2.
Nathanaël absorba le choc durement, le souffle coupé et sonné par ce geste qu'il n'avait su prédire. Lorsque sa vision se fit plus nette, le visage de son agresseur s'y superposa, menaçant, alors qu'un sourire torve déformait sa bouche. Ses traits anguleux n'étaient pourvus d'aucune harmonie, mais reflétaient une redoutable cruauté. Sa malheureuse victime réussit à murmurer, faisant fi de la terreur qui le traversait de part en part :
— J-Je n'ai pas d'argent... Je... Je n'ai rien du tout !
L'avant-bras de l'homme faisait pression sur le torse de son cadet, occasionnant une douleur vive. Ce dernier tremblait tellement qu'il se serait sans doute écroulé sans le contact forcé de son agresseur. Il ricanait ouvertement, dévisageant par la même occasion la peur de sa proie comme pour s'en délecter :
— J'retire, t'es juste con !
Le plus jeune déglutit, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait. Il retenait ses larmes avec peine, usant d'un courage qui lui avait souvent fait défaut. Les briques froides et irrégulières entamèrent sa peau alors qu'un éclair de souffrance traversait ses yeux noisette. Son aîné semblait s'en réjouir, comme d'une offrande bien méritée.
— Qu'est-ce que t'as dans ton sac, hein ? Te fous pas de ma gueule sinon je t'explose la tienne ! Il est pas vide ton sac, y'a quoi dedans ?
— R-Rien.
Pour ultime menace, une poigne puissante se referma sur le col de Nathanaël. Celui-ci comprit immédiatement le danger qui planait sur lui et que son vis-à-vis demeurait prêt à mettre ses promesses à exécution. Il balbutia, réellement paniqué :
— Je n'ai rien dedans, je vous le promets. C'est juste des affaires, il n'y a rien de précieux ! Pas d'argent, rien !
Le court monologue inspiré par la peur eut pour tout effet d'arracher un énième rictus perfide à l'homme. Son visage s'approcha encore de celui du plus jeune avant qu'il ne souffle, tout bas, à la manière d'un venin soigneusement distillé :
— Tu m'as tout l'air d'être un fils à papa, alors qu'est-ce que tu peux bien foutre là ? Les gosses comme toi, ça traîne pas par ici. Ça a rien à faire là, on aime pas trop les gamins dans ton genre. Tu n'oserais pas me mentir, hein ?
Nathanaël secoua vigoureusement la tête de droite à gauche. Il murmura, bien conscient de la supplique qui mourrait dans sa bouche et qui aurait dû lui faire honte :
— Laissez-moi partir... J'vous en prie...
Le coup atteignit son ventre à peine eut-il prononcé ces mots, les lui faisant amèrement regretter. Un cri retentit dans toute la ruelle, bien qu'il soit certain que personne d'autre qu'eux n'en fut témoin. Un appel à l'aide destiné au néant de ces lieux sombres et malfamés. Le garçon suppliait en cet instant tous les dieux qui lui revinrent en mémoire, sans même y trouver un sens.
— Donne-moi ton sac ! Vite !
— S'il vous plait...
Il s'exécuta, tendant avec regret le sac devant lui. Son aîné s'en empara, accusa un regard plein d'avertissements à sa proie. Le message demeurait clair, limpide même, mais la témérité de Nathanaël venait de s'éveiller. Un accès de courage pur le heurta alors que l'homme examinait le contenu de l'unique bagage. C'était tout ce qu'il restait au jeune garçon, à peine quelques affaires jetées dans l'empressement avant un départ précipité. Voilà ce qu'il se cachait derrière le minois encore juvénile du métis, tout ce qu'il pouvait encore masquer de sa pitoyable existence.
Il ne prit pas le temps de réfléchir outre mesure, accueillant la chance là où elle se dessinait, quitte à abandonner ses seules possessions derrière lui. Certainement l'unique aubaine qui se présenterait, faveur du destin qui le libérait des mains d'un dangereux prédateur. Il banda ses muscles et s'élança en avant, espérant s'échapper de cette ruelle et rejoindre les tumultes bruyants de la foule.
Seulement, il n'eut pas le temps de faire plus que deux enjambées avant que l'autre ne le rattrape. Ce dernier empoigna le bras de son cadet avec violence, puis lui faucha sèchement les tibias. Sa victime s'écroula lourdement sur le sol humide et dans un bruit mat.
L'aîné observa quelques instants le spectacle qui s'offrait à lui. Le corps mince était recroquevillé sur lui-même, ses bras enserrant sa tête dans l'espoir de se protéger de l'impact qui s'apprêtait à le frapper. Un rire gras retentit, avant que la voix forte ne lance :
— Sale petit enculé, t'es vraiment con ! Un pauvre petit con !
Nathanaël tenta de se redresser, la respiration haletante et le souffle coupé, les larmes montant à ses yeux noisette. L'autre le lui empêcha, appuyant fortement son pied sur sa hanche afin de le clouer au sol.
— L'instinct de survie, tu connais ou les gens comme toi aiment s'en prendre plein la gueule ?
Cette fois, il ne laissa pas l'occasion à sa proie de répondre. Il lui asséna un violent coup dans le ventre, comme pour le faire taire ou regretter son audace. Un second impact suivit le premier, accompagné d'un troisième, à quelques secondes d'intervalle. Le jeune métis absorba à la fois la douleur et l'insulte. Rares étaient ceux qui lui faisaient encore remarquer sa couleur de peau, mais il ne pouvait y échapper réellement. Endurer en silence demeurait certainement la meilleure solution ici-bas.
Le colosse attrapa son cadet par les cheveux et le souleva de terre. Il se retrouva à nouveau plaqué contre le mur froid, un éclair de souffrance se répandant dans chaque cellule meurtrie. Une grimace traversa le visage poussiéreux de Nathanaël, comme ultime marque de sa faiblesse.
— Tu sais quoi ? Si t'avais rien fait, je t'aurais laissé partir. Y'a que dalle dans ton sac de merde et toi, t'as essayé de te barrer... T'es trop con ! Hein, t'es trop con, espèce de petite salope !
La poigne dans la tignasse du plus jeune se raffermit tandis que sa tête heurtait la surface dure des briques. L'haleine fétide de son agresseur s'échouait dans son cou alors que son prisonnier tentait vainement de s'arracher au contact et aux potentiels coups. La situation devenait désespérée tandis que le métis soufflait :
— Laissez-moi partir, je ne vous ai pas menti et il n'y a rien dans mon sac. Je ne dirai rien à personne, vous avez ma parole. Personne n'en saura rien.
Des suppliques se perdant au vent, comme si leur poids ne représentait rien aux yeux du plus âgé. C'était vraisemblablement le cas et Nathanaël le réalisa trop tard. Saint-Denis demeurait fidèle à sa réputation de ville dangereuse et il ne fallait jamais la sous-estimer, au risque d'en payer les conséquences. Cette pensée effleura le jeune garçon alors qu'un énième coup trouva le chemin de son estomac. L'air se bloqua dans sa cage thoracique et le choc courba son échine.
— Je m'assure simplement que tu ne puisses plus en parler à personne...
— Non, pitié...
Une menace sous-entendue qui effraya encore davantage le métis, si seulement c'était chose envisageable. Parfois, des gémissements lui échappaient pour se perdre dans cette ruelle sans fond. Une complainte misérable que l'homme ponctua de quelques paroles, le même sourire sur son visage anguleux déchiré par une vilaine cicatrice :
— J'fais quoi de toi maintenant ? J'te saigne ou j'te pète deux-trois cotes histoire d'être sûr que tu te relèves pas ?
Alors que Nathanaël avait perdu tout espoir, s'affaissant contre le mur sans plus se défendre, une voix puissante retentit :
— Putain, Mike... Tu veux pas faire ton ménage ailleurs ?
La réflexion eut pour tout effet de donner un coup d'arrêt à la pluie de coups. Le dénommé Mike se retourna vivement, en même temps que son cadet, complètement interdit. Plus loin, une silhouette sombre se détacha de l'obscurité et s'approcha lentement des deux hommes, soignant manifestement son entrée.
Chapitre deux un chouïa violent. Naël paie cher sa naïveté et son innocence !
L'arrivée d'un "mystérieux inconnu" met un terme au chapitre et je vous laisse imaginer la vérité sur son identité :3
Merci pour votre lecture et n'hésitez pas à me laisser votre avis et un vote, c'est très important pour moi. Le soutien m'est indispensable et je vous remercie déjà pour l'accueil réservé à cette histoire qui est juste incroyable !
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