~~ Chapitre Trente-Cinq ~~
Bonsoir à toutes !
Mille Pardons pour le retard et me voici pour un nouveau chapitre à vous offrir. J'espère qu'il vous plaira, les choses se corsent autant que les coeurs s'ouvrent.
Bonne lecture et pitié ne me lancez pas de malédictions ;)
Les légers rideaux bordeaux rabattus laissaient filtrer de rares rayons de soleil, éclairant la pièce d'une faible lumière rosâtre.D'anciennes boites de chaussures reconverties en trésors de l'enfance et de l'adolescence jonchaient le parquet en bois. Au milieu de tous ces souvenirs, la brune était assise en tailleur,feuilletant des albums photos datant des années lycées. A côté d'elle se trouvait un amas de papier déchiré et parmi ce dernier l'on pouvait reconnaître un visage sur plusieurs morceaux que nul ne pourrait plus jamais recoller.
Refermant lentement l'album qui lui faisait face, elle le mit à sa droite, là où était placé ceux qui survivaient à l'épreuve de la haine. Elle se saisit du dernier, un à la couverture bleue et de loin le plus épais. En l'ouvrant, elle tomba directement sur une photo d'elle et de Zach qui s'amusait à l'arroser d'eau. Malgré les souvenirs naissant et l'amusement qui se dégageait de la prise, elle ne ressentit rien. Tournant la page comme si de rien n'était, elle redécouvrit d'autres moments de ses années lycées, certains dont elle se souvenait et d'autres dont elle n'en gardait aucune trace.C'était étrange de voir la manière dont votre cerveau choisissait de conserver certaines informations, utiles ou futiles, et d'ensevelir d'autres qui auraient pu vous servir. Comme si la mémoire avait sa propre raison, différente de la nôtre et qu'elle utilisait à bon escient, déterminée par elle. Elle apportait sa propre définition au bien et au mal et sauvegardait l'information selon ces critères. Et en regardant les photos qui défilaient devant elle, la brune aurait voulu avoir du poids, de l'impact sur les dires de ce cerveau et de ce cœur. Pouvoir décider de ce dont elle voulait se souvenir et effacer ce qu'elle voulait oublier.
S'arrêtant à la moitié de l'album, elle tomba sur deux prises qu'elle n'avait jamais vu. S'attardant sur leur ancienne équipe de prépas. Sur l'une, elle se trouvait à côté de Thomas, ses bras d'hommes entourant ses épaules et un grand sourire amusé mangeant la moitié de son visage, écho qu'elle retrouva sur le sien. L'objet de ses tourments se trouvait à la gauche de Thomas et sur la suivante, elle se retrouva collée à Isaac de force, par un meilleur ami souhaitant réunir le couple inavouable. Thomas avait toujours un sourire effroyablement moqueur, le sien s'était tout simplement éteint et elle fixait l'objectif de manière indifférente. Isaac,et elle le remarqua aujourd'hui, ayant pris le temps de s'y attarder sur l'album offert par Rosalie, avait un comportement surprenant. Il ne toisait pas l'objectif mais la fixait elle.
Elle se souvenait de cette journée.
Sans s'attarder davantage, elle décolla les deux clichés et ils retrouvèrent la corbeille en lambeaux. Lorsque chaque souvenir ressassé se retrouva fissuré, elle rangea chaque album à sa place respective. D'ici quelques temps, tout rentrerait dans l'ordre. Dans cet ordre qu'elle avait toujours souhaité mais qu'elle n'avait jamais réussi à atteindre. Le moment était venu de renverser la donne.
Des mois que tu dis ça, Juli...
Refermant la porte de chez elle et longeant le grand boulevard de Mantes, elle était en route. Elle avait perdu assez de temps avec cette tâche qui lui avait pris toute sa matinée. Mais celle-ci avait été nécessaire, chaque instant immortalisé sur du papier glacé avait permis aux souvenirs d'éclore. Mais avant même qu'ils ne prennent vie sous ses paupières, elle les avait étouffés à tout jamais. Les réduisant à l'état de cendres. Les épines qu'elles trimballaient sous la plante de ses pieds, elle les avait retirées une par une, se moquant des quelques saignements et se focalisant sur le bien-être qui s'emparait d'elle.
Tandis qu'une violente bourrasque glacée la faisait frissonner, elles'autorisa maintenant à analyser la soirée d'hier après avoir versé des larmes de rage et de haine une bonne partie de la nuit. Ce soufflet glaciale était similaire à la gifle reçue, une seconde fois. Elle avait peut-être l'air d'une idiote mais Isaac avait eu en sa possession de très maigres, voire d'infimes chances de parvenir jusqu'à elles. Quand bien même il pouvait connaître Thibault via Jordan, il ne pouvait en aucun cas savoir qu'il était un génie de l'informatique. Et si Isaac avait fait appel à un hackeur à son tour il ne serait tombé que sur le nom de code de Thibault et rien d'autre, écartant les filles de tout danger. Le soupçon était venu d'ailleurs et il avait en une seule rafale tout balayé.
Il lui avait fait peur, vraiment peur. Au stade où ils en avaient été, il aurait pu être violent. Mais il avait seulement été bas et non brute. Toutefois, le tremblement de terre intérieur avait été bien enfoui et maquillé en indifférence, comme si le fait que cette information parvienne aux oreilles d'Isaac ne lui faisait ni chaud ni froid. Et en prenant du recul, elle avait été heureuse de cette leçon qu'il lui avait lui-même apprise au fil des années. Et une autre chose la rendait davantage heureuse, aussi déplorable soit la situation, Célia et Johanna étaient hors d'atteinte. Donc tout allait pour le mieux. L'une devait déjà être en Irlande et ayant débranché sa ligne téléphonique hier en rentrant, elle avait dû manquer à coup sûr les appels de Célia avant qu'elle ne prenne l'avion. Et Johanna se trouvait quant à elle dans le grand nord, au Canada. Isaac quant à lui n'allait pas débarquer chez Célia, au risque de mettre Jordan au courant. Elle savait qu'il avait tout de même un peu de jugeote. De toute manière, elle lui avait clairement fait comprendre qu'elle était le cerveau de l'équipe et il avait cru le comprendre. Et c'était tout ce qui importait.
Elle ne tenait plus rigueur de sa bassesse, après avoir pleuré la veille. Elle ne tenait plus compte de la douleur et du choc que ses mots avaient engendré. De ses plaies qu'il avait de nouveau ouvertes versant un acide qu'ils connaissaient tous les deux. Cet état de choc devait prendre fin parce que tout ceci n'était pas anodin. Et elle l'avait mérité. Elle connaissait Isaac et savait qu'il aurait agit ainsi.
Elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même parce qu'elle n'avait jamais réussi à pleinement prendre les choses en mains, attendant certainement quelque part qu'il soit vil pour et qu'il lui donne le regain nécessaire pour protester et se dresser face à lui. Quand bien même c'était déplorable et désespérant, il lui semble bien qu'elle a toujours agi de la sorte. Attendant qu'il la blesse, qu'il la tue littéralement pour pouvoir lui rendre pareil coup.
Et cette fois-ci, cela n'allait pas manquer. Elle s'était vengée de manière sournoise, agissant dans l'ombre et surveillant de cette même place les réactions provoquées. Mais comme la vérité dépasse grandement toutes les mauvaises intentions dont les humains peuvent être nourris, elle finit tôt ou tard par triompher. Et si ce n'était hier, demain elle aurait éclaté au grand jour. Ellen'aurait peut-être pas eu l'effet passé, mais elle en aurait eu un,quoi qu'il arrive.
Quand bien même c'était étrange, et à la fois tout à son honneur, Isaac ne s'était jamais douté qu'il se mettait à apprécier, à s'ouvrir à la personne même qu'il haissait en secret. Un terrible cocktail qui avait dû lui donner l'impression de nouveau perdre la tête face au cours que sa vie prenait. Elle avait lu l'effarement, la tristesse et la colère dans ses yeux. Les trois en même temps. Et c'était ce qu'elle voulait. Qu'il le ressente vis-à-vis d'elle et envers lui. Pour bien enfoncer la dague dans son cœur.
Et si l'ordre premier de son objectif avec les filles était de lui retirer tout contrôle, cette révélation était à prendre comme une continuité. Parce qu'elle y avait encore une fois assisté. Elle avait été spectatrice et destinatrice. Et entre les deux, si elle était intelligente elle ne devait retenir que la première fonction.Et aucunement la seconde.
Elle ne devait même pas s'en vouloir d'avoir été chez lui pour recevoir cette claque, mais plutôt s'en féliciter : parce qu'elle avait ébranlé sur son propre territoire et cette soirée le marquerait à vie, le tourmentant pour le restant de ses jours s'il lui arrivait le malheur d'y repenser.
Pleurer faisait un bien fou pour se débarrasser du plein trop de douleur qui stagnait en surface tandis que l'on s'attelait à la tâche de réduire en cendres les griffes de celui qui logeait dans votre cœur. Déchirer toutes leurs photos communes manifestait bien la décision qui se profilait à l'horizon. Une décision qu'elle allait mettre en place dans les jours qui suivraient pour lui porter le coup de grâce définitif.
Mais avant tout ceci, elle devait récupérer cette chose qu'elle avait oublié chez lui. Un téléphone laissé dans la précipitation des choses. Arrivée devant chez lui, elle appuya de force sur sur la sonnette d'entrée des Alonzo. Personne d'autre qu'Isaac n'était à la maison à dix heures du matin, Rosalie et Carlos se trouvaient en week-end sur la côte. Sentant les secondes défiler et ne voyant aucune réaction, elle sonna de nouveau et entendit le bruit que la sonnette propageait dans toute la maison. Elle n'avait pas encore retiré sa main que la porte s'ouvrit sur un Isaac aux cheveux décoiffés. Et en la voyant sur le palier, ses yeux rougis s'écarquillèrent et sa bouche s'entrouvrit, marquant la surprise que le culot de la jeune fille faisait naître. Elle la comprenait parce qu'elle le véhiculait très bien. Aux yeux du brun elle n'avait clairement plus rien à faire chez lui.
Il continua de la dévisager comme s'il la revoyait après une éternité, s'attardant sur chacun de ses traits comme s'il les découvrait de nouveau. Son grand défouloir de ce matin avait-il transformé son visage, la rendant plus âgé ou durcissant ses traits à tel point que son pire ennemi ne semblait même pas reconnaître la sienne ?
Le temps n'était pas celui du questionnement sur l'état d'Isaac. Il fallait qu'elle fasse ce pour quoi elle s'était déplacée.
« - Je suis venue récupérer mon téléphone. »
Il parut revenir à lui-même et s'ancrer dans le présent. Secouant la tête, il recula légèrement et elle remarqua qu'il portait un sweat gris sans manche.
« - Je te l'apporte. »
Il disparut et revint quelques secondes plus tard avec le smartphone qu'il lui tendit tout en vrillant de nouveau son regard au sien. Elle put lire des stigmates différents de ceux qu'elle avait provoqué hier. D'autres qui témoignaient d'un état physique et moral.
« - Merci, fit-elle en le récupérant. »
Et sans un dernier regard, elle tourna les talons et traversa de nouveau son allée pour franchir le portillon des Alonzo. Elle pouvait sentir son regard sur elle, la scruter aussi intensément qu'il l'avait fait. Et ce comportement trahissait un besoin de réponses.
Mettant son téléphone dans sa poche, elle tourna à gauche et s'engouffra dans une petite rue déserte d'hommes et aux maisons toutes colorées. Lui donnant un semblant de vie. Soudain, un petit miaulement se fit entendre et elle baissa son regard jusqu'à ce qu'il rencontre celui d'un chaton gris qui vint se frotter contre sa jambe. Face à ce petit corps tout chaud et quémandeur de caresses,elle s'adoucit un instant et s'accroupit face à l'animal qui se mit à ronronner de plaisir sous l'effet de la tendresse prodiguée. Si aucun homme n'était capable de la faire sourire, à l'heure actuelle, ce chaton le pouvait. Partant de la tête, elle fit glisser ses doigts dans son pelage épais tout en lui massant bien la colonne. Elle s'y prit au jeu et se mit à le gratter derrière les oreilles lorsqu'il ferma les yeux, comblé. Et le voir apprécier autant la fit sourire, étirant ses lèvres et plissant ses yeux faisant revivre l'éclat éteint. Il vint se blottir contre elle et elle lui caressa le cou tandis qu'il miaulait de plaisir.
« - Juli ! »
A son nom, elle se retourna et en se relevant, vit avec stupeur Isaac s'avancer vers elle, simplement vêtu de son sweat gris sans manche.Le chaton en profita pour faire un dernier petit slalom entre ses bottines et s'en alla. Le soulagement se peignit sur les traits du jeune homme et il ancra un regard encore teinté de tourment dans le sien, engloutissant l'espace entre eux. Et lorsque la distance respectable entre deux personnes, non amantes, fut effacée, elle le rappela à l'ordre.
« - Qu'est-ce que tu ... ? Tenta-t-elle avant d'être plaquée contre son torse. »
Les bras maladroitement posés sur elle témoignèrent directement de son trouble, en plus de sa respiration saccadée. Et la première chose qui la frappa était la chaleur qui émanait de son corps, il était bouillant.
« - J'ai été con, Juli, lâcha-t-il en l'encerclant véritablement, la collant davantage à lui. J'ai été le roi des cons ! »
A quoi assistait-elle en ce moment même ? Il réitérait ses excuses comme la fois dernière. Quelque chose n'allait pas.
« - Je te jure que je ne le pensais pas, avoua-t-il en secouant la tête, le corps parcouru de tremblements. Je voulais juste me venger parce que tu étais trop fière de m'avoir humilié. »
Elle allait le repousser doucement lorsque elle nota de nouveau ses tremblements anomaux et sa manière de la rapprocher toujours plus.Comme s'il était à la recherche de chaleur.
«- Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Je ne t'en veux plus, Juli, ni pour tes mots ni pour ce que vous avez fait, Célia et toi, déclara-t-il en glissant ses doigts dans ses cheveux. J'en ai clairement rien à faire de tout ça ! Lâcha-t-il avant de poser ses lèvres contre sa tête. »
Il passait outre. Malgré la colère et le dégoût qu'il avait éprouvé hier, et qu'elle avait vu sur son visage, il déclarait faire table rase de tout ce qu'elle avait pu faire. Et pour penser de la sorte il était clair qu'il n'était pas dans son état normal.
Elle recula et malgré la prise qu'il avait sur elle, il la laissas'éloigner. Mais il maintint tout de même une main dans son dos,chose dont elle ne se formalisa pas. Elle devait obtenir une réponse et sa main sur le front d'Isaac la lui donna aussitôt. Il était brûlant de fièvre.
«- Tu es malade, déclara-t-elle en retirant sa main qu'il retint aussitôt pour la poser contre sa joue, brûlante elle aussi.
- Je m'en fiche, Juli. Je veux que tu me dises qu'on oublie tout et qu'on reprend là où on s'est arrêté hier. »
La fièvre le faisait délirer.
« - Je te raccompagne, fit-elle en lui prenant par le bras. Tu n'as même pas de manteau pour te protéger du froid. »
Il lui obéit comme un enfant, adouci en opposition du flegme qu'i lavait manifesté quelques minutes plus tôt. Elle perçut son soulagement et surtout elle le lut dans son regard.
Elle referma la porte derrière elle et le vit frotter ses bras,créant une source de chaleur.
« - Tu as de la fièvre. Il ne faut pas que tu laisses celle-ci s'aggraver.
« - Je m'en fiche de cette fièvre, de cette putain de fatigue qui me rend amorphe. La seule chose que je veux, fit-il en avançant vers elle et en posant ses paumes sur ses joues, c'est qu'on oublie. Qu'on oublie comme on sait le faire quand tout va mal, quand l'un de nous va mal. Encore une fois. »
Elle lut une lueur de lucidité dans son regard. Il savait ce qu'il faisait, en partie et il quémandait une trêve. Comme celle de la fois dernière.
« - Viendra un jour, où on oubliera tout. Pour le moment, dis-moi comment est-ce que tu as su pour Célia et moi ? »
Elle sentit immédiatement la tension qui le prit et qui l'amena à se détacher d'elle, laissant son corps se réchauffer de lui-même.
Tu vois, Evans, on ne peut pas tout oublier aussi facilement.
Son visage se contracta et il ferma les yeux, revivant la scène d'hier, réentendant sans doute ce que son interlocuteur lui avait dit pour lui faire comprendre que Julianne Davis était celle qui tirait les ficelles. Et à la manière dont son torse se soulevait,témoignant d'une respiration difficile, elle comprit qu'il maîtrisait de nouveau la colère qu'il éprouvait.
" - Alors ? questionna-t-elle de nouveau en mettant ses mains dans ses poches, essayant de camoufler le trouble qui était sur le point de la saisir. »
Il se tut encore quelques secondes et puis noua de nouveau le contact visuel.
« - J'ai décroché un appel sur ton téléphone. »
Et comme convenu, son estomac se tordit. C'était un des siens qui avait ouvert les festivités ?
« - Qui ? »
Sa meilleure amie ou l'expatriée ?
« - Célia, lâcha-t-il. »
Elle eut l'impression que son estomac se détachait et tombait au fond d'elle. Quel hasard du sort, c'était sa propre meilleure amie qui l'avait livrée au loup, sur un plateau d'argent. Mais elle ne lui en voulait pas. Elle avait dû l'appeler pour la prévenir avant de prendre son vol à l'aéroport d'Aix-en-Provence en direction de Dublin et en même temps lui parler de leurs agissements, mentionnant le hacker.
« - Désolé, je sais que je n'aurais pas dû ... »
Elle écarquilla les yeux, choquée.
« - C'est trop dur de résister à la curiosité et comme je suis curieuse, je ne t'en veux pas. C'est la monnaie de notre pièce,après tout on a bien infiltré ton compte pour te voler des photos...
«- Thomas m'avait appelé pour me dire que son hackeur avait trouvé le tien et c'est là que ton téléphone a sonné. Et quant j'ai vu que c'était Célia, j'ai décroché, me faisant clairement passer pour toi, débita-t-il d'un souffle.
-Célia t'as cru ?
Je n'ai pas parlé et elle avait l'air pressée... »
Ceci expliquait donc cela. Sa meilleure amie avait toutes les chances du monde de croire que c'était elle.
« - C'est donc mon camp qui a tout dévoilé. Applaudis-nous, Evans,demanda-t-elle en souriant depuis le début de la matinée.
- Je ne plaisante pas, Juli. Je suis désolé d'avoir agi ainsi.
- Ne te bile pas. »
Il déglutit douloureusement, sa peine et la crainte se faufilant sur ses traits. Avant que la discussion ne reprenne et qu'il se jette de nouveau sur elle, elle lui présenta son dos, une main sur la poignée, prête à en mettre fin.
« - Ne nous laisse pas tomber, Julianne. »
Ce n'était pas une supplique. C'était un rappel, comme s'il attendait d'elle un comportement qu'elle avait déjà eu par le passé. Il lui enjoignait clairement de se battre pour eux. De passer outre leurs différents et de revenir à une relation tumultueuse mais bienfaitrice pour les deux. Après s'être détruits, ilreconnaissait finalement un lien entre eux, autre que celui de ladomination. Mais il était trop tard dorénavant. Son rappel étaitbeau et inestimable mais aucun autre aveu ou comportement n'égaleraitce qu'elle projetait de faire.
« - On se reverra très bientôt. »
Une fois qu'elle eut franchi leur allée gravillonnée, elle effaça ce qu'elle venait de vivre et s'ordonna de ne plus y penser. Ellen'avait plus besoin d'idées parasites.
Allumant son téléphone, elle découvrit les 40 appels manqués de Célia, les 5 de Jordan et les 5 de Johanna. Et tous les messages impatients et inquiets qu'elle recevait maintenant que son téléphone était allumé, sa meilleure amie l'informant que face à ce qu'elle avait appris, elle avait annulé son vol et avait conduit toute la nuit pour rejoindre Mantes afin de la voir. Et le dernier dans lequel elle lui disait qu'elle avait attendu devant chez elle, pile au moment où elle avait quitté sa maison pour rejoindre celle d'Isaac.
Elle ne put les lire tous mais le dernier lui fit mal au cœur.Autant de stress, de peur et un vol raté pour une défaite ridicule.Elle se sentit carrément conne et eut mal pour tout ce queCélia avait subi à cause d'elle, plaçant encore une fois leur amitié avant tout.
Et lorsqu'elle arriva devant chez elle, elle reconnut la voiture desa meilleure amie. Elle l'avait attendue. Et elle put lire toutel'inquiétude et la peine qu'elle lui avait donné avant qu'elle nel'enlace de toutes ses forces.
« - Tu m'as fait tellement peur, Juli ! Jure-moi de ne plus jamais me faire ça. Plus jamais, souffla-t-elle. »
Elle répondit à son étreinte et la serra de toutes ses forces,heureuse de retrouver un pilier de sa vie.
Une fois qu'elle furent toutes les deux installées dans deux fauteuils l'une face à l'autre, Célia lui apprit ce qu'Isaac venait de lui avouer.
« - Je sais que tu étais chez Isaac quand je t'ai appelée pour te dire que Thibault avait été démasqué. Je ne sais pas ce que tu faisais chez lui mais je sais que c'est de ma faute. J'ai tout fichu en l'air en choisissant le mauvais hacker. »
Elle la questionna du regard, ne répondant pas aux questions muettes dans celui de sa meilleure amie. Un mensonge entraînait un mont de silence.
« - Le hacker de Thomas se trouve être le grand-frère de Thibault.
-Triste pairing.
- Tu l'as dit. »
Célia se rapprocha d'elle et posa sa main sur sa joue. Et face à son mutisme, sa meilleure amie chercha sur son visage les vestiges de la soirée d'hier.
« - Qu'est-ce qu'il t'a dit, Julianne ? Tu es muette comme une tombe depuis tout à l'heure. Et ça m'effraie. »
Non, elle n'était pas une tombe. Au contraire, elle ne s'étaitjamais sentie aussi vivante qu'avant. Dans sa tête, son cerveautournait à plein régime et elle se projetait déjà dans ce qu'elleallait faire.
« - Il a été aussi bas que mon comportement pouvait l'exiger. Il a répondu en conséquences de mes actes et il ne m'a pas touchée. Je revenais de chez lui, il y a dix minutes, j'y avais laissé mon téléphone hier. C'est pour ça que je n'ai pas pu répondre à tes appels.
-Je t'ai appelé sur ton fixe, lui apprit-elle.
-J'avais tout débranché, expliqua-t-elle sans en dévoiler davantage. J'avais besoin d'être seule.
- Il t'a fait mal, je le sais. Ne me demandes pas pourquoi, je le sens c'est tout. »
Elle secoua la tête, lui faisant comprendre qu'elle avait en partie tort.
« - Il ne m'as pas fait mal, déclara-t-elle à sa meilleure amie et à elle. Il m'a dit que je méritais clairement sa gifle mais ça nem'a pas touchée plus que ça. Je suis partie parce que je n'avais plus aucune raison de rester chez lui. »
Tout en donnant les faits, elle mentait et disait la vérité en même temps. C'était devenue une habitude ces derniers temps. Et plus le temps passait, plus elle lui mentait. Et si elle aimait faire du mal à Isaac, mentir à Célia ne lui plaisait pas. Parce qu'elle était sa sœur, sa sœur de cœur. Et on ne ment pas à une sœur.
Mais, sa situation était telle qu'elle était elle-même son propre ennemi. Jamais elle n'aurait pu lui avouer cette vérité inavouable.Une vraie honte : les sentiments qu'elle ressentait encore pour lui, l'étreinte qu'elle aurait pu prolonger avec lui dans leur maison de campagne, le jeu de couple, leur dispute et ce dîner. Ils n'étaient pas un couple, mais leurs altercations prises séparément pouvaient aisément donner l'image d'un. Toutes ces choses qu'elle avait vécu dans le secret, elle ne pouvait définitivement pas les révéler à Célia qui la prendrait pour une dingue. Une dingue qu'elle était.
« - Il n'a pas été davantage méchant que d'habitude, rien d'extraordinaire qui mériterait qu'on s'y attarde, vraiment, la convainc-t-elle. Je n'ai plus rien à lui dire et lui non plus.
Je ne te crois pas. Qu'est-ce que tu me caches ? Tu ne m'expliques pas ce que tu faisais chez lui à 22h00, les raisons qui t'ont poussée à y aller. On avait conclu que tu ne le reverrais plus après qu'il ait débarqué chez Johanna alors qu'est-ce qui a fait que tu te sois retrouvée chez lui ? »
La main n'avait pas quitté la sienne et la pression se faisait ressentir. Une supplique informulée. Julianne la trahissait une nouvelle fois.
Et il était déplorable de constater qu'elle s'était tellement éloignée des siens. Tellement éloignée de celle qu'ils connaissaient. Celle qu'elle était avant. Le jeu et les tourments d'Isaac avaient bâti les siens. Et torturée et enivrée par ce mal qui provenait de ses entrailles, elle était totalement soumise à cette noirceur qui régnait en elle, grignotant, dévorant tout sur son passage. Elle était consciente des dégâts qu'elle causait et ce qu'elle pouvait risquer à s'acharner autant sur Isaac au détriment des autres. Mais même cette reconnaissance ne faisait pasle poids face au feu qui brûlait en elle. Seul Isaac comptait. Il n'avait jamais pu être le sien, mais elle se donnerait à lui, de la plus sombre des manières. Quitte à y délaisser son âme.
Le Bien avait le pouvoir de sauver un homme mais le Mal le pouvait aussi, à sa manière. Pas élogieuse, pas brillante, mais rapide et efficace. Et que Dieu la pardonne mais c'était d'efficacité dont elle avait besoin. Et les sentiments corrosifs étaient là, lui insufflant de la force, une volonté de fer d'agir une dernière fois pour lui asséner le coup de grâce. Il ne lui manquait plus quel'audace ou bien le culot.
Isaac, en ayant aspiré toute sa joie de vivre, lui avait montré le chemin et plus le temps s'écoulait, plus il continuait de le lui montrer. Comme si quelque part il l'attendait là-bas. A leur point de non-retour avec une promesse. Parce que pour complètement guérir,elle n'avait pas besoin de sa tendresse découverte, mais elle avait besoin d'une mainmise sur un cœur déboussolé et surtout déraciné.Elle avait besoin d'un renversement, d'un bouleversement. Une plaie qui saignerait pour l'éternité dès lors que le souvenir serait ravivé. Une plaie dans laquelle le poignard des mots s'enfoncerait ad vitam eternam. Et au regard de tout cela, non, elle ne pouvait dire à sa meilleure amie, toutes les pensées sombres qu' elle couvait depuis qu'elle avait posé les pieds chez elle. Il en était hors de question.
« - Je t'ai répondue, Célia. Il n'y a rien à ajouter. Je suis peut-être différente par rapport à d'habitude mais je t'assure que je vais bien. »
Elle la vit accueillir cette réponse creuse et la résignation et la fatigue creuser ses beaux traits tandis que ses yeux s'humidifiaient.Elle avait déjà beaucoup donné pour elle, de son temps et raté un vol, la brune ne pouvait en aucun cas la dégoûter davantage en lui présentant celle qu'elle était réellement devenue.
Elle engloutit l'espace qu'il y avait entre elles, se mit à genoux face au fauteuil de sa meilleure amie et l'enlaça. Posant sa tête contre sa poitrine, elle se laissa aller face à cette étreinte familière.
« - Oublions tout, Célia. Partons de l'avant, maintenant,implora-t-elle en resserrant sa prise. »
Et tandis qu'elle sentait les bras de sa meilleure amie s'enrouler autour d'elle, elle se rendit compte que la prise était dénuée de chaleur, simplement mécanique.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top