~~ Chapitre Quarante-Huit partie 1 ~~
Allongé sur le ventre et encore à moitié endormi, il ressassait les souvenirs sexy de cette nuit.
Se souvenant du corps chaud et souple collé au sien, il laissa sa main s'aventurer du côté droit du lit. A la recherche d'une silhouette sexy à plaquer contre la sienne. Sa paume serpenta sur des draps anormalement froids et bizarrement elle ne rencontra aucun obstacle à son aventure. Aucune hanche dévoilée à caresser, aucune fesse à attraper, aucune taille à agripper. Rien du tout. Signifiant par là qu'aucun autre corps mis à part le sien ne figurait dans le lit.
A ce constat, les vapes dans lesquelles il était toujours se dissipèrent aussitôt et il ouvrit automatiquement les yeux, la tête sur le côté. Une angoisse lui enserra l'estomac. D'un coup d'oeil il nota rapidement que ses vêtements n'étaient plus posés sur la table de chevet.
Où Julianne avait-elle bien pu passer ?
Il rabattit la couette sur le côté, se fichant complètement qu'un pan se retrouva dorénavant au sol et il l'appela en se dirigeant vers la cuisine.
- Julianne ?
A son grand dam, personne ne se trouvait dans la cuisine, derrière les fourneaux. Tournant la tête vers le couloir, il ne perçut pas non plus de bruit d'e au venant de la salle de bain. Mais ne savait-on jamais, peut-être avait-elle fini de se doucher. Il toqua deux fois. N'obtenant aucune réponse, constat qui ne fit qu'augmenter le nœud d'angoisse logé dans son ventre, il ouvrit la porte pour y découvrir aucune âme qui y vive.
Un frisson glacial grimpa le long de son dos, lui faisant comprendre qu'elle était bel et bien partie. Et lui faisant paradoxalement réaliser l'étendue des dégâts et l'état de son cœur devenu totalement dépendant.
La colère et le regret montèrent en lui à grande vitesse, serrant ses poings, blanchissant ses jointures et embrouillant ses pensées. Lui donnant envie de mettre le bordel dans sa chambre à l'image de celui qui régnait dans sa tête.
Il était clair qu'ils n'étaient pas un bon petit couple adepte de la discussion mais elle aurait pu le réveiller avant de partir ou au pire des cas lui laisser un mot, comme dans chaque série idiote qui passait à la télé. C'était ce que les gens faisaient habituellement alors pourquoi Julianne ne pouvait-elle pas pour une fois dans sa vie, répondre à la norme humaine ?!
Complètement largué, il passa une main rageuse dans ses cheveux. Aussi bonne et bienveillante puisse-t-elle être, elle lui démontrait encore une fois le peu de considération qu'elle avait pour lui et la non-réciprocité des sentiments qu'il s'était mis à ressentir. Pour lui, il ne pouvait y avoir d'autres actes plus parlants. Déjà qu'hier soir, accepter de dormir ici lui avait arraché la bouche, filer dès la première lueur matinale avait dû lui paraître être un grand soulagement.
Et bon sang, même s'il n'était pas du tout d'accord avec son initiative, quelque part, au fond de lui, il pouvait la comprendre. Il savait être difficilement supportable par moment. Et s'il devait être honnête avec Julianne et avec lui-même, la première chose qu'il aurait avoué était de fuir bien loin.
Mais avant de penser à Julianne, il pensait à lui et à elle. Faisant de cette combinaison une union qui donnerait un détonnant « nous ». Et parce qu'il y avait un « nous » implicite entre eux depuis des années et explicite par moment, il était obligé d'agir pour elle parfois. Parce qu'au regard du connard qu'il avait été, s'il n'agissait pas pour eux, elle ne le ferait jamais.
Sur cette vérité amère et quelque part méritée, le cœur en vrac et l'esprit embrouillé, il se tourna vers la cuisine avec l'ambition de se servir un grand verre d'eau. Au même moment, il entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Il regarda en direction du couloir pour y apercevoir une Julianne Davis toute fraîche et toute souriante habillée de son manteau de Chaperon rouge.
Il sentit son palpitant se détacher et tomber dans ces fonds insoupçonnés, amenant avec lui la douleur du souffle revenant. Figé comme une statue de sel, il n'eut même pas la force de s'avancer vers elle et la vit venir à lui, une mine radieuse.
Merci mon Dieu de me l'avoir rendue.
Aphone, il ne put que l'accueillir à lui et respirer à fond cette fragrance coco qui était son antidote. Un léger sourire aux lèvres, des yeux ambrés pétillants, elle s'approcha de lui pour venir déposer un baiser aussi léger qu'une plume sur sa joue.
Ne pouvais-tu pas dévier sur mes lèvres, Davis ?
- Je nous ai apporté le petit dèj, Isaac ! J'espère que tu as bien faim, lança-t-elle en sortant ses victuailles de son sac.
Il la vit s'installer et poser sur la table le plateau contenant deux grands bols de lait qu'elle venait de servir ainsi qu'un grand pichet de jus d'orange. Et tandis qu'elle s'affairait à le servir en premier en tant que jeune femme bien élevée, il ne put détacher son regard de son visage amusé par toutes les viennoiseries qu'elle leur avait offert. Ses grands yeux ambrés pétillaient de malice et de gourmandise et tout son corps respirait la tranquillité. Ne se doutant pas un instant de la tension qui habitait le sien. Ne soupçonnant pas un instant la douleur qui persistait dans son palpitant.
L'avoir de nouveau devant les yeux et à proximité de lui ne changeait pas la donne et ne lui donnait pas non plus d'indices quant à la suite.
- Tiens, Isaac, dit-elle en lui tendant un grand verre de jus d'orange ainsi qu'un croissant encore chaud.
- Merci.
Il porta son verre à ses lèvres pour dessécher sa bouche. La soirée et la nuit avaient été beaucoup plus simple, laissant leurs corps communiquer parce que leur cerveau étaient bien trop fatigués pour le faire ou alors pour compliquer la chose.
A son départ d'hier, il avait très bien compris sa vision de la suite de leur aventure. Elle était venue lui demander pardon, non pas pour repartir sur de bonnes bases et donner un nom à leur relation. Non, Julianne Davis était venue pour s'excuser et complètement sortir de sa vie parce qu'elle devait se douter que lui ne la laisserait pas partir de la sorte.
Il but une autre gorgée, n'ayant pas le cœur d'avaler quelque chose de sucré contrairement à Julianne qui entamait son croissant aux abricots avec appétit. Il fallait qu'il se détende. Elle était là, devant ses yeux, bien portante et apparemment de bonne humeur.
Elle croisa son regard tourmenté et fronça les sourcils. Il frissonna, sentant ses paumes devenir moites. Il ne fallait pas qu'elle sente son trouble et qu'elle permette à son cerveau de tourner à cent kilomètres par heure. Julianne était si compliquée comme fille qu'au lieu de penser comme tout le monde, elle prenait toujours en compte tellement de paramètres qu'elle se retrouvait la plupart du temps à côté de la plaque.
Comme hier lorsqu'elle avait voulu partir de l'appartement, ayant tristement compris qu'il avait souhaité qu'elle s'en aille. Comment avait-elle pu penser de la sorte alors qu'il l'avait carrément harcelée pour qu'elle reste la nuit ? Parce qu'il savait tous les scénarios qui s'étaient délicieusement dessinés dans sa tête.
La seule chose dérangeante s'avérait être le sommeil introuvable en étant loin d'elle. Il avait bien essayé de s'allonger vingt minutes sur le canapé mais impossible d'être paix en la sachant aussi près de lui, tout en étant inatteignable par leur situation, par leur croyance. Qu'importe le dernier critère, il ne comptait pas la faire vibrer de plaisir, seulement avoir la satisfaction de la tenir dans ses bras l'espace d'une nuit. C'était déjà énorme pour deux extraterrestres comme eux.
Et il l'avait eu cette satisfaction. Bon Dieu qu'il avait été heureux, complètement aux anges. L'avoir tenu serré contre lui, avoir senti ses courbes contre lui, mélangé leur chaleur l'avait comblé au-delà du descriptible. Et comme un camé, il en avait profité toute la nuit. Lorsqu'il avait été persuadé qu'elle était profondément endormie, il l'avait doucement retournée vers lui et tout aussi doucement l'avait collée à lui pour qu'il n'y ait plus aucun espace inacceptable entre eux. Et quel avait été son contentement lorsqu'elle avait d'elle même coulé entre ses bras et entouré sa taille des siens. En bon psychopathe qui se respectait, il l'avait observée dormir tout en caressant joues et pommettes à volonté. Vers deux heures du matin, parce qu'il n'y tenait plus, il avait déposé une pluie de baisers sur son visage qu'il trouvait si attendrissant, pour finir par une tendre collision de leur bouche. Parce qu'embrasser Davis c'était comme se ressourcer et cela faisait bien un gros mois qu'il n'y avait pas goûté.
- A quoi est-ce que tu penses, Isaac ? Fit-elle en lui tendant sa moitié de croissant aux abricots.
Tu peux toujours courir, Davis.
Il resterait maître de ses pensées les plus joueuses. Touché par l'attention muette qu'elle venait de lui porter en ayant partagé cette viennoise qu'elle semblait apprécier, il la remercia d'un simple signe de tête. Sans cette action, il n'aurait rien avalé pour ce petit déjeuner mais comme ce dernier était celle de Julianne et qu'elle l'avait déjà à moitié entamé, il le digérerait plus facilement.
- Tu as bien dormi, cette nuit ? Questionna-t-il tout en mordant dans son croissant.
Un léger sourire orna ses lèvres, illuminant son regard. Elle acquiesça simplement.
- Oui, j'ai eu une nuit reposante.
- Tant mieux.
Bon sang qu'il avait envie de recommencer. De la garder au lit toute la journée, de ne pas sortir de cet appartement parce qu'ils y étaient bien tous les deux. A la voir mettre la table et manger à celle-ci, elle lui donnait cette impression dérangeante d'être la maîtresse de maison attitrée.
Sérieusement ?
A y regarder de plus près, il l'imaginait de plus en plus dans ce décor. Une pièce maîtresse de cette habitation.
- Pourquoi est-ce que ton sourire me donne l'impression que tu es en train d'imaginer une bêtise ?
Parce que c'était le cas, pensa-t-il avec une forte envie de ricaner.
- J'ai dépassé l'âge des bêtises, Davis.
Elle secoua la tête, pas le moins du monde convaincue.
- Permets-moi d'en douter, Evans.
Et comme un dangereux rappel à l'ordre, il se tendit. Il ne savait pas ce qu'elle insinuait par là. Si elle était toujours dans une optique amusée ou si elle faisait allusion à des échanges récents. Il ne le savait pas et c'est pourquoi, automatiquement avec un naturel déconcertant et à faire froid dans le dos, il sentit qu'elle faisait référence aux dernières révélations. Conclusion qui jeta un silence acide autour d'eux.
Voilà le nœud de l'histoire. Tous les deux s'étaient tellement rongés jusqu'à la moelle, que même lorsque tout irait bien entre eux, les petites piques taquines auraient toujours un fond de vérité, leur renvoyant en pleine figure leurs comportements passés.
Il ferma les yeux un instant. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il allait devoir devenir plus fort, plus résistant à ce bout de femme qui lui faisait face. C'était cela où elle allait détruire, sans le savoir, ses fondations bien usées.
- Qu'est-ce qui te tracasses, Isaac ? Demanda-t-elle en glissant vers lui son pain au chocolat qu'il accepta comme un automate, tandis que le croissant aux abricots restait intacte.
Il avala difficilement sa bouchée tandis qu'elle récupérait son croissant très peu entamé.
Elle sentait parfaitement qu'il n'était pas comme habitude. Mais il ne parvenait pas à sortir de son mutisme parce qu'il ne savait pas du tout comment agir. Ce n'était pas tous les jours qu'il s'excusait en premier pour ensuite recevoir les regrets de la brune qui lui faisait face. Ce n'était pas tous les jours que l'on réalisait porter des sentiments qui dépassaient notre entendement pour une personne toujours attirée par vous mais qui ne semblait plus partager la fougue qui vous animait.
Alors, certes un mois et demi plus tôt, il avait décidé d'agir en prenant les devants, lui envoyant des textos exigeants pour qu'elle rapplique rapidement chez lui au dîner, mais après leurs cris, leurs larmes et enfin leurs dépôts d'armes final, il était complètement largué.
Il s'était certes mis à nu pour lui dévoiler ses pensées les plus intimes, mais il ne trouvait pas le courage nécessaire de lui demander de rester et de reprendre à zéro. De mettre des mots sur ces pensées qui le fouillaient et mettaient un bordel sans nom dans sa tête. De pouvoir lui demander si elle voulait, après tout ce temps, devenir sa petite-amie. Clairement sortir avec lui et faire tout ce que cette expression impliquait.
L'ancien Isaac, le plus joueur et égoiste, cherchant à sauver sa peau et sa fierté, l'aurait obligée par tous les moyens à rester et à subir la relation qu'il aurait décidé pour eux deux. Et jouant de son physique et des sentiments qu'il savait très bien qu'il faisait naître chez elle, il l'aurait gardée prisonnière de cette forteresse jusqu'à ce qu'il en soit lassé.
Mais le censé, celui qui tenait compte de leur évolution et respectait la brune qui était en train de finir sa tasse de chocolat, savait qu'il devait marcher intelligemment au risque de la voir partir après l'avoir recalé de la plus polie des manières. Mais tout en le sachant et mesurant l'urgence de la situation, il ne trouvait pas les mots adéquats en plus de sentir le courage nécessaire.
Il était un tel incapable face à elle.
- Isaac, le repêcha-t-elle de ses angoisses.
- Tout va bien, Julianne.
- Est-ce que tu penses à Rosalie ? Demanda-t-elle avec un léger sourire.
Relevant la tête derechef, son regard se lia automatiquement au sien. Rosalie ? Pourquoi devait-il penser à sa grand-mère dans un moment pareil. Elle comprenait encore une fois la situation de travers.
- Non, je ne pense pas à elle, souffla-t-il en se passant une main dans les cheveux et en terminant d'un trait son verre de jus.
- J'ai été vache ces derniers temps, commença-t-elle.
Il la fusilla du regard, lui interdisant de continuer. Ne comprenait-elle pas qu'il ne lui en voulait plus du tout ?
- Mais tu peux m'en parler, Isaac. Je serai là pour t'écouter.
Etait-elle sérieuse ?
- Qu'importe ce que notre histoire nous a rapporté, qu'importe ce que j'ai pu te raconter quand on était au parc, je serai toujours là pour toi quand il s'agira de Rosalie. Parce que votre lien est beau et il doit durer. Il compte à mes yeux et doit compter aux tiens.
Il ne voulait pas aborder ce sujet avec elle,surtout quand il sentait les remous de la colère et de la douleur en lui. Le ramenant de force à cette soirée dérangeante de vérité où ils avaient fait tomber tous les masques et parler à cœur ouvert, qu'importe les torrents qui se déversaient de leurs yeux fatigués de toute cette mascarade.
Il n'était pas prêt à aborder ce sujet. Et même quand il le serait, Julianne serait bien la dernière avec qui il échangerait. La honte était encore bien présente en lui, comme apposée à lui comme une seconde peau.
Il la vit faire tounoyer son verre vide, les yeux ambrés rivés sur les motifs du contenant et en déduisit simplement qu'elle était gênée par ce qu'elle s'apprêtait à dire. Et il sut qu'elle parlerait quand elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille droite.
- Même si je voulais te voir à genoux et blessé, je voulais aussi te secouer pour que tu remarques le silence douloureux que tu as imposé aux tiens. Et étant donné que c'était notre dernière confrontation, assimilé à un aurevoir définitif, je ne pouvais pas détacher ma vengeance de ce conseil tordu que je t'ai donné. Il n'est pas trop tard, Isaac.
Il le savait et maintenant il en avait la certitude inébranlable : En le laissant pour mort, elle lui avait donné les clés pour guérir. Paradoxal tout comme Julianne. Tout en lui exposant ses vérités honteuses, elle l'avait reboosté pour qu'il aille tout remettre en place dans sa famille parce qu'il était le seul capable d'agir. Elle ne pouvait avoir insisté sur la condition de Rosalie et d'Erwan de la sorte, sans souhaiter ardemment qu'Isaac réagisse et le plus vite possible pour sauver les siens quitte à ce qu'il y laisse sa peau. Pour les Alonzo-Evans, Julianne n'aurait aucune pitié pour lui. Etant prête à tout pour qu'ils aillent mieux, quitte à ce que le brun y laisse sa peau.
Et pour cette attention, que peu d'individus pouvaient porter à d'autres en dehors de la sphère familiale, il ne pouvait qu'être reconnaissant et plein de gratitude envers elle.
Toi aussi, tu es un grand paradoxe...
Et pris au piège comme la fois dernière qu'ils avaient abordé ce sujet, il n'était plus en mesure de mettre fin à cette discussion sous peine qu'elle se referme comme une huître ou pire qu'elle s'en aille , blessée et agacée par son entêtement.
Prisonnier des sables mouvants qui étaient fanatiques de Julianne Davis, lui vouant un véritable culte, il cousit ses lèvres au fil rouge des sentiments brûlants qui lui étreignaient la poitrine depuis ses dix-sept ans. Et s'apprêta à souffrir en silence, à se torturer par une énième déchirure de plaies qui ne cicatriseront jamais.
Retiens-le Julianne, mon silence est un je t'aime criant.
N'hésitez pas à commenter :) J'aime vous lire ~
A bientôt pour la suite et merci pour tout,
Célestine.
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