~~Chapitre Quarante-Quatre~~


Bonjour à toutes ! Je vous demande pardon pour le temps que j'ai mis à poster mais ces deux derniers chapitres m'ont donnée du fil à retordre.. :/ C'était pas évident xD Il est du point de vue de Julianne et celui d'Isaac qui vous réserve de drôles de petites surprises arrivera juste après. Bonne lecture ! :)

Chapitre Quarante-Quatre. 

Des yeux rouges et bouffis, une coiffure totalement défaite, une mine déconfite. A force d'être crispées et malmenées par ses dents, ses lèvres avaient fini par être sèches. Ses pupilles torturées renvoyaient tout le tumulte qui sévissait en elle. Elle avait perdu d'un coup toute la liberté, tranquilité et gaieté qu'elle avait recouvert au bout de trois longues et laborieuses semaines. Perdu également sa fraîcheur de ce matin. Là, elle ressemblait clairement à un zombi. Le miroir des toilettes était son témoin. Il lui renvoyait un reflet effrayant. Aussi effrayant que ce qu'elle ressentait dorénavant après ce qu'elle venait de découvrir.

Bon sang, Isaac, je ne t'ai jamais autant hai qu'en ce jour ...

Ce garçon avait le chic pour débarquer dans votre vie, au moment où vous vous y attendiez le moins et tout balayer sur son passage avec un regard à vous glacer le sang et des mots à vous taillader le coeur.

Cette fois-ci, il n'avait pas essayé de l'humilier et de la blesser. Le premier avait pu être évité mais le second, pas du tout. Il avait rouvert ses plaies pour mieux y aposer un baume, sans le savoir.

" Je demande pardon pour toutes les insultes, toutes ces fois où je t'ai fait du mal délibérément. Pour toutes ces fois où j'ai aimé te voir souffrir, toutes ces fois où tu as versé des larmes. Pardon Julianne, pour tout. "

A ce souvenir, ses épaules s'affaissèrent et elle posa ses mains à plat sur le lavabo pour se maintenir debout. Elle était épuisée, complètement vidée. Il lui avait balancé tout ce qu'elle avait espéré depuis des années à un moment où elle n'espérait plus rien de sa part si ce n'était un adieu définitif. Il lui avait fait part de tous les rouages de son cerveau de psychopathe quand les siens s'activaient pour mieux comprendre cet homme énigmatique dont son coeur semblait s'être épris. Et à l'entendre tout raconter, elle n'avait qu'une seule réponse. Il était aussi obsédé il y a cinq ans qu'il était aujourd'hui. Une obsession inexplicable mais qui commençait à prendre forme dans son esprit.

Isaac avait complètement changé. Et en le blessant comme elle l'avait fait, elle lui avait donné le courage nécessaire pour définitivement enterrer l'enfoiré qu'il avait été. En espérant qu'il ne le redevienne jamais.

La sincérité qu'elle avait vu sur son visage, la douleur que ses yeux avaient renvoyé, tout cela ne venaient que prouver le changement qui avait eu lieu en lui. Et bon sang, encore une fois il l'avait prise de court. Par cette soudaine intervention, par ces mots auxquels elle ne s'attendait guère et par le soulagement qu'il avait fait naître en elle.

Elle n'avait espéré qu'une seule chose. Qu'il se réveille pour les siens et qu'il sauve ses relations familiales. Quand bien même elle avait ardemment souhaité qu'il revienne vers elle après l'avoir rejetée et giflée, cet espoir avait dépéri lorsqu'il était revenu dans sa vie avec pour seul but de la rendre folle et d'avoir une mainmise dans son existence.

Mais comme d'habitude, il venait bousculer ses plus grandes décisions et certitudes, qui elle était persuadée l'aurait aidée à avancer et à l'oublier. Sans le vouloir, il l'avait ramenée de force, avec la seule puissance de ses mots et le tumulte qu'il s'attendait à éveiller en elle, à trois semaines en arrière.

Lorsqu'elle se sentait aussi amoureuse que désespérée. Et aujourd'hui c'était toujours le cas.

En lui ayant accordé ce qu'elle n'osait plus espéré venant de lui, il l'avait soufflée et l'avait mise face à ses propres sentiments. Et ces derniers, pour lui faire comprendre qu'ils étaient aussi forts que dans les premiers jours voire plus, avaient jailli comme des flammes. La brûlant tout entière.

En la plaçant à égalité avec Rosalie et Carlos, il lui avait certifié qu'il lui portait dorénavant la même attention et lui accordait la même importance. Et cela, au regard de leur vécu, était incroyable. Inespéré mais merveilleux. Et tandis qu'elle n'avait plus eu envie d'avoir quoi que ce soit à faire avec lui, d'autres questions naissaient en elle faisant de ses dernières certitudes de vraies incertitudes.

Après l'enterrement de leur pseudo-relation, il était lui-même venu la déterrer et lui apposer le sceau de la relation amoureuse. Il avait reconnu avoir été concerné par l'ancienne Julianne, celle qui l'avait toujours cherché du regard, constamment inquiète. Et bon sang, mais à cet instant là, elle avait cru retrouver l'Isaac de dix-sept ans. Son Isaac qui, parfois, se laissait aller à l'enlacer avec force, lui témoignant une affection bizarroide, douloureusement exprimée dans le secret le plus absolu de leur relation.

Ses lèvres se retroussant en un sourire ressemblant étrangement à une grimace, il lui avait dit qu'il ne comprenait toujours pas ce qui l'avait poussée à se menotter de la sorte à un garçon aussi insensible à la détresse des autres... Il n'était pas coupable. Elle était tombée amoureuse par sa propre faute et s'était elle-même condamnée à souffrir. Mais il y a un âge où tout nous échappe, où l'on est attiré par le gain et inconscient de la perte et la seule envie qui nous anime est de vivre. Vivre toutes sortes de situations, des plus saines aux plus dangereuses. Avoir connu Isaac et l'avoir aimé fait partie de ces dernières.

Et si lui-même avait du mal à comprendre après avoir été aussi ignoble avec elle, cela n'exprimait qu'une seule chose : Elle avait été complètement ravagée à l'époque et elle l'était davantage aujourd'hui.

Et l'homme n'étant pas si bon que cela, elle était soulagée de ne pas être la seule dans cette situation. Et elle pouvait même aller jusqu'à affirmer qu'elle était heureuse de savoir Isaac dans le même état qu'elle. Le savoir torturé par ce qu'ils avaient été, par ce qu'ils s'étaient faits et ce que lui avait raté la soulageait. Il avait finalement un coeur. Un qui pouvait s'inquiéter et battre pour elle.

A cette conclusion, une larme coula le long de sa joue, tout doucement. Lui laissant le temps de prendre conscience du tumulte qui prenait de nouveau vie tandis que différents sentiments l'assaillaient de parts en parts.

Je suis foutue...

Effectivement, elle ne donnait plus cher de sa peau. Le savoir concerné et attentionné lui plaisait trop pour qu'elle passe outre une aussi grande et scandaleuse information. Cela lui plaisait bien trop pour ne plus y penser jusqu'à ne pas pouvoir s'empêcher d'imaginer quelque chose. Quelque chose qui aurait pu exister entre eux, alors qu'ils ne laissaient derrière eux que des cendres. Une relation désastreuse au goût de cendres froides.

Voici le pouvoir d'Isaac dans toute sa splendeur. Il détruisait vos remparts, faisait voler en éclats vos plus belles et solides certitudes pour vous mettre face à ce que lui souhaitait que vous ressentiez.

Et à son tour, il venait de la mettre à genoux. Face à leur évolution. Face à ses sentiments. Il l'avait clouée au mur, littéralement.

Elle ne savait même pas s'il l'avait perçée à jour, ayant compris qu'elle en pinçait toujours pour lui ou s'il basait toute son étude sur l'attirance physique réciproque. Quoi qu'il en était, il n'était pas loin de se douter de tout ce bordel. Et à coup sûr, au regard de ce qu'il lui avait révélé, il serait heureux d'apprendre qu'elle en pinçait toujours pour lui.

Autant que tu l'as été lorsqu'il a annoncé ne plus avoir la force de te rejeter...

Elle releva la tête et ne fit guère attention à son reflet effrayant dans le miroir, son esprit ayant été accaparé par la chaleur qu'avait fait naître cette confidence. Ce besoin de mettre les choses au clair dans son esprit et de les lui dire, ajouté au fait qu'il s'était accroché à elle comme un homme complètement déraciné ne prouvait qu'une seule chose. Information capitale dont elle avait dorénavant toutes les confirmations possibles.

Jamais il n'avait été aussi expressif, aussi démonstratif. Aussi sincère. Et jamais elle n'avait été aussi sûre d'eux. Et cette certitude quant aux sentiments du brun qui lui avait soufflé qu'elle était le pilier de sa vie, le seul qu'il ne voulait pas perdre, détruisait toutes ces anciennes. Celles qui l'avaient aidée à aller de l'avant, lui chuchotant qu'elle s'en remettra en les gardant toujours en tête.

C'était déroutant. Le confort que lui promettait tout le mal qu'elle avait toujours pensé du brun était dangereusement contrebalancé par ce qu'elle venait de découvrir. Et le tremblement était tel qu'elle ne savait plus sur quel bord se situer.

Les excuses désespérées tant espérées, une preuve d'attention et d'affection étaient bel et bien là, dorénavant, mais à quel prix ? Celui à se faire du mal depuis toutes ces années ? Isaac Evans semblait lui porter des sentiments forts. Elle en était certaine, il était bel et bien amoureux d'elle. Mais s'en rendait-il lui-même compte ? Il n'avait formulé aucun " je t'aime Julianne". De toute manière, il était évident qu'il ne s'était pas déplacé pour lui avouer ses sentiments mais plutôt lui présenter ses excuses. Même si ces dernières n'avaient cessé de lui souffler cette déclaration d'amour tout au long.

C'était sur ces pensées tortueuses au revers agréable qu'elle quitta les locaux de l'Ambassade pour prendre le train en direction de Mantes-la-Jolie, vêtue de derbys. Adieu les talons ! Une quarantaine de minutes plus tard, tandis qu'elle s'approchait de sa maison, elle aperçut une silhouette familière adossée à une voiture tout aussi familière garée en face de chez elle.

Elle plissa les yeux pour être sûre de ne pas se tromper. Et lorsque l'identité fut confirmée, quand bien même elle le portait dans son coeur, elle espérait qu'il ne tarderait pas trop. Elle était exténuée et espérait bientôt retrouver celui qui l'accueillerait avec amour. Son lit bien sûr.

Elle s'arma d'un sourire qui accompagna les quelques couleurs qu'elle avait récupéré au cours de la journée. Merci le maquillage ! Elle alla à sa rencontre et il en fit de même. ( Thomas 1 )

Et elle crût tomber sur la copie d'Isaac. Ils étaient vêtus pareil, un costume impeccable sur le dos dégageant une fraîcheur à faire frissonner toute femme normalement constituée.

- Salut Thomas, fit-elle en lui tendant sa main, un sourire amical aux lèvres.

Au regard de ses derniers agissements, son sourire était peut-être de trop, étant donné que Thomas devait certainement être au courant de ce qu'elle avait pu balancer à Isaac. Mais elle ne pouvait le saluer de manière froide.

Elle était peut-être une démone envers son meilleur ami, mais elle restait tout de même l'amie de celui qui lui faisait face. Et elle savait qu'il tenait à elle, Isaac étant là ou pas là.

- Salut, lui répondit-il sans chaleur.

Un poids tomba sur son estomac. Le ton était donné.

Isaac est le centre de tout ton entourage, idiote ...

Elle passa outre, se sentant d'ores et déjà piégée.

- Comment ça va ? Tu veux entrer boire un verre ? Proposa-t-elle son propre sourire disparaissant.

- C'est ce que j'allais te proposer en plus d'une ballade. Tu veux bien ? Fit-il en montrant son sac en carton contenant des boissons chaudes.

Elle acquiesca.

- Je pose mes affaires et je reviens.

Elle fila comme une flèche et revint aussitôt chaussée de basket, n'ayant pas vraiment le choix de le faire poireauter dehors. Il lui ouvrit la portière côté passager et elle s'engouffra dans le véhicule noir. Tandis que le silence régnait dans la voiture et qu'elle buvait tranquillement son chocolat chaud, elle le vit se garer aux abords de la ville, face aux quais de Seine.

Elle lui jeta un coup d'oeil en biais, surprise de l'endroit supposé de leur ballade en plus du silence qu'il leur avait imposé. Elle sortit de la voiture avant qu'il l'enjoigne à le faire. Elle se rapprocha du bord et elle attendit qu'il la rejoigne pour se retourner.

- Tu m'as amenée ici pour me noyer, Thomas ? Tu penses que c'est ce que je mérite après ce que j'ai fait à ton meilleur ami ?

Elle le regarda droit dans les yeux, une moue ironique flottant sur les lèvres. Elle ne voulait pas l'effrayer mais ne voulait pas non plus lui donner raison, quoi qu'il pense. Il lui rendit son regard, un instant blessé, le suivant il était imperméable.

- Jamais je n'oserai faire ou penser ça. C'est mal me connaître que d'insinuer ça.

Elle lui offrit un sourire contrit et se détourna de lui pour observer le cours de l'eau. Les températures étaient basses en cette soirée et la proximité de l'eau raffraichissait davantage l'air, le rendant parfois glacial.

S'il ne comptait pas la noyer dans l'eau froide, il comptait sûrement lui remettre les idées au clair avec ces rafales à 50km/h.

- Je t'ai amenée ici parce que je ne voulais pas qu'on soit dérangés, lui expliqua-t-il comme s'il savait qu'elle cherchait la cause de leur venue ici.

- Je sais, lâcha-t-elle.

Et elle était forcée de reconnaître que cela ne pouvait être que cela. Il ne voulait pas qu'ils soient dérangés pendant qu'il la mettrait face aux faits. Face à son comportement exécrable.

Alors, elle attendit le regard obstinément rivé à cette eau calme et un brin effrayant qui s'écoulait à ses pieds. L'eau lui avait toujours fait peur.

Elle attendit que la colère légitime qui bouillait en son interlocuteur parvienne à la surface et qu'elle explose comme il se retenait de le faire. Seulement à ce moment là, elle interviendrait pour lui expliquer le pourquoi de son intervention.

Elle sentait le poids de son regard sur sa nuque. Il voulait lui communiquer tout son mécontentement et bien plus encore. L'obliger à ressentir tout ce que lui et son meilleur ami traversaient sans qu'il n'ait besoin de formuler de phrases. Il voulait clairement l'amener à regretter. Et cela elle ne le permettrait pas. Quel qu'ait été son crime.

Si seulement il savait ce que tu avais subi ce matin ...

Il s'avérait qu'il ne savait pas ce par quoi Isaac et elle étaient passés ce matin, alors il était en droit et elle le lui offrirait de déballer son sac comme il le voulait.

Les minutes s'écoulèrent et il ne prit toujours pas la parole, finissant par la faire douter. Même son gobelet vert et blanc de la célèbre marque arrivait à sa fin, c'était pour dire.

Voyant qu'il ne comptait pas parler et qu'elle avait rongé sa propre patience, elle se retourna subitement, fatiguée. Et planta son regard las dans le sien scrutateur.

- Balance-moi ce que tu veux à la tête, Thomas. Ca ne me fera pas revenir sur ce que j'ai dit à Isaac.

Il la considéra un moment avant de secouer la tête. Et ce geste fit naître une crainte en elle. Celle de ne pas connaître toute la situation d'Isaac.

- Je ne suis pas ici pour te jeter la pierre, Julianne. Je sais ce qu'il a fait tout comme je sais ce que tu as fait en représailles. Je ne cautionne ni l'un ni l'autre et considère que vous méritez tous les deux une bonne correction. Tu as cru bien agir en lui balançant toutes ces bêtises à la tête.

Il ne la quitta pas un instant des yeux tandis qu'il déballait tout ce qu'il avait sur son coeur. Il la maintenait au piège.

- Vous avez réussi à vous détruire comme vous le vouliez. Maintenant, dis-moi ce que vous allez faire ?

Son coeur se mit à battre follement. La question était si simple et la réponse à fournir si difficile. Elle avait cogité toute la journée pour obtenir une cohérente à leur vécu. Une réponse qui les aurait sauvés tous les deux. Mais le fait était qu'elle ne l'avait pas. Ils avaient beau s'aimer, elle ne savait pas quoi faire.

Et si Thomas lui posait la question maintenant, cela ne pouvait laisser sous-entendre qu'une seule chose : il savait qu'elle avait vu Isaac. Et il savait qu'elle avait découvert ses sentiments.

Se rendre compte des sentiments de son ennemi face à Thomas fit remonter à la surface un souvenir pas si lointain. Celui d'elle s'expliquant avec Thomas au bord du ruisseau, dans leur maison de campagne.

Il lui avait fait part des regrets et des efforts d'Isaac. Il avait tenté de lui faire comprendre que ce qu'elle ressentait pour lui, il le ressentait aussi, sans le formuler clairement.

- Tu sais, Julianne.

Son palpitant rata un battement. Oui, elle le savait. Oui il était bel et bien amoureux d'elle. Mais à quel prix avait-elle dû en arriver là ? A quel prix avait-il dû s'en rendre compte ? Entre eux rien n'avait été sain depuis le début.

-Oui je sais maintenant. Mais que veux-tu que je fasse ? Que je me jette dans ses bras et lui avoue que je l'aime aussi ? Qu'on se mette ensemble, à nos risques et périls ? On a déjà assez souffert ensemble et séparés ..Isaac et moi, on est bon à rien ensemble. Et ça, tu le sais aussi.

Il se mit à rire. Un son las et fatigué. Un étau de fer vint enserrer ses côtes, faisant augmenter sa peur.

- Depuis quand es-tu une mauviette ?

Depuis que j'ai appris combien l'amour pouvait faire mal, Thomas ...

- Les gens se battent pour leur amour. Bravant des haines et des guerres pour être auprès de l'être aimé. Et vous, la seule chose que vous savez faire, c'est reculer et tourner le dos.

Le constat fut similaire à une insulte qui la fit trembler. Il avait raison, elle n'était bonne qu'à cela. Tourner le dos lorsque le garçon d'en face s'avérait être Isaac Evans. Parce qu'elle avait peur. Peur de tomber davantage amoureuse parce que se savoir aimé, se sentir aimé l'exaltait. Et peur d'avoir mal de nouveau. Car avec lui, la douleur n'était jamais loin.

- Soit. Cette décision t'appartient et je ne suis personne pour te forcer. Mais laisse-moi te parler sans barrières aujourd'hui. Isaac ne sait pas pour nous et il ne le saura pas tant que tu ne le lui diras pas. Laisse-moi me défaire de tous les liens qui me lient à lui pour que je te présente ce que mon meilleur ami est devenu.

Un horrible frisson lui parcourut l'échine, glaçant son coeur. Il se rapprocha d'elle, le regard chargé de rancoeur et elle en vint à se demander s'il ne la détestait pas aujourd'hui ? Mérité ou non, elle eut mal à cette pensée.

- Isaac est venu s'excuser aujourd'hui, n'est-ce pas ? Sinon tu aurais été aussi aussi énervée qu'une lionne défendant son territoire. J'ai connaissance du contenu mais pas de la forme. Donc je ne sais pas si vous vous êtes disputés comme vous savez si bien le faire ou si vous vous êtes parlés comme des adultes.

Ils s'étaient comportés comme des adultes cette fois-ci, mais incapables de prendre une décision digne d'eux.

- En tout cas, tu sembles les avoir acceptées. Merci.

Seconde gifle. La pensait-il si ignoble ? Certes elle lui avait déjà balancé qu'elle n'avait pas besoin d'excuses de sa part, mais jamais elle ne lui aurait craché à la figure, qu'elle n'en voulait pas ou qu'elle ne les acceptait pas une fois dîtes ... Elle eut honte en plus d'avoir mal.

- Mais il y a bien une chose qu'Isaac a dû taire devant toi et qu'il ne te dira sans doute jamais. Tu ne l'as pas détruit, Julianne. Une femme ne peut pas le détruire. Seule sa famille le peut.

Elle savait les sentiments extrêmement forts qu'il portait à ses grands-parents. Surtout à Rosalie. Et c'était là où elle avait frappé. Fort.

- Tu n'as fait que le pousser vers le précipice, parce que tu savais qu'il était déjà déglingué depuis des années. Tu connais sa relation avec son père, son mutisme envers sa grand-mère et cette impression de raté qui ne le quitte jamais. Tu as choisi le sujet de la famille pour mieux l'atteindre et le forcer à se hair, encore plus qu'il ne se hait déjà. Et ça je crois bien que je ne te le pardonnerai jamais, Julianne.

Elle soutint son regard, malgré le fait que son coeur se serrait dans sa poitrine. Elle ne devait pas flancher. Elle ne regrettait rien de ce qu'elle avait fait et dit. La balle n'était plus au centre parce qu'il n'y avait plus de bataille dorénavant. Mais ils étaient à nouveau à égalité.

- Les femmes sont la plus grande faiblesse des hommes. Elles peuvent leur donner un aperçu du Paradis tout comme elles peuvent leur faire goûter les brasiers de l'Enfer. Tu n'es certainement pas la faiblesse d'Isaac, mais tu as réussi à le plonger en enfer. Dans celui de l'enfant qui se sent indésiré. De l'enfant qui se considère coupable de la mort de sa mère, du malheur des siens et de l'absence du père.

Coupable, tu es.

Elle avait découvert l'Isaac déboussolé. L'enfant détruit en lui.

- Depuis son adolescence, il avait bâti son monde pour se protéger. Un monde fragile, craquelé de partout mais un qui le protégeait suffisament pour ne pas avoir envie de se taillader les veines quand il ouvrait les yeux sur sa situation familiale.

Rien que l'imaginer avoir cette pensée horrible brûla son coeur. Un homme aussi fort que lui ne pouvait pas avoir ce genre de pensées.

Tu les lui as soufflées...

- Il avançait du mieux qu'il pouvait en taisant ses plus grandes peurs mais tu as réussi à les lui balancer en pleine face. Pour qu'il ouvre les yeux en même temps qu'il s'ouvre les veines. Je ne doute pas de la violence de tes mots et de la hargne que tu as dû mettre dedans. Tu excelles dans ça face à Isaac et tu es tellement douée que tu as gagné la guerre, Julianne. Tu as déraciné, mon frère, lâcha-t-il, les yeux humides de douleur et de colère.

La vue de ces larmes fit jaillir celles qu'elle retenait depuis un moment. Il avait parlé avec un tel calme qui lui avait fait froid dans le dos.

- Tu l'as complètement déraciné. Tu as confirmé toutes les craintes et certitudes que l'enfant qui sommeille en lui couve. Tu as donné raison à toutes ses peurs et certifié la si misérable opinion qu'il a de lui. A un tel point qu'il a quitté sa maison.

Non...

Elle sentit clairement le sol trembler sous ses pieds. Bon sang ! Elle avait voulu les aider, de la manière la plus sombre qui soit certes, à recoller les morceaux en se rapprochant les uns des autres mais jamais elle n'avait souhaité qu'il s'en aille et brise cette famille encore plus qu'elle ne l'était. Elle l'avait brisé lui pour qu'ils aillent tous mieux mais en aucun cas pour qu'il brise toutes ses relations à son tour.

Le cerveau en surchauffe depuis ce matin, le palpitant à deux doigts de lâcher, elle avait donné tout ce qu'elle pouvait, tout ce qu'elle avait. Elle n'avait tellement plus de forces qu'elle ne pouvait même plus se tenir droite.

- Il a quitté les seules personnes qui l'aimaient vraiment pour les laisser vivre en paix. Parce que c'est ce qu'il pense depuis tellement longtemps et que d'autres sont venus lui donner raison et surtout lui procurer le courage ou la bêtise qu'il n'avait pas.

Elle baissa son regard face au poids du sien et à toutes les accusations qui la pointaient du doigt. Elle n'était plus de taille et elle reconnaissait être la coupable maintenant. Celle que tous avaient décrié et décrieraient à l'avenir.

Tu vas morfler, Juli.

- Je ne voulais ..., tenta-t-elle.

- Je ne sais pas ce que tu voulais. Si ce n'était pas ça, malheur à toi tes mots étaient destructeurs. En tout cas, on ne verra jamais un Isaac plus terrassé qu'il ne l'a été.

Elle serra ses poings contre son pantalon pour calmer la fureur qui grandissait en elle. Elle n'était pas ce monstre qu'il dépeignait. Et elle ne voulait pas se hair davantage. Et surtout pas pour lui.

- Je n'ai rien souhaité de tel, déclara-t-elle en vrillant son regard dans le sien.

- Mais en l'atteignant sur ce sujet, tu devais t'attendre à ce que ce sujet en particulier les brise tous. Parce que c'est leur faiblesse. Isaac est le noyau de la famille tout comme il était cette bombe à retardement. Et au lieu de la désamorcer, tu l'as aidée à exploser. Et ça, Julianne, ce n'est pas de l'amour.

Elle soutint son regard azur humide et colérique et finit par acquiescer. Oui, ce n'était pas de l'amour. Ce n'était pas l'amour que le commun des mortels ressentait pour l'être choisi. C'était leur amour. Un forgé à coups de blessures où les larmes versées avaient servi de ciment pour enraciner ce qu'ils se devaient de ressentir l'un pour l'autre.

C'était une calamité, une malédiction qui les avait enfoncés, écrasés jusqu'à ce qu'ils n'en peuvent plus tous les deux et reconnaissent qu'au lieu de déclarer un vainqueur, ils déclaraient deux perdants. Deux grands perdants.

- Tu sais, je me suis toujours dit que je n'avais pas besoin de ses excuses après tout ce qu'il m'avait fait. Je voulais juste qu'il disparaisse, le coeur piétiné et qu'il ait autant du mal à s'en remettre que j'en aurais. Mais quand il s'est présenté à moi ce matin aussi dévasté, j'ai vu l'enfant perdu et blessé derrière son corps d'homme. Et face à cette image, à ce regard sincère et à ces mots que j'ai toujours souhaité entendre, je n'ai pas fait le poids. Face à sa douleur et à sa détresse, notre passé s'est effacé. Ma haine et ma putain de rancoeur ont disparu, Thomas. Je me fais pitié parce que je suis incapable de lui tenir tête maintenant.

Elle baissa la tête sur ses aveux. Elle n'avait plus de secrets dorénavant, ni pour elle ni pour lui. Elle lui avait dévoilé ses pensées les plus intimes et les avoir formulées l'avait aidée à leur donner tout le poids et l'attention qu'elles méritaient.

Elle sentit qu'il approchait et vint se poster tout près d'elle. Puis d'une main incertaine, il releva son visage, pour y planter un regard soulagé dans le sien, totalement vide dorénavant.

- Tu n'avais pas besoin d'excuses pour que ton ressentiment disparaisse, Julianne. Tu avais besoin de voir le vrai Isaac. Et l'avoir vu ne pouvait pas te laisser de marbre.

Un petit rire nerveux franchit la barrière de ses lèvres et elle recula, faisant retomber la main du brun.

- Il faut qu'il retourne auprès de Rosalie. Il n'est rien sans sa grand-mère, fit-elle en essayant de reprendre contenance.

Et surtout changer de sujet.

- Rosalie doit être complètement brisée par son départ et têtu comme il est, j'imagine qu'il ne lui a même plus reparlé depuis ...

- Julianne...

- Il faut que tu lui en parles, Thomas, le coupa-t-elle avec frénésie. Il faut que tu lui demandes de revenir...

- Juli ! Ce n'est pas de ça dont il a besoin, lui apprit-il en la choquant.

Un homme comme lui avait besoin d'une seule chose dans sa vie : sa famille.

- Il a fait face à deux blocs ces dernières semaines. Et ce que tu ne réalises pas c'est que tu es celle dont il a le plus besoin. Sa famille le soutiendra quoi qu'il fasse, il la retrouvera toujours. Avec toi, il n'aura pas d'autres chances et il le sait. Alors il s'applique du mieux qu'il peut pour te retrouver.

" Tu es dorénavant le seul pilier dans ma vie."

Toute cette obsession à son égard depuis les débuts prenait sens maintenant. Elle était devenue un pilier de sa vie, que ce soit en bien ou en mal, elle l'avait aidé à garder un équilibre.

"J'ai perdu les miens, Juli, mais toi je ne veux pas te perdre. Surtout pas toi."

"Je n'ai plus la force de te rejeter."

Ces souvenirs pansèrent ses plaies. Ses mots étaient tellement poignants qu'ils la ramenaient à la vie d'eux-mêmes. Le véritable Isaac laissait de côté sa fierté et sa propre famille pour se dévoiler à elle et la supplier de rester auprès de lui. Et c'était énorme. Autant pour elle que pour eux deux. Pour qu'il présente une telle supplication, il devait être à cran et à la fois déterminé sur ce dont il avait besoin pour guérir.

C'est toi, Juli.

Son coeur se mit à battre la chamade, déchaînant un sang brûlant de vie et d'amour dans ses veines. La revigorant instantanément. Si l'Isaac orgueilleux s'était effacé pour laisser vivre le vrai qui sommeillait en lui, en disparaissant il avait indéniablement emporté avec lui la Juli fière qui aurait préféré mourir plutôt que de reconnaître le bien-être que cette simple idée faisait naître en elle. En se dévoilant de la sorte, il avait fini par ressusciter celle qu'il avait lui-même tué. La Julianne de dix-sept ans était de nouveau là. Celle qui était attentive à sa douleur, celle qui cherchait à le soulager et à faire naître son sourire.

Me voici, Isaac.

Elle contourna Thomas et s'avança vers la voiture. Il était temps de rentrer maintenant.

Lorsqu'il se gara devant chez elle après un court trajet s'étant déroulé dans le silence le plus absolu, elle allait prendre la parole pour le remercier lorsqu'il la devança :

- Je ne veux pas que tu rentres chez toi en pensant que je ne me soucie que d'Isaac. Je me soucie de vous deux et pardonne-moi pour la manière dont je t'ai parlée aujourd'hui, s'excusa-t-il en lui prenant la main. Ta souffrance est à mes yeux aussi douloureuse que celle d'Isaac. Ne pense jamais le contraire, Juli. Cet amour vous colle à la peau depuis des années et il est temps de le laisser vivre.

Elle acquiesça, le coeur en vrac.

- J'irai Thomas, annonça-t-elle en regardant droit devant elle.

Elle le sentit revivre et reprendre des couleurs. Une lueur de soulagement fit briller le regard qu'il avait vrillé sur elle.

- J'irai voir Isaac pour tout lui expliquer.

Et tandis qu'elle sortait du véhicule pour rentrer chez elle, elle le sentit se tendre de nouveau, une peur naissant de nouveau dans son regard. 


Bon. Ce chapitre est un peu long, je l'avoue. Mais je n'avais pas envie de le couper en plein milieu parce qu'il n'a pas de cliffhanger de malade ou une apparition fracassante du ptit Isaac.

 J'essaierai de poster la suite rapidement, il me faut un peu de temps pour relire et écrire la suite, puis je posterai le pdv d'Isaac. 

En tout cas, j'espère que votre rentrée s'est bien passée, même si c'est pas toujours évident. Dans quelle classe êtes-vous ? Collège ? Lycée, Fac ? Profession ? oui, oui c'est bel et bien un interrogatoire, mais j'aime en apprendre sur vous :D Pour ma part, je suis en master droit public à la fac de Nanterre. ( plus de secrets entre nous :p )

A bientôt et merci pour tout ! <3 <3

Célestine. 

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