Chapitre 16 - Isalys

Assise sur le rebord de la fenêtre, je regarde Imalia essayer une bonne dizaine de robes pour le bal de ce soir. Je suis allée la chercher dans le palais sous-marins tout à l'heure et elle a enfin commencé à se préparer. Enfin, après avoir forcé des nymphes à déplacer deux malles pleines de robes et d'accessoires jusque dans une chambre d'amis libre du château terrestre. Cette petite ira loin dans la maîtrise de l'art d'être une garce. Paroles de professionnelle. Un sourire sur le coin des lèvres, je regarde deux autres esprits à la peau bleue entrer dans la pièce avec mes propres malles. Quand Imalia les voient, elle se met à rire.

— Faire porter trois malles pleines à craquer à seulement deux nymphes ? Mes respects, ma Cristalia, dit-elle une fois que les servantes sont sorties.

— C'est là la différence entre toi et moi ma chère cousine.

Avec un clin d'œil, je me dirige vers les malles et ouvre celle où se trouve mes robes. Je commence alors à toutes les sortir pour les déposer sur un fauteuil.

— Ton niveau de garcitude est beaucoup trop élevé pour moi.

— Ce mot n'existe pas, je la reprends en me tournant vers elle.

— Peut-être, mais il le devrait.

Levant les yeux au ciel en souriant, je reprends ma chasse à la robe parfaite pendant qu'elle continue de se dandiner devant le miroir. Le bal commence dans à peine plus d'une heure et aucune de nous deux n'a encore choisi sa robe, c'est très mal parti pour arriver à l'heure. Les sourcils froncés, j'ai moi aussi beaucoup de mal à me décider sur la tenue à adopter. Il faut qu'elle soit la plus belle de la soirée mais sans en faire trop non plus pour que la tenue que je porterais au bal de fin de l'Ambassade la surpasse de loin. C'est vraiment compliqué d'être toujours la plus belle. Lorsque mes yeux se posent sur une robe bleue échancrée jusqu'à mi-cuisse, je ne peux m'empêcher de sourire. C'est cette robe que je portais le jour où je l'ai rencontré.

— Pourquoi souris- tu ? me demande Imalia. Tu penses à lui ?

Surprise, je me tourne vers elle en prenant une expression que je veux énervée.

— Je t'ai déjà dit de ne pas lire dans mes pensées sans mon autorisation Imalia. Je déteste ça.

Au sourire qu'elle me lance, je comprends qu'elle n'a pas eu besoin d'utiliser son don et qu'elle est contente d'avoir vu juste. Je soupire quand je me rends compte qu'elle m'a eue et elle sourit encore plus. Elle ira vraiment loin.

— Ce n'est pas une raison, je reprends. Si je t'ai interdit de parler de lui, c'est qu'il y a une raison.

— Tu veux dire à part ta mère qui pique une crise à chaque fois qu'elle entend parler de lui ? Je me souviens très bien de la correction qu'elle m'a mise la dernière fois que j'ai eu la mauvaise idée de le faire, merci. Franchement, plus elle vieillit et plus elle devient insupportable. C'est quand que tu la remplaces sur le trône ?

Quand elle réalise que je mets du temps à reprendre, elle reprend ses essayages. Elle se replace devant le miroir pour essayer une nouvelle robe et, une fois satisfaite, elle se tourne vers moi pour guetter mon approbation.

— Elle te vas super bien mais elle est trouée, fais attention.

Du bout des ongles, je lui indique le fameux défaut dans sa robe, ce qui la fait grimacer. Elle résout le problème d'un battement de cils.

— Je vais voir la sirèniste pour qu'elle arrange ça. Tu veux venir avec moi ? Apparemment, son fils est devenu son apprenti.

D'un signe de tête, je lui fait comprendre que c'est une mauvaise idée. Ma mère péterait un câble si elle savait que j'y étais allée sans une bonne raison.

— D'accord, j'y vais toute seule mais je te préviens, je veux une réponse à ma question quand je reviens. Je ne supporte vraiment plus ta mère.

Levant les yeux au ciel puisque je sais très bien qu'elle n'aura pas le temps de revenir me voir avant le début du bal, je la regarde disparaître dans le couloir sans refermer la porte derrière elle. C'est une nymphe qui le fait à sa place et, continuant ma recherche de la tenue parfaite, je me perds dans mes pensées pour répondre à la question qu'elle m'a posée.

Ma mère ne me laissera jamais monter sur le trône après ce qu'il s'est passé il y a deux ans. Même si elle m'a toujours dit que je serais couronnée après mon retour de l'Ambassade. Autrefois très proches, elle s'est mise à me détester dès qu'elle a su ce que je faisais de mon temps libre. J'essaie de regagner ses faveurs depuis ce jour, en me comportant notamment comme une garce, mais au vu de la gifle que je me suis prise tout à l'heure, ça n'a pas l'air d'être le cas.

Le cours de mes pensées est interrompu lorsque je trouve la robe parfaite pour ce soir, même si elle ne s'accorde pas parfaitement avec la gemme de prospérité attachée à ma bague. Je n'ai plus le temps de tergiverser. Si j'ai le malheur d'arriver en retard, je me fais massacrer par ma mère.

***

Un sourire factice sur le visage, je regarde les invitées entrer dans la salle de bal puis venir me saluer. Et ce, depuis une bonne demie-heure. J'en ai déjà marre. Comme je l'avais prévu suite à ma petite manipulation de tout à l'heure, aucuns tritons, hormis les tritons de compagnie, n'ont eu l'idée d'essayer de venir. Les seuls hommes visibles dans cette pièce sont les valets, et les héritiers ainsi que les accompagnateurs venus de l'Ambassade. Du moins, jusqu'à ce que l'une des femmes les plus puissantes et respectées du royaume pénètre dans la pièce... accompagnée de son fils. Je dois, à grand mal, m'empêcher de rire en voyant la tête que fait ma mère quand elle les voient s'avancer. Elle avait oublié que mon pouvoir n'avait aucun effet sur lui. Pas de chance pour elle. Mais vraiment aucune discrétion pour notre petite escapade de tout à l'heure. Levant discrètement les yeux au ciel devant le sourire charmeur qu'il me lance, je les regarde s'arrêter devant nous pour nous faire une révérence.

— Lady Rose, l'accueille ma mère. Pourrais-je savoir pourquoi votre fils est-il présent ? Ce n'est pas votre triton de compagnie, me semble-t-il.

— Oh bien sûr que non ma Diamante, répond-elle dans un léger rire. Cependant, je suis la sirèniste officielle du palais et je ne suis plus toute jeune. Il se trouve que j'ai récemment choisi mon fils comme apprenti. Il me semble bien que selon nos lois, les apprentis des sirènistes ont le droit de se rendre aux bals.

Un minuscule sourire arrive à franchir le coin de mes lèvres. Cette femme est mon idole. Il n'est pas spécifié dans la loi que seul les apprenties avaient la permission de suivre leur tutrice, les hommes sont censés rester aux ateliers mais tout le monde le sait. Elle se sert de ce manque de précision pour pouvoir manquer de respect à ma mère et elle ne peut pas la contredire.

— Dans ce cas, bienvenue au bal, monsieur Blake, crache ma mère.

Une fois que ma mère est sûre que nous n'attendons plus personne, elle me donne enfin la permission de me lever pour me mêler aux invités. Je cherche Imalia parmi la foule, en vain, avant de croiser une sirène à qui j'ai besoin de parler. Alors qu'elle est en train de parler avec quelques autres invitées, elle s'excuse auprès d'elle et s'approche de moi quand elle remarque que je veux lui parler.

— Ma Cristalia, me salue-t-elle. Que puis-je faire pour vous ?

J'attrape une coupe de champagne de corail sur le plateau d'une nymphe qui passe à côté de moi et vérifie que personne ne peut nous entendre.

— Lady Esther, où en êtes-vous dans les recherches que je vous ai demandé de faire ?

Elle vérifie elle-aussi que personne ne nous regarde et ne nous épie avant de me répondre.

— Je n'ai encore obtenu aucunes informations concernant la princesse Nova. Je vous les ferais parvenir dès que j'en aurai.

Hochant la tête, je la laisse rejoindre ses amies. Si même l'espionne la plus compétente d'Atlantia n'arrive pas à trouver pourquoi cette pimbêche de Nova possède les mêmes pouvoirs qu'une sirène, je ne suis pas prête d'avoir mes réponses. Je veux savoir pourquoi elle peut manipuler les esprits comme moi et je le saurai. Coûte que coûte. Toutes les informations sont bonnes pour la faire tomber. Alors que je suis en train de chercher de nouveau ma cousine, tous les héritiers arrivent dans la pièce. Utilisant l'un des nombreux dons qu'elle a reçus le jour où elle a été couronnée, ma mère amplifie sa voix pour pouvoir faire son discours. Elle adore les discours. Ils permettent de la faire voir.

— Bonjour à tous. Je suis ravie de voir que vous avez tous eu la possibilité de vous libérer pour assister au bal organisé par ma fille. Je ne vous retiendrai pas longtemps, je suis certaine que vous mourrez d'envie de parler avec les cinq héritiers qui nous font l'honneur d'être présents aujourd'hui. Le futur Professeur Connor. La Louvetia Ebony. La Successeur Freya et la princesse Nova.

De loin, je vois la milésienne se mettre à froncer les sourcils. Ma mère a fait exprès de parler d'elle en dernier pour la mettre en rogne et ça a l'air de fonctionner.

— Bonne soirée à tous !

Dès qu'elle finit de parler, des sirènes de haut rang s'approchent d'elle pour lui tenir compagnie. Je parcours alors la salle à la recherche de connaissances en attendant l'heure de mon rendez-vous.

***

Lorsqu'il est minuit, je fausse compagnie aux deux sirènes avec lesquelles j'étais en train de parler pour me faufiler hors de la salle, prétextant me sentir mal. Je parcours le palais quelques minutes et emprunte des couloirs de service inutilisés depuis longtemps pour que personne ne me voit. Quand je sors du passage secret juste derrière la cascade, je découvre le fils de la sirèniste assis sur le rebord de la fontaine, penché en arrière et les mains dans l'eau. Quand il entend mes talons claquer sur le sol, il se retourne vivement vers moi avant de soupirer de soulagement quand il me reconnaît.

— Ma Cristalia, sourit-il en se redressant.

Je lui rends son sourire. Des gouttes d'eau glissent le long de son avant-bras nus et tombent sur le sol tandis qu'il s'approche de moi.

— Lord Blake, que faites-vous seul à cet endroit ? Ma fête vous ennuie-t-elle ?

— Loin de là, ma princesse. Il se trouve que j'ai rendez-vous avec ma petite-amie qui vient tout juste de rentrer de voyage diplomatique. J'espère que ma présence ne vous est pas inconvenante.

Toujours souriante, je le regarde me prendre la main pour y déposer un baiser. Quand il la lâche, je la récupère.

— Pas du tout Lord, il se trouve que j'attends moi aussi mon petit-ami.

Ses lèvres s'étirent lorsqu'il entend ma réponse. Je passe mes mains derrière son cou alors qu'il pose les siennes sur mes hanches. Bientôt, nos lèvres se rejoignent dans un léger baiser qui nous laisse tous les deux pantelant.

— Donc tu assumes enfin que je suis ton petit-ami ? me demande-t-il en posant son front contre le mien.

— J'ai toujours assumé B. Le seul problème dans toute cette histoire, c'est ma mère. Tu le sais très bien.

— Oh oui, ça, je m'en souviens parfaitement.

Il grimace en se rappelant ce moment douloureux pour nous deux avant de s'écarter légèrement de moi.

— Rassure-moi, elle ne va pas débarquer en fumant des oreilles pour me jeter encore une fois dans les cachots ? Ma mère risquerait d'avoir du mal à m'en faire sortir encore une fois.

— Non, elle est bien trop occupée avec ses courtisanes pour s'occuper de moi.

— Et toi ?

Prenant ses deux mains dans les miennes, j'affiche un sourire narquois en l'entraînant derrière moi.

— La princesse s'est faite porter pâle pour la fin de la soirée. Je suis tout à toi. Tu me suis ?

Un éclat de rire s'échappe de ses lèvres tandis qu'il m'emmène jusqu'à la plage pour que nous finissions la nuit ensemble. Tant qu'il ne me demande pas si c'est vrai que je me suis tapé Connor, on aura aucune raison de se disputer.

Ce que les deux tourtereaux ne virent pas, c'est Freya et Iagan qui s'éloignaient tous les deux en se disputant, silhouettes noires sur la plage de sable blanc.

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