Échappatoire
Je m'ennuie enfermée chez moi. Dans une petite chambre qui sent encore la peinture. Impersonnelle. Digne d'un magazine de déco. Garnie de quelques cadres aux paysages de vacances paradisiaques.
Alors je m'imagine sortir par la fenêtre pour m'envoler. Sauter du deuxième étage, atterrir sur le béton froid de la villa et courir.
Courir jusqu'à en vomir.
Courir jusqu'à n'en plus sentir mes jambes et l'air dans mes poumons.
M'enfuir.
Loin de ce monde.
Je suis assise sur mon grand lit. En face de la fenêtre. Trop haute pour sauter. Trop basse pour voir l'horizon.
Je n'ai vue que sur le luxueux jardin. Sur la piscine calme. Sur les faux arbres. Et sur les autres maisons. Toutes identiques à celle-ci.
Je m'ennuie.
C'est fou comme l'ennui peut rendre mélancolique.
Solitude, tristesse, angoisse. Ces sentiments tourmentent mon esprit avec malice. Je suis seule dans cette chambre anormalement calme. Ce n'est pas un silence paisible. C'est un silence pesant.
Me rappelant qu'il n'y a personne pour occuper mon ennui.
Personne pour moi.
Je regarde le ciel avec envie. J'aimerais tellement. Tellement rejoindre les nuages ne serai-ce qu'un instant. J'envie ses oiseaux capables de nager dans les nuages. Je souhaiterais être comme eux.
Être libre.
Je branche mes écouteurs. La musique fait fuir ma solitude. Mon ennui. Elle prend possession de moi.
Chaque rythme est une émotion différente. Chaque note me fait fondre un peu plus dans la mélodie.
Puis un déclic.
Une musique particulière.
Encourageante.
Pleine d'espoir.
D'envie de vivre.
Pourtant ce ne sont que des paroles écrites. Une mélodie jouée.
Mais elle fait écho dans ma tête. Tournant en boucle encore et encore.
Et je réalise.
Si je ne peux pas partir avec mon corps, je peux le faire avec mon esprit. Si je suis incapable de m'envoler, loin de ce monde comme je le voudrais, alors je n'ai qu'à l'imaginer. Imaginer ma fuite. Imaginer des rencontres.
La joie.
La vie.
La liberté.
Je prend mon téléphone, ouvre un brouillon et commence.
J'écris.
Mes doigts pianotent sur le petit clavier tactile à une vitesse folle tout comme le pianiste qui joue dans mes écouteurs. Les pensées prennent le dessus.
Je m'imagine sautant sans contrainte de cette foutue fenêtre en brisant la vitre. Habillée d'un grand pull qui sent la nuit, d'un jean troué et de vieilles converses dont la semelle est trop fine pour que je ne sente pas le sol sous mes pieds.
Munie d'un paquet de bonbons suffisant à me nourrir et d'un café froid dans une bouteille en plastique pour me désaltérer.
Je saute puis cours.
Je cours sans jamais m'arrêter.
À une vitesse folle.
Je ne ressens rien, sauf de l'adrénaline.
Et de la joie.
Une joie immense qui me submerge un peu plus à chaque mètres.
Je cours sans savoir où je vais.
Puis, une vague de légèreté s'empare de moi. Mes enjambées se font plus grandes, mes pieds touchent moins le sol. L'air est pur, glacé. Mais je m'en fiche.
Je m'envole.
Je rejoins les oiseaux, ces dieux des cieux.
Je vole toujours plus haut.
L'air est toujours plus froid.
Mais mon corps ne tremble pas. Et alors que l'oxygène me quitte, je garde les yeux grands ouverts.
Regarde chaque détails.
En bas les allées bordaient de riches voitures.
En haut l'infinité, l'éternité de galaxies qui me fait face.
Une immensité vide de tout sens moral, juste libérée.
Alors je m'envole plus haut. Rejoignant les étoiles. Je dépasse ces oiseaux qui eux trépassent à une telle altitude. L'air me manque, je ne sens plus mon corps qui me paraissait si pesant. Mais mes yeux gardent leur cap. Et je continue de monter.
Mon esprit est embrumé. Je pense plus. Je ne peux plus. Je ne sais plus rien, si ce n'est que désormais je suis libre.
Puis un instant. Un flottement où le monde s'arrête de tourner. Où mon corps s'arrête de fonctionner. Plus rien n'a d'importance si ce n'est ces millions de milliards de petits diamants scintillants. Je vois tout. Le soleil, la lune, la Voie lactée, les constellations. Tout. Mon regard encré sur ce tapis lumineux et étincelant, je ferme les yeux me perdant dans cette infinité.
Dans ma petite chambre. Un sourire affiché sur mon visage. Je n'ai pas bougé. Pourtant je l'ai ressenti, cette sensation de liberté. J'ai senti, j'ai vu. Comme si j'y étais. Et c'était le cas.
Du haut de ma luxueuse chambre, par ma petite fenêtre, je me suis envolée.
~~~
Je crois que c'est un peu un résumé de ma semaine de vacances chez mon père. J'ai passé mes journées dans "ma chambre" à écrire. Enfin en tout cas je l'ai vécu comme ça.
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