Chapitre 71

« Elle l'aimait à la mort, il l'aimait à la vie » , Auteur inconnu

***

Malgré une certaine réticence, je reste jusqu'à l'heure du déjeuner pour jouer au babyfoot avec Lau. Quand il est temps pour moi de mettre les voiles, je prends congé afin de me rendre à la cafétéria pour ma « punition ».

Je suis la première arrivée, et il n'y aucune trace d'Ella. Ce n'est que quelques minutes après que je sois à mon poste et que j'ai servi les étudiants qui étaient déjà présents, que cette dernière arrive avec une horde de garou derrière elle. Bien sûr parmi eux ses deux frères.

Le groupe reste quelques secondes à l'entrée à discuter devant le comptoir attendant très certainement qu'Ella vienne à son poste, ce que cette dernière ne tarde pas à faire. Lorsque c'est fait, une moitié du groupe va s'assoir à l'une des tables tandis que l'autre reste pour se faire servir.

Dieu merci, ou pas, je n'en sais trop rien, Gabin fait partit de ceux qui sont allés s'assoir. Lorsqu'il était arrêté là, il me tournait le dos, mais je sais qu'il savait très bien que j'étais là.

A-t-il décidé de m'ignorer ? Très certainement. Malgré l'article qui est sorti hier, quelque chose me dit que notre relation a définitivement changé.

Peut être même n'existe-t-elle-même plus. Je ne sais pas.

Quoi qu'il en soit, le temps passe vite et de tout le service, pas une seule fois Ella ne m'adresse la parole. Etrangement ça me soulage de voir que les choses n'ont pas changé entre nous et qu'elle est toujours aussi antipathique qu'avant.

Lorsque je regarde à ma montre, il n'est que 14 heures, quoi que j'ai les bras engourdis. Depuis hier, je sens de plus en plus des douleurs mais aussi des démangeaisons à mon poignet.

Peut être devrais-je alors sérieusement à aller revoir Neil pour qu'il m'arrange ça.

Nous rangeons le matériel, et je décide de partir, puisqu'il n'y a plus personne à servir, ou du moins les étudiants présents ne sont pas là pour manger. Parmi eux le même groupe de garous qui est venu avec Ella et ils ont l'air de l'attendre. Mon regard s'attarde un peu sur Gabin et je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils à la vue de la blonde littéralement vautrée sur lui.

Il tourne la tête en ma direction à ce moment là et furieusement je me détourne pour rejoindre la sortie. Alors que je m'apprête à ouvrir l'un des doubles battants de la porte de la cafétéria, une main vient se plaquer contre celle-ci, me faisant froncer les sourcils et reculer.

Je longe du regard la main qui vient de me tomber sous les yeux et je vois Adam, qui a un sourire aux lèvres. Perturbée par cette apparition soudaine, je me recule encore plus et ne desserre pas les dents.

- Il parait que tu me cherchais ?

A cet instant, de par un sixième sens, je sais que pratiquement tous les garous derrière nous, pour ne pas dire un en particulier tendent l'oreille vers ici.

- Effectivement, mais ce n'est plus le cas

Rapidement j'essaie de le contourner, mais ce dernier se met pile en face de moi et face à sa carrure, qui à contre cœur je l'avoue est impressionnante, je n'ose plus faire grand-chose.

- Certainement, mais moi j'aurais quelques mots à te dire, dit il alors d'un ton très sérieux avant de m'indiquer d'un mouvement de tête une table se trouvant à notre droite.

Il m'incite de par son bras tendu à aller vers elle ci, et d'un roulement des yeux je m'exécute.

Je m'installe à la dîtes table avant que celui-ci ne s'asseye en face de moi.

Nous nous fixons, comme un quart de secondes, et quelque chose me dit que tout comme moi, il ressent le malaise qui plane dans l'air.

- Nous y voilà, commence-t-il en croisant les bras devant lui, je sais que de façon général tu ne me portes pas vraiment dans ton cœur.

- Ah oui ? , ne puis-je m'empêcher de rétorquer et il sourit.

Je me renfrogne et me rend compte que mon attitude envers lui en tant que prof peut paraître très impolie. Par conséquent j'ai honte.

- En effet je sais, sourit-il davantage avant de poursuivre, c'est pourquoi je tenais à te remercier. Tu as su dépasser ça et tu as voulu nous aider. Je t'en suis vraiment reconnaissant, dit-il d'une voix claire et posée et malgré toute la mauvaise foi m'habitant je ne peux nier la sincérité qui dégage de ses propos

- De même je suis sûr que même si tu n'as pas pu lire l'article, ce dont je doute fortement, je me dis que ton mentor t'a déjà fait part des nouvelles.

Timidement je hoche la tête me remémorant les paroles d'Elona par rapport à Ella : elle veut avoir un œil sur elle. Elle veut tout savoir d'elle.

Mais pourquoi ?

A part l'agressivité apparente qu'elle dégage, en quoi Ella constitue-t-elle un élément dangereux comme se complait à le dire Elona ?

En quoi ? Pourquoi ?

Même si je meurs d'envie de poser toutes ces questions à Adam, je m'abstiens et me contente simplement de dire :

- C'est tout ?

- Non, me répond-il et j'avoue être très surprise car j'espérais qu'il me libère, à propos de mon frère je voulais te dire de ne pas t'inquiéter

- Pardon ?

J'ai l'impression de m'étouffer avec ma propre salive.

Est-ce que Adam est réellement sur le point de me parler de Gabin ?

- Il m'a un peu briefé sur votre rendez vous d'hier, et je voulais te dire de ne pas mal prendre ce qu'il a pu te dire. Sa colère n'était pas dirigée contre toi spécialement.

Un « vraiment ?» sarcastique menace de m'échapper mais je me retiens. Je ne pipe pas mot, et attends patiemment qu'il termine. Il prend un air légèrement embarrassé :

- Je me répète peut être encore, mais je tiens à te le dire : merci. Dis-toi que nous avons une dette envers toi

Je fronce les sourcils, mais ne trouve rien à redire. Une dette ?

Comme une idée de génie, une seule chose me vient en tête et sans trop réfléchir je me prononce.

- Si tu veux vraiment payer cette dette aide moi à trouver qui est Bethany.

Dés lors où la phrase franchit mes lèvres, je sais que je viens de commettre une énorme erreur. Seulement, il est trop tard pour revenir en arrière.

Les sourcils d'Adam se froncent.

- Bethany ? , répète-t-il sur un ton de réflexion avant de continuer, ça ne me dit rien. Quelle race ?

Je grince des dents au mot « race », mais ne relève pas.

- Justement je ne sais pas. Je ne sais rien de cette fille, à part son prénom.

Son corps et son visage aussi parce que je l'ai enterré.

Péniblement je déglutis.

- Bien, et tu veux que je t'aide à la retrouver ? , fait-il d'un ton suspicieux.

- Si tu veux vraiment payer ta dette comme tu le dis, oui. Mais je veux que ça reste entre nous deux. Confidentiel. Tu n'en parles à personne. Pas même à Joyce, dis-je fermement avant de me rendre compte de mes paroles.

J'ai évoqué Joyce. Adam ne réagit pas à ça, mais je me choque moi-même.

- Conclu, concède alors ce dernier en me tendant la main gauche. Une main que je lorgne avant de remonter à son visage. Très vite il comprend et la retire en souriant.

- Tu peux y aller. Je te ferais signe dès que j'aurais quelque chose.

Je n'attends pas plus pour détaler.

***

- J'ai oublié de te demander mais c'était comment ton service avec Ella ? , me questionne Lau depuis ma salle de bain.

Il est aux alentours de 19h et nous préparons pour aller assister au « voile ».

Le « voile », ici à Dom est selon eux, l'ouverture temporaire des portails naturels qui se trouvent dans le ciel et qui donnent accès aux autres mondes. Nous par exemple sommes arrivés ici par des portails qui ont été fabriqués, hors les portails naturels existent depuis la nuit des temps et seules de puissantes entités peuvent les voir et les traverser.

C'est un évènement qui arrive peut être au maximum trois fois dans l'année.

Quoi qu'il en soit toutes les années sont conviées à admirer le ciel dont la couleur va, se parait-il, changer et qui sait voir l'un des portails ce soir.

- C'était plutôt bien, me contenté-je de dire alors qu'elle revient à ma chambre.

- T'a une petite mine, commente-elle en venant vers moi, tu ne vas pas te changer ?

Je prends un instant pour examiner sa tenue.

Un jean slim , bleu, avec un haut ample de couleur beige. Ses cheveux soigneusement peigné et tirés vers l'arrière avec un serre tête.

Finalement je soupire, puis je la dépasse pour aller dans ma salle de bain tout en marmonnant :

- Si j'y vais.

Lorsque je referme la porte je peux l'attendre ricaner.

Environ une dizaine de minutes plus tard, nous quittons toutes les quatre le QG. Joyce ne semble pas vraiment vouloir me parler et j'avoue que c'est pareil de mon côté. Je remarque que Gaia ne s'est pas changée. Elle est toujours dans les mêmes vêtements que plutôt dans la journée, et elle fait de grands pas, suivis de prés par Lau.

Joyce et moi marchons un peu retrait. C'est donc dans un silence un peu tendu que nous allons jusqu'au terrain de sport.

Quand nous débouchons sur celui-ci, il est déjà grouillé de monde éclairé par les lampes des poteaux. Il ya un brouhaha de fond, et il me faut quelques secondes avant de réaliser que les trois autres sont déjà parties chacune de leur côté.

Du coup je me retrouve seule. Un peu perdue, et ennuyée, je regarde un peu autour de moi : de petits groupes se sont formés et contrairement aux autres évènements, je suis surprise de noter qu'ils sont hétérogènes. Avec beaucoup de change peaux mélangés aux garous.

Je cherche parmi la foule, un visage familier ou autre mais ne trouve rien. Dépitée je croise les bras sur ma poitrine et lève les yeux au ciel.

Toujours ce même ciel, donc j'imagine que les créateurs n'ont pas encore « levés » le voile. Etrangement, ça me fait sourire.

- « Le voile » ne se produit pas tout de suite, fait alors une voix derrière moi. Je cesse de regarder vers le haut et me tourne à l'encontre de Reza. Je souris à ce dernier, un peu confus je dirais.

Face à mon silence, il continue :

- C'est aux alentours de minuit que ça commence.

J'acquiesce et me décide à parler :

- Donc pourquoi nous avoir laissé venir aussi tôt ?

Reza hausse les épaules :

- Ça ne les dérange pas j'imagine. Au contraire ça rentre dans le cadre du programme de l'institut non ?

Encore une fois j'acquiesce.

Nous tombons dans un petit silence avant qu'il ne demande :

- Où sont tes amies ?

Encore une fois je hausse les épaules

- Bonne question. Je ne sais pas. Elles se sont volatilisées dès notre arrivée.

Reza sourit avant de pencher sa tête sur le côté :

- Quand j'y pense, nous ne nous sommes plus reparler depuis notre foire.

Cette fois ci c'est à mon tour de sourire.

- Effectivement. D'ailleurs même c'était chaud

Son sourire défaillit pour se transformer en un rictus de gêne.

- Ouai. Ton amie et moi on s'est comme un peu emportés. Mais j'avoue que mes propos étaient déplacés, dit-il

- J'avoue moi, qu'ils m'ont choqué

Il hoche la tête suite à mes dires.

- Je me débrouillerai pour m'excuser au près de ton amie d'ailleurs

- Je crois que tu vas juste engager un autre débat, plaisanté-je et à ma grande surprise il rit.

Nous nous sourions, et je sens que je l'aime bien.

Tout comme me l'avait dit Reza, ce n'est qu'aux alentours de minuit que les mentors font leur apparition. Ils vont se placer au centre de terrain de sport et les étudiants se regroupent autour d'eux.

Depuis le début de la soirée jusqu'à maintenant, je n'ai toujours revu aucune des filles. Par contre Reza a été très gentil et m'a pris sous son ail. Même quand ses amis sont venus le rejoindre, il nous a présenté, et même si je n'ai pas retenu les prénoms, il faut avouer qu'ils ont été gentils.

Tandis que les autres sont agglutinés autour des mentors, je me suis mise un peu à l'écart. Je regrette cependant ce choix lorsque tout d'un coup toutes les lumières du terrain s'éteignent laissant place à l'obscurité, faiblement éclairés par la lune.

Personne n'a l'air étonné, quant à moi je suis pétrifiée.

La voix d'Elona résonne dans tout l'espace, mais je n'arrive pas à me concentrer sur ses paroles car j'étouffe un hoquet de surprise, traduisant mal ma frayeur lorsque je sens une main m'agripper le bras et me retourner brusquement.

Je me heurte à un torse, tandis qu'une odeur très familière m'enivre.

J'ai la poitrine en feu lorsque je lève les yeux et que je reconnais les pupilles sombres de Gabin. J'arrive à peine à discerner les traits de son visage, qui pourtant est proche du mien. La gorge nouée j'arrive juste à articuler :

- Mais qu'est ce que tu fais ?

Au lieu de me répondre, ce dernier glisse ses deux bras autour de ma taille et rapprochent encore plus nos deux corps. Je suis incapable de m'opposer à ce geste , et me contente d'ouvrir de grands yeux. De mon poignet valide j'attrape d'une poigne ferme son t-shirt ce qui a pour effet de coller encore plus nos deux bustes.

- Tu avais raison hier, je me suis comporté comme un vrai connard avec toi.

Il se tait comme s'il attendait quelque chose de ma part, mais tout ce que je réussis à faire, c'est d'essayer de calmer les palpitations et la chaleur naissante au bas de mon ventre.

Il a l'air décontenancé d'un coup, son emprise se resserre. Il semble chercher ses mots.

- Hier c'était vraiment bien, il murmure et je sens son souffle sur mon visage, mais ne dit toujours rien.

- Je sais que tu es fâchée contre moi et je sais que tu n'es pas complètement en tord, chuchote-t-il à mon oreille, ses lèvres frôlant celle-ci.

Mon souffle se bloque dans ma gorge.

- Mais je me suis senti aussi blessé de n'avoir pas été mis au courant, dit il , de nouveau face à moi.

Dans une autre situation je lui aurais dit « mais c'est l'hôpital qui se fout de la charité », mais là, même respirer est un problème.

- Je voulais tu sois aussi frustrée que moi, susurre-t-il d'une voix rauque, presque lascive qui renvoie des frissons dans tout mon corps.

Je serre les cuisses, puis lorsque je me rends compte de mon geste, j'essaie de me détacher mais rien à faire. L'une de ses mains remontent jusqu'à mes cheveux, tire d'un coup sec sur mon élastique qu'il casse. Sa main saisit ma nuque qu'il penche.

A cet instant je sais ce qui va arriver ainsi que ce qui se passe dans mon corps, entre mes cuisses.

C'est de l'excitation à l'état brute, que je n'ai jamais ressenti.

Ses lèvres frôlent les miennes et je me sens fébrile. Je ferme les yeux et m'humidifie les lippes de ma langue, mais les siennes étant toujours aussi proches, elles le touche. Je suis alors électrifiée car l'instant d'après, il m'embrasse vraiment.

Sa poigne sur ma hanche se fait plus insistante, nous rapproche tellement, que nos corps doivent sembler s'emboiter.

Je ne contrôle plus mes gestes. Ma main droite enserrant de plus en plus son t-shirt, je m'agrippe à son cou de mon bras gauche, même si il est foulé.

Il mène la danse, sa langue jouant avec la mienne. L'un de nous pousse un soupir lorsqu'il ralentit la cadence et que sa main à ma nuque se place sur mon coup. De son pouce il la caresse, et timidement je laisse son t-shirt pour son bras nu, dont je tâte les veines de mon index en faisant de petits cercles.

Je le sens sourire, avant qu'il ne se détache progressivement, tout en me picorant les lèvres. Nous respirons tous les deux forts ; nos souffles claquants l'un sur l'autre.

Peu à peu je redescends sur terre, et me rappelle alors que nous sommes en pleine air et pas seul. Fort heureusement, personne ne nous porte attention. De nouveau la voix d'Elona me revient, mais je ne cherche pas à en décrypter un traite mots de ce qu'elle raconte. Mon regard reste planté dans celui de Gabin.

Jamais de ma vie je n'ai été embrassée comme ça. Certes quelque petits copains, et des baisers furtifs rien d'alarmant.

Mais là, je suis à bout de souffle et j'ai l'impression que mon cœur va sortir de ma cage thoracique. Mon entrejambe palpite, et j'ai honte de le dire, mais je crois que je serais prête à m'isoler avec Gabin pour atténuer ça.

Peu à peu, nos respirations se régulent et jusque là, nous ne disons rien.

Et plus le temps passe, plus je sens un malaise s'accaparer de moi, et le feu au bas de mon ventre s'éteindre, ce qui n'est pas plus mal.

C'est alors que Gabin se recule et sans que je ne puisse dire quoi que ce soit, en un clignement d'yeux, il disparait. 

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