Chapitre 1




« La famille est un lieu où tout le monde vous aime. Peu importe comment vous êtes, ils vous acceptent pour qui vous êtes ».

*

Je regarde le liquide transparent faire son voyage entre mes orteils. L'eau chaude coule sur mon corps et mes muscles se détendent. La tête toujours baissée, je ferme le robinet et sors de la douche, avant de saisir ma serviette pour en entourer mon corps. Je me dirige ensuite vers mon miroir et scrute le reflet que la glace me renvoie.

Des cernes se dessinent sous mes yeux et je ne peux m'empêcher de me mordre ardemment la joue. Je pense un instant à me mettre un peu de poudre, mais me ravise. N'étant pas une adepte de maquillage, ma mère s'en apercevra tout de suite. Dans un soupir, je passe avec difficulté mes doigts entre mes boucles, et constate avec ennui la multitude de nœuds s'y abritant. Je répète mon mouvement et au bout d'un certain temps, je décide d'utiliser ma brosse pour me peigner doucement. Lorsque je finis, je la dépose et me lave les dents rapidement.

Je sors de la salle de bain et rentre dans ma chambre qui est juste en face. Je m'habille rapidement et regarde par la fenêtre : le ciel est un peu couvert. Dans un soupir, je me penche en dessous du lit afin de récupérer mes converses, tendant le bras pour les atteindre.

- Gil ! , crie alors ma mère, et je m'empresse de mettre mes chaussures.

- Une minute ! , rétorqué-je tout en me chaussant.

Je me lève d'un bond et attrape mon sac. Je sors et descends deux à deux les marches de l'escalier. Je traverse le salon et me dirige vers la cuisine et une odeur de crêpes m'accueille. Mon père est déjà assis alors que ma mère va prendre quelque chose dans le réfrigérateur.

- Bonjour Gil, me salue mon père tandis que je prends un bol pour le mettre devant moi.

- Bonjour papa.

Ma mère vient se placer à mes côtés et me donne la bouteille de lait. Je la remercie d'un sourire. Sous la table, une douce masse vient se coller à moi et se frotte contre mes jambes. Je me baisse et aperçois Kitty, ma chatte abyssine. Je me redresse et sens le regard de ma mère braqué sur moi. Cependant, je n'ose pas me tourner vers elle.

- Papa, tu peux me passer les céréales s'il te plaît ? , demandé-je en versant du lait dans mon bol avant de récupérer les céréales qui me sont tendus.

- Merci.

J'attends un petit moment pour que mes céréales se ramolissent, avant de commencer à les manger. J'arrive à me détendre quand ma mère détourne enfin les yeux et regarde à travers la fenêtre de la cuisine tout en sirotant son café.

- Le temps n'est pas très bien ce matin.

Mon père acquiesce et se sert une crêpe. Je continue de manger mes céréales et mon bol est presque vide. Quand je termine, je l'amène dans le l'évier et fais couler l'eau dessus pour le laver partiellement.

- Tu veux des crêpes ? , me demande ma mère

Je décline en la remerciant et regarde mon père terminer les siennes, appuyée sur le plan de travail.

- Tu peux aller m'attendre dans la voiture si tu veux.

Mon père continue de manger tout en attendant ma réponse.

J'acquiesce en hochant la tête. Lorsque je passe prèss de ma mère, cette dernière me lance un long regard. Je me contente de lui faire la bise et sors rapidement tout en prenant le soin de récupérer les clefs de la voiture sur la table.

Une fois à l'extérieur, je déverrouille l'engin et m'engouffre à l'intérieur. Je regarde le ciel grisonnant à travers la vitre du 4x4 de mon père. Ce dernier sort quelques minutes plus tard de la maison. Il a un air impassible, aussi maussade que le temps. Il vient prendre place sur le siège conducteur et, sans un mot, je lui donne les clefs. Il les prend et les tournent dans le contact. Le moteur vibre et il sort de notre allée.

Le trajet se fait en silence et seule la voix de l'animateur radio résonne dans l'habitacle de la voiture. Plus nous nous rapprochons de mon lycée, plus la masse d'élèves sur le trottoir augmente.

Lorsque nous arrivons, mon père éteint le moteur de son véhicule et se tourne vers moi. Je me redresse et regarde mes doigts tendus.

- Gil.

- Hum ? , fais-je en levant les yeux vers lui tout en prenant la bandoulière de mon sac.

- Gillian, répète-il, plus insistant cette fois-ci.

Je réprimande un soupir et me laisse tomber dans mon siège.

- Oui ?

Ma voix est un peu irritée parce que je sais ce qui va suivre.

- Ta mère et moi avons parlé.

Je détourne mon visage et regarde par la fenêtre les lycéens pénétrer dans l'établissement. Ils parlent et rigolent, certains ont leurs livres en mains et sont sûrement en train de potasser pour leurs devoirs.

- Gillian, se répète mon père.

Je reporte mon attention sur lui. Ses sourcils sont froncés et il a une expression contrariée. Ses yeux gris me scrutent avec mécontentement.

- Désolée, soufflé-je et il acquiesce.

- Maman s'inquiète tu sais, et je ne lui donne pas tort...

Il se tait et me regarde prudemment. Il agit comme s'il allait me dire que j'avais le cancer ou je ne sais pas quoi.

- Elle sait que tu ne fais plus tes nuits, continue-t-il, et à présent que je sais qu'il veut s'engager sur cette voie-là, je me mets à fixer le tableau de bord.

Il se tait un instant et expire profondément.

- Est-ce que tu prends encore tes cachets ?

- Non.

Le fait que je ne fasse plus de nuits complètes dérange beaucoup mes parents. Nous avons pris plusieurs rendez-vous chez le médecin et ce dernier leur a confié qu'à mon âge les insomnies chroniques étaient très rares, mais que néanmoins, il allait me prescrire de quoi trouver sommeil. Sauf que ces soi-disant médicaments n'ont rien arrangé du tout.

C'était pire.

- Pourquoi ?

Le ton de mon père est las et je m'en veux un peu de leur causer autant de torts alors qu'ils cherchent vraiment à m'aider. Je pince mes lèvres et penche légèrement ma tête sur ma droite.

- Ils me rendent malade.

Il ne dit rien et je sais qu'il est épuisé par ce qui se passe. Et moi aussi. Je ne mens pas quand je dis que ces médicaments me rendent malade. Ils sont censés m'aider à dormir, à la place ils me tiennent éveillée et de la pire façon qui soit : ils me font vomir toute la nuit. Au moins quand je ne les prends pas, peut être que je ne dors pas, mais je suis en paix avec moi-même. Si le fait de ne pas dormir toute la nuit dérange mes parents, moi pas vraiment. Je fais quelques fois des cauchemars durant le peu de sommeil que j'ai, mais la plupart du temps, j'ai l'impression de rêver éveillée. La nuit est douce et son silence me berce très souvent. Je me prends souvent à imaginer des paysages ou des personnes avec moi, comme dans un rêve, sauf que je ne dors pas.

Mais ça, je ne le dis à personne.

- Tu l'as dit au docteur Jones ?

Je hausse les épaules.

- Non.

- Pourquoi ? Gillian, on essaie de t'aider. Mais pour ça, il faut que tu y mettes un peu du tien.

Tout ce que je peux faire, c'est de hocher de la tête. Il soupire encore et je l'entends déverrouiller les portières. Je me tourne alors vers lui : les traits de son visage sont tirés.

Je n'aime pas décevoir les personnes qui m'entourent et encore moins celles qui ne souhaitent que mon bien.

- Pardon.

Ma voix est inaudible, presque sourde. Je regarde du coin de l'œil son faciès se détendre.

- A ce soir, Gil.

Je marmonne un 'ok' et sors du véhicule. Lorsque l'air frais me fouette le visage je regrette immédiatement la chaleur rassurante dans laquelle j'étais plus tôt. J'entends l'automobile redémarrer et s'éloigner. J'observe un moment le portail grand ouvert, nous donnant une vue sur la cour intérieure. Mon regard remonte vers le haut et le ciel est toujours aussi gris.

Je soupire et commence à marcher en direction de mon établissement.

Cette journée promet.

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