Chapitre 19

" L'amitié ne s'apprend dans un livre, c'est le temps qui nous le fait découvrir", Auteur inconnu.

***** 


- Putain t'es sérieuse là ?! , maugrée Joyce lorsque Gaia lui mange pour la énième fois son pion, la faisant perdre par la même occasion. Elle lorgne furieusement le damier, puis me regarde.

- Franchement, quelle idée de demander un damier. Ce jeu est une merde

Gaia ricane et repositionne les pions.

- Parle pour toi, plaisantais-je en prenant sa place pour jouer. Mais à vrai dire elle a raison. C'est vraiment un jeu plus ou moins stupide, pas vraiment mon préféré, mais voilà.

Ça fait une semaine que notre cargaison de souhaits est arrivée, et Joyce m'avait demandé de remplir mes cinq places. Je ne savais pas quoi demander alors pour compléter ma place vide j'avais demandé le jeu. Après je ne pensais pas qu'ils nous auraient réellement ramenés des jeux, sinon j'aurais demandé autre chose.

- Tu ne voulais pas que je cède ma place à AR.

Mon amie plisse les yeux. AR, alias Amber-Rose était devenue son ennemi public numéro 1depuis cette histoire. AR avait finalement réussir à obtenir ses dix places et ça lui était resté en travers de la gorge. Joyce avait objecté en disant que ce n'était pas juste et Elona lui avait dit que la prochaine fois ce serait son tour si elle le voulait.

Je crois que son orgueil, sa fierté ou je ne sais trop quoi de justicière des valeurs personnelles et publiques en avait pris un coup.

- Bref on s'en fout. Jouez !

- Je vais encore gagner, chantonne Gaia alors qu'elle me rafale déjà trois pions d'un coup.

- Je suis presque sûre que tu triches, argumente Joyce les yeux rivés sur notre jeu.

- Ou alors vous êtes nulles. Sérieux, même mes cousins de 10 ans faisaient mieux les filles.

- C'est un jeu de papi, souffle Joyce, on fait pitié sérieusement.

A l'heure où nous sommes, la salle de détente est moyennement remplie. Notre côté de la pièce est vide, on ne va pas se mentir. Certes les autres ne se mélangent pas beaucoup, mais il arrive que deux ou trois garous atterrissent au milieu de quelques jolies racines, minaudant. Rien d'exceptionnel mais il y a des contacts, mais nous ?

Rien. Vraiment c'est le néant total. Et je ne sais pas si le fait que nous ne soyons que des filles arrangea la chose. Personnellement je me vois mal aller aborder un garou, ils sont assez intimidants, faut avouer. Il en est de même pour les racines. Ils dégagent un tuc dans leur attitude et leur regard qui a l'air de toute suite dire : je suis mieux que toi.

Encore pire que le lycée, ici ce n'est pas juste une étiquette.

- Hé Gillian, tu connais la fille assise là bas près d'Adam. Elle nous regarde.

Je regarde dans la direction que m'indique Joyce par le menton. Je ne suis pas surprise de rencontrer le regard d'Ella. De cette fille, je ne sais rien d'autre que son prénom, mais j'ai comme l'impression qu'à chaque fois qu'elle en a l'occasion elle nous nargue du regard. Comme si, elle jubilait ou que ça l'excitait.

- Non.

- Tu mens.

- J'ai gagné, s'exclame Gaia totalement indifférente à ce qui ce qui ce dit.

Je fronce les sourcils.

- Comment ça je mens ?

- Mais tu mens Gillian. Tu la connais ?

- Mais non !

C'est quoi cette obsession ? Je ne mens pas.

- Alors pourquoi elle te regarde comme ça ?

- Je ne sais pas Joyce. Tout ce que je sais c'est qu'elle s'appelle Ella.

Joyce hausse les sourcils.

- Bas voilà !

- Mais je sais juste son prénom ça ne veut pas dire que je la connais.

- Mais vous vous êtes déjà parlé. Tu as ce pli sur ton front,( elle le touche et je recule ), ça trahit un travail au niveau de ton cerveau. Alors tu réfléchis. Sois tu mens, sois tu as un réflexe qui te pousse à te souvenir de quelque chose par rapport à elle.

C'est quoi son problème ?

- Je ne la connais pas Joyce,( je fais une pause), mais on a déjà eu une altercation. Sur le terrain de sport, à notre arrivée je crois, AR, Lau et moi sommes allées courir. Adam était venu avec sa classe, il voulait qu'on quitte le terrain. Elle a dit un truc qui n'a pas plus à AR et cette dernière l'a insulté. Je ne sais plus de quoi, mais ça a rendu Ella furieuse.

Joyce me sourit satisfaite, tandis que Gaia finit de ranger le damier.

- Bas tu vois.

- T'es pire qu'un flic ma parole, déclare Gaia une fois terminé. Joyce hausse les épaules.

- C'est à cause de ce livre que j'ai commandé. Il explique plein de trucs à propos de l'art de mentir. Tu savais que rien qu'avec l'expression de ton visage, on peut savoir ce qui te passe par la tête ou si t'es prêt même à flinguer quelqu'un

- Ce n'est clairement pas mon but dans la vie, ricane-je . Joyce hausse de nouveau les épaules.

- Ca peut être utile. Regarde là par exemple.

- N'empêche je vous ai toutes les deux battues aux dames, dit Gaia et je soupire.

- Ca n'a rien de glorieux Gaia, répond Joyce.

- Vous êtes juste deux mauvaises perdantes, aigries sur les bords.

Je ne peux m'empêcher de pouffer.

- N'importe quoi, personne n'est aigri ici ma chérie, lui dit Joyce. Cette dernière se laisse aller contre son siège.

- Après y'a de quoi. On est cloitrée à la case étrangère. C'est pire que dans mon ancien lycée je vous jure. On a une chance sur 1000 de finir casée.

- C'est clair. On n'emprunte même pas tous les mêmes couloirs

- La plupart des beaux mecs sont des garous. Ces gars me font flipper quand ils me regardent je te jure, continu Gaia.

- Et le plus sexy d'entre eux est inaccessible, termine Joyce.

Je cligne des yeux plusieurs fois avant de me rendre compte de qui elle parle.

- Adam ?

Elle hausse les épaules avec un petit sourire.

- Ce gars a tout au plus 30 ans.

- Et alors ? il est sexy !

Je plisse des yeux, et regarde de leur côté de la salle.

- Parle moins fort. Les Garous ont une oreille très développée, siffle-je me rappelant la scène avec Gabin hier. Il avait fait une réflexion par rapport au fait que nous n'étions que des filles dans notre année et je l'avais traité de sexiste stupide. Juste un murmure, mais il m'avait entendu, puisque juste après il avait éclaté de rire.

Petite parenthèse : est ce que j'étais retournée à la bibliothèque après notre deuxième conversation ? Oui, tous les soirs de cette semaine d'ailleurs.

- On s'en fout. Tant mieux même s'il l'entend, répond Joyce.

Je secoue la tête. Cette conversation prend une tournure très bizarre.

- Ça ne fait rien même s'il entend, ce n'est pas comme si on était des potes non plus, rajoute Gaia.

- Mais ça serait gênant, je rapplique.

Et c'est la vérité.

A chaque fois qu'Adam nous croise, nous parle ou même nous sourit, il a toujours ce petit air narquois. Mais aucune des autres filles n'a eu l'air de s'en rendre compte, sauf peut être Lau.

Lorsque j'avais énoncé le problème, Joyce avait rétorqué que nous cherchions toutes les deux à faire effet de contre-vague.

- Tu es toujours dans ton optique de nous contre dire et de ne pas suivre le mouvement, dit Joyce.

- Pas du tout.

- Bien sûr que si. Tu es comme ces gens qui ont de l'argent mais qui ne s'achètent pas d'I-phone et préfèrent aller prendre des marques totalement inconnues, pour faire contre vague. Tu ne suis pas le mouvement général.

- On s'en fiche, intervient Gaia.

- Non on ne s'en fiche pas. Gillian est bête. A force d'être dans son contre-mouvement elle passe à côté d'une beauté magnifique.

- Pauvre de moi alors, dis-je sarcastique, pas du tout désolée de mon sort.

- Ne fais pas ta salope Gil.

Je ricane. La conversation commence à partir dans tous les sens, ça finit toujours comme ça entre nous.

- Nous aspirons à l'inaccessible. A ce rythme on va finir sexuellement frustrée, dit Gaia.

- Oh mon Dieu, ça ne va pas ?, m'étranglais-je presque.

Joyce arbore une expression sérieuse comme si elle réfléchissait. Ces filles sont folles je le jure.

- Elle a raison. Nous sommes dans une passe de notre vie où nous nous découvrons psychologiquement et physiquement. C'est normal que nous ressentions des pulsions.

Je secoue la tête. Je n'ose même pas regarder du côté des garous. Il y a 80% de chances qu'ils entendent ce que l'ont dit. Peut être qu'ils n'y prêtent pas attention, mais c'est clair qu'ils entendent.

- Arrêtez

- Gillian avoue qu'on a raison

- Je ne sais même pas pourquoi nous parlons de ça.

- C'est dans l'ordre normal de la vie, fait Joyce. Tu ne vas pas rester vierge jusqu'au mariage, continue-t-elle.

Je pince des lèvres.

- Je ne sais pas Joyce.

- Voilà pourquoi on en discute, soutient Gaia, de toute façon nous l'aurons fait cette année. 16 ans est l'âge courant des premiers rapports.

- Mon but dans la vie n'est pas de me faire dépuceler.

- Bien sûr Gillian, mais ça arrivera.

Je soupire. Comment est ce qu'on en est arrivé là.

- Vous êtes malade.

Joyce hausse les épaules et rajoute.

- Juste réaliste. On parle de trucs vrais. Nous nous faisons isoler socialement dans cet endroit. Ça fait un mois qu'on est ici et notre cercle d'amis se restreint uniquement à notre année. J'en ai marre d'être enfermée moi.

- L'autre monde me manque, soupire Gaia

Il y a une pause dans ma tête.

« L'autre monde », elle a dit. Les filles se plaignent des conditions de vie et tout, mais lorsqu'elles se mettent à parler de la Terre. Ça devient des « l'autre monde », « là-bas », ou alors « chez mes parents ».

L'idée alors que m'avait dit Joyce à propos du contre-mouvement me semble convenable dans cette situation car le seul terme convenable qui me vient à l'esprit lorsque mes parents me manquent et même le lycée parfois, c'est « chez moi ».

**************

- Garou, dis-je en marchant entre les étagères de livres poussiéreux. J'entends quelques pas et lorsque je lève la tête vers l'estrade, le visage de Gabin apparaît, tout souriant.

Ce dernier enjambe la balustrade et atterrit à mes pieds dans un gros bruit, un livre entre les mains

Voilà à quoi se résumait mes après-midi lorsque je ne courrais pas, je venais ici et parfois Gabin était là.

Pour le moment ça ne fait que la deuxième fois que je le rencontre de nouveau en venant ici depuis ce fameux jour où nous avons parlé « histoire ».

- Joueuse, dit-il à son tour. Je ne sais pas pourquoi il sourit autant aujourd'hui, mais sa bonne humeur est contagieuse, je ne peux qu'en faire de même.

- Tiens j'ai trouvé le livre dont je t'ai parlé.

Il me tend un gros manuel à la couverture marron, rigide, sans titre.

En effet il y a trois jours lorsque je suis venue ici, je lui avais parlé de la « non existence », de vie antérieure des ancêtres. Il s'était de nouveau fermé, me parlant de légendes et contes. D'après lui sans importances, et d'ailleurs les Domiens n'y prêtait pas attention avait-il dit.

- Merci, le remercie-je vraiment ravie.

- Comment tu as fais pour l'avoir ? j'ai cherché pendant des heures à la bibliothèque principale et je n'ai rien trouvé en rapport avec les contes.

Il se gratte l'arrière de la nuque, tandis que j'ouvre le livre pour le feuilleter. Les pages sont épaisses et la taille des lettres assez grande.

- On va dire que je l'ai emprunté

J'ouvre le livre au début pour pouvoir lire le sommaire et ce que j'y vois me sidère.

A mon Ella.

- C'est à Ella ? , demandés-je sans pouvoir me contrôler. Je relève la tête vers Gabin.

Il a l'air embarrassé et je ne sais pas trop quoi penser. Depuis le dîner des racines, je me demande réellement quelle est la relation de ces deux là. Je pourrais lui demander maintenant, mais on ne se connait pas vraiment et ça pourrait paraître déplacé à mon avis.

- Oui, donc si tu pouvais le garder caché, elle ne sait pas que je l'ai pris.

Oh !

Je lui fais les gros yeux mais cale le livre sous mon bras. Ma curiosité par rapport aux informations à l'intérieur est trop grande pour que je le lui rende.

Malgré le fait qu'il l'ait « volé » qui plus est à Ella, j'avoue être touchée par son action surtout qu'aux premiers abords il n'avait pas l'air de vraiment vouloir.

- Merci encore, souris-je plus grandement, ce qui est sûr c'est que le père Noël ne risque pas de me couvrir de cadeau à ce rythme là, plaisantés-je.

Gabin arque un sourcil. C'est sorti tout seul. Je crois que ma discussion avec les filles, suivi de ma réflexion sur le « chez moi », m'a ramené dans le temps présent.

Nous débutons le mois de Décembre et c'est bientôt Noel, soit pour nous des vacances. Nous rentrons en permission pour les fêtes et j'en suis toute excitée !

- L e père qui ?

Je cligne des yeux plusieurs fois avant de comprendre. Dom et la Terre n'ont pas les mêmes traditions. C'est évident qu'un Domien ne sait pas ce qu'est Noël ou alors Pâques.

- En fait sur Terre nous naissons tous d'un même père.

Un

Deux

Trois

Je ne peux plus me retenir que j'explose de rire. Gabin me regarde surpris et à la fois perdue.

- Je suis désolé, hoquetés-je entre deux rires, mais celle là il fallait trop que je la fasse, me justifiés-je.

Gabin a un sourire en coin, le même qu'Adam a lorsqu'il nous nargue. Cette simple évocation m'hôte toute l'envie de rire.

- Bon plus sérieusement. Je vais d'abord t'expliquer ce qu'est Noel. Tu sais votre jour de fête qui célèbre et honore la collision de la première larme du créateur avec la terre de Dom ?

- Oui.

- Et bien Noel est son équivalant. Sauf que sur Terre, elle symbolise la naissance de notre sauveur.

Gabin fronce les sourcils.

- Leur.

- Quoi ?

- Tu as dis « nôtre », mais c'est « leur »

Je reste hébétée devant une telle correction. Un léger silence plane avant que je ne me ressaisisse.

- Oui, leur sauveur, il acquiesce, alors le père Noël est un personnage inventé pour les enfants. Il viendrait, soit disant, chaque soir de Noël leur déposer des cadeaux qu'ils auraient demandé sur une liste. Et seulement s'ils ont été gentils.

- Et comment c'est ?

- Comment ?, répétés-je perdue.

- La fête. Je veux dire comment elle se passe ?

J'avoue être étonnée de voir qu'il est intéressé par ça.

J'essaie de me rappeler mon dernier Noël.

- D'abord, Noël est fêté par les chrétiens, il fronce les sourcils, c'est une religion. C'est trop long à expliquer, il acquiesce en souriant légèrement, donc elle est fêtée par les chrétiens. Le matin de Noel commence par le déballage des cadeaux, qui en fait sont déposés par les parents sous un sapin. Ensuite la messe, puis le repas. c'est un évènement convivial et familial. Franchement j'adore ! mon moment préféré c'est la veille de Noel, avec la dinde et la bûche, ou alors, les jours avant parce qu'on décore le sapin !

Gabin acquiesce, et je me rends compte que je souris de toutes mes dents. Je me sens émoustillée. Parler de ça m'a excitée, j'ai envie de sauter partout.

- Mais cette année tu la rates ?

- Non justement ! Nous avons une permission de deux semaines à la fin de ce moi. J'ai vraiment hâte.

- Ça se voit.

J'émets un petit rire, mais ne trouve rien à redire. Ça finit toujours comme ça nos discussions.

Nous parlons d'un sujet, puis le débat se termine. On se regarde un moment comme maintenant. Et ...

- C'est vraiment super

- Quoi ?

- Je suis sûre que tes parents seront très fiers.

- De quoi ?

- De savoir que la perte de ta chasteté n'est pas ton objectif dans la vie.

Ma bouche s'ouvre grandement sous le choc, puis le temps que je cligne des yeux Gabin a disparu de nouveau. Je le savais qu'ils allaient nous entendre. Par contre ce que je ne savais pas c'est qu'il était dans la salle. 


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