Chapitre 42

"Le seul enfer qui existe  est celui que les hommes imaginent"

*************   

Lorsque je me réveille ce matin, je n'ai pas la force de me lever. J'ai passé une très mauvaise nuit et Dieu merci, comme je n'ai pas cours, il n'y a pas de raison que je me mette tout de suite sur pieds.

Je préfère rester allonger et faire le point sur ma situation.

J'ai l'impression d'être ces derniers temps une espèce d'aimant à problèmes. Comme si le fait de rester ici pour les congés n'était pas assez pénible comme ça, je dois être moi, doublement punie pour quelque chose dont je ne suis pas le commanditaire.

Et Gabin...

Gabin était une équation que j'avais décidé d'abandonner et que j'avais réussi à oublier il y a deux semaines. Mais voilà que maintenant l'équation devient une inéquation.

Durant ces deux dernières semaines, lui et moi nous nous sommes croisés plusieurs fois au sein de l'institut. Pas une seule fois il ne m'a adressé la parole et je me suis moi-même gardé de le faire. Donc, le fait que soudain il décide de renouer contact avec moi m'a obnubilé toute la nuit. Combiné, à l'appréhension de mon entrevue avec Elona ,j'ai donc beaucoup réfléchi.

Concernant mon problème avec Elona, je me suis épargnée la peine de chercher à savoir quelle serait la pire punition qu'elle pourrait me donner parce que la dernière fois que j'ai essayé, je suis tombée des nues.

Néanmoins, beaucoup de choses ont divagués dans mon esprit. Comme le fait que si une personne t'ignore pendant plusieurs jours, voir plusieurs semaines, et que cette personne t'a déjà dit auparavant qu'elle ne voulait plus avoir de contact avec toi et que soudain elle décide de revenir vers toi, c'est que soit :

1- Elle a un problème et que contre son gré elle a obligatoirement besoin de ton aide

2- Elle joue un jeu et essaie de te manipuler.

Je dirai que je voudrais que la première option soit la plus plausible, mai seule la deuxième est restée à mon esprit. Depuis que les filles m'ont parlé d'AR, comme quoi elle me manipulerait, et qu'elle serait en fait une garce , j'avoue que ça m'a marqué.

Plus que je ne l'aurais voulu.

Mais je pense qu'au fond, après mûre réflexion et surtout depuis mon accrochage avec Lau à propos de ça, je crois qu'elles n'ont fait que dire à voix haute ce que j'ai pensé dès qu'AR s'est mis à me parler ce jour là, après mon altercation avec Adam.

Au fond ça m'avait intrigué, je doutais de sa sincérité, de ce brusque retournement de situation. Parce qu'au début, durant les deux premiers mois qu'on a vécus tous ensemble, je n'ai pas vraiment eu l'impression qu'AR nous portait vraiment dans son cœur, Joyce, Lau, Gaia et moi.

Et brusquement qu'elle décide de faire de moi son alliée m'a gêné un peu je l'avoue.

Mais je suis passée par-dessus ça.

Pourquoi ?

Tout simplement, parce qu'outre le fait que je remets en cause les réelles intentions d'AR, aussi paradoxal que ça puisse paraître, je sens que cette affaire « d'imposteur » est cent pour cent réelle.

Je me suis alors remémorée tout ce que Lau a dit sur Gaia, la blâmant par rapport à ses disparitions fréquentes, comme si elle l'accusait de quelque chose.

Certes, sur le coup de l'énervement par rapport au fait qu'elle me parle encore d'AR, je ne me suis pas vraiment posé des questions.

Mais est ce que Lau soupçonne Gaia de quelque chose ?

Si oui de quoi ?

**

Lorsque j'ai fini de me doucher, j'ai rapidement opté pour un t-shirt et un jean sans oublier mon gilet avant d'aller à la salle à manger. A ma grande surprise, j'y trouve Gaia, déjà attablée un bol à la main et des tartines en face d'elle.

Cette dernière lève à peine les yeux lorsque je rentre dans la salle.

- Bonjour, lui dis-je avant d'aller au frigo et de sortir le lait. Celle-ci marmonne une réponse que je ne comprends pas.

Je ne m'attarde pas là-dessus, et je renverse le lait dans une casserole, décidée à le réchauffer.

Adossée au comptoir, les yeux rivés sur mon petit déjeuner entrain de bouillir je lui tourne le dos. Il n'y a pas de bruit au QG, j'ai l'impression que nous sommes que toutes les deux.

- Elles sont où les autres ?, me décidé-je à demander sans me retourner. Je l'entends poser son bol sur la table puis croquer dans sa tartine qu'elle prend le temps de bien mâcher longuement avant de me répondre.

- Je ne sais pas. Quand je me suis réveillée il n'y avait personne.

- Ah, dis-je tout simplement. Je suis à la fois irritée par son comportement, mais en même temps surprise, parce que ça faisait bien longtemps, qu'elle n'avait pas adressé de phrase complète à l'une de nous.

- Par contre je crois que Joyce est avec sa bande.

Je hoche la tête et j'arrête le feu sous mon lait. Je me retourne pour prendre un des bols dispersés un peu partout sur le comptoir de la table de travail. Je rencontre alors le regard de Gaia, me fixant.

- Quoi ? , demandé-je tout en me retournant, je prends la casserole et renverse son contenu dans le bol.

- J'ai appris que tu avais rendez-vous avec Elona

Je fronce les sourcils à cette information tout en allant m'assoir sur la table.

Je suis surprise par ce qu'elle me dit car à ma connaissance , les deux seules personnes qui sont au courant de cette entrevue sont Rochelle et Lau. J'imagine mal Rochelle lui dire ça, mais d'un autre côté avec la discussion que j'ai eu avec Lau concernant Gaia la veille, me permet de douter que ces deux là aient eu une discussion.

- Qui t'a dit ça ?

Gaia esquisse un sourire en coin.

- Quelqu'un

Je plisse des yeux mais ne répond pas. Je décide de ne pas m'étendre sur le sujet. Je continue de siroter mon lait tranquillement.

Gaia finit par se lever, et me demande si je veux le reste de ses tartines car elle ne les finira pas. J'accepte.

Avec un petit sourire aux lèvres, elle sort de la salle à manger. Je la regarde s'en aller et dès que la porte se referme, je fixe attentivement les tartines indemnes.

- Non, fait la voix.

Automatiquement sans me poser de questions, je me lève à mon tour et prend l'assiette avec ses restes, avant de la vider dans la poubelle.

Je mets le couvert dans le lave vaisselle et je décide de me faire d'autres tartines.

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

****

Même si ce n'est pas la première fois que je me retrouve dans ce couloir à réunir tout le courage que la pauvre fille que je suis est capable d'avoir, j'ai la peur qui me broie l'estomac.

Le silence qui règne en ce lieu n'arrange en rien mon mal être. Je ne peux m'empêcher de regarder obstinément toutes ces portes encastrées de par et d'autres de ces murs me demandant ce qu'il peut y avoir derrière.

- Gillian, fait alors la voix d'Elona en même temps que la porte de son bureau s'ouvre.

J'étais tellement concentrée, que je ne l'ai pas entendue s'approcher. Surprise, j'ai réprimé alors un cri de frayeur tout en reculant, ce qui a donné un couinement totalement sordide.

Mon mentor reste impassible face à ça, je me mets alors à parler rapidement, d'une toute petite voix.

- Hum... Je viens d'arriver, j'allais toquer.

Elona ne sourcille toujours pas. A la place, elle se décale, m'invitant silencieusement à entrer.

Je déglutis difficilement avant de m'exécuter.

Je vais me poster derrière la chaise, en face de son bureau attendant qu'elle me donne l'autorisation de m'assoir.

Cette dernière, vient se mettre en face de moi, et s'installe.

- Assieds-toi Gillian, m'ordonne-t-elle.

Je suis ses instructions sans oser la regarder dans les yeux. J'observe alors son bureau, et je remarque pour la première fois, que la surface de ce dernier est fait de la même plaque que les guides de la bibliothèque.

- Gillian, me rappelle de nouveau mon mentor, et je me concentre sur elle.

Elle n'a pas d'expression particulière au visage, juste qu'elle a l'air un peu contrariée.

- Comment se passent vos congés ?

Automatiquement je fronce les sourcils et sans m'en rendre compte je laisse échapper un « pardon » mi-surpris, mi dédaigneux.

- Je te demande comment se passent tes congés au sein de l'institut, répète-elle et je me mords la langue.

Il y a comme une colère sourde qui monte en moi.

Elle se moque de moi ?

Si elle avait été quelqu'un d'autre je lui aurais dit d'aller se faire foutre. Même Rochelle ou Mau.

Cependant c'est Elona, et je ne sais pas pourquoi, outre le fait qu'elle soit notre mentor il y a quelque chose avec cette femme qui me fait froid dans le dos.

- Bien. Merci, réponds-je alors sèchement.

- Bien, dit-elle également et je grince des dents.

Elona n'adopte pas de ton particulier, mais il y a quelque chose dans le timbre de sa voix qui m'a l'air d'être de la provocation et je n'aime pas ça du tout.

- Sinon, tu sais pourquoi je t'ai convoqué ici Gillian ?

J'acquiesce.

A ma grande surprise, elle soupire, avant de s'avancer dans son siège pour se pencher vers moi, s'accoudant à son bureau.

- Ce n'est pas la première fois que tu as des antécédents avec des garous Gillian. Figure toi que certaines rumeurs sont arrivées jusqu'à moi, commence-t-elle et je fronce les sourcils appréhendant la suite.

- Comme quoi tu aurais eu un petit accrochage avec leur mentor

J'ai la gorge sèche tout d'un coup. Elona me scrute de ses pupilles noires, guettant mes réactions.

- C'est vrai, avoué-je alors.

- Je ne m'attendais pas à autre chose.

Je fronce les sourcils.

C'est censé vouloir dire quoi au juste ?

- Tu sais Gillian qu'il y a des règlements. Un mentor ou un Ogi n'a pas le droit d'avoir de relations outre que professionnel avec un élève de son année. Cependant il n'y a pas de règlement concernant les élèves des autres années. Mais je pense que ce serait tout aussi mal vu, même si ce n'est pas interdit.

Je retiens un soupir las, mais en même temps j'ai l'impression de me faire gifler violement. Que Gabin ou Joyce, puisse insinuer que j'ai une relation avec Adam, passe encore.

Mais Elona ?

Hors de question !

- Madame, je n'ai aucune relation avec Adam, dis-je donc hargneusement.

Elona arque un sourcil et je sais que c'est dû au fait que je l'ai appelé « Madame ». Mais je veux souligner l'importance de mes propos, voilà pourquoi je l'interpelle de cette façon.

- Si tu le dis Gillian, rétorque-t-elle alors un tantinet narquoise Je ne pipe pas et elle continue, quoi qu'il en soit après avoir réfléchi longuement, je me suis rendue compte d'une chose : tu as peut être eu un mauvais départ avec eux. J'ai donc décidé de te réassigner les premières tâches que je vous avais demandé de faire.

- Nettoyer le terrain de sport ?

- Et la partie accessible de la forêt. C'est vrai que les autres années le font, mais j'ai décidé de vous intégrer dans un groupe.

- Vous ?, répétais-je perdue. Elona acquiesce et se repositionne correctement dans son siège.

- Oui vous. Ella et toi. Je vous ai mis dans le même groupe que deux autres racines. Mais vous travaillerez toutes les deux.

L'information prend du temps avant de percuter mon cerveau.

Tout ce que j'arrive à retenir c'est : Ella, ensemble, travaillez, toutes les deux.

- Vous voulez qu'elle me tue ?, fais-je alors horrifiée, une fois après avoir assimilé. Elona rit nerveusement.

- Biensûr que non Gillian. Personne ne va tuer personne.

Même dans son ton, je sens qu'elle n'y croit pas elle-même.

- Elona, Ella me déteste. Elle va m'égorger à vif ! Je ne peux pas travailler avec elle.

Le visage de mon mentor se ferme tout d'un coup.

- Evidement que tu peux travailler avec elle Gillian. C'est le but même de notre programme. En plus vous ne serez pas seules sur le terrain. Il y aura deux autres racines sur avec vous.

Je me tortille sur ma chaise. Ce qu'elle me dit ne me rassure pas. Depuis leur diner, les racines sont très hostiles à notre égard, et je pense que même si Ella essaie de m'égorger ce n'est sûrement pas eux qui vont s'y opposer. Si possible ils vont l'aider à faire disparaître le corps.

- Ella est une Garou, dis-je bêtement.

- Mais non, dit Elona tout en se levant. Je la suis du regard, et me rend compte avec horreur que l'entretien est terminé. Elle se dirige vers la porte de son bureau et l'ouvre. Contrite, je me lève à mon tour et une fois à sa hauteur elle me sourit et me dit, ce ne sont que des louveteaux Gillian. Ils n'ont pas encore goûté à la chaire humaine.

Mon souffle se bloque dans ma gorge et mes yeux s'écarquillent. Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit, qu'elle me pousse vers l'extérieur.

Au moment où la porte du bureau d'Elona se ferme, une autre à quelques pas à ma gauche s'ouvre. Je ne me suis pas encore remise de mon choc précédent, que je suis victime d'un autre en voyant Adam sortir de la dîtes entrée.

Ce dernier a le visage fermé, et ne me remarque pas immédiatement. Quand à moi, je suis paralysée.

Qu'est ce qu'il fait là et d'où est ce qu'il sort ?

Lorsqu'il a l'air de remarquer ma présence, Adam me fixe sans ciller et sans un mot se dirige vers la sortie. Comme un robot je le suis, mais il n'a pas l'air de s'en préoccuper. Je garde les yeux fixés sur ses larges épaules qui témoignent de l'entretien qu'il s'assigne.

Nos premières semaines ici me reviennent en mémoire ainsi que les remarques des filles sur son apparence, comme quoi il était sexy. J'ai beau le détester, mais je ne peux pas nier ce fait.

Lorsqu'il débouche sur notre salon, je vois la tête de Lau apparaître par l'entrebâillement de la porte. Elle est toute aussi surprise que moi. Le suivant de près, je ne tarde pas à faire mon entrée. Lau me fixe étrangement, Adam est déjà sorti du QG.

- Est-ce que je viens vraiment de voir Adam Garou ?, me demande-t-elle.

- Oui.

- Vous étiez ensemble ?

- Non, dis je agressivement et Lau lève les mains en l'air comme pour s'innocenter.

- Je ne sais pas moi.... Vous venez du même endroit et il était tout rouge.

Je plisse des yeux.

Elle insinue quoi là ?

- J'étais avec Elona. Je te l'ai dit hier. Lui, je ne sais pas ce qu'il faisait là. Quand je suis sortie du bureau il sortait lui aussi en même temps d'une autre pièce.

- Ah bon ?

- Je te jure.

- Tu penses qu'il vous a espionné ?

Je fronce les sourcils.

- Non je ne pense pas. La pièce dans laquelle il était, se trouvait quand même loin du bureau d'Elona.

Lau ne dit rien, mais je vois bien que quelque chose la gêne. Cependant elle retrouve, très vite une expression neutre avant de me dire.

- J'ai croisé Mau ce matin, elle te cherchait.

- Ah bon ? , demandé-je surprise. Elle est où ?

- A l'amphi. Elle m'a dit qu'elle avait des trucs à régler dans la salle des transits, mais qu'elle t'attendrait à l'amphi si elle finissait.

- Ok merci. On se voit plus tard, dis-je en me dirigeant vers la sortie menant au couloir.

- A plus.


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