Chapitre 3
« Parfois, l'arrivée d'une personne peut tout changer », de moi-même
~*
Je reste longtemps penchée au dessus du siège des toilettes. Mon estomac est maintenant vide, mais la boule à ma gorge est toujours là. Je me redresse lentement, tire la chasse et prend appuis sur la porte derrière moi me laissant aller contre celle-ci, jusqu'à ce que j'atteigne le carrelage. Je peux sentir la froideur de celui-ci à travers mon jean.
Je ne sais pas combien de temps je reste comme ça, mais la sonnerie retentit, mettant fin à la première heure de cours. Je lève les yeux au plafond et replis mes genoux. Je me sens tellement épuisée.
A l'extérieur, je sens l'agitation et les déplacements des élèves qui changent de salle.
Je prie très fort le bon Dieu pour que personne ne rentre ici, ainsi je sortirais ni vue ni connue. Apparemment le gars là haut a l'air de m'entendre parce que le brouhaha s'atténue petit à petit laissant place au silence. De nouveau la sonnerie retentit et le second cours de la journée débute.
J'inspire doucement et me relève avec lenteur. Je sors de la cabine et me dirige vers le lavabo. Je fais couler l'eau sur mes mains : mes doigts tremblent légèrement et, lorsque je regarde mon reflet dans le miroir accroché, celui-ci est livide. Mes cheveux sont un peu en pagaille et ma bouche pâteuse.
J'ai sérieusement l'air défoncé.
Je sors des toilettes et me plante dans le couloir. Je n'ai aucune envie de retourner en cours. Je me dirige alors vers la salle de permanence. Je ne peux pas aller à l'infirmerie car l'infirmière s'empresserait d'appeler mes parents et la dernière chose que je veux c'est de raconter ce qui s'est passé tout à l'heure à qui que ce soit.
Quand j'entre en permanence, la salle est vide. Il n'y a aucun surveillant et c'est tant mieux pour moi. On m'aurait posé des questions et je me demande ce que j'aurais dit pour justifier ma présence ici étant donné que je ne me suis pas fait renvoyer du cours ou quelque chose de ce genre. Je vais m'installer sur une place au fond. Je m'affale sur ma table, avec un peu de chance on croira que je suis une malade qui attend que l'on vienne la chercher.
Je ferme les yeux et je m'endors rapidement.
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- Hé ! debout !
Je papillonne des yeux et regarde l'un des surveillants de l'établissement.
Il m'observe les sourcils froncés.
Oh quelle heure est-il ?
- Les cours sont terminés qu'est ce que tu fais encore ici ? Ca vient de sonner.
Bien ça répond à ma question.
Je marmonne un 'désolé' et me lève. Mais avant de m'en aller, j'ai la présence d'esprit de sortir la chemise que m'avait remit Sacha ce matin. Ce soir je n'ai pas cours et je n'ai certainement pas l'intention de revenir au lycée. Je la remets au surveillant et je lui demande de la lui donner. Etant délégué de classe elle passe toujours par là avant de rentrer chez elle pour remettre, ne serait ce que le cahier d'appel.
Je sors au pas de course de l'établissement. Je distingue rapidement l'ancien modèle Mercedes de ma mère garé de l'autre côté du trottoir. Je me dépêche de la rejoindre tout en me réjouissant de ne pas avoir croisé les jumelles.
Avant de rentrer dans la voiture, je lève les yeux au ciel, le temps est tout aussi pourri que ce matin.
- Ca va ?
Je tourne la tête vers mon interlocutrice. Ma mère me sourit grandement et j'en déduis que mon père ne lui pas rapporté la discussion que lui et moi avons eu ce matin. Je lui fais un petit sourire et elle démarre.
Nous mettons quelques minutes avant d'arriver. Je sors après ma mère et la suit jusqu'à l'intérieur.
- Je t'ai fais des lasagnes, ca te va ?
- Merci maman, la remercie-je avant de monter à l'étage pour me changer.
J'ai l'impression de sentir le vomit.
Je grimace en retirant mon sweat-shirt. Je le remplace par un vieux pull et j'enlève mes converses pour rester en chaussettes. Je vais à la salle de bain et saisit ma brosse à dents. Je frotte avec plus de vigueur que d'habitude l'intérieur de ma bouche afin de m'enlever l'arrière goût dégelasse qui s'accroche à mon palais.
Je noue mes cheveux en une queue de cheval et je descends.
Avant d'aller dans la salle à manger je vais au salon pour aller voir Kitty. Cette dernière est emmitouflée sur elle-même sur le canapé. Je m'approche en souriant en faisant des petits pas pour ne pas la brusquer mais lorsque je suis à deux centimètres d'elle, elle ouvre brusquement les yeux. Un feulement s'élève, ses poils se hérissent et elle s'en va à toute allure vers la porte qui s'ouvre à ce même moment sur mon père. Il la piétine presque qu'elle est déjà dehors.
Je reste abasourdie par ce comportement.
- Elle a quoi ton chat ? , me demande mon père en fronçant les sourcils. Je hausse les épaules.
- Je ne sais pas, murmure-je.
C'était quoi ça ? Elle a refusé que je l'approche, comme si ma présence l'avait irritée ou je ne sais pas quoi.
Quelque peu intriguée par l'attitude de mon animal de compagnie, je pince durement les lèvres et vais prendre place à table. Ma mère me sert et on est vite rejoint par mon père qui s'est changé.
- T'en fais une tête dis-donc, me dit ma mère et mon père ricane.
- Je crois qu'elle a un problème avec son chat.
Ma mère me regarde drôlement sûrement étonnée vu que je m'entends mieux avec les animaux que les humains en général.
- Elle doit avoir ses règles, marmonne-je en prenant une bouchée de mes lasagnes.
Mon père fait un sourire en coin alors que ma mère secoue la tête.
Nous finissons de manger et je finis par me retirer de table.
L'après-midi est assez bien avancée quand je regarde de nouveau par ma fenêtre. Monsieur soleil n'a toujours pas pointé le bout de son nez. Plongée dans un ennui, je me mets à faire défiler la liste de contacts de mon téléphone, je me stoppe sur un nom bien précis.
Jane La Rose.
Mon doigt tremble légèrement alors que la vision d'elle entrain de se tordre de douleur au sol me revient. Malgré ça j'arrive à appuyer sur son nom et sur l'icône message.
Une conversation vide apparaît. Je souffle un bon coup et tape nerveusement.
Hey ça va ?
Gillian Ross.
Une fois envoyé je me trouve tout à coup débile. Je laisse tomber mon portable près de moi et me lève du lit. Je remplace mon jean par un legging de sport et enfile mes baskets. Je refais ma queue de cheval et sors de ma chambre. Dès que je suis à la porte je crie pour annoncer mon départ :
- Je vais courir !
- Ok, mais ne te l'éloignes pas Gil. Tu restes où il y a du monde.
Je roule des yeux et sort. Je traverse le jardin et je vois Kitty allongée sur l'herbe. Cette dernière se redresse à mon approche et me regarde avec une drôle d'expression. Je fronce les sourcils et je me détourne. Je longe le trottoir avec de petites foulées tout en enfonçant mes écouteurs dans mes oreilles.
Nous vivons dans un quartier assez calme et tout le monde se connaît à peu près ici. Le temps est toujours aussi pourri à cette période de l'année, mais j'ai comme l'impression que c'est bien pire aujourd'hui. Et je ne dis pas ça parce que j'ai passé une mauvaise journée.
Je ne tarde pas à me trouver du côté du parc. Il y a quelques enfants avec leurs nourrices, des skateurs, des groupies. Bref, de tout.
Près du parc il y a un petit bois. Je vois plusieurs autres coureurs y aller, et j'y vais aussi. C'est ombrageux et on pourrait presque oublier qu'il fait un temps de chien.
Jusque là je suivais un couple qui courait et qui discutait ou plutôt avait l'air de se disputer. Alors que nous sommes à un virage le gars plaque soudainement la fille à un arbre et colle ses lèvres férocement contre celles de cette dernière.
Je me stoppe.
Bon ok.
J'ai compris.
Je les dépasse, tant bien que mal. Doux Jésus.
Je crois que j'ai fait les trois quarts du trajet et je n'ai toujours pas été rejoint par les deux tourtereaux. Je dois donc en conclure qu'ils ont conclu.
La réflexion m'arrache un sourire.
Qu'est ce que je peux avoir l'esprit tordu.
Je me stoppe brusquement quand la musique de mon I-pod en fait de même. Je le sors de ma brassière de sport et il est éteint. C'est quoi ce délire ? Je l'ai fait charger toute la journée. J'appuis plusieurs fois sur le bouton power mais rien n'y fait. Le soupir que je m'apprête à pousser se bloque dans ma poitrine quand un vent glacial me traverse.
Un son cristallin résonne dans les oreillettes de mon mp3. Cristallin, familier, un peu trop.
Celui de la fille de la plaque.
D'un geste brusque, j'arrache les engins de mes oreilles. Mon I-pod est toujours dans ma main alors que les écouteurs gisent près de moi. Un nœud se forme dans ma gorge et mon cerveau tambourine contre mon crane.
Mon mp3 s'illumine. Pas comme d'habitude. L'écran est vert. Vert comme la plaque et le même rire retentit.
Je jette mon appareil violement contre un arbre mais le rire continue et l'écran, à présent brisé, est toujours vert. Je saisis une large pierre, je la fracasse de toutes mes forces sur l'objet qui s'éclate.
Je tombe lourdement par terre, haletante, et saisis les débris.
Putain, mais qu'est ce qu'il se passe ?
Je regarde rapidement autour de moi, mais il n'y a personne et tout est calme. Mon estomac est retourné tout comme ce matin, et je me sens vraiment mal.
Je me relève tant bien que mal, non sans jeter un regard aux trucs au sol, je décide de terminer ma course.
La course que je fais jusqu'à ma maison est folle et certains me lancent de drôles de regards. Lorsque je passe la porte d'entrée de chez moi, ma mère m'intercepte, au bas des escaliers, avant que je ne puisse aller à ma chambre.
- Gillian ?
- Oui ? , dis-je sans me retourner.
- Tout va bien ?
Est-ce que tout allait bien ? Non, bien sûr que non. J'ai comme l'impression qu'il y a quelqu'un qui essai de me jouer un tour et ça me reste en travers de la gorge.
- Oui, tout va bien. Je vais juste aller prendre une douche
Je monte les marches deux à deux et vais directement à la salle de bain. Je prends une douche rapide avant d'aller dans ma chambre.
En m'habillant, mes yeux tombent sur mon téléphone. Je le saisis et vérifie si Jane ne m'a pas répondu et il n'y a rien. Je soupire longuement, me laisse tomber sur le lit et pour la deuxième fois de la journée, je me rendors.
Gillian
Gillian, aide-moi
Un souffle glacé s'abat sur ma joue, mais en moins de deux, celui-ci se réchauffe. J'ouvre les yeux et mon père est penché sur moi les sourcils froncés.
- Gillian, fait-il et le contraste entre sa voix et celle de tout à l'heure me réveille et je me redresse.
- Qu'est ce qu'il y a ?
- Je t'appelle depuis cinq minutes
Cinq minutes pour mon père équivalent à deux fois de suite où il m'a sûrement apostrophé.
- Désolé je dormais, marmonne-je sarcastiquement. Il souffle bruyamment et se lève. Je le suis attendant qu'il sorte de ma chambre.
- Tu as de la visite
- Quoi ?
- Il y a une jeune fille qui dit être ton amie, ta mère l'a installé au salon.
Sur quoi il ressort. Je regarde par la fenêtre et il fait sombre.
Les filles ne viennent jamais me rendre visite la nuit tombée, leur mère a horreur qu'elles sortent le soir. Dieu seul sait ce qu'elles pourraient rencontrer.
Je sors de ma chambre et descends les escaliers, et des timbres de voix me viennent. Lorsque je débouche dans le salon, ce que je vois me paralyse.
La fille qui est assise avec ma mère entrain de rigoler est pâle et ressemble drôlement à blanche neige.
Rochelle est chez moi.
Magnifique.
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