Chapitre 33
« Il y a de ces peurs qui nous tuent à petit feu », Auteur inconnu
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- Il est 15 heures ! , annoncent Joyce et Gaia en même temps et je rigole. Je réveille Lau qui s'était assoupie. Pendant qu'elle dormait j'en ai profité pour mieux l'examiner. En plus de sa cheville enflée la chose qui m'a suscité le plus de questions était ce sang séché sur son cou.
D'une autre part, les cendres qui recouvraient le paysage avaient disparus comme si elles avaient étaient aspirées par le sol et les arbres.
Nous nous levons et reprenons nos affaires. Je sens mon ventre gargouiller et se tordre en même temps. Pendant toute la matinée, j'ai eu le temps de penser à tous les problèmes auxquels nous allons être confrontées : nous avons passé la nuit, ainsi que la matinée et une partie de l'après midi ici. C'est presqu'impossible que notre disparation soit passée inaperçue.
Quoi qu'il en soit j'ai plus que hâte d'être hors d'ici.
- Merci, dis-je en me tournant vers l'arbre alors que Joyce et Gaia ont déjà commencé à partir, mais ce dernier ne répond. J'en conclu qu'il dort et que la barrière s'est donc ouverte.
Lau et moi échangeons un sourire avant d'y aller aussi.
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Dès que nous passons de l'autre côté, je sens immédiatement l'air changer. Il est plus léger, l'ambiance est moins lourde. J'ai envie de pleurer tellement je me sens soulagée.
Les filles pressent le pas pour rejoindre la sortie de la forêt mais avant d'en faire de même je me tourne pour regarder l'autre côté et je me détourne.
Plus nous avançons, plus je me sens fatiguée et émotive. Lorsque nous étions de l'autre côté, c'était comme si j'avais tout refoulé.
- Je ne me suis jamais sentie aussi en sécurité de ma vie, raille Gaia cependant je ris de bon cœur et les filles en font de même, y comprit Gaia.
Même si j'ai la conviction que nous devrions faire autre chose que rigoler, que le pire est encore à venir, je continue de rire parce qu'une voix au fond de moi me dit que c'est peut-être la dernière fois.
Je lui donne d'ailleurs très vite raison car alors que nous approchons de la sortie, j'entends des voix en faire autant. Une en particulier : celle d'Adam et à peine faisons nous quelques pas en plus que nous nous retrouvons nez à nez avec eux.
Joyce et Gaia qui sont devant nous s'arrêtent et Adam et sa classe en fond de même.
Je sens mon estomac se nouer et même si ça m'écorche la bouche de le dire, mais lorsqu'il nous observe d'un air déconcerté de la tête aux pieds avant de froncer les sourcils et de pincer des lèvres, je me sens paniquée.
Je le suis d'autant plus lorsque je reconnais dans son groupe d'élèves Gabin et Ella l'un à côté de l'autre.
Il y a un silence gênant qui plane et Gaia fait la chose la plus improbable dont je l'aurais crut capable, elle continu son chemin parmi le tas d'élèves qui s'écartent. Elle est rapidement suivit de Joyce.
Mais étant donné que je m'appelle Gillian, je reste planté là et lorsque je me décide d'en faire de même Adam décide de sortir lui aussi de sa « transe » de choc.
- Où étiez-vous ?
Je n'ai pas le courage de répondre, ayant peur de m'écrouler. Alors que je passe près de lui pour sortir, soutenant Lau, il ose m'agripper le bras.
J'ai l'impression de recevoir une décharge électrique, et comme un flash, le rugissement strident de l'animal résonne dans mes oreilles.
A ce moment, alors j'ai l'impression de ne plus être maître de moi-même.
- N'ose plus jamais me toucher !, je hurle en me dégageant si violemment que j'en fais tomber Lau.
Et c'est comme s'ils retenaient tous leur respiration, alors Adam me fixe éberlué avant de se reprendre et de froncer à nouveau les sourcils.
Je suis bouleversée, et instantanément je sens les larmes envahir mes yeux. Je pince les lèvres, toute tremblante, j'aide Lau à se relever tout en m'excusant auprès d'elle.
- Pardon, lui dis-je d'une voix cassée, mais avec le silence qu'il règne ils l'ont tous entendus. Mon amie me regarde d'un air inquiet comme pour me demander si je vais bien et j'acquiesce.
Sans regarder personne, je nous traîne vers la sortie. Je suis si épuisée que j'ai presque l'impression d'entendre la voix de Gabin m'interpeller et me demander si je vais bien.
Lorsque nous passons la porte du QG, c'est avec soulagement que je vois que c'est Elana qui est au salon. D'ailleurs quand cette dernière lève la tête et nous remarque, ses yeux s'écarquillent et elle vient rapidement à notre rencontre. Elle me décharge de Lau.
- Oh ! Mais qu'est-ce qui vous est arrivé ? , demande-t-elle d'un ton paniqué qui me surprend.
Aucune de nous ne lui répond.
Sans un regard pour elles, je me traîne piteusement jusqu'à ma chambre où une longue douche m'attend.
*******
Je suis dans ma chambre, elle est vide et tout est silencieux. Je tourne sur moi-même et je vais à ma fenêtre, cependant il fait noir. Je sors alors de la pièce et descend les escaliers, le salon est tout aussi vide. Toutefois la porte d'entrée est entre-ouverte, la lumière est allumée dans le jardin. J'entends des bribes de voix et je m'en approche. Je sors à l'extérieur et je vois mon père qui est de dos, cependant le plus troublant est la personne en face de lui : Rochelle.
Ils parlent à voix basse et de là où je suis, je ne peux les entendre, malheureusement mes jambes refusent de bouger et restent clouées au sol. Je ne peux pas avancer. Je fronce les sourcils et soupire longuement, trop familière à ce genre de situation.
Quelqu'un ou quelque chose ne veut pas que j'entende.
J'examine alors la tenue de mon paternel : il est en costume, noir. Un costume qui d'ailleurs me dit vaguement quelque chose.
Tout d'un coup, la sonnerie d'un portable résonne derrière moi. Le temps que je me retourne, elle s'arrête, c'est le téléphone de mon père. Je jette un coup d'œil vers Rochelle et lui, ils ont tellement l'air encré dans leur conversation qu'il n'a pas eu l'air de l'entendre.
Je m'approche de l'appareil et regarde son fond d'écran qui est une photo de ma mère et moi le Noël dernier.
Ce n'est pas seulement la vue de la photo qui créé une boule dans ma gorge, non. C'est la date qui figure sur l'écran de veille qui me bouleverse : le 26 Septembre.
Le jour de l'anniversaire de mon parrain. Mes parents sont sortis ce soir là.
Le problème c'est que c'était une semaine avant que Rochelle et Shay ne viennent faire leur test au lycée, soit une semaine avant que je ne rencontre Rochelle et que eux aussi soient supposés la rencontrer.
J'ouvre subitement les yeux, l'estomac noué, je fixe le plafond.
Très sincèrement dit, je ne sais vraiment pas quoi penser de « ces nouveaux évènements ». Ca a d'abord été la voix et maintenant ces rêves ?
Je me demande si je peux leur donner du crédit. Après tout ce ne sont que des rêves qui proviennent du fruit de mon imagination. Elles ont l'air d'être des retranscriptions de mes pensées car j'ai beaucoup pensé ces derniers temps à mes parents, à leur si facile décision de m'envoyer ici sans trop d'hésitation. Je me suis toujours demandé qui pourrait être la voix, et mon second rêve a été sur « elle ».
Les deux coups qui retentissent à ma porte me sortent de mes pensées. Le temps que je réponde, celle-ci s'ouvre sur Joyce.
Cette dernière s'est changée. Vêtue d'un bermuda violet et d'un t-shirt rose, elle ne porte pas son gilet. Tout comme moi, j'imagine qu'elle n'a pas eu le courage de sortir pour aller à la salle des transes et à la machine à laver.
- Salut, me dit-elle d'une petite voix tout en restant à l'encadrement de la porte. Je me redresse.
- Salut, lui dis-je. Ça va ?, demandé-je et elle me fait un sourire crispé.
- On va dire que non. Elona nous convoque à son bureau.
Mon estomac se tord et j'acquiesce.
Je me lève du lit, enfile mes pantoufles et nous sortons. Il n'y a personne au salon et nous prenons le couloir qui mène au bureau de notre bourreau.
Je vois Gaia et Lau qui patientent devant la porte, l'air calme. Nous les rejoignons en silence.
Je m'adosse au mur, près de Lau tandis que Joyce en fait de même près de Gaia.
C'est Lau qui est la première à rompre le silence.
- On va lui dire quoi ? , demande-t-elle sur un ton de confidence qui m'intrigue.
- Comment ça on va lui dire quoi ?, lui demandé-je en me tournant vers elle, les sourcils froncés avant de poursuivre d'un ton dur car je suis énervée, on va lui dire la vérité !
- Quelle vérité ?!, vocifère-t-elle en se tournant elle aussi vers moi. Je plisse les yeux.
- Mais ce qui c'est passé là bas, je lui réponds les dents serrées.
- Je suis d'accord avec Gillian, déclare alors Gaia.
- Ce qui s'est passé là bas est grave !, continue-t-elle.
- Mais ce qui est fait est fait !, dit alors Joyce, si Elona nous convoque c'est surtout pour savoir où on était passé, pas ce qu'on faisait.
- Ce que tu dis n'a aucun sens. Elle veut savoir où on était et ce qu'on faisait. D'ailleurs je ne sais pas pourquoi on ne lui dirait pas. Cette fille là-bas est morte. Certes on l'a enterré et on n'aurait pas dû, mais là c'est une occasion d'être honnête et de dire tout, contré-je.
- Il en est hors de question, dit durement Joyce avant de me regarder, tu ne comprends rien ou quoi. ? On ne sait même pas ce qui est arrivé à cette fille avant qu'on arrive et Lau était inconsciente.
- Et ben, peut être que Lau devrait nous dire enfin la vérité, dit Gaia s'adressant à l'intéressée. Je me tourne également vers elle et je ne remarque qu'à ce moment là qu'elle porte un col roulé.
- Tu avais du sang sur toi, fais-je à mon tour. Notre amie rougit brusquement et je sens sa respiration s'accélérer.
- Je n'ai aucun compte à vous rendre, riposte-t-elle et j'avale ma salive de travers. Mes yeux s'écarquillent.
- Tu déconnes ou quoi ?! Si on l'a enterrée c'est parce que tu l'as proposé, s'offusque Joyce. Lau ricane.
- Je l'ai juste proposé et tu t'es jetée sur l'idée. Ce n'est pas moi qui ai immobilisé Gaia. On est toutes dans le même bateau alors vous aurez juste à la boucler et on s'en sortira sans trop de casse. Personne ne sait ce qu'on a fait là bas, si aucune de vous ne l'ouvre, qui devinera qu'il y a un corps qui y est enterré ?
Lau nous adresse un sourire carnassier et ses yeux brillent. J'ai comme l'impression qu'elle n'est pas dans son état normal. Aucune de nous ne répond et un silence pesant s'installe.
J'ai la gorge nouée et fixe un point imaginaire sur le plafond.
Quelques minutes s'écoulent avant que la porte du bureau d'Elona ne s'ouvre. Sans un regard à notre égard, elle retourne à son bureau. Depuis notre discussion de tout à l'heure, c'est la première fois que nous nous jetons des coups d'œil inquiets avant de rentrer.
Il n'y a que deux chaises en face de notre mentor et nous restons donc debout. L'interrogatoire n'a pas encore commencé que je me sens déjà profondément mal et au bord de l'évanouissement.
- Ça va être très rapide mesdemoiselles. Je vais vous poser une seule et une seule question. Tout ce que vous aurez à faire ce sera de me répondre honnêtement. Quelque soit votre bêtise, si vous dîtes la vérité, votre punition sera atténuée, mais si vous me mentez elle sera dix fois pire que ce que j'aurais prévue. Comme on le dit souvent une faute avouée est à moitié pardonnée.
Autant le dire maintenant, je ne le sens pas du tout. Pourquoi croit-elle que nous avons fait des bêtises ? Et si elle savait ce que l'on avait fait ? Ou peut-être nous soupçonne-t-elle ?
Est-ce une mise à l'épreuve ou quelque chose comme ça ?
Je n'ose même pas ouvrir la bouche de peur que si je le fais elle saura tout de suite ce que nous avons fait et que je suis entrain de mourir.
J'ai la désagréable impression, qu'elle sait déjà tout.
- Où étiez-vous la nuit dernière et durant ces dernières heures ?
J'inspire grandement, attendant le cœur battant que l'une des filles réponde.
- On a campé dans la forêt, répond Lau et tout mon corps se tend au regard glacial que nous adresse Elona.
C'est clair, elle sait que ce n'est pas vrai.
- Dans la forêt ?, répète-t-elle durement et l'air de la pièce s'alourdi. Elona se tourne vers Joyce.
- Oui. On était tellement bien qu'on s'est dit qu'on pourrait y rester la matinée, dit Joyce sur un ton un peu trop rapide à mon goût. Un sourire se dessine sur les lèvres de notre professeur mais n'atteint pas ses yeux. Je devine alors qu'on est foutues.
- Merci. Vous pouvez disposer, je reviendrais vers vous pour vous communiquez votre punition.
******
- Elle ne vous a pas crues !, s'insurge Gaia lorsque l'on se retrouve dans le salon du QG. Joyce soupire en guise de réponse et part à la cuisine. Lau lève les yeux au ciel puis elle se met en face de Gaia.
- Vous ? , répète Lau sur un ton menaçant qui ne me dit rien de bon. Gaia incline la tête sur sa droite et la considère d'un air condescendant.
Si elles continuent de se comporter comme ça et de se provoquer, tout ce manège risque de dégénérer.
- Evidement vous.
Lau plisse les yeux et se rapproche de Gaia dangereusement.
- Lau, la préviens-je mais elle m'ignore.
- Non pas « vous » Gaia chérie, mais « nous ». Elle ne « nous » a pas cru, commente-t-elle en insistant sur les vous et le nous puis elle continu sur un ton menaçant, qu'est ce que tu crois ? On est toutes dans le même bateau donc il serait temps que tu te le mettes bien dans le crâne et que tu arrêtes de nous faire chier !
- Lau, la rappelé-je de nouveau alors qu'elle hausse le ton.
- Non Gillian !, me crie-t-elle dessus puis s'adresse à Gaia, c'est à elle d'arrêter ce qu'elle essaie de faire ! Ouai ! Joyce n'aurait pas dû t'obliger à rester, mais putain maintenant c'est trop tard !! Ce qui est fait est fait ! On ne pas retourner en arrière, donc maintenant tu arrêtes tes protestations, tes trucs sarcastiques et tu nous soutiens ! Ou si tu ne le fais pas, ferme juste ta gueule, parce que là t'es juste inutile !
Gaia doit sûrement être aussi choquée que moi car elle ne rétorque pas et ses yeux sont écarquillés. Cependant, l'effet de stupeur passe très vite et cette dernière ricane.
- Wow, en fait t'es vraiment une garce, tu as bien caché ton jeu hein. Si ça trouve c'est toi qui a fais ça à cette fille et voil...
Elle à peine le temps de terminer sa phrase que Lau se jette sur elle. Epouvantée, je m'écris mais Lau est déjà entrain de ruer de coups Gaia. Dans un premier temps, cette dernier hurle de douleur, puis met une énorme gifle à son agresseur. Sous l'effet de la douleur, Lau s'arrête et met une main à sa joue tandis que Gaia en profite pour lui tirer violemment les cheveux ce qui la fait tomber et Gaia prend le dessus. Elle s'assoie sur son bassin et lui immobilise les bras.
- Mais tu es malade ou quoi ?! , se plaint Gaia avant de lui cracher au visage ce qui rend furieuse Lau.
J'en profite alors pour m'interposer et tire Gaia vers l'arrière et à peine ai-je le temps de réagir que Lau est sur ses pieds et lui assène à son tour une gifle.
- Espèce de salope, hurle Gaia en se débattant comme une diablesse. Lau lui sourit méchamment.
- Rien que pour toi.
Et elle lui crache à son tour au visage.
Titubant elle marche jusqu'au couloir et disparait derrière la porte de celui-ci. Lorsque j'entends la porte de celle-ci se fermer, je lâche Gaia et laisse mes bras tomber le long de mon corps, fatiguée. Gaia me regarde d'un air furieux.
- Je la déteste ! , dit-elle sur un ton véhément qui me serre la gorge. Elle fixe alors la porte du couloir et je lui lance un regard implorant pour qu'elle n'y aille pas. Elle a l'air de comprendre car elle se détourne et sort du salon du QG en prenant la porte du couloir qui mène à la salle commune.
Retournée dans tous les sens du terme je me demande un instant, où sont passées toutes les autres alors que je me débattais avec ces deux vipères. Intriguée, je me traîne laborieusement vers la cuisine. Il m'a semblé que Joyce s'y trouvait, mais dans ce cas pourquoi n'est-elle pas intervenue tout à l'heure ?
En effet lorsque je pénètre dans notre cuisine, Joyce est affalée sur la table à manger, un verre à moitié plein d'eau de vie je devine, au vue de la bouteille se trouvant près d'elle. Elle lève légèrement la tête en m'entendant rentrer.
- Elles ont finies ? , demande-t-elle.
- Tu savais ce qui se passait ?
Elle hausse les épaules, et avale une gorgée de sa boisson.
- Evidemment.
- Et tu n'a rien fais ? , je demande ébranlée.
- Elles en avaient besoin.
Je ne sais pas quoi dire.
Comment ça « elles en avaient besoin ? », de se taper dessus peut-être ?
Je me demande si je dois poser la question mais Joyce n'a pas l'air de vouloir poursuivre la conversation, elle fixe la bouteille et pour je ne sais quelle raison j'en fais de même. Dans un soupir je me lève et je vais prendre un verre. Je le remplis d'eau de vie et en bois une longue gorgée.
Je ferme les yeux et savoure tandis que mon esprit se vide.
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