Chapitre 15 - Isalys
Atlantia, la plus belle planète du système de Vestra. Un grand sourire sur le visage, je bouscule toutes les personnes qui se trouvent devant moi pour arriver juste devant la rampe de la navette. La Louvetia râle quand je lui met un coup de coude dans les côtes mais se tait dès que je la fusille du regard. Nous venons d'arriver sur ma planète, c'est à moi d'être la première à poser le pied pour terre et à apparaître devant tout le monde. Même si j'aurais préféré pouvoir faire un brin de toilette avant pour être au maximum de ma beauté. Les cinq heures passées ont été un calvaire et mon maquillage aurait bien besoin d'être rafraîchi. Ce que ma mère ne va pas manquer de me dire. J'ai vaguement conscience d'entendre Kevran s'excuser pour moi et s'arrêter à mes côtés quand la rampe d'accès désactive ses crans de sûreté.
Lentement, elle s'abaisse et un courant d'air marin pénètre à l'intérieur de l'habitacle. Je respire un bon coup quand la rampe touche le sol, projetant des grains de sable partout autour de nous, ce qui me fait sourire de nouveau. Avant, je passais tout mon temps à me plaindre de tous ses petits grains de sable qui s'infiltrent dans mes vêtements et dans mes cheveux. Après avoir passé deux semaines sur l'Ambassade, je me rends compte à quel point j'aime ça. Derrière moi, j'entends des hoquets de surprise qui me ravissent. La navette s'est posée sur la plus grosse île de la planète. Un immense palais en pierre grise se dresse à droite de l'endroit où nous venons de nous poser. Sa façade en pierre est masquée par du verre bleu clair qui reflète le soleil. Ce palais, bien qu'il soit splendide, n'est presque jamais utilisé par ma mère et moi puisqu'il est davantage réservé pour les voyageurs étrangers, qui ne sont déjà pas très nombreux.
Il n'y a que trois îles sur Atlantia. Celle où nous nous trouvons et qui accueille les visiteurs. Une autre qui se trouve à quelques miles d'ici et qui nous sert de hangar pour nos navettes et sous-marins - même si nous les utilisons très rarement - et la dernière est une île pénitentiaire qui se trouve à l'opposé de l'endroit où nous sommes. Elle est entourée d'immenses murs en acier qui font environ 20 mètres de haut et la porte est contrôlée par une technologie qui nous vient d'Epsilon. Tous les prisonniers d'Atlantia y sont envoyés, jamais aucun d'entre eux n'a réussi à s'échapper.
D'un geste de la main, je fais signe aux sirènes et tritons qui se trouvent dans l'Océan Royal juste devant nous et quelques nobles qui ont posé pieds à terre pour l'occasion. Mon sourire s'élargit quand je repère une certaine personne parmi la foule mais je n'y fais pas plus attention pour que personne ne s'en rende compte. J'ordonne aux nymphes de s'activer pour dérouler le tapis rouge et le valet qui accompagne ma mère sort du palais terrestre alors que toutes les personnes présentes sont en train de m'acclamer.
Tiens-toi droit, ordonné-je à Kevran. Ma mère va arriver.
Alors que le brun fait ce que je viens de lui dire, le valet se racle la gorge pour attirer l'attention sur lui. Je me redresse, le dos bien droit et un sourire éclatant sur les lèvres, soucieuse de comment je vais paraître à côté d'elle. Maussade, sûrement, comme d'habitude. D'autant plus que je n'ai pas pensé à mettre du maquillage dans mon petit sac à main. Je redresse mon diadème sur ma chevelure lavande et jette un coup d'œil à la foule. Je sens mes joues rougir lorsque je remarque que l'un des tritons me fixe d'un regard de braise.
— Mes chers héritiers, tritons et sirènes, merci d'accueillir la Cristalia Isalys. Si vous voulez bien me rejoindre Altesse.
Masquant ma surprise d'être appelée avant ma mère, je repousse mes cheveux derrière mon épaule d'un geste gracieux de la tête et m'avance vers le valet, la tête haute. Je marche très droit malgré les bosses dues aux sables et alors que je suis à la moitié du chemin, une petite sirène s'échappe de la surveillance de son père. Elle accourt vers moi en rigolant et en souriant avant de se jeter dans mes jambes pour me faire un câlin. Je déteste les enfants. Serrant les dents, je la repousse d'une tape sur l'épaule et laisse deux gardes la ramener auprès de son père pendant que je les regarde d'un air dégoûté.
— Veuillez m'excuser Votre Altesse, dit son père. Elle était tellement contente de vous revoir qu'elle n'a pas réussi à se retenir.
D'un coin de l'œil, je leur jette un regard mauvais. La petite est partie se réfugier dans les jupes de son père, effrayée par les soldates. C'est alors que je les reconnais. Ce sont le mari et la fille de l'une des conseillères de ma mère. D'un geste de la main, j'ordonne aux gardes de les laisser tranquille.
— Je vous conseille d'apprendre à votre fille à rester à sa place, grogne l'une des soldates.
Considérant l'incident comme clos, je reprends ma marche jusqu'à rejoindre le valet de ma mère. Lorsque je me tourne vers mon peuple après avoir atteint le haut des marches, je souris en voyant de la peur dans le regard de certains. S'ils pensaient que deux semaines passées à l'Ambassade allaient me changer, ils se trompent lourdement. Du côté de la navette, les héritiers m'observent comme si j'étais un monstre, à part Nova qui lève les yeux au ciel. En même temps, je le vois mal me critiquer, je l'ai déjà vu faire exactement la même chose.
— Et maintenant, veuillez acclamer la dirigeante de notre belle planète, la Diamante Bella.
Tournant légèrement la tête, je la regarde sortir du château qui se trouve maintenant derrière moi. Ses longs cheveux presque dorés se balancent derrière elle quand elle s'approche de moi et son grand sourire faux et hautain fait chavirer le cœur de tous les tritons présents ici et attire tous les regards sur elle. Et ça recommence, dès qu'elle est là, je n'existe plus. Essayant de garder le sourire, je laisse mon regard dériver une nouvelle fois dans la foule.
— Bonjour à tous, commence-t-elle d'une voix radieuse. Je suis ravie de vous voir tous réunis ici aujourd'hui pour célébrer le, court, retour de ma fille sur Atlantia.
Sur ces mots, elle pose sa main sur mon épaule pour m'enjoindre à saluer une nouvelle fois toutes les personnes présentes et attirer mon attention toute entière sur elle. J'arrête de regarder la foule quand elle me presse l'épaule assez fort et regarde l'océan juste en face de moi.
— Comme vous le savez certainement, reprend ma mère, pendant les trois jours qui suivent, nous accueillerons parmi nous les héritiers des cinq autres planètes de notre système dans le cadre du programme prévu par l'Ambassade. Isalys, votre Cristalia, a organisé en cet honneur un bal qui aura lieu ce soir, à l'heure où les coraux deviennent bleus. Vous êtes tous invités, des nymphes passeront bientôt entre vos rangs pour vous délivrer les invitations. Isalys, veux-tu bien apposer tes conditions je te prie ?
Mes conditions ? Tu parles, c'est elle qui les a choisies mais comme elle a perdu son pouvoir de persuasion à ma naissance, c'est à moi de faire le sale boulot. Il faut bien faire croire aux héritiers que personne ne désobéit à nos ordres alors que tous les mâles de la planète rêvent de voir Nova, la princesse qui est supposée être plus belle que ma mère et moi. En parlant des autres héritiers, ils sont encore tous debout en haut de la rampe, ne sachant pas quoi faire. Ils ont vraiment l'air idiots comme ça. Je retiens un éclat de rire en les voyant comme ça et reprends vite mon sérieux avant que ma mère ne me brise l'épaule à force de me la presser.
— Seules les sirènes sont acceptées. Tous les tritons, hors tritons de compagnie, qui essaieront d'entrer au palais seront interceptés par nos sirènes gardiennes et envoyés dans les cachots jusqu'à notre départ pour l'Ambassade. Les tritons restent dans l'océan, je conclu en utilisant mes pouvoirs de persuasion.
D'autant plus que cette règle ne me plaît pas du tout et que je sais exactement pourquoi ma mère me l'a imposée. Mes yeux dérivent vers un triton aux cheveux noirs qui continue à me fixer du regard malgré la présence de ma mère. Aucun des tritons ne proteste, déjà parce qu'ils savent que ça ne sert à rien ensuite parce qu'étant donné que je leur ait ordonné de ne pas venir, ils ont perdu tout intérêt d'assister au bal. Je regarde les nymphes commencer à distribuer les invitations et fais signe à Kevran et aux héritiers de nous rejoindre.
— Isalys, m'interpelle ma mère, viens avec moi quelques instants s'il te plaît. Chers invités, je vous prie de nous excuser quelques instants. Mes nymphes personnelles vont vous accompagner jusqu'aux chambres que vous occuperez pendant les deux prochaines nuits. Si vous avez besoin de quelque chose, demandez-leur, elles sont là pour ça.
Elle se tourne ensuite vers nos domestiques.
— Exécution.
Les jeunes filles à la peau bleue se hâtent de rejoindre les héritiers et de porter leurs nombreux bagages. Je congédie Kevran d'un geste de la main en lui demandant d'être de retour pour le bal de ce soir. Hormis les valets, c'est le seul homme de notre planète à avoir le droit d'être présent. Je me mets alors à suivre ma mère à travers le dédale de couloirs que je ne connais pas très bien. Pourquoi on ne retourne pas dans l'océan ?
— Je resterai sur cette île jusqu'à ce que vous retourniez sur l'Ambassade, me prévient-elle. Demain, tu devras aller faire le tour de la cité royale. Certains diplomates veulent te voir.
— Où est Imalia ? demandé-je.
— Tu la verras ce soir, elle est en train de se préparer avec sa mère. Ce que je voudrais que tu ailles faire aussi quand nous aurons finis de parler. C'est quoi cette mine fatiguée ? Et cette tenue ? Ton maquillage ne ressemble plus à rien non plus. Tu aurais quand même pu faire l'effort de le rafraîchir avant l'atterrissage. Et ses cheveux, un vrai tas de nœuds.
Levant les yeux au ciel, j'écoute ma mère critiquer mon apparence sans sourciller, habituée à ses critiques depuis de nombreuses années. Je continue de marcher derrière elle et entre derrière elle dans la salle du trône, qui est complètement vide. J'ai à peine refermé la porte qu'une gifle monumentale s'abat sur ma joue. Sous le choc, ma tête pivote et je pose ma main sur ma peau rougie. Ma mère, qui tient toujours sa main comme si elle allait me gifler de nouveau, me fusille du regard. Devant mon regard incrédule, elle soupire d'agacement.
— Tu m'insupporte Isalys. Depuis une semaine, on ne parle que de la démonstration de force de Nova et de l'exécution qu'elle a elle-même orchestrée. Je peux savoir pourquoi tu as laissée cette future dictatrice à la noix faire parler d'elle ? Ce sont nous les reines des potins et des coups d'éclat. Tu aurais dû trouver un moyen de faire parler de toi ! Je ne sais pas, tu n'as qu'à dépuceler l'epsilonien !
— Déjà fait, soupiré-je.
— Et pourtant personne n'a l'air au courant. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une fille comme toi ? Hors de ma vue.
Sans prendre la peine de répondre, je garde mes poings dans mes poches pour sortir de la pièce. Devant retourner dans ma chambre du palais sous-marins pour aller chercher des vêtements pour le bal, je pars en direction de l'océan. Sur le chemin de la plage, je croise plusieurs nymphes qui s'écartent le plus possible de moi pour ne pas me toucher par mégarde. La dernière fois que c'est arrivé, la nymphe en question a été exécutée. Pour ma défense, j'étais de mauvaise humeur ce jour-là. Je suis presque arrivée vers la sortie quand je croise un valet qui m'a l'air familier. Comme nous sommes seuls dans le couloir, il sort un bout de papier de sa poche et me le tend discrètement avant de disparaître dans le passage secret qui se trouve à proximité. Les sourcils froncés, je prends le mot pour le lire.
Rendez-vous à minuit devant la cascade intérieure du palais. Tu me manques. B.
Un sourire sur les lèvres, je jette le bout de papier dans une torche qui éclaire le couloir. Cette soirée s'annonce bien moins ennuyante que ce que j'avais prévu.
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