Chapitre 14 - Nova
Lorsque je me réveille ce matin-là, ma première réaction est de soupirer. C'est aujourd'hui que nous devons aller sur Atlantia et j'en ai déjà le mal de mer. Je déteste cette planète. La dernière fois que j'y suis allée, il y a un bon petit moment, j'avais été malade tout le long du bal. Il y a beaucoup trop d'eau pour moi.
Je jette un regard à l'horloge posée sur ma table de chevet avant de me lever. J'ai presque envie d'arriver en retard au hangar de décollage pour que l'organisation d'Isalys soit désorganisée mais je préfère mettre à mal son bal. Je vais donc faire l'effort d'arriver à l'heure. Ma valise étant déjà bouclée, je n'ai plus qu'à m'habiller et me maquiller. Heureusement pour moi d'ailleurs. Si j'avais eu plus à faire, je serais arrivée en retard. Pendant que je me tiens debout devant mon armoire, je laisse mes pensées dériver. Ça fait une semaine que j'ai mis à mort le meurtrier de Karleya. Et ça fait une semaine que Freya m'évite. Elle passe son temps à m'ignorer et à minauder avec Iagan dès qu'elle se rend compte que je la regarde. Une vraie enfant.
Sans compter que le triton d'Isalys à passé sa semaine à essayer de se rapprocher de moi. Je ne sais pas ce qu'il prépare celui-là mais je suis presque certaine que je devrais le garder à l'œil. J'ai aussi remarqué que la Louvetia ne s'approchait plus de lui depuis le jour de la pleine lune. Je me demande bien pourquoi.
Levant les yeux au ciel, je pioche des vêtements dans mon armoire et commence à me maquiller quand quelqu'un frappe à ma porte. Pensant que c'est Freya, je me précipite vers la porte en me recoiffant discrètement avant d'ouvrir. Je retiens un soupir de déception en voyant qu'il s'agit des jumelles. Androma et Bellona entrent dans ma chambre sans que je ne leur donne la permission et l'une va s'affaler sur mon lit tandis que l'autre va s'asseoir sur mon bureau. Le manque de gêne de ses deux filles est sans fin.
— Qu'est-ce que vous faites ici toutes les deux ? demandé-je. Vous ne devriez pas être en train de préparer vos affaires ?
— On a fini et on voulait te faire part de la nouvelle règle qui vient d'être mise en place, me répond Bellona.
Refermant la porte derrière moi, je retourne devant ma coiffeuse pour finir de me préparer. Je reprends ma séance maquillage, intriguée par ce que la jumelle vient de me dire.
— De quelle règle tu parles ?
— Le vieux, Fiel je crois, a décidé à la dernière minute que les armes étaient interdites. On doit toutes les laisser ici.
— Quoi ? m'exclamé-je.
Oubliant totalement que je suis en train de me faire un trait d'eye-liner, je tourne la tête vers la blonde aux yeux oranges qui hausse les épaules tandis que sa sœur se met à rire.
— Rassure-moi Nova, tu es au courant que normalement, tu n'es pas censée bouger quand tu te maquilles ?
Fusillant Androma du regard, j'attends que Bellona s'explique. Ce qu'elle fait pendant que sa sœur s'approche de moi pour réparer les dégâts. En même temps, ce n'est pas comme si je me maquillais souvent toute seule. Bellona commence alors à me dire qu'ils ont interdit les armes car cette visite doit être pacifique et qu'emmener nos épées pourrait être mal perçu, ce qui me fait grimacer. La deuxième personne qui se trouvait sur le lieu du meurte n'a toujours pas été arrêtée. Si ça se trouve, elle sera sur Atlantia et nous, nous n'aurons même pas d'armes.
— Arrête de bouger Nova sinon tu vas ressembler à un panda, grogne Androma. Voilà, j'ai fini.
Je la remercie d'un sourire, contente du résultat. Maquillée comme ça, je pourrais presque voler la vedette à Isalys. Ce que je compte faire pendant le bal aussi.
— Dites, vous êtes venues me prévenir de votre propre initiative ou Fiel vous a envoyé ?
— Non, on est venues toutes seules.
— Parfait. Je ne me déplace jamais, jamais, sans une arme et ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer. Surtout quand je dois aller sur une planète où l'entièreté de la famille royale me déteste parce que je suis plus belle que leur princesse.
Un sourire aux lèvres, je m'avance vers un coffre se trouvant dans ma chambre et l'ouvre. Je fais signe aux jumelles de s'approcher de moi et commence à fouiller parmi les bijoux, épées, dagues et autres armes qui s'y trouvent. Je tends un collier qui peut se transformer en poignard à Androma et une ceinture-fouet à sa petite sœur, née quelques minutes après elle.
— T'es sûre qu'on a le droit de porter tes bijoux-armes ? demande Bellona, suspicieuse.
— Non mais de toute façon, elles ressemblent comme deux gouttes d'eau à des bijoux, personne ne découvrira leurs vraies natures. En plus, personne n'est venu me prévenir officiellement que les armes sont interdites. Vous avez vu un envoyé de l'Ambassade m'annoncer une chose pareille ? Personnellement, les deux seules personnes que j'ai vu depuis que je suis levée sont vous deux. Servez-vous. Tant que vous me les rendez et que vous ne portez pas plus de bijoux que moi, ce qui pourrait paraître bizarre, vous avez champ libre.
Elles se mettent toutes deux à rigoler et à chercher leur bonheur dans la malle. De mon côté, je prends un bracelet fin qui peut se transformer en bouclier et pour l'autre bras, j'en choisi un assez épais pour masquer ma cicatrice et qui est aussi accessoirement une épée. J'adore ce genre de petits gadgets. Je pioche aussi un collier de pierres vertes de la même couleur de la Gemme de prospérité de Milésis et des boucles d'oreilles, chacuns de ses bijoux aillant sa petite particularité.
— Heu Nova, m'interpelle Androma. Tu es au courant qu'on ne va pas à la guerre ?
— Mieux vaut trop que pas assez, rétorqué-je en haussant les épaules. J'en ai aussi dans ma valise avec ma tenue pour le bal de ce soir.
Toutes les deux se mettent à me regarder comme si je prenais trop de précautions pour une simple visite d'Atlantia.
— Je suis prête à parier que tu me caches quelque chose, grommelle Bellona. Si tu prends autant de précautions, c'est qu'on a du souci à se faire. En tout cas, tu devrais penser à t'habiller. C'est bien beau d'être maquillée et de porter des bijoux mais si tu y vas en pyjama et non coiffée, je suis presque sûre que ça ne servirait à rien.
Regardant ma tenue, je soupire. J'ai complètement oublié de m'habiller, c'est n'importe quoi. Alors que je me dirige vers les vêtements que j'ai sortis de mon armoire tout à l'heure, l'une des jumelles soupire, commençant à se plaindre de devoir aller sur Atlantia.
— C'est la pire planète de tout le système solaire, se plaint-elle.
— Non, la contredit sa sœur. La pire, c'est Icly. De la neige partout à la surface et être obligée de vivre sous terre pour survivre ? Non merci.
Tout en levant les yeux au ciel, je rentre dans la salle de bain pour m'habiller. Un crop top vert, des baskets de la même couleur et un jean noir plus tard, je suis presque prête à partir. Je mets une veste noire pour cacher mes cicatrices avant de sortir de ma chambre.
— Tu vas mourir de chaud Nova, grimace Bellona. Pourquoi tu tiens autant à cacher tes cicatrices ?
Parce qu'elles montrent que je ne suis pas invincible. Gardant ma réponse pour moi, je me contente de hausser les épaules en prétextant, comme d'habitude, qu'elles sont immondes. Ma réflexion les fait lever les yeux au ciel mais avant que nous ne puissions continuer notre conversation, quelqu'un frappe à la porte. Androma va ouvrir à ma place dès que j'ai fermé le coffre avec mes armes et un valet entre pour nous prévenir que nous allons être en retard et qu'il vient pour prendre ma valise. Je le laisse faire pour partir en direction du hangar avec les jumelles. Sur tout le chemin, nous croisons des serviteurs qui courent dans tous les sens pour que tout soit prêt au moment où nous sommes censés décoller. Au niveau des jardins, Lorcan nous rejoint avec sa petite sœur et son fiancé qui, je trouve, ont des valises beaucoup trop grosses pour partir trois jours sur Atlantia. Connaissant la folie des grandeurs de Mervina, je ne dis rien et continue ma route, fixant avec des envies de meurtres le dos de Iagan, qui se trouve juste devant moi avec Freya.
— Si tu continues à le regarder comme ça, je vais finir par croire que tu es jalouse et que tu es secrètement amoureuse de Freya, murmure Lorcan dans mon oreille.
Jetant un regard de côté pour voir s'il est sérieux ou pas, je lâche un minuscule soupir de soulagement en le voyant sourire. Heureusement que j'ai l'habitude de cacher mes émotions sinon mes joues rouges écarlates m'auraient trahie.
— Arrête de dire n'importe quoi, le sermonné-je. C'est juste que ça m'énerve de la voir se pavaner avec lui à cause de l'affaire du meurtre de Karleya.
— Si tu veux mon avis, ça ressemble quand même beaucoup à une dispute d'amoureuses.
Pour le faire taire, je lui mets un coup de poing dans le bras, ce qui le fait rire. Il reprend tout à coup son sérieux quand nous arrivons dans le hangar et se tourne vers sa sœur.
— Le vaisseau qui va te ramener sur Eclysia est arrivé. Dis bonjour à papa et à maman de ma part.
Quoi ? C'est alors que je comprends pourquoi ils ont autant de valises et pourquoi l'eclysienne regarde son frère comme si elle avait envie d'être l'aînée de la fratrie. Elle ne prend pas la peine d'embrasser Lorcan avant de partir et fait signe à son fiancé et à ses domestiques de la suivre. Devant mon regard inquisiteur, mon ami s'explique.
— Les parents lui ont demandé de rentrer parce qu'elle avait des affaires à régler.
Il ment. Il s'est passé la main dans les cheveux en me parlant et à éviter mon regard, ce qui veut tout dire. Levant les yeux au ciel, je congédie les jumelles en leur demandant de nous trouver une place dans la navette qui nous emmène sur Atlantia. Une fois qu'elles nous tournent le dos, j'attrape Lorcan par le bras et l'entraîne à l'écart, sous le regard curieux et presque jaloux de Freya. Les serviteurs qui passent à côté de nous nous jettent des regards en coin.
— Maintenant, tu vas me dire la vérité. Non, ne me regarde pas comme ça Lorcan. Depuis le temps je sais reconnaître quand tu me mens et là, mon cher petit Apprenti, tu m'as menti. Alors maintenant que les jumelles ne sont plus là, tu vas pouvoir me dire la vérité.
Les bras croisés sur la poitrine, j'attends qu'il me dise la vraie raison du départ de sa sœur en ne le lâchant pas du regard, ce qui le fait soupirer.
— Ça te va bien de parler de mensonges Nova. Je suis presque certain que tu ne nous as pas tout dit non plus au sujet de Karleya. S'il s'agissait vraiment d'un acte isolé envers la famille du général, je ne vois pas pourquoi sa peau aurait été tailladée dans la forme du symbole de l'ancien Milésis ou pourquoi un mot annonçant que ce n'était que le début aurait été dans cette ancienne langue. Ni pourquoi tu nous as fait une telle démonstration de force la semaine dernière.
Toujours aussi intelligent. Je me retiens de grimacer en comprenant à quel point il est proche de la vérité. Et pourtant, ce n'est pas un epsilonien. J'espère que Connor, s'il s'appelle comme ça, n'a pas fait le lien.
— J'aurais dû me douter que tu ne croirais pas la même chose que les autres, soupiré-je. Mais cette affaire ne concerne que Milésis, tu n'as pas besoin d'en savoir plus.
— Comme d'habitude, tu gardes tout pour toi, dit-il en levant les yeux au ciel. Enfin bref, j'ai renvoyé Mervina chez nous pour être sûr qu'il ne lui arrive rien. Si un meurtrier a réussi à se faire inviter à un bal donné par l'Ambassade, c'est que la sécurité là-bas est vraiment défectueuse. Ma sœur s'est fait tellement d'ennemis qu'elle sera plus en sécurité chez nous.
Hochant la tête, notre conversation est interrompue par un des serviteurs qui nous annonce que la navette va bientôt décoller. Nous entrons donc à l'intérieur et je retiens un soupir d'agacement en voyant que les jumelles ont choisies les places entre Isalys, son triton d'un côté et Connor et le mec qui l'accompagne de l'autre. Le voyage promet d'être long.
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