur naturelle pour une teinture noire, ses yeux étaient devenus marrons, bien que cela ne changeait guère trop de leur couleur habituelle, il manquait ces étincelles que La'ana adorait. Son deuxième frère Va'las, renommé Victor, de deux ans seulement son aîné, faisait sa rentrée au collège, pour la première fois. Sa teinture noire uniformisait ses cheveux et ses yeux identiques à ceux de sa sœur, noirs.

Ils la remarquèrent directement et commencèrent à discuter de leur rentrée. Tous trois étaient unanimes, l'année scolaire allait être ennuyeuse comme toujours.

Des mois passèrent, l'année scolaire se déroulait doucement, et Noël approchait. La'ana et sa famille avait pris l'habitude de fêter Noël simplement en s'offrant des cadeaux, pas de dîner spectaculaire, juste des petits paquets. La'ana attendait avec ses frères dans le vaste salon en bois clair, assis dans le confortable canapé. Les paquets s'étendaient sous elle. Une dizaine pour tout le monde, pour ses parents, ses frères, Sarah et elle. Un large fauteuil, face cheminée lui tournait le dos. Elle le fixait intriguée, une tête y dépassait, une tête inconnue.

Elle se racla la gorge, la tête sembla émettre un mouvement, très léger. La'ana se leva doucement et s'approcha du fauteuil. La figure était celle d'un vieil homme en robe de chambre, il tenait une canne dans sa main gauche et la droite était agrippée à l'accoudoir. Il dormait profondément, sa poitrine ne bougeait pas sous la respiration on aurait dit qu'il était mort. Victor entra et trouva sa sœur fixant le fauteuil. « Tu fais quoi ?

— Chut, lui intima sa sœur, tu vas réveiller le vieil homme !

— Quel vieil homme ? »

Victor s'approcha du fauteuil, il était vide.

« De quel vieil homme tu parles ? »

La'ana le regarda, intriguée.

« Tu ne le vois pas ? »

Va'las fit non de la tête, tourna le regard vers le fauteuil. Il était bel et bien vide, il s'apprêtait à partir quand il fut pris d'horreur.

Cela n'avait duré qu'une fraction de seconde, dans le fauteuil, suintant et le fixant de ses orbites creuses, le cadavre en décomposition d'un homme. Va'las partit en courant. La jeune fille se retourna vers la figure, les lèvres pincées « Désolée qu'il vous ait réveillé. »

Va'las entra tremblotant, caché derrière la forte figure de son père. Celui-ci arpenta la pièce de son regard sombre et questionna sa fille.

« La'ana, ton frère m'a fait savoir qu'il y avait quelqu'un ici, en...mauvais état.

— Il est parti. »

Son père arqua ses sourcils.

« Tu peux nous laisser Va'las ? »

Le jeune garçon hocha la tête et disparu précipitamment. Le père s'assit à sôté de sa fille après avoir jeté un coup d'œil au fauteuil. « Dis-moi ma chérie, tu vois souvent des personnes comme ça ?

— De temps en temps. Parfois sur la berge.

— Et tu leur parles ?

— Non, ils ont du mal à parler.

— Je vois, et qu'a dit ce vieil homme ?

— Que c'était sa maison. » Son père blêmit, l'embrassa sur le front et sortit de la pièce. La'ana haussa les épaules, ils étaient tous étranges aujourd'hui.

La soirée de l'ouverture des cadeaux se fit sans encombre, mais dans une atmosphère lourde.

Un jour de début de printemps, l'école de La'ana les firent jouer dans un petit parc, sur les bords de la Garonne. La'ana restait assise en bord d'eau, elle n'avait, comme d'habitude, aucun ami. Elle regardait fixement l'eau dans l'espoir de voir un poisson passer et au lieu d'en trouver un poisson, elle croisa le regard d'un homme. Son regard était vide et douloureux, elle ne distinguait qu'à peine son visage, il se confondait avec le vert de l'eau. Les yeux remontèrent peu à peu vers la surface, et la tête perça la surface, qui resta immobile

L'instituteur remarqua la jeune fille sur le quai, l'eau était profonde, il fallait donc faire attention. Il soupira, elle était sûrement asociale, elle n'avait pas d'amis, ne parlait à personne et se fermait quand on tentait de communiquer, mais c'était une élève brillante, elle avait sa place dans un cours de niveau plus élevé, mais ses parents étaient contre toute attente, fermés à un saut de classe pour leur fille, elle était la plus éveillée, la plus rapide et acquérait des réflexes beaucoup plus vite que ses camarade.

Il s'approcha doucement, elle parlait seule, à voix haute. Il poussa un nouveau soupir, il devait convoquer ses parents. « Anna ? Avec qui tu discutes ? »

La'ana se retourna légèrement.

« Vous ne le voyez pas ? »

Forbe regarda tout autour. Il secoua la tête, puis continua.

« Peut-être, ne veut-il pas que je le voie ? Comment s'appelle ton ami ?

- Jean Bastingue, mais ce n'est pas mon ami. »

Forbe fronça les sourcils.


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Hey !

J'espère que vous n'êtes pas trop désarçonnés par les prénoms ! Ne vous inquiétez pas, ça ira mieux ensuite (j'espère :) )

En tout cas, La'ana semble bien particulière, non ? Vous auriez réagi comment en voyant ces personnes verdâtres ?


Merci de votre lecture !

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