Chapitre 22
« Parfois le silence peut être violent », Auteur inconnu
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Ce matin nos cours ont été annulés afin que nous puissions organiser correctement le camping. Il est prévu que nous allions installer les sacs de couchage dans la forêt. Pour être honnête ça ne m'enthousiasme toujours pas vraiment. Même si, hier soir la réponse positive de Gabin concernant sa participation m'a fait plaisir sur le coup, ça n'arrange en rien mon avis sur l'activité. Surtout alors que je sais qu'Adam sera là.
Sa présence ne devrait pas autant me déranger, mais la question de Gabin ainsi que ses propos par rapport à lui ne m'ont pas rassurée du tout. Je dirais même que les choses se sont empirées parce que hier, je suis allée emprunter le livre que m'avait conseillé Mau sur les esprits et j'ai eu la mauvaise idée de le lire avant de m'en dormir. Je ne l'ai pas vraiment lu, mais juste feuilleté. De ce que j'ai retenu : un esprit, dans le sens où le mot est employé dans le folkfore (ensemble des productions collectives émanant du peuple et se transmettant d'une génération à l'autre par voies orales, comme les contes, ou par savoir faire : les rites), et en ethnographie (études de mœurs et des coutumes dîtes primitives), serait un être « immatériel », un « agent surnaturel », l'« âme d'une personne décédée », une « entité invisible » ou l'« âme d'une personne gravement souffrante ».
Il se pourrait alors qu'un esprit ait une forme d'existence et une forme de pensée. Il existerait sans pour autant être visible
Personnellement je ne crois pas aux fantômes, ni aux démons, aux anges ou à ce genre de choses. Je leur accorde du crédit autant qu'au père noël. Cependant l'existence d'un autre monde autre que celui dans le quel je vivais m'étais tout aussi impossible et me voilà ici à présent. N'est ce pas ?
Ma situation est d'autant plus paradoxale lorsque j'y réfléchi : les esprits peuvent très bien se manifester sous forme de pensée, mais dans ce cas là, ne se pourrait-il pas que ça soit un « fantôme », alias l'« âme d'une personne décédée », ou d'« une âme torturée » ?
J'entends une voix qui m'est totalement inconnue. La voix ne fait rien de plus qu'appeler mon prénom et, selon moi, peut me faire faire quelque chose contre ma volonté. Par exemple cette fois où elle m'a appelée de l'ancienne bibliothèque, je me suis sentie obligée d'y aller.
La première fois où je l'ai entendu dans mon I-pod a été l'évènement le plus effrayant que je n'ai vécu jusqu'ici et je ne l'ai dit à personne. J'aurais dû le faire, mais je n'ai pas pu. Pas une seule fois, à un seul moment, je ne me suis dit qu'il était important de le faire. Et pourtant j'ai la plus ample conviction qu'elle a quelque chose à voir avec mon jeu.
Comme me l'ont souvent répété les autres, c'est naturel, c'est au plus profond de moi : je sais que la voix a quelque chose de crucial par rapport à mon jeu, mais je ne dois pas le dire.
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- On s'arrête là, nous informe Rochelle. Je laisse tomber à mes pieds le sac de couchage que j'avais en main.
Je regarde les environs : c'est une forêt classique, même si j'ai l'impression que les arbres sont un tantinet gigantesques, il règne une ambiance feutrée, il n'y a pas de soleil et il faut se l'avouer, il fait froid.
Froid, comme j'en ai les mains et les pieds gelés. Et c'est drôle parce que la température n'est pas la même ici qu'à l'extérieur. Comme si quelque chose plus en profondeur de la forêt rendait l'atmosphère plus glacée.
- Encore deux voyages et ce sera bon, nous fait remarquer Lau. Rochelle acquiesce, nous faisons demi-tour pour aller prendre ce qui reste.
- Pourquoi on ne pourrait pas aller plus loin ?, demande Joyce, j'ai lu dans un des livres de l'institut que le Sig , ( nom de la forêt), était la plus grande de Dom.
- L'accès est limité, répond Rochelle et je fronce les sourcils.
- Comment ça limité ?, répète AR .
- Les créateurs ont créé une barrière. Si tu dépasses un peu le campement que nous avons installé, tu ne pourras pas aller plus loin, répond notre supérieur.
Nous ne disons rien, même si personnellement j'avoue être surprise. C'est bien la première fois que j'entends parler de cette « barrière ». Qu'est ce qu'il y a de l'autre côté ?
Nous arrivons à la sortie et ramassons le matériel restant. Rochelle s'absente prétextant avoir quelque chose à régler au QG . Nous retournons donc à l'intérieur. Joyce commence à se plaindre :
- Franchement ce n'est pas juste. A chaque occasion, nous avons aidé aux préparatifs, mais quand c'est notre tour il n'y a plus personne.
- Franchement Joyce, on a de la chance d'avoir eu déjà des volontaires pour venir, fait remarquer Gaia.
- Toi-même tu l'as dit, c'est des volontaires. Raison de plus, rétorque mon amie.
- En fait tu ne comprends pas, intervient Elana, techniquement c'est du volontariat parce que nous sommes allées voir les mentors de chaque année afin qu'ils effectuent le sondage pour savoir quels sont ceux qui veulent participer. A partir de ça, pour les années où il y avait trop de volontaires, ils ont fait des délégations : par exemple les garous. Et d'autres cas, comme celui des racines, il n'y a eu personne.
- T'es sérieuse ?, demandé-je. Elle hoche vigoureusement la tête.
- Et bah si, dit elle. Elle se tourne vers Joyce.
- Donc arrête de te plaindre avant que Rochelle n'arrive, sinon tu vas l'énerver.
Mon amie ne rétorque pas, et nous arrivons au camp silencieusement. Seul le trio d'AR à l'air de jubiler. Je ne sais pas pourquoi, mais ces trois là ont une attitude énergétique d'un coup.
Rochelle revient quelques instants plus tard avec du bois alors que nous finissons de positionner les sacs de couchage.
- Il vient d'où le bois ? , demande Stéphanie.
- De l'autre monde, répond Rochelle comme si c'était une évidence.
- Comment ça de l'autre monde ? Genre celui qu'on a quitté ?, intervient Danielle.
- C'est ce que j'ai dit, rétorque sèchement notre professeur.
- Pourquoi tu fais venir de bois de l'autre monde alors que nous sommes dans une forêt avec une cinquantaine d'arbres ? Ce n'est pas le bois qui va manquer, dit Gaia à son tour.
Rochelle ne répond pas, elle se contente de placer les bouts de bois les uns sur les autres, pour le feu de tout à l'heure j'imagine. Son comportement actuel est le même que Mau et elle ont adopté le jour du dîner des racines lorsque nous avions commencé à poser des questions sur le fait que le roi soit un garou.
Cette observation me fait dire que lorsque nous abordons un sujet « sensible », « tabou », ou je ne sais trop quoi : soit elles se braquent, soit comme dans le cas présent nous ignore.
- Nous n'avons juste pas le droit de soustraire les éléments de la forêt, dit Elana.
Ce qu'elle vient de dire fait un déclic dans ma tête, puis je me souviens d'une des histoires du livre d'Ella.
- Parce que la forêt est sacrée ?, demandé-je. Elana me regarde d'un air surpris.
- Oui.
Sur ce, elle se détourne et continu d'arranger le sac de couchage qu'elle avait abandonné pour me parler.
Je ne me rappelle plus exactement du conte qui avait mentionné le terme de « forêt sacré », mais j'ai bien envie de le relire. Je serais donc obligée de demander à Gabin, de soustraire une nouvelle fois le livre d'Ella.
Lorsque l'installation du camp se termine, Rochelle nous congédie pour le reste de la journée. Nous reviendrons ce soir avec toute la nourriture que nous allons terminer de préparer.
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Je termine à peine d'enfiler mon jogging par-dessus une paire collants que ma porte s'ouvre à la volée. A l'encadrement de celle-ci se tiennent ridiculement Joyce et AR, des airs hagards au visage. Je n'ai même pas le temps de dire quoi que ce soit face à cette intrusion qu'elles s'invitent toutes les deux, se bousculant, dans un vacarme de mots que je ne comprends pas. Lorsqu'elles finissent, je les regarde, et elles on l'air d'attendre une réponse ou quelque chose de ma part. Le problème est que je n'ai absolument rien compris.
- Qu'est ce qui se passe ?
Joyce est la première à parler.
- Tu sais ton pyjama vert pomme dont je me suis un peu moquée la dernière fois ? est ce que je pourrais te l'emprunter pour ce soir ?
- J'étais la première, dit vivement AR
Je les regarde sans vraiment comprendre. Je sais de quoi parle Joyce, le pyjama qu'elle me quémande aujourd'hui à été la cible de moqueries et de fous rires des filles il y a à peine 2 semaines, et maintenant elles le veulent ?
Je fronce les sourcils.
- Je croyais qu'il était moche et ridicule ?
- Non pas moche juste enfantin, intervient AR .
- C'est pareil.
- Allez Gillian s'il te plaît, commence AR et Joyce la coupe.
- Juste pour ce soir tu peux me le passer
Je hausse les épaules.
- Non
- Quoi ?, disent-elles à l'unisson.
- Je ne veux pas, me répété-je. Vous vous êtes moquées de moi le jour où et je l'ai porté sans vous excusez après et en plus la combinaison est trop courte.
- S'il te plaît, implore quasiment AR.
Je ne sais pas d'où est-ce qu'elles sortent cette volonté d'un coup. Le pyjama en question est une combinaison que ma mère m'a achetée chez Jennifer il y a quatre ans maintenant. Le buste est un peu juste, cependant le bas est très court : taille 12 ans et on en a 16 donc...
Néanmoins le tissu est si confortable que je n'ai jamais eu le courage de m'en débarrasser. Et en plus c'est un souvenir qui me tient à cœur.
- Ça suffit allez vous préparez. C'est bientôt l'heure.
Les deux me regardent d'un air choqué et je me détourne rangeant ma serviette.
- OK, fait d'une voix sèche AR .
Lorsque je me retourne Joyce est toujours là, un faux air angélique au visage.
- Joyce c'est non. Très franchement je ne sais pas pourquoi vous le voulez tellement. La dernière fois que je l'ai porté tu m'a dis que j'avais des airs de Lisa Simpson
- C'était pour rigoler !
- Je m'en fiche.
Elle arque les sourcils à ma réponse et ça me fait sourire. Je ne sais pas pourquoi, mais ma position dans l'histoire me fait assez plaisir. Je fini en précisant :
- En plus le bas est trop court. Avec les fesses que tu as, on verra tout.
Joyce ne rétorque pas, et c'est d'un air furieux qu'elle sort à son tour.
Quoique je n'aie dis que la vérité.
****** ~
Quand nous retournons au camp afin d'aller accueillir les autres années pour le camping, il fait déjà noir. Pas très mais il fait quand même sombre, et le froid qu'il y règne me met mal à l'aise.
S'il y a la moindre occasion qui se présente, je m'enfuirais sur le champ.
Rochelle a formé des groupes. Le premier est à l'entrée du camp et il est chargé de noter présent ceux qui se présenteront sur la liste, ainsi que leur donner leur kit de bienvenue qui consiste en un petit sac avec des marshmallow, des biscuits Oréo et des bonbons Haribo à l'intérieur. Le second groupe s'occupera de l'organisation : expliquer le principe du camping puis leur annoncer les activités qui seront faîtes.
Stéphanie, Gaia , Lau et moi formons le premier groupe. Les autres sont au deuxième.
Notre équipe se trouve juste à l'entrée du camp. Nous sommes debout derrière une table où sont disposés les kits.
- Tenez, dit Rochelle en posant deux bocaux fluorescents sur la table.
- C'est quoi ?, demande Gaia
- Ce sont des mainains.
- Des quoi ? , demande Stéphanie.
- Des mainains, c'est comme les louloutes, sauf qu'elles sont fluorescentes et elles ne chantent pas. Elles vivent 24 heures et c'est tout. Pratique pour s'éclairer. Ouvrez.
Lau et moi nous nous exécutons, et les petits « insectes », s'envolent dans les airs, avant de se disperser dans le campement. Je relève la tête pour observer le spectacle, qui soit dit en passant est magnifique. Elles décorent le ciel sans étoiles et ça créé une ambiance beaucoup plus chaleureuse que celle qui régnait à notre arrivée.
- C'est beaucoup mieux tout d'un coup, fait remarquer Lau.
- Ouai, beaucoup mieux, dis-je à mon tour. Lau me sourit avant de se tourner, et regarder l'autre groupe qui est à l'arrière, attendant nos hôtes. Je regarde ma montre et il ne reste que dix minutes pour que l'heure officielle du « camping » n'arrive.
- Tu as mis AR et Joyce de mauvaise humeur, me dit Stéphanie et je me concentre sur elle.
- Quoi ? Pourquoi ? L'affaire du pyjama ?
Elle hoche la tête et Lau ricane. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai bien envie de rigoler.
- Je leur ai déjà expliqué et en plus elles devraient me remercier . T'as vu comment il fait froid ?
Instinctivement je tape des pieds au sol repensant et regrettant de ne pas avoir mis une seconde paire de leggings.
- Tu les as sauvées de l'hypothermie, plaisante Gaia et nous rions toutes.
- Genre non mais plus sérieusement, pourquoi elles le voulaient tellement pour ce soir ?
Stéphanie me lance un regard comme pour dire : « mais tu le sais », puis finit par soupirer.
- Adam, dit elle comme si c'était une évidence.
- Comment ça Adam ?, je répète ébahie avant de me rendre compte.
Petite tenue le soir à un camping : et bien sûr, la raison la plus évidente est Adam.
Adam le mentor des garous.
Adam le beau gosse au regard ténébreux.
Adam qui a au moins 10 de plus que nous.
Elles ont pour but de le séduire.
Je ne sais pas quoi dire, et je hausse les épaules.
Mon irritation pour ce garçon est multipliée par dix. Comment le seul contact d'une personne peut-elle nous amener à nous comportement de façon totalement ridicule ? Ou stupide ?
- Ça fait pitié, dis-je. Stéphanie et Gaia écarquillent les yeux, Lau ricane.
- C'est clair, me soutient-elle. Et comme je l'ai précédemment dit, lorsqu'il s'agit d'Adam, Lau et moi sommes seules contre toutes. Dieu seul sait pourquoi, mais ça me fait plaisir de voir que je ne suis pas la seule à ne pas pouvoir le supporter.
Une fois les dix minutes passées, à l'heure tapante, débarquent les huit changes-peaux. Je suis surprise de remarquer qu'il y a parmi eux deux garçons. C'est bizarre mais dans ma tête lorsqu'on me dit « garçons », je ne vois que les garous. Et du coup en voir quelques-uns dans d'autres années, ça me fait un drôle d'effet.
Toutefois lorsque je me rends compte, que les seuls qui restent à venir sont les garous, je me sens nerveuse.
Essayant de faire passer mon malaise je prends la liste et lit les noms :
GAROUS
Gabin
Luis
Tena
Ella
Mentor : Adam
Ma respiration se coupe lorsque je vois le nom d'Ella.
Oh mon dieu.
Le simple fait de penser qu'ils seront tous les trois arrêtés là me retournent l'estomac.
Ella, Gabin et Adam.
J'ai une ahurissante envie de vomir.
- Bonsoir, la voix d'Adam retentit à mes oreilles. J'entends vaguement les réponses des filles et Lau me demander la liste pour vérifier leur présence. Je lui tends le papier et sans même lever la tête, je vais à ma place près de Stéphanie pour la remise du Kit.
Ils finissent malheureusement assez vite avec Gaia et Lau, avant de venir à nous.
Je n'ai pas d'autres choix que de les affronter. La première personne que je vois est Gabin. Nos regards s'accrochent instantanément et contrairement à ce qui c'était passé lors du dîner des racines, il n'y a aucune distance dans ses yeux ou alors son attitude. Il esquisse un sourire de trois secondes et je n'ai le temps que de cligner des yeux.
Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens m'affolée un instant avant de détourner le regard puis de lui donner son paquet avant de passer à l'autre garçon. Durant le temps de notre échange silencieux, j'en ai oublié la présence des quatre autres.
Toute fois, Ella se charge de me rappeler son existence lorsque je lui tends son paquet de bienvenue.
Elle l'observe, un sourcil arqué avant de me regarder droit dans les yeux.
- Comme c'est généreux de votre part.
Le ton ironique qu'elle utilise pour le dire me fait grincer des dents. Une réponse cinglante me brûle la langue mais je la ravale lui servant à mon tour le sourire le plus crispé de l'année.
Je donne son paquet à la seconde jeune fille qui le prend tout en m'ignorant à la fois.
Adam est le dernier de la file.
- Pas de cadeaux pour moi ? , demande-t-il d'un air faussement implorant qui fait battre les veines de mon cou.
Pour me distraire, je regarde du coin de l'œil son groupe d'élèves qui discutent. Gabin est dos à moi. Son pyjama est carrelé et il est bleu clair.
Je m'attarde sur les dessins que forment le tissu de son-t-shirt, va savoir comment il fait, avec la température qu'il y a ici. Cependant la musculature de son dos est remarquable.
- Non désolé. Il sera pour plus tard, intervient Lau d'une voix exagérément mielleuse qui me fait sourire.
Le mentor sourit, puis me regarde. Le mien s'évanouit.
- J'ai hâte alors, puis il se détourne avant de rejoindre ses élèves.
- Gillian, dit Stéphanie d'une voix tout à coup suraigüe qui me donne envie de courir loin d'ici.
Je ne réponds pas à Steph.
A la place, je suis Lau qui se rapproche du feu qui a été allumé au milieu du camp.
Mon envie de vomir se renforce alors que le regard sournois d'Adam me revient en mémoire :
- J'ai hâte alors.
Ecoutes
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