Chapitre 10 - Nova

Une fois mon épée rangée dans mon fourreau, je délaisse l'atlantien qui regarde me regarde d'un air ahuri. Ce type a vraiment un problème. Je me mets alors à suivre la milésienne qui vient de m'avertir qu'ils avaient arrêté le meurtrier de Karleya. Je suis bien contente qu'ils aient réussi à le retrouver aussi vite, cela montre bien la supériorité de Milésis. Marchant d'un air déterminé devant moi, la fille qui est venue me prévenir à l'air de vouloir s'éloigner de moi le plus vite possible. Ma réputation de précède on dirait. Pourtant, son visage me dit quelque chose. Je suis certaine de l'avoir déjà croisée quelque part.

— Comment tu t'appelles ? lui demandé-je.

— Misaya, Votre Altesse.

Son prénom ne me dit rien. Je dois confondre. Il y a des tonnes de brunes mignonnes sur Milésis et au camp d'entraînement. Il suffirait qu'une fille lui ressemble à peine trop pour que je les confondent. Et si Freya m'entendait penser ça je serais célibataire à l'heure qu'il est. Je masque un sourire à l'idée de la jalousie de l'iclyenne avant de retourner mon attention sur la membre de l'unité spéciale qui est devant moi.

— Qui avez-vous arrêté ?

— Un invité du bal d'hier soir. Nous avons tracé sa signature cybernétique et l'avons retrouvée avec celle de Karleya au moment où la sienne s'éteignait.

Un sourire malsain sur les lèvres, je hoche la tête pour montrer mon accord. Tracer la signature cybernétique de quelqu'un était considéré comme un dernier recours sur toutes les planètes du système solaire mais bien sûr, c'était le cadet des soucis de la police milésienne. Mon père demandait seulement à ce que ce soit fait de manière très discrète pour qu'il n'ait pas de problème avec le Conseil des Planètes. Je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi tracer la signature de quelqu'un était si mal considéré. Elle permet juste de savoir où se trouve une personne et à quel moment, rien de bien méchant.

— Très bien, de qui s'agit-il ?

— De Lord Treawey, Votre Altesse. Nous avons cependant un élément inexplicable que le meurtrier ne veut pas nous avouer. Mon chef vous l'expliquera dans un endroit à l'abri des oreilles indiscrètes.

Alors qu'elle avait commencé sa phrase en chuchotant, elle a haussé le ton pour bien se faire entendre. Sa phrase s'adresse à deux servantes qui marchent derrière nous et qui écoutent tout ce que nous disons depuis tout à l'heure. Lorsque je me retourne pour les regarder, elles poussent un petit cri étranglé avant de partir dans la direction opposée. Ça ne me dérangeait pas qu'elles nous écoutent, grâce à ça, toute l'Ambassade saura que le meurtrier a été arrêté d'ici à peine quelques minutes.

La membre de l'unité spéciale milésienne m'escorte jusqu'à une partie de l'Ambassade où je ne suis jamais allée, l'aile pénitentiaire. Si j'en croit ce que mon père m'a dit, c'est ici que se trouve les cachots et les salles d'interrogatoire en cas de litige. Elle me conduit devant une porte noire ornée d'un immense chiffre 1 en or. Elle ouvre alors la porte, semblant croire que je ne suis pas assez grande pour le faire toute seule, et me laisse entrer la première. La salle d'interrogatoire dans laquelle je me trouve est divisée en deux parties. La première, où se trouvent les membres de la police milésienne, est bien plus grande que l'autre. Des néons diffusent une lumière blanche qui se reflète sur les murs. L'un d'eux est constitué d'une immense vitre en verre teinté et insonorisé nous permettant de voir et de parler sans que le prisonnier de l'autre côté ne puisse en avoir conscience.

Debout devant une table se trouve le commandant Rémunéracier, le chef de l'unité qui a été envoyé pour arrêter le meurtrier. Il s'agit d'un homme grand, trapu qui porte une ridicule petite moustache blanche.

— Bonjour à vous, princesse Nova. Je suis navré de vous déranger à une heure aussi tardive mais vous aviez demandé à être prévenu dès que nous aurions mis la main sur l'assassin de Karleya et nous venons de le faire, avec toutes les preuves qui vont avec.

— Vous comptez utiliser la signature cybernétique comme preuve ? je l'interroge d'un air détaché.

— Votre père nous a demandé d'utiliser la carte de l'urgence diplomatique si nous ne trouvions pas de preuves plus légales. Il a très bien masqué son délit. Nous n'avons pas d'autres choix.

Pendant qu'il me répond, je m'avance jusqu'à la vitrine en verre teintée et regarde l'homme qui se trouve à l'intérieur. J'hausse un sourcil surpris lorsque je le reconnais. il est venu m'adresser la parole lors du bal et avait discuté de moi comme si de rien n'était. C'est un bon comédien. L'air supérieur qu'il affichait la veille a disparu et il se trouve maintenant recroquevillé sur sa chaise, le nez en sang. La famille Treawey est une famille à qui Milésis avait accordé sa grâce après la Guerre des Gemmes. J'ai toujours trouvé stupide d'avoir laissé certaines familles vivre parmi nous, surtout quand elles font parties de celles qui ont appelé les milésiens à la révolution après que mon ancêtre ait laissé les Gemmes de Prospérité partir sur les autres planètes.

— Misaya m'a parlé d'un élément inexplicable, dis-je. Développez.

— Et bien, une trace cybernétique a été localisée sur le lieu et à l'heure exacte du meurtre, cependant, elle n'est pas enregistrée dans les fichiers. Sur aucune des six planètes.

Levant un sourcil étonné, je délaisse du regard le prisonnier pour regarder le commandant. C'est la première fois que j'entends parler d'une chose pareille. Devant mon regard inquisiteur, Rémunéracier se recroqueville un peu. J'en serais presque fière, je ne l'ai jamais vu réagir comme ça devant mon père. Ils n'ont tout simplement pas assez cherché.

— Comment est-ce possible ?

— Et bien, il arrive que certains habitants de notre système solaire soient des réfugiés d'autres systèmes planétaires et qu'ils aient réussi à entrer dans notre galaxie clandestinement, m'explique-t-il. Dans ces cas-là, nous ne pouvons pas enregistrer leurs signatures et ils sont intraçables.

Les bras croisés sur la poitrine, je regarde les liasses de papier dispersées sur la table et m'en approche. La première feuille sur laquelle je tombe est celle que je cherche. Deux signatures cybernétiques suivies du nom de leur propriétaire sont écrites en haut de la page, ainsi qu'une troisième qui est apparemment impossible à identifier. Le registre des six planètes de notre système ornent également la feuille avec une phrase signifiant qu'aucune comptabilité n'a été trouvée.

— Êtes-vous certain d'avoir assez cherché ?

— Oui, Votre Altesse. Nous avons vérifié les registres trois fois, en vain. Et notre prisonnier ne veut rien nous dire.

Délaissant la paperasse, je me tourne de nouveau vers la vitre teintée.

— De quelle manière avez-vous essayez de le faire parler ? demandé-je, un brin de méchanceté dans la voix.

— Et bien, de toutes les manières légales sur l'Ambassade. Et quelques petits extras infligés par Misaya.

Au ton de sa voix, je devine que casser le nez de ses prisonniers n'est pas légal ici. C'est ennuyant. Mais tout de même moins que de ne pas pouvoir identifier le complice de ce cher Lord.

— En tant que princesse et future dirigeante de Milésis, je privilégie bien de l'immunité diplomatique ? Même sur l'Ambassade ?

— Et bien, c'est exact mais vous n'avez pas autant de pouvoirs qu'ailleurs dans la galaxie.

Qu'est-ce qu'il m'énerve à toujours commencer de la même façon, on dirait qu'il ne sait dire que ça.

— Ouvre-moi la porte, ordonné-je. Je vais m'occuper de lui personnellement.

Je n'ai pas besoin d'avoir le commandant dans mon champ de vision pour savoir qu'il n'aime pas cette idée. Il était à deux doigts de protester avant de finalement décider de ne rien dire, je l'ai entendu prendre sa respiration avant de parler. D'un geste de la main, je fais signe à l'un des occupants de la pièce de m'ouvrir la porte menant à la salle d'interrogatoire. La brune mignonne s'approche de moi, à l'aide d'une clé, elle me laisse entrer dans la pièce d'à côté. Le meurtrier relève la tête lorsqu'il m'entend arriver et ses yeux s'arrondissent de stupeur quand il me reconnaît.

— Oh princesse ! Comme je suis content de vous voir ici ! C'est un horrible malentendu ! Je n'ai rien à voir avec cette histoire ! déclare-t-il, l'air innocent et malheureux. Je vous en prie, faites-moi sortir de là !

Comment ose-t-il se déclarer innocent alors que nous avons une preuve de sa culpabilité ? Il pense que je suis stupide parce que je suis une femme, c'est ça ? Ils le pensent tous mais bizarrement, ils en sont bien moins persuadés après avoir passé un peu de temps seul à seule avec moi.

— Ce n'est pas parce que je suis une femme que vous arriverez à me duper. Voyez-vous, la signature cybernétique ne trompe pas et nous avons retrouvé la vôtre au mauvais endroit et au mauvais moment.

Ses yeux qui étaient il y a encore quelques secondes remplis d'espoir deviennent ternes et ses lèvres se mettent à trembler. Oh non, ne me dites pas qu'il va se mettre à pleurer, il risquerait de me faire pitié.

— C'est impossible ! Je suis rentré chez moi dès que le Conseil des Planètes à décidé que la venue de ma famille était inconvenante pour un événement de ce genre. Vous pouvez même vérifier les caméras de surveillance du hangar d'atterrissage !

Il ment plutôt bien, je dois l'avouer. Si j'avais un cœur, j'aurais sûrement demandé une vérification des caméras. Son air traumatisé aurait presque l'air honnête. Le seul problème, c'est que je n'ai pas de cœur.

— Vous jouez bien la comédie. Vous savez que la trace cybernétique est la preuve irréfutable dans tout procès mais vous trouvez quand même le moyen de faire comme si vous étiez innocent. Vous me prenez pour une idiote ?

— Mais je suis innocent ! Croyez-moi ! me supplie-t-il.

J'avais oublié à quel point les meurtriers qui veulent se faire passer pour des innocents sont ennuyants. Ils disent tous la même chose, c'est insupportable. Quand il me voit lever les yeux au ciel, il essaie de se lever mais les liens qui retiennent ses poignets l'en empêche.

— Je ne suis pas venue ici pour vous entendre parler de votre prétendue innocence. Je veux le nom de votre complice.

— Mais comment voulez-vous que j'ai un complice alors que je n'ai rien fait !

Avouez.

Alors qu'il aurait dû tout me dire sans pouvoir s'en empêcher, il se contente de me sourire en rigolant.

— Vos petits tours de passe-passe ne fonctionnent pas sur moi. C'est dommage pour vous. D'ailleurs, je me demande bien comment une milésienne peut posséder des pouvoirs d'atlantienne.

Son air faussement innocent disparaît comme s'il n'avait jamais existé et il me regarde avec un sourire mauvais. La main posée sur le pommeau de mon épée, je ne réagis pas à sa provocation sur mes origines. Imitant un bâillement, je regarde la pièce d'un air ennuyé.

— Au lieu de vous poser des questions sur moi, vous devriez vous demander où est-ce que vous allez atterrir. La prison iclyenne me paraît idéale pour vous. Je vais en souffler deux mots à mon père et au Conseil des Planètes.

Son visage prend tout à coup un air horrifié. La prison iclyenne est bien connue pour cette la pire de tout le système. Icly étant une planète recouverte de glace, sa lune, Mortia, l'est aussi et elle est tellement froide que c'est impossible de survivre dessus très longtemps. La Dirigeante avait alors décidé d'en faire une prison pour les criminels les moins méritants de retourner vivre en liberté. Et tuer la fille d'un général milésien sur l'Ambassade dans avouer son meurtre doit faire parti des crimes qui méritent d'être punis sur Mortia.

— Un petit séjour sur Mortia devrait vous remettre les idées en place, enfin, si vous résistez un peu avant de finir congelé de la tête aux pieds.

Je lui lance un sourire malsain avant de me retourner pour sortir de la pièce. Dès que le meurtrier n'est plus dans mon champ de vision, j'arrête de sourire pour prendre une expression énervée. Je n'ai pas réussi à lui faire cracher le morceau. C'est bien la première fois.

— Je suis innocent ! Ne me laissez pas ici Princesse !

— Vous m'expliquerez au père de votre victime lorsqu'il arrivera. Vous savez, le général Stones.

Même dos à lui, je peux l'entendre se retenir de pleurer et un sourire renaît sur mes lèvres. Il parlera, j'en suis certaine. Je n'ai même pas besoin de frapper à la porte pour que celle-ci s'ouvre et je retourne dans la pièce avec les membres de la police d'élite.

— Est-ce que le général Stones va nous faire l'honneur de sa présence ? demandé-je.

— Et bien, il me semble qu'il est en chemin, répond le commandant. Il a pris sa navette ce matin, comme il était en mission à l'autre bout de la galaxie et que son moyen de transport est endommagé, il n'arrivera que demain s'il ne fait pas d'arrêt.

La prochaine fois qu'il commence une phrase de cette manière je lui ordonne d'aller prendre des cours de français, c'est insupportable. Devant son air dubitatif à cause de mon interrogatoire loupé, je pose ma main sur le pommeau de mon épée pour réfléchir.

— Vous avez emmené les Chiens ?

Une grimace apparaît alors sur le visage de toutes les personnes présentes dans la pièce. Les Chiens sont des animaux sauvages qui font pour certains jusqu'à deux mètres de haut. Avec leurs mâchoires et leurs dents énormes, ils sont capables de faire parler n'importe qui et même un innocent avouerait un crime qu'il n'a pas commis pour y échapper.

— Êtes-vous certaines que ce soit une bonne idée ? me demande un jeune homme qui est resté dans l'ombre depuis que je suis arrivée. Nous en avons en effet amené un mais il doit être affamé et furieux d'avoir été enfermé aussi longtemps. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de le faire sortir de sa cage ici.

— Dans ce cas, emmenez le prisonnier sur votre vaisseau et enfermez-le avec l'animal. Il avouera.

Il ne faut pas être un génie pour voir que le commandant n'adhère pas du tout à mon idée. Il a les lèvres pincées et se retient manifestement pour me contredire.

— Avez-vous un problème commandant ? le questionné-je d'une voix dure qui n'admet pas de réponse positive.

— Et bien... bon, rien Votre Altesse.

— Parfait, vous ferez ça cette nuit, quand tout le monde dormira et vous vous débrouillerez pour qu'il ne soit pas trop amoché. Le général voudra certainement finir le travail quand il arrivera. Bonne soirée.

Sur ce, je me tourne vers la porte et commence à m'avancer pour sortir et aller rejoindre Freya qui doit m'attendre depuis un bon petit moment. La ponctualité n'a jamais été mon point fort.

— Princesse ? Que faisons-nous de la trace indétectable ?

— Vous n'en parlerez à personne mis à part mon père et le général, dis-je en tournant la tête vers eux. En ce qui concerne les autres, le seul et unique meurtrier a été arrêté et va être écroué à la prison Mortia. Il est hors de question que les autres planètes se rendent compte que nous ne sommes pas capables de contrôler les navettes clandestines qui entrent dans notre atmosphère.

Sans attendre qu'ils acquiescent, je sors de la pièce en claquant la porte. Je fais peut-être passer la notoriété de Milésis avant la sécurité de l'Ambassade et alors ? Il faudrait être complètement stupide pour tenter un nouveau meurtre alors que la police des six planètes est en route pour augmenter la protection.

Mais ce que personne ne savait, c'est que cette personne n'était pas stupide, elle était juste désespérée et n'avait pas le choix.

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