Chapitre 6 - Nova
— Princesse Nova ? m'interpelle l'un des gardes que je viens de croiser. Le Conseil des Planètes va se réunir et vous êtes priée, vous ainsi que tous les autres descendants, à y participer au vue de la situation actuelle.
La situation actuelle ? Une drôle de façon d'appeler le meurtre d'un membre les plus important de ma planète. Debout au milieu du couloir qui mène à ma chambre, je lance un regard en coin aux jumelles qui rechignent un peu à me laisser sans elles. Cependant, je peux les comprendre étant donné la découverte macabre que l'on a faite ce matin. Réprimant un haut-le-cœur en repensant au corps charcuté de Karleya et au papier qu'elle tenait dans sa main, qui y avait obligatoirement été déposé après sa mort, je fais signe à Bellona et Andromeda pour qu'elles retournent dans leurs chambres respectives. En espérant qu'elles fassent ce que je leur ai dit et qu'elles n'en parlent à personne en dehors de l'Ambassade. J'aimerais également bien savoir pourquoi les autres futurs dirigeants doivent être présents, ça ne les regarde en rien. Je pense que l'un des hommes devine ce à quoi je suis en train de penser puisqu'il secoue la tête en levant les yeux au ciel avant de se rappeler qu'il a en face de lui une princesse. Il rougit à vitesse grand V en reprenant contenance et se fait sermonner par son supérieur qui prend un air désespéré.
— Navrée, ou pas d'ailleurs, d'interrompre cette passionnante discussion mais j'ai autre chose à faire donc si vous pouviez me dire où se trouve la salle de réunion, ça serait sympa.
— Bien sûr princesse, veuillez nous excuser. Si vous voulez bien nous suivre, nous allons vous escorter.
Je n'ai pas trop le choix, je ne sais pas où se trouve la salle, je suis obligée de vous suivre. L'air impassible, je suis les deux gardes en ruminant sur ce qu'il s'est passé. Tout en me retenant de lever les yeux au ciel, je commence à les suivre parmi le dédale de couloir tout en réfléchissant. La personne qui a assassiné Karleya fait partie des personnes opposées à la paix entre toutes les planètes du système, le mot retrouvé dans sa main en est la preuve. D'autant plus qu'elle était la directrice du Conseil des Planètes, ce qui en fait la cible idéale des Traditionalistes. Il faut que je demande une liste de ces personnes à mon père. Alors que j'essaie de me rappeler de toutes les personnes qui étaient présentes hier soir, l'un des gardes devant moi s'arrête brusquement et je manque de lui rentrer dedans. Il ouvre une porte et me fait signe d'entrer à l'intérieur. Le fusillant du regard, je m'avance dans la pièce et m'arrête sur son seuil. En plus des membres du Conseil qui sont encore vivants se trouvent les cinq autres futurs dirigeants, le fiancé de Freya, la sœur de Lorcan et son fiancé. Que des membres de familles royales en somme. Je m'avance vers l'une des chaises libres et m'y assoit tandis que tout le monde me regarde.
— Vous avez un problème ? les agressé-je.
— C'est toi qui l'a tuée ? demande instantanément Isalys.
Haussant un sourcil, je jauge si la sirène est sérieuse avant de remarquer que c'est le cas. Alors que je cache mon étonnement, surtout que je n'aurai eu aucunes raisons de le faire, je me rends compte que ce n'est pas la seule qui a l'air de penser ça. La sœur de Lorcan, Mervina ainsi que son fiancé et Iagan, le futur mari de Freya me regardent également d'un air soupçonneux. La Louvetia et le futur Professeur me fixent bizarrement aussi bien que je n'ai pas l'impression que c'est pour la même raison que les autres. On dirait qu'ils sont en train d'analyser les raisons que j'aurais pu avoir de la tuer.
— Je peux savoir ce qui te fait penser ça ?
Prise au dépourvue par ma question, elle s'attendait visiblement à ce que j'acquiesce ou à ce que je démente. C'est lorsque je vois la lueur incertaine qui brille dans ses yeux que je comprends qu'elle n'a aucuns arguments de préparer. Ma réputation me précède on dirait.
— Et bien, ta famille ne s'est toujours pas remise d'avoir dû rendre les pierres de prospérité aux autres planètes et la fille qui a été retrouvée morte ce matin avait le symbole de l'ancien Milésis gravé à même sa chair. Ça suffit largement comme raison de la tuer. En plus tu as du sang plein tes vêtements et tu as été la première arrivée sur les lieux.
Regardant mon pantalon, je grimace en voyant en effet des traces de sang séché tâcher le tissu.
— C'est normal, je me suis accroupie à côté du corps et la première à avoir trouvé le corps ce n'est pas moi, c'est la banshee.
— C'est le manque d'eau dans ton cerveau qui te fais réfléchir à l'envers ou tu as toujours été aussi bête ? la questionné-je sérieusement. Même avec une seule pierre de prospérité Milésis reste la plus puissante planète du système et Karleya était la directrice du conseil. Ce n'est pas moi qui l'ai tuée, je n'en aurait tiré aucun bénéfice et c'était un membre important de ma planète. Réfléchis avant de dire n'importe quoi. Enfin, si tu sais comment faire.
J'observe avec plaisir ses joues devenir rouges à cause des deux piques que je lui lancées en à peine quelques phrases. Avant qu'elle ne puisse répondre à mon sourire provocateur, Freya s'installe sur la chaise libre à côté de moi et se place en travers de mon champ de vision, ce qui m'empêche de continuer de provoquer la sirène. C'est beaucoup moins drôle quand je ne vois pas sa mine stupéfaite par ce que je lui dis. La blonde me lance un regard d'avertissement qui me fait sourire. Jalouse. Je mime le mot avec ma bouche et elle prend un air offusqué alors que Iagan s'approche d'elle et passe ses bras autour de son cou. Je me retiens de faire la moue en voyant ce tableau et me tourne vers les personnes qui me croyaient coupables il y a quelques minutes de cela. Ils évitent bien sûr tous mon regard.
— Arrête de faire la maligne Nova.
— Princesse Nova, Cristalia Isalys, ça suffit, nous ne sommes pas ici pour vous entendre vous quereller, intervient le membre du conseil qui vient d'Epsilon. Nous vous avons demandé de venir parce qu'il y a eu un assassinat.
Comme si je ne le savais pas. Je laisse mon regard parcourir la salle et commence à dévisager les membres du Conseil. C'est peut-être l'un d'entre eux qui a fait le coup, même si cela m'étonnerait beaucoup. La sirène dont je ne connais pas le prénom se trouve à côté d'Isalys et, alors que son visage ne montre aucune émotion, je perçois dans son regard une pointe de tristesse. Les représentantes de Mytgia et Icly se tiennent côte à côte et l'une des deux, avec les oreilles pointues typiques des fées, a les yeux rouges, signe qu'elle a pleuré. L'eclysien se tient le plus éloigné possible de nous tous. De mémoire, il a le sang chaud et s'énerve souvent assez vite. C'est vers sa chambre qu'à été retrouvé le corps de Karleya, c'est donc sûrement lui qu'elle allait voir avant de croiser la route de son meurtrier. Comment est-ce qu'il s'appelle déjà ? Aucune idée.
— Je suis bien d'accord avec vous, déclaré-je d'une voix tranchante. Et il est hors de question que l'auteur de ce crime reste impuni.
— Clark, la victime a été retrouvé près de votre chambre, vous savez pourquoi ? lui demande Ebony.
Clark, voilà ! Je n'ai plus qu'à le retenir. Tous les regards se tournent vers l'homme ailé et c'est seulement à ce moment-là que je remarque les cernes sous ses yeux. Aurait-il mal dormi ? Fronçant les sourcils en me demandant pour quelles raisons il n'aurait pas réussi à trouver le sommeil, je l'observe se tortiller sur ses deux jambes, comme s'il rechignait à répondre à la question.
— Clark, répond à Ebony, lui dit Lorcan. C'est ton prince qui te l'ordonne.
Il jette un coup d'œil à l'Apprenti qui, les bras croisés sur la poitrine, dégage une autorité que moi-même je ne suis pas sûre de pouvoir montrer. Le membre du conseil a l'air très mal à l'aise et commence à chercher de l'aide auprès de ses camarades, qui n'ont pas l'air de vouloir coopérer.
— Elle est morte Clark, intervient Nymphéa, l'une des deux sirènes présentes dans la pièce. Je ne vois pas en quoi garder votre secret va changer quelque chose.
Un secret ? Ma curiosité piquée à vif, j'attends que l'eclysien s'approche un peu plus de moi ou qu'il me fixe dans les yeux pour me servir de mes dons. Dis-nous la vérité. Ses yeux deviennent vitreux mais au lieu de me regarder moi, comme il aurait dû le faire, ses yeux papillonnent entre Isalys et moi. J'en déduis donc que la sirène à utiliser ses pouvoirs en même temps que moi.
— Elle devait me rejoindre dans ma chambre hier soir après la réunion d'urgence du conseil pour m'annoncer quelque chose. Quand j'ai vu qu'elle ne venait pas j'ai cru qu'elle s'était endormie et je suis allé me coucher.
— Il ment, dis-je en choeur avec la Cristalia.
Surprise, je me tourne vers elle mais c'est le visage de Freya qui entre dans mon champ de vision.
— Les deux filles ont raison, ajoute Connor. Mes lunettes ont détectées des comportements mineurs du mensonge pendant que vous étiez en train de répondre Clark.
Et voilà, un espilonien qui ne jure que par la technologie. Ce n'est même pas étonnant mais assez inutile vu que ce ne sont pas ses lunettes qui vont trouver le meurtrier. Lorcan s'avance vers son sujet qui se recroqueville légèrement sur lui-même en voyant son prince à côté de lui. Les ailes de l'Apprenti, repliées dans son dos, se déploient comme dernier avertissement quand soudain, Isalys se lève de la chaise sur laquelle elle était assise puis se dirige vers la porte.
— Je ne sais même pas ce que je fais ici. C'est une milésienne qui est morte, pas quelqu'un de mon peuple. Toute cette histoire ne me regarde pas, je me casse.
Je me disais bien que ça faisait longtemps que l'attention ne s'était pas portée sur elle, il fallait bien qu'elle remédie à cela.
— Cette histoire ne concerne en effet que ma planète. Je devrais être en train de régler cette affaire avec la police milésienne, pas avec des personnes n'en faisant pas partie et qui n'ont rien à faire dans cette histoire.
Freya me lance un regard d'avertissement, comme à chaque fois que je commence à dénigrer les autres planètes.Je ne le relève cependant pas et ne m'excuse sûrement pas.
— Cette histoire concerne toutes les planètes à partir du moment où Karleya était la directrice du Conseil des Planètes, assène la fille à l'apparence de fée. Princesse, toute l'Ambassade est touchée par cette disparition. C'était une fille aimée de tous et sans aucuns ennemis, nous ne comprenons pas qui a pu faire un acte aussi horrible.
— Karleya était une combattante hors pair, comme tout le monde sur Milésis. J'aimerais bien savoir comment quelqu'un sur cette stupide planète artificielle a pu l'assassiner aussi facilement, sans qu'aucun bruit de lutte n'est été entendu.
Un regard en coin vers Clark, me confirme qu'il n'a rien entendu. Comment est-ce possible ?
— Je veux que vous lanciez une autopsie, ordonné-je au directeur adjoint, c'est-à-dire l'espilonien. Je veux les résultats avant ce soir.
Un petit coup de poing sur ma cuisse me fait tourner les yeux vers Freya qui, silencieuse depuis que je suis arrivée, me demande d'un regard d'être plus gentille. Et puis quoi encore ? Ignorant son fiancé qui est toujours à côté de nous, je pose ma main sur son poing sans pour autant arrêter de me conduire comme je le fais.
— Vous avez entendu ce que je viens de dire ?
— Bien sûr mais princesse, une autopsie en si peu de temps est tout bonnement impossible, essaie de me faire comprendre Connor.
— Je n'en ai rien à carrer, asséné-je en me levant brusquement. Une habitante de ma planète a été tuée dans les dernières douze heures et je veux savoir qui a fait ça. Seriez-vous en train de dire que votre matériel dernier cri n'est pas aussi efficace que vous le prétendez ?
Connor me lance un regard choqué sans pour autant avoir le courage de me contredire et préfère se tourner vers le deuxième espilonien de la pièce.
— Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Notre équipement fonctionne à la perfection.
— Je ne vois donc pas où est le problème. Je suis presque certaine que c'est l'œuvre des Traditionalistes. Est-ce que cela vous convient comme raison pour arrêter de parler et faire ce que je viens de vous dire ?
Ma voix tranchante en surprend plus d'un et je remarque les regards tous posés sur moi. La tête droite, j'attends que mon ordre soit effectué et j'acquiesce lorsqu'un appel est passé au service mortuaire. Il était temps.
— Qu'est-ce qui vous fait dire que les Traditionalistes sont derrière tout ça ? me demande Ebony.
— Je vous le dirai quand j'en aurai la certitude.
Ignorant les regards surpris des personnes présentes dans la pièce, je me dirige vers la porte et sors pour aller appeler mon père et lui expliquer la situation. Si quelqu'un connait les milésiens Traditionalistes qui ont la possibilité de venir sur l'Ambassade, c'est forcément lui.
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