Chapitre 48
" Il n'y a rien de pire que lorsqu'on dépend de la volonté d'autrui", auteur inconnu
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Je ne sais absolument pas combien de temps Joyce et moi restons dans le couloir dans les bras l'une de l'autre, attendant qu'elle se calme.
Lorsque ça arrive, elle se détache de moi, les traits bouffis, les yeux rouges et gonflés. Je remarque qu'elle est en t-shirt rouge et en jean noir, mais ne porte pas son gilet de joueuse, tout comme moi. Son corps est bouillant.
Néanmoins je ne fais pas de remarque la dessus, et me contente de reprendre notre ascension vers le QG en silence, tandis que mon amie renifle de temps à autre.
Nous arrivons enfin à destination et remarquons que celui-ci est vide. Joyce me dit qu'elle va se rafraichir un peu le visage, tandis que moi je me dirige vers la cuisine. Tranquillement j'ouvre le frigidaire et je m'empare d'une bouteille d'eau de vie que je dépose sur la table à manger, avant de prendre deux verres sur le plan de travail et de m'y installer devant la bouteille.
A cause de ma blessure je ne peux pas trop utiliser mon bras gauche. Je prends donc la bouteille, la place entre mes jambes et l'ouvre avant de m'en servir. Sans plus attendre, j'en bois une gorgée tout en fermant les yeux pour savourer. Tout d'un coup je me sens beaucoup mieux. Ma bouche n'est plus aussi pâteuse que tout à l'heure et je me sens moins faible.
Je suis surprise d'être aussi détendue à présent et d'être loin de l'état d'esprit dans lequel j'étais tout à l'heure à mon réveil. Même si au fond, j'ai cette petite peur qui me tiraille l'estomac, ça va mieux. Mais je pense que ma « réconciliation » avec Joyce y est également pour quelque chose.
Le fait qu'elle se soit excusée m'enlève un poids énorme, car maintenant que je suis assise là, au repos, je me rends compte que si elle ne l'avait pas fais, les choses en seraient restées au même point.
Je continue de siroter mon verre, lorsque la porte de la cuisine s'ouvre me soustrayant de mes pensées. Joyce rentre dans la pièce. Elle me fait un petit sourire avant de venir s'assoir en face à moi. Tandis qu'elle se sert de l'eau de vie, je la détaille. Son visage est effectivement plus frais. Elle a attaché ses cheveux crépus en un chignon et a changé son t-shirt et son jean pour une robe à bretelles fines, rose pâle. Elle porte son verre à ses lèvres, puis commence :
- Au fait j'ai tes médicaments.
Je fronce les sourcils.
- Quels médicaments ?
Elle prend une gorgée de sa boisson tandis que moi je pose mon verre vide sur la table. Elle s'adosse à sa chaise puis me répond :
- Après que les filles t'aient amenés jusqu'à l'infirmerie hier, il te fallait un seul accompagnant et je me suis proposée. C'est là que le Doti qui s'occupait de toi m'a donné une ordonnance et je suis allée les chercher au laboratoire.
J'acquiesce suite à ce qu'elle me dit, quoi que je suis un peu surprise de savoir que j'ai passé la nuit là bas, mais aussi que Joyce soit restée toute la nuit avec moi.
- Merci.
Je lui souris et elle en fait de même.
- Ne t'inquiète pas. Je me sentais vraiment débile et c'est toujours un peu le cas maintenant.
Elle se masse nerveusement le coup de sa main libre et je prends ce geste pour un signe de malaise. Connaissant Joyce je sais ce qu'elle veut. Elle attend de moi que je lui dise que ce n'était rien, que je lui pardonne son comportement que tout est oublié et que je ne lui en veux pas. Seulement ce n'est pas ce que je compte faire. La vérité est que : j'accepte ses excuses, car je les pense sincère.
Cependant, tout ce qu'elle a pu me faire comme remarques ou me lancer comme piques sur mon jeu me restent en travers la gorge. J'accepte les excuses, mais est ce que je pardonne ?
Je ne crois pas. Même si ce n'est pas dans ma nature d'être rancunière, je ne peux m'empêcher de toujours lui en vouloir et d'avoir cette petite envie malsaine de lui renvoyer la monnaie de sa pièce.
Toutefois, mes projets de vengeance s'évanouissent lorsque Joyce me sourit, et me rappelle par la même occasion que j'ai à m'occuper d'autres choses plus urgentes.
- Tu t'es excusée, lui dis-je alors.
- C'est déjà ça, rétorque-t-elle avant de vider d'une traite son verre. Elle saisit ensuite la bouteille, la débouche puis se re-sert. Je suis d'ailleurs étonnée lorsqu'elle en fait de même pour mon verre vide en face de moi.
Elle rapporte son verre à ses lèvres.
- Donc Gillian, j'aurais une question à te poser.
- Ok
Joyce pose son verre sur la table et se penche vers moi avec un air très sérieux.
- Tu vas me répondre honnêtement ?
Honnêtement ?
Voici une notion qui me rend un peu nerveuse, parce que depuis Dom j'ai tendance à cacher et ne pas dire certaines choses. Et là j'avoue avoir une boule de stress dans l'estomac parce que je ne sais pas ce qu'elle veut me demander. Est-ce à propos de Gabin ?
- Ça dépend, dis-je alors la gorge sèche.
Joyce regarde mon bras gauche et je sais à présent ce qu'elle va me demander. J'en ai le cœur qui bat la chamade.
- Qui t'a fait ça ?
Je retiens ma respiration.
Mais je le savais. Dès l'instant où elle m'a demandé d'être honnête je savais qu'elle allait me demander ça. Je l'ai senti.
Et là à présent, je sens une pression au niveau de ma poitrine, et j'ai du mal à respirer.
Je veux lui dire. Maintenant que quelqu'un me pose la question même si c'est de façon indirecte, je veux le dire.
Je veux parler des voix. Des deux.
Ma vie est en danger.
Je l'ai senti à mon réveil à l'infirmerie : cette panique, cette peur d'être une fois encore manipulée.
Et je le sens encore, même si j'y fais abstraction. Je sais qu'au fond je suis terrifiée et qu'il faut que j'en parle maintenant.
Mais il y a aussi cette pression que je sens dans ma poitrine qui m'empêche de parler et de réfléchir correctement. Toutefois je sais ce que ça veut dire : Ina veut interférer.
Mais pourquoi ? Je ne peux plus garder tout ça pour moi !
- Non !
Sa voix claque dans mon esprit comme un cri. J'en reste estomaquée.
Ça a l'air si réel que je jurerais qu'elle est avec moi dans cette pièce. Je cesse de fixer mon verre, et regarde Joyce qui elle m'observe déjà avec un air très inquiet.
- Gillian, susurre-t-elle avant de prendre ma main droite entre les siennes comme elle l'a fait tout à l'heure dans le couloir.
Un nœud dans ma gorge se forme, et j'ai tellement envie de tout dire.
- Non !
Nouveau cri d'Ina.
Pourquoi ?
Je me sens terriblement mal et je n'en peux plus du regard de Joyce.
Pourquoi je ne peux tout simplement pas tout lui dire à présent ?
- Non !
Excédée je me soustrais de sa poigne et me saisis du verre d'eau de vie qu'elle m'a servi et en bois une gorgée puis, déclare d'une voix mal assurée malgré moi :
- Je ne m'en rappelle plus.
Joyce ne réagit pas tout de suite.
Elle fronce d'abord les sourcils, puis elle se redresse lentement. Encore plus mal à présent, je me mets à siroter lentement ma boisson.
- Tu ne t'en rappelle plus ?, répète-t-elle. Elle ricane, se déridant au passage puis se laisse aller de nouveau contre sa chaise. Elle reprend de nouveau son verre et se met à la siroter tout comme moi.
Je sens sa contrariété mais ce qu'elle ne sait pas c'est que je le suis encore plus. Je veux tout avouer, mais Ina m'en empêche tout comme cette nuit du côté interdit de la forêt et le pire c'est que je n'y peux rien. Ma seule solution alors est de débiter des mensonges, comme celui que je m'apprête à dire.
- Non je ne m'en rappelle plus, confirmé-je en haussant les épaules complètement amorphe, je sais que je suis sortie aux alentours de 19 heures parce que je devais rejoindre quelqu'un mais après c'est le trou noir. J'étais dans le couloir et ....
Je hausse de nouveau les épaules. Joyce me fixe avec attention m'examinant le visage, son verre toujours à ses lèvres.
Elle finit par poser celui-ci sur la table, vide et j'en fais de même avec le mien qui est aussi vide et elle fronce les sourcils. Elle s'accoude encore une fois sur la table, les lèvres pincées.
- Pourquoi tu mens Gillian ? Tu m'as pourtant promis d'être honnête, dit-elle avant de caler sa tête dans la paume de sa main droite.
Je ne rétorque rien, n'en trouvant pas le courage. Elle secoue la tête, les sourcils toujours froncés.
- Si j'avais un miroir dans lequel tu pouvais te voir Gillian, tu saurais à quel point tu n'es pas crédible.
Je ne peux que sourire. Rien qu'à ma version même un enfant de 5 ans ne me croirait pas.
- Tu as tellement l'air troublée, murmure-t-elle en se penchant d'avantage. Dis-moi...
- Non !
- Je ne peux pas
Les yeux de Joyce brillent d'une lueur si intense, que je pourrais l'associer à de la haine. Mais contre qui ?
Moi ?
Parce que je ne veux pas lui dire la vérité.
- Gillian, tu sais que tu peux me le dire si quelque chose ne va pas.
Je ne dis rien, et elle insiste.
- Si quelqu'un te veut du mal.
Je commence à être perplexe face à l'attitude de Joyce. Je ne doute pas qu'elle soit inquiète pour moi, mais sa réaction n'est elle pas disproportionnée, dû à ce qu'elle sait ?
Parce que je veux dire que ça devrait être à moi de m'inquiéter pour mon sort car tout ce qu'elle sait, c'est que j'ai le poignet foulé et la seule explication pourrait être que j'ai trébuché, que je suis tombée et j'ai voulu me rattraper sur celui-ci.
Elle n'est pas au courant de cette nouvelle voix, ni du pouvoir qu'elle a sur moi de me faire halluciner jusqu'à me faire me suicider.
Elle ne sait pas.
Elle ne sait rien.
Ou du moins pas de cet ordre là. Dans ce cas, de quoi est-elle réellement au courant ?
- Qu'est ce que tu veux dire par quelqu'un qui me veut du mal ?
Suite à ma question, Joyce a l'air de commencer à s'énerver ce qui fortifie mon idée selon laquelle elle saurait quelque chose. Elle se redresse de nouveau et une intuition me dit qu'apparemment elle attend que quelque chose sorte de ce que je vais dire confirmant je ne sais quoi.
- Tu te fiches de moi Gillian ? Je te parle de quelque chose d'important et toi tu es là à ...
Elle ne termine pas sa phrase et se contente de faire des gestes avec ses mains trahissant son agacement.
Elle finit par grogner avant de se calmer, puis de froncer une énième fois les sourcils. Je la sens légèrement énervée.
- Ok, tu sais quoi ? J'ai l'impression que tu ne te rends pas compte de ce qui est entrain d'arriver. On n'a pas que des amis ici, et si je me souviens bien tu t'es déjà fait agresser.
Fait-elle référence à mon altercation avec Ella à la cafétéria ?
Se pourrait-il qu'elle pense qu'Ella m'a attaqué ?
- Tu crois que c'est Ella Garou qui m'a fait ça ?
- Je ne sais pas. A toi de me le dire.
- Je t'ai dis que je ne me souvenais de rien.
- Ok Gillian, c'est comme tu veux.
Elle se redresse, et croise les bras sur sa poitrine.
- Mais n'oublie pas que tu peux me le dire si tu as un problème.
J'acquiesce, et Joyce se lève ramassant nos verres au passage, qu'elle va ranger dans l'évier. Elle revient prendre la bouteille pour la remettre dans le réfrigérateur.
Une fois terminée, elle revient prendre place en face de moi.
- Elles sont où les autres au fait ?
- Lau est avec Rochelle. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, si tu ne l'as pas encore compris, la situation est grave. Elona a posé un véto cette nuit. Elle ne veut plus que l'on se balade seules au sein de l'institut. On doit être minimum deux. D'ailleurs je pense qu'elle va renforcer la sécurité.
- C'est-à-dire ?
- Elle va faire changer les entrées et sorties. Elle va faire placer les empreintes digitales.
- Vraiment ?
Joyce acquiesce, puis rajoute.
- Je pense même qu'il y aura un registre.
A cet instant mes doutes sont confirmés. Il y a quelque chose que je ne sais pas. Sinon pourquoi autant de mesures de sécurité ?
Juste parce que je me suis blessée dans un malheureux couloir ?
Ils ne savent même pas ce qui est réellement arrivé.
Néanmoins je sens que je n'en saurais pas plus, ou du moins pas avec Joyce.
- Ok, concédé-je avant de lui demander, et Gaia ?
- Tu me demandes où est-ce que Gaia est ?
- Oui.
- Je ne sais pas Gillian. Vraiment, c'est à peine si je la vois dans la journée. Comment veux tu que je sache où ce qu'elle est ?
Et bien de la même façon que tu es allée lui raconté pour mon entretien avec Elona, pensé-je sans oser le dire.
Je ne me sens franchement pas d'attaque pour commencer ce genre de conversation avec Joyce là tout de suite. Mais je suis curieuse....
Vraiment très curieuse.
NDA: en média ma Gaia adorée alias Liana Liberato
PS: grand merci à vous ! NEA a atteint 1K de votes! C'est incroyable. Le 2 Septembre , ça fera 1 an que j'ai commencé à poster cette fiction ici :) Seigneur, cette aventure avec vous est formidable !!
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