Chapitre 80
« Faites l'amour, pas la guerre »
**
Une fois sortie de la chambre de Joyce je classe notre conversation dans une partie de mon cerveau et je me hâte d'aller dans la salle commune.
A mon entrée, je note qu'il n'y a pas grand monde. Seul le centre de la salle, c'est-à-dire le coin neutre, est occupé. Les étudiants sont mélangés malgré leurs gilets. Il y a de petits groupes composés de racines, garous changes peaux, filles et garçons. Peu importe.
Cependant, parmi la multitude, je reconnais tout de suite un groupe de garous un peu à l'écart et il n'y a que des garçons. A peine ais-je finis d'inspecter les lieux, que l'un deux se tourne en ma direction.
Ce dernier s'avère être Gabin et lorsqu'il me sourit, mon cœur feint de lâcher. Il se détache du groupe pour venir vers moi tandis que je reste plantée là comme une idiote. Ses amis se tournent tous vers nous à présent et nous regardent. J'essaie d'en faire abstraction et me concentre sur Gabin qui à présent est en face de moi.
Bien évidement c'est facile pour moi de porter toute mon attention sur lui : il est beau à tomber. Vêtu d'un t-shirt blanc et d'un jean noir, il incarne la sobriété même avec par-dessus son gilet de garou. Lorsqu'il me sourit, je sors de ma contemplation et revient au moment présent. Je mâchouille nerveusement ma lèvre, cherchant des propos intelligents à sortir.
- Salut, finis-je par lancer piteusement et mon comportement semble à priori amusé Gabin puisque le sourire de ce dernier s'élargit.
Je me tends lorsqu'il se penche vers moi, son souffle s'abatant sur mes lippes. Je ne bouge pas d'un centimètre lorsque ses lèvres se posent au coin des miennes et qu'il vient se placer à mes côtés laissant sa main parcourt d'un mouvement volontairement lent sur mes hanches.
Seul un frisson violent mais trés court me traverse la colonne vertébrale. Ses amis continuent de nous scruter, malheureusement, mais dieu merci les autres étudiants restent sur ce qu'ils font.
- Tu es jolie
Quelques secondes s'écoulent avant que l'information ne percute dans mon cerveau. Un sourire niais, large comme une banane, prend place sur mon visage.
- Merci, dis-je alors avant de rajouter en bafouillant, toi aussi.
Gabin sourit mais ne répond pas. Il m'intime d'avancer et le cœur battant nous allons vers ses amis.
********
Le mois de févier vient de commencer et ça va faire maintenant que deux semaines se sont écoulées depuis la rupture de Joyce et Adam et voilà deux semaines que cette dernière ne fait que déprimer.
Il faudrait être vraiment aveugle pour ne pas le voir et être stupide pour ne pas se douter de la raison. Apparemment au QG j'étais la seule à ne pas être au courant de la liaison de ces deux là, puisque la soudaine dépression de la métis ne semble surprendre personne.
Quoi qu'il en soit j'avoue m'inquiéter, puisque se serait mentir si je ne disais pas qu'il me semble qu'elle ait même perdue du poids. Ce matin alors, quand AR s'est proposée pour ranger les effets du petit déjeuner avant d'aller en cours, j'en ai profité pour l'aider mais aussi pour lui faire part de mon avis compte tenu de la situation.
- Vraiment je ne comprends pas pourquoi elle va si mal, dis-je et AR me regarde avec des gros yeux.
- Ne sois pas conne Gil
- Oh je t'en prie ce n'est pas comme si elle était amoureuse de lui
Ou du moins je ne l'espère pas. Ce serait la pire chose qui pourrait arriver.
AR roule des yeux en soufflant.
- Ça n'à rien avoir. Attends je prends un exemple très simple : si Gabin et toi rompiez comment est ce que tu penses que ce sera ?
Mon souffle se coupe dans ma gorge rien qu'en imaginant cette possibilité.
Que pourrait-il arriver si l'on rompait ?
Mon estomac se noue : ça ne fait que deux semaines que nous sommes ensemble et pourtant jamais je n'ai eu ce que j'ai avec lui avec aucun garçon jusqu'à ce jour.
- Je ...
- Tu vois. Et pourtant est ce que tu es amoureuse de lui ?
- Non
La réponse fuse de mes lèvres sans que je n'ai à y réfléchir.
Je ne suis pas amoureuse de Gabin , mais si nous rompions je pense que j'en serais malade.
- Pas besoin d'être amoureuse de son copain pour déprimer après la rupture. Rien ne change au fait que tu tenais à lui et apparemment Joyce tient énormément à Adam.
Je ne peux pas m'empêcher de grimacer et mon tic n'échappe pas à AR qui arque un sourcil.
- Pourquoi tu t'en soucie tellement si tu n'aime pas ce gars ?
Je hausse les épaules.
- Joyce est mon amie et je n'aime pas la voir dans cet état
Mais aussi parce que je culpabilise comme jamais. J'ai l'impression que c'est de ma faute s'ils ont rompus même si Joyce m'a dit que ce n'était plus ou moins pas de ma faute mais qu'en fait ça l'était. Cependant je n'ais rien révélé de tout ça à AR, car cela serait revenu à lui parler de Bethany.
- Si tu veux l'aider je te conseillerai d'essayer de lui changer les idées ou de lui parler de ça, pour qu'elle te dise ce qu'il s'est réellement passé entre eux deux.
Crispée je souris
*****
- Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas couru toi et moi, me souffle Lau en ralentissant sa foulée tandis j'en fais de même.
- Ouai
En même temps on peut dire qu'elle m'avait donné quelques raisons de rester loin d'elle et de m'en méfier. Même si AR ne semble plus avoir aucuns soupçons sur elle, je reste sceptique.
D'autant plus que l'autre blonde ne m'a pas expliqué pourquoi tout d'un coup elle n'avait plus aucun doute en ce qui concerne Lau, alors qu'il y a deux semaines elle passait tout son temps à l'espionner.
- Avec tout ce que s'est passé en même temps..., fait cette dernière en laissant sa phrase en suspends. J'acquiesce à ses dires.
Avec tout ce qui s'est passé en effet. Les machinations d'Elona , ses révélations sur l'imposteur, sans oublier tous les dires ambigus de Gaia.
En parlant de cette dernière, si ces deux dernières semaines Joyce s'est en quelque sorte mise à l'écart, lorsque ce n'était pas le cas elle était avec Gaia et Wanda.
Wanda.
Mes sourcils se froncent à ce prénom. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne l'ai jamais sentie cette fille.
- Qu'est ce qu'il y a ? , demande Lau certainement curieuse quant à la raison de mon geste.
- Je pensais à Joyce
- Ah elle, commence-t-elle d'un ton lourd de sens avant de poursuivre, elle a rompu avec le mentor des garous c'est ça ?
Je jette un coup d'œil circonspect à mon interlocutrice. Comme je l'ai fais remarquer, la relation d'Adam et Joyce, était à priori connu de tous et maintenant qu'ils ne sont plus ensemble j'imagine que ça fait le tour de l'institut.
- Comment tu sais ?, trouvé-je néanmoins utile de demander.
- Les rumeurs
Mes yeux s'écarquillent.
- Il y a des rumeurs ?
- Bien sûr qu'il y en a. Ici c'est comme au lycée, ils adorent les potins, autant que toi et moi je pense.
Je ne réponds rien et Lau continue :
- Certains disent qu'ils ont cassés parce qu'il la trompait
Un nœud se forme dans ma gorge.
Oh
- Ah oui ? , fais-je d'une voix étranglée et Lau arque un sourcil avant de s'arrêter. J'en fais rapidement de même.
- Quoi ? , couiné-je et elle a un mouvement de recul.
- Tu as quelque chose à avoir la dedans Gillian ?
- Non
- Tu mens, lance-t-elle tout de suite après ma réponse.
Je me pince les lèvres.
- Qu'est ce que tu as fais ? Je pensais que tu sortais avec son frère là Gabin ?
Je me sens rougir.
- Mais c'est le cas ! Je n'ai rien fais du tout.
- Donc pourquoi est ce qu'ils se sont séparés ? Et ne me dis surtout pas que tu ne sais pas parce que vu comment tu te comportes c'est clair que tu sais quelque chose.
Tout comme toi avec Bethany, ais-j'envie de lui balancer mais je me retiens.
Je me contente de rouler des yeux.
Je me gratte l'arrière de la tête :
- J'ai certainement une petite part de responsabilité mais Joyce m'a assuré qu'il y avait déjà des tensions entre eux.
- Tu m'étonnes
J'ignore sa remarque sarcastique et prends une grande inspiration pour parler.
- Avec l'affaire avec Ella et Elona, Adam est venu me remercier et m'a dit qu'il avait une dette envers moi à présent.
Je m'arrête pour peser mes mots tandis que Lau croise ses bras su sa poitrine.
- Et donc ?
- Je lui ai dis qu'il pouvait me rendre service plus tôt que possible. ..
- Et ? Gillian déballe !
- Je lui ai demandé d'enquêter sur Bethany
Le visage de Lau blêmit et j'ai l'impression qu'une éternité s'écoule avant que le sang ne renfloue dans son visage et que celui-ci ne devienne tout rouge. Une expression de fureur prenne place sur celui-ci :
- Tu as fais quoi ? , siffle-t-elle alors entre ses dents serrés.
Je lève les mains en l'air en signe d'abdiction et dans l'espoir de calmer le jeu.
- Ce n'est pas ce que tu crois. Je ne lui ai rien dis pour la forêt je lui ai juste dis que je cherchais une fille qui s'appelait Bethany et que c'était dans le cadre de la recherche de mon jeu
- Comment as-tu osé ...
Elle laisse sa phrase en suspens et me foudroie de la tête au pied.
Elle porte par la suite sa main à son nez pour pincer l'arrête de celui-ci.
Je suis pétrifiée car je peux sentir la colère qui émane d'elle et c'est la première fois que je la vois dans cet état.
- Tu sais quoi, je vais te laisser terminer ta course parce que là tout ce que j'ai envie c'est de t'égorger avec mes dents.
Mes yeux s'écarquillent tandis qu'elle se détourne pour s'éloigner de moi. Deux choses viennent de m'électrifier : la première ce qu'elle vient de me dire et la deuxième ses yeux.
La couleur de ses yeux avait changé et était devenu noir. Totalement noir. Il n'y avait plus aucune distinction entre la pupille et l'iris.
***
- Tu pourrais taper non ? , s'exclame Joyce lorsque je rentre en trombe dans sa chambre.
Après que je me sois assurée que Lau n'était plus sur le terrain, ni nulle part dans les environs, je me suis ruée jusqu'ici.
- Et qu'est ce que t'as à souffler comme un bœuf là ? On dira que t'as couru un marathon pour sauver ta vie, rigole-t-elle mais ça ne me fait pas rire du tout.
J'ai comme le mauvais pressentiment que c'est ce que j'ai fais.
Cette dernière est assise en tailleur sur son lit quelques livres éparpillés sur celui-ci. Sans répondre, je me laisse aller contre sa porte et glisse jusqu'au sol. Joyce me regarde d'un air à présent inquiet.
- Eh ça va ?
Je secoue la tête. Essayant de reprendre mon souffle je lui raconte brièvement ce qui s'est passé tantôt.
- Elle était peut être juste en colère, voire très en colère, commente-t-elle à la fin de mon récit
- Tu ne comprends pas, ses yeux on aurait dit ...
Comme ceux de Jane mais les siens étaient comme la nuit noire. Un frisson me parcoure et
je passe ma main sur mon front avant de me relever. Je me rends compte que c'était une erreur de venir parler de ça à Joyce. Mais AR étant à la bibliothèque j'ai trouvé plus judicieux de venir ici me mettre à « l'abri ». Mais puisqu'elle est la seule à savoir pour les imposteurs, elle n'y a qu'elle qui puisse comprendre, l'origine de la frayeur viscérale qui m'a prise face à cet « excès de colère », très démonstratif pour ma part.
- Mais à sa place j'aurais été tout aussi énervée tu sais, fait Joyce et je fronce les sourcils tout en me collant à la porte derrière moi.
- Je sais que je n'aurais peut être pas le dire, mais ...
- Pas peut être, me coupe cette dernière avant de poursuivre, tu n'aurais pas dû tout court. C'était notre accord. Mais d'un autre côté je te comprends aussi.
Je profite de la perche pour m'étendre sur le sujet. Ce sera bien la première fois que nous parlons de ça, rien que toutes les deux sans les autres à côté.
- Tu m'étonnes que tu me comprennes. J'ai beaucoup repensé à ce que Gaia disait. Je veux bien garder le secret
Ce qui n'est pas totalement vrai
- Par contre je voudrais savoir dans quoi je mets les pieds, ou du moins dans quoi je les ai maintenant.
Joyce acquiesce de la tête.
- On ne savait rien de cette fille. Ni qui elle était, ni ce qui lui ait arrivé. Par contre il est clair qu'elle ne s'est pas retrouvée là bas comme par magie. Je veux dire en plus, apparemment, c'était Lau et elle qui s'y trouvaient, puisqu'ont les a trouvés en même temps et qu'à son réveil elle semblait la connaître.
- Mais elle ne veut pas nous le dire
- Pourquoi ?
Joyce hausse les épaules.
Elle se lève alors et vient s'adosser à mes côtés elle aussi, mais contre le mur.
Un drôle de silence nous englobe avant qu'elle ne parle :
- Parfois les gens ne savent pas pourquoi ils font ce qu'ils font tu sais
- C'est vrai
Mon regard reste bloqué sur sa fenêtre ouverte qui donne sur le terrain de sport.
- Mais la plus part du temps ils savent pourquoi, rajouté-je et ma camarade semble réfléchir à mes propos.
Elle pousse un profond soupir
- Et si on arrive à découvrir qui elle était, pourquoi elle était là, ce qui a pu se passer. On ferait quoi après ? , déblate-t-elle d'une traite.
- Je ne sais pas, réponde-je honnêtement avant de rajouter, mais au moins nous ne serons plus dans l'ignorance. ça ne te dérange pas toi de savoir qui était cette fille ? Et si elle avait de la famille quelque part qui la cherchait ?
- Ça fait plus de deux mois que c'est arrivé Gillian. Je pense que si c'était le cas on en aurait entendu parler depuis longtemps.
C'est vrai.
Je repense alors à ce qu'Adam m'a dit : il n'y a personne qui répond à ce nom. Au du moins dans l'institut donc elle n'était pas élève ici.
- Elle n'était pas de l'institut
- Comment tu le sais ?
- C'est Adam qui me l'a fais comprendre puisqu'il m'a dit qu'il n'y avait personne chez les garous, les racines ou encore les change-peau qui répondait à ce nom
Ce n'est que lorsque je sens Joyce se tendre que je me rends compte de ma gaffe.
A priori, Adam n'est pas la personne dont elle envie d'entendre parler, encore moins venant de moi j'imagine.
- Désolé, dis-je doucement en me tournant vers elle.
- Ce n'est pas grave
Bien évidemment ce n'est pas vrai et elle et moi le savons très bien.
Je me sens tout d'un coup très mal à l'aise et me remets à fixer la fenêtre. C'est Joyce qui rompt le silence à nouveau :
- Vous vous parlez toujours ?
Quoi que je me doute bien de qui elle parle, je ne peux m'empêcher de demander niaisement
- Qui ça ? Avec Adam ?
- Oui Adam, fait elle un peu séchement
- Mais nous ne nous parlons pas
C'est une évidence non ?
- Ah oui ? , dit elle d'un ton faussement étonnée qui m'agace tout de suite
- Aux dernières nouvelles lui et moi ne sommes pas potes
- Et pourtant tu lui as parlé de Bethany
Je sens le reproche dans sa voix qui monte crescendo. Ma gorge se noue tandis qu'elle continue.
- On avait convenu que quoi qu'il arrive nous n'en parlerions à personne. Nous étions ensemble et je ne lui ais rien dis. Par contre toi vous n'êtes pas amis mais tu vas courir lui demander de l'aide ?
- Je n'ai pas couru pour aller lui demander de l'aide, contré-je les dents serrées un tantinet vexée par sa remarque. Elle veut dire quoi par là ?
Joyce souffle et moi j sens que la conversation est entrain de partir en vrilles.
- Si c'est que tu as fais, et que tu continues de faire même. Tu as toujours été son premier choix je te l'ai dis et tu le sais ! Pourquoi est ce que tu t'évertue à lui envoyer de signaux contradictoires.
Je m'étouffe avec ma salive.
- Quoi ? Moi je lui envoie des signaux ?! Mais de quoi tu parles ? Ce mec je ne le connais quasiment pas et ...
- Laisse tomber, me coupe t-elle brusquement en se décollant du mur avant de se mettre en face de moi. Les traits de son visage sont figés en expression de fureur à peine masquer.
Je déglutis avec difficulté : à croire qu'aujourd'hui je ne suis bonne qu'à énerver les autres.
- Franchement je pense que si toi et moi devons rester amies, il vaut mieux respecté certaines limites.
- Et les quelles s'il te plait ? Si tu crois que je vais laisser tomber l'idée de trouver cette Bethany tu te trompes et ça même si je dois collaborer avec ton ex
- Et après tu vas faire l'innocente ? , s'écrit elle et je secoue la tête.
- Tu as de très gros problèmes. Lesquels ? Je ne sais pas. D'ailleurs même j'en ai déjà assez pour ma part, je ne vais pas m'occuper des tiens, et encore si tu ne le veux pas.
Joyce me scrute et j'ai comme l'impression qu'elle se retient de ne pas gifler.
Sans demander mon reste alors, je sors.
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