~~ Chapitre Quarante ~~

Bonsoir à toutes, me voici de retour avec un chapitre du point de vue de Julianne :) J'espère qu'il vous plaira. Bonne lecture. :)

Chapitre Quarante.

Confortablement installée dans son bureau, en ce mardi matin, Julianne tapait son dernier rapport sur l'exposition des œuvres de peintres coréens ayant eu lieu il y a une semaine à l'Institut Coréen de Paris. Dossier qu'elle devait rendre exactement dans une heure. Et il ne lui restait que très peu de temps pour le finaliser et faire une dernière lecture pour vérifier les fautes et la syntaxe. Habitude de classe prépa. Elle s'octroyait toujours quinze minutes à la fin pour tout peaufiner et cela ne lui avait jamais joué de tours.

Chose faite, elle se dirigea vers la salle de réunion où elle et ses collègues présenteraient les activités et événements qu'ils avaient tenu lors de ce mois de Novembre. Pour sa part, elle en avait tenu deux, un toute seule et un avec Tae Kim, son collègue qui la rejoignit cinq minutes après qu'elle soit entrée dans la pièce, à la moquette bordeaux et aux murs beiges.

Une heure et demi plus tard, le tour de table ayant eu lieu et son chef d'équipe étant satisfait des comptes-rendus, ils pouvaient maintenant aller déjeuner, pour le plus grand bonheur du brun qui mourrait de faim.

- Sérieusement, Julianne, j'ai tellement faim que je crois que je pourrais manger une vache, avoua-t-il.

Elle sourit face à sa confidence. Pour sa part, elle n'avait pas très faim mais était opérationnelle à l'accompagner tant qu'il l'emmenait dans un bon restaurant.

- Qu'est-ce qui te donne envie, Julianne  ?

Elle réfléchit quelques instants en balayant l'avenue du regard, faisant le compte, jusqu'à ce que son regard ne se pose sur une vitrine colorée.

- Un Indien  !

Son sourire fit naître le sien et il s'exclama en lui prenant le poignet et en l'entraînant à sa suite  :

- Va pour du Indian Food  !

Ils trouvèrent rapidement une table pour deux, entourés de statuettes de dieux indiens et de tableaux de monuments historiques, le Taj Mahal y figurant en premier. Magnifique œuvre d'art qu'il était  !

Après avoir passé commande, un plateau de poulet tandoori accompagné de samosas aux légumes et une assiette de riz basmati, elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Des nœuds de tension s'étaient logés dans ses dorsaux et ses trapèzes et ne voulaient plus la quitter depuis Dimanche. Cela rajouté au fait qu'elle ne faisait même plus ses nuits, elle ne pouvait pas se vanter d'avoir bonne mine. Le maquillage lui redonnait un peu de vie mais comme elle était très loin d'être une pro, tout était visible.

- J'ai acheté mon billet de retour, l'informa-t-il en buvant son cocktail.

- Ton départ prend forme, ça fait tout bizarre, confia-t-elle en le regardant apprécier son breuvage.

- Ouai c'est vrai... Je vais commencer ma valise cette semaine pour faire le tri entre ce que je garde et ce que je pourrais donner à Emmaus.

Sa bonté d'âme la fit sourire. Son contrat de travail avec l'Ambassade allait prendre fin en Janvier. Leur cheffe lui avait bien évidemment proposé de le renouveler mais il avait refusé, avançant le besoin de retrouver son pays et son peuple. D'autant plus que sa mère lui parlait de plus en plus de mariage vu qu'il approchait de la trentaine. Là où un mariage arrangé semblait compliqué et difficile pour l'européenne qu'elle était, Tae Kim n'avait jamais eu de problème avec cette conception de la vie. Tant que la coréenne partageait des principes qui lui étaient chers.

- Si tu as besoin d'aide, n'hésite pas, proposa-t-elle en portant son verre à ses lèvres.

- Tu ne m'ignoreras pas comme Samedi, hein, lança-t-il rieur.

Percée à jour.

- Une soudaine visite d'amis de Rouen, mentit-elle spontanément.

Il acquiesça et ne posa pas davantage de questions, parlant de sa mère et de sa cousine qui venait d'avoir un fils. Et tandis qu'elle terminait son repas et qu'elle répondait à son interlocuteur en hochant ci et là de la tête, les souvenirs de ce weekend remontèrent à la surface.

Après son ultime discussion avec Isaac, elle était rentrée chez elle et comme prise par une soudaine pulsion de propreté, elle avait fait un grand ménage chez elle. Elle avait oeuvré pour du renouveau et elle l'avait obtenu. Après avoir dépoussiéré la maisonnée et lavé les carreaux et le sol, elle s'était précipitée sous la douche pour se laver elle, sentant encore sur elle, des heures après, la pression des doigts masculins sur sa nuque et une pression sur ses lèvres. Et elle n'en voulait plus.

Elle avait frotté sa peau sous l'eau jusqu'à la rendre douloureuse, repassant trois fois avec la fleur de douche. Elle en était ressortie, rouge, la peau toute frippée et les lèvres groseilles après les avoir  brossées avec sa brosse à dents. Il y avait un goût et une pression en particulier dont elle ne voulait plus se souvenir.

Mais s'il y a une bien une chose qu'elle voulait garder à tout jamais dans sa mémoire, c'était bien leur dernière conversation, quand bien même le goût de leur relation disparaîtrait un jour, comme toute chose.

Elle avait été ignoble, elle en avait conscience. Lui dire que sa famille avait certainement à des moments souhaité qu'il ne soit jamais né pour sauver Katrina était odieux. Mais il y avait dans ses propos une part de vérité que la bienséance encourageait à taire à tout jamais. Tout en ayant mis Isaac au pied du mur et face à sa réalité concernant sa relation avec Rosalie et Erwan, elle lui avait donné des pistes pour avancer. Alors oui, c'était osé et culotté de lui avoir balancé tout cela avec de la haine à revendre et un regard à déterrer les morts, mais, même en se retirant de sa vie et en lui plantant un poignard en cœur, elle lui avait donné les moyens de rétablir un semblant d'équilibre. S'il trouvait les bons mots et ceci ne dépendait que de lui. De personne d'autre.

Alors oui, une part d'elle se disait qu'elle était haissable de lui avoir administré ce poison dans les veines. Elle avait vu la douleur dans ses yeux et des larmes poindre dans ses deux gouffres. Elle avait vu les dégâts irréversibles qu'elle avait causé. Elle les avait sentis au plus profond d'elle mais elle s'était barricadée, protégée comme elle avait pu, en érigeant des remparts de haine. Une haine si profonde qu'elle avait craché tout son venin en prenant un plaisir malsain à le voir pour la première fois aussi démuni et à en triompher. Mais ce sentiment corrosif ne l'était toujours pas assez pour qu'elle puisse aller jusqu'au bout et le faire tomber à genoux, en larmes. Comme un vaincu présentant son honneur au vainqueur dans le but d'être épargné.

Elle n'avait pas pu aller jusque là. Parce qu'elle était une faible tout en étant forte et peut-être le serait-elle toujours face à lui. Et parce qu'un jour, il avait été pour un laps de temps très court son Isaac, son chéri et le garçon dans les bras duquel elle avait lors de quelques étreintes, trouvé du réconfort, elle lui avait donné des pistes pour qu'ils aillent tous mieux. En utilisant des mots qui blessent et qui réveillent, elle en avait fait un puissant electrochoc qui réveillerait Isaac et le ramènerait à la raison pour qu'il ne détruise pas tout entre lui et Erwan. Tout était à construire entre eux.

Et en y réfléchissant bien, c'était bien grâce à lui, qu'elle avait pu aller jusqu'au bout tout en gardant ce masque froid qu'il lui avait appris à garder en toutes circonstances. En le cotôyant et en subissant ses humeurs variantes, il l'avait instruite et habituée à lui. A ses manigances, à ses stratégies. Il avait en partie fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui. Et elle, charmée, effrayée, totalement abrutie par ce mélange de sentiments corrosifs s'était laissée emportée par le tourbillon qu'était Isaac Evans. Elle s'était laissé prendre par la tempête pour atteindre le cœur de celle-ci et enfin bâtir son propre contrôle.

Comme si derrière la haine qui grondait entre eux, le silence et la douleur tapis suppliaient l'autre de les renforcer tout en les blessant davantage. Plus ils s'étaient fait du mal et plus ils s'étaient rapprochés. Elle lui montrant qu'il l'atteignait et qu'elle se nourrissait de sa propre douleur pour l'atteindre en plein cœur. Et lui, bon sang, lui il lui apprenait tout  ! Distillant un tel poison dans l'air comme s'il souhaitait qu'elle s'en serve contre lui.

C'était bien ça  !

Elle avait bien l'impression que depuis qu'ils se connaissaient, il n'avait fait que ça. Lui insufflant la douleur qui serait le moteur pour qu'elle lui réponde avec plus de hargne  !

S'en était-il rendu compte toutes ces années  ?

Elle ne pensait pas. Il était impossible qu'il ait compris cela. C'était bien trop subtil pour lui.

Revenue au bureau, tandis qu'elle s'aspergeait le visage d'eau froide pour se redonner du peps, le khol coulant sur ses pommettes, elle reconnut encore une fois qu'une partie d'elle ne pourrait que toujours aider Isaac. Malgré toute la haine qu'elle pouvait ressentir à son égard, combiné à cet amour qui s'accrochait à elle comme une sangsue avide.

Et si le Dimanche soir avait été tortueux car elle s'était forcée à penser toutes les deux minutes à autre chose pour ne pas laisser son esprit se diriger vers ce qu'elle venait de faire, au fur et à mesure de la semaine, une certaine paix avait pris possession d'elle. Elle n'était pas réparatrice, non. Elle parvenait seulement à la soulager. Semblable à un étau qu'on aurait retiré de sa poitrine lui permettant de mieux respirer. Le poids qu'Isaac avait été, l'obsession qu'il avait fait naître en elle, et l'amour qui avait jailli, tout cela semblait penser moins lourd et lui rendre une liberté de pensée qu'elle n'avait plus eu depuis un moment.

Elle se sentait comme libérée d'un fardeau.

Le mot était effrayant  !

Mais c'était ce qu'ils avaient été l'un pour l'autre et ce que leur relation était devenue. Un poids que l'un comme l'autre ne pouvait plus porter. Et si elle de son côté, devait ressentir ce soulagement, cela devait également être son cas. Tout le monde le tairait mais chacun le ressentirait au plus profond de lui-même.

Et qu'il en soit ainsi  !

Si ensemble ils étaient corrosifs et que séparés, ils étaient bien portants, alors qu'ils le restent jusqu'à ce que les deux guérissent.

La semaine suivante, elle aida Tae Kim à faire le tri des affaires qu'il souhaitait garder et de toutes celles qu'il voulait donner à Emmaus et songea même à inviter sa meilleure amie qu'elle n'avait pas revu depuis deux semaines maintenant. Et après tout ce qu'il s'était passé et tout ce qu'elle avait fait pour elle, Julianne se devait de reprendre contact. C'était ce qu'il fit le mercredi, elle lui envoya un texto aux alentours de quinze heures pour l'inviter à dîner le soir-même. Elles referaient une soirée pyjama comme les filles aimaient le faire pour se retrouver après longtemps. Elle n'obtint pas de réponse mais elle interpréta son silence comme un oui. Allez savoir pourquoi, son instinct de meilleure amie lui soufflait que sa Célia allait venir ce soir. Elle alla acheter des pop corn au caramel et commanda une grande pizza au chorizo accompagné de sodas. Au diable les calories  ! Elle avait envie de se laisser aller ce soir.

La pizza délivrée embaumait le salon lorsque la sonnette d'entrée retentit de nouveau, annonçant une visite. Elle se précipita pour y trouver, comme convenu, une Célia vêtue d'un joli manteau blanc et de collants noirs.

- Entre vite, ma Célia, il fait trop froid dehors, fit-elle en la laissant passer en première.

Elle la débarrassa de son manteau pour l'accrocher à la patère murale et revint de la cuisine avec leur pizza fumante et leurs boissons.

- C'est encore tout chaud et ça sent tellement bon que ça me donne faim, avoua-t-elle en souriant en voyant Célia s'installer dans le gros canapé bordeaux tandis qu'elle s'installait à même le sol sur le tapis doux et moelleux.

En hiver elle ne portait pas de chaussons chez elle, mais se promenait avec des grosses chaussettes en laines sur lesquels figuraient des petits chatons beiges. Gros et tordus mais trop mignons. Elle avait posé la paire de Célia à côté du canapé et cette dernière les avait revêtus.

- Merci de m'avoir invitée, Juli. Avec Jordan on pensait t'inviter à dîner ce week-end mais tu m'as devancée.

- Je passerais ce week-end s'il en a envie. Je n'ai rien de prévu de toute manière et nous retrouver tous les trois nous fera du bien, fit-elle en lui tendant une assiette et son coca.

Heureuse d'avoir enfin sa meilleure amie à ses côtés et se sentant libérée de toute relation corrosive et de secrets pesants, elle l'invita à trinquer sa canette contre la sienne, comme au bon vieux temps  ! Et au bruit que fit la petite collision elle sourit. Elles allaient renouer, comme les deux sœurs de cœurs qu'elles étaient.

- Je vais repartir en Irlande la semaine prochaine. Jordan m'a achetée un billet pour Dublin. Tu viendras me voir pour les fêtes de fin d'année ?

- Pour Noël ce sera compliqué mais j'essaierai de venir pour la Saint-Sylvestre et tu me feras visiter  !

- Avec plaisir, Juli.

Et tandis qu'elles mangeaient toutes les deux, Julianne lui parla du départ de Tae Kim et de la proposition qui lui a été faite à elle. Sa cheffe d'équipe lui avait offert l'opportunité de retourner travailler en Corée pour une durée de sept mois travaillant cette fois-ci dans l'ambassade de France en Corée du Sud en partenariat avec une licence de français à l'Université de Séoul. Le contrat de travail la tentait bien. Il lui permettrait de retourner à l'étranger et de renouer avec la culture coréenne. Et de rester plus longtemps en contact avec Tae Kim, cela allait de soi mais elle avait également ce besoin de rester en France pour commencer la nouvelle année. Pour avoir un pied d'attache et d'ancrage dans un pays qu'elle connaissait parfaitement plutôt que dans un pays qu'elle appréciait seulement. C'était peut-être poussée comme réflexion, elle n'en savait rien, mais elle restait tiraillée par ce départ. Ne se sentant pas totalement pour ni totalement contre.

Rends toi en Russie, tu seras dans le juste milieu  !

- A toi de voir. Si tu le sens, fais-le et si tu n'es pas tentée, n'y vas pas. Tu ne te sentiras pas bien là-bas, fit Célia en reposant son assiette, repue.

- Oui je vais y réfléchir, dit-elle se levant et en débarrassant la table.

Lorsqu'elle revint, avec un grand saladier remplie de pop corn et un grand sachet de Maltesers, elle retrouva sa meilleure amie en train de fixer son téléphone qu'elle avait laissé dévérouillé.

- Tout va bien, Célia  ? Fit-elle en s'adossant au canapé, les fesses posées au sol.

Elle n'était pas aussi bavarde et enjouée que d'habitude, mais Julianne mettait ça sur le coup de leurs dernières péripéties.

- Tu voudrais qu'on lance quel film  ? Dear John  ? PS  : I love you  ? Ou Sexy Dance  ?, proposa-t-elle en souriant.

A chaque fois que l'une déprimait, elle se retrouvait chez l'une ou l'autre pour regarder un film à l'eau de rose, romantique et triste à souhait tout en se gouinffrant de pop corn et de chocolats. Les deux remèdes à leurs maux ou leurs deux alliés pour fêter des retrouvailles. Et aujourd'hui, elle n'avait pas de besoin de remèdes, seulement de retrouvailles.

- Je ne suis pas tentée, Juli. J'ai besoin de te parler, annonça-t-elle en se tournant vers elle et en plantant son regard dans le sien.

Elle n'avait plus cette faible lueur bienveillante qu'elle avait aperçu dans ses yeux azurs tout au long de la soirée. Elle était on ne peut plus sérieuse, là tout de suite.

- Je t'écoute, Célia.

Sans savoir pourquoi et tout le sachant très bien, au fond d'elle, elle sentit son estomac se nouer.

- Nous avons fait équipe commune avec Johanna un certain temps. Mais tu t'es détachée de nous et tu as commencé à agir, seule, de ton côté. Ne prévenant personne. Je ne t'en veux pas pour ça. Tu as pensé gérer au mieux tout seul et je ne peux pas te le reprocher. Je sais qu'au fond de toi, tu pensais bien agir. Mais il y a quand même une différence entre Johanna et moi. Elle est une amie et je suis ta meilleure amie. Alors dis-moi depuis quand est-ce que l'on se cache autant de choses  ? Depuis quand est-ce que je ne suis plus digne d'être mise dans la confidence quand ma meilleure amie subie ou fait quelque chose de grave  ?

Le ton était donné et cela lui coupa le souffle. Sans savoir comment, elle comprit à l'instant même que Célia était au courant de son altercation avec Isaac. Bon sang, mais comment avait-elle su  ? Il était impossible qu'Isaac le lui ait lui-même dit, il ne ferait jamais ça.

Si Célia la prenait de front, ne lui laissant pas de porte de sortie- dire qu'elle en était arrivée à penser à cela, elle devait aussi lui répondre de manière sincère.

- Tu veux savoir ce que je faisais chez lui  ? Tu veux savoir si on a couché ensemble  ? Si j'ai des sentiments pour lui  ? Ce qu'on devient depuis qu'il m'a virée de chez lui en m'ayant dit que je méritais sa claque  ?

Sa meilleure amie resta stoique, continuant de la dévisager en silence. Elle l'invitait tout simplement à déballer son sac.

- C'est ça que tu veux savoir  ? Ou autre chose  ?

- Je veux que tu m'expliques tes derniers agissements, tout simplement. Je veux te comprendre.

Et cette requête lui fit mal, lui faisant réaliser à quel point elle s'était éloignée d'elle. Aussi à quel point elle avait été loin dans sa démarche. Célia, même en ne supportant pas Isaac, ne cautionnerait jamais ce qu'elle avait fait et dit.

Tu es un tel démon, Julianne.

- J'avais la haine contre lui, Célia. Mais pas une haine qui explose à la figure, c'était celle qui te ronge de l'intérieur et qui t'impose d'avoir un visage lisse. Elle n'explose pas parce que les autres ne sont pas à l'origine. C'était moi qui étais fautive. Moi qui me suis retrouvée chez lui parce que je ne pouvais pas lui dire non. Je ne voulais pas perdre la face et lui montrer qu'il m'atteignait encore avec ses putains de manigance. Et après ce qu'il m'a dit l'autre jour, j'ai compris qu'il fallait que j'agisse. Que je le fasse pour de bon. Parce que je n'aurais pas d'autres opportunités et parce qu'il fallait que je referme la boucle cette fois-ci. Si lui l'avait fait Célia, je ne m'en serai jamais remise. Il m'aurait tuée. Avec Isaac, la douleur est toujours la même. Elle te terrasse et en même temps elle te donne le culot d'agir à ton tour. Et c'est ce que je fais. Le lendemain de ma visite chez lui, avant que l'on ne se retrouve j'ai été chez lui pour récupérer mon téléphone et là j'ai su qu'il allait me donner le motif d'agir. Tu aurais dû voir son visage à ce moment là, Célia. Il paraissait tellement ravagé et je savais que je n'étais pas la seule cause de cet état. Son anniversaire approchait à grands pas et je me préparais à agir. J'avais déjà en tête ce que j'allais lui dire et où le faire. Devine l'endroit  ? Le parc qui se situe dans la rue longeant le cimetière. Je savais qu'il irait cette année. Il en avait besoin. Et je le chopperais dès sa sortie pour que je lui ouvre les yeux. Mais à vrai dire, sa visite a été rapide et c'est lui qui est venu à moi, comme s'il m'avait sentie. Comme s'il m'avait espérée. C'est dingue, hein, mais c'est ce que j'ai cru comprendre sur son visage et ça m'a motivée d'une manière effrayante, Célia. J'avais l'impression d'être animée par une telle haine et par un tel besoin de l'aider dans cette situation inextricable dans laquelle il est prisonnier depuis des années. Et parce que je connais son impasse et parce qu'il m'a fait comprendre qu'il m'a encore sous son emprise, Célia, tout en l'enfonçant et en le détruisant je lui ai donné la clé pour réussir. La clé pour reformer une famille, aider Rosalie et se rapprocher de son père. Je l'ai détruit pour me sauver moi et pour sauver les siens. Et je ne regrette pas. J'aurais pu agir d'une manière totalement différente pour mettre fin à notre putain d'histoire. Mais je ne voulais pas partir qu'en ne lui laissant qu'une énième marque. Parce que je sais que lui parti, je vais m'en remettre, je veux qu'après mon départ les Alonzo-Evans s'en remettent aussi.

Dès qu'elle eut terminé son long speech, déballé son sac, ouvert son cœur à sa meilleure amie, qu'elle avait fermé depuis longtemps, elle baissa la tête. Elle ne voulait pas lire dans ses beaux yeux toute la réflexion qui devait avoir lieu dans sa tête et tomber sur la conclusion avant qu'elle-même ne la comprenne. Elle allait attendre sa réponse. Sa sentence. Par le passé, elle avait déjà été ignoble avec Isaac, peut-être moins qu'il ne l'avait été avec elle ou peut-être plus qu'il ne l'avait été avec elle, elle n'en savait rien. Mais cette fois-ci, même si elle avait ses raisons d'avoir agi de la sorte, elle n'était pas pardonnable. Certaines choses pouvaient être pensées mais pas formulées. Et elle l'avait fait pour se sauver, pour rétablir un équilibre à leur relation chaotique. Non, pour établir une domination et la garder. Elle se savait coupable et acceptait ce qualificatif mais le lire dans les yeux de sa meilleure amie, de cette quasi-soeur qui l'avait toujours encouragée était bien difficile. Elle avait même envie de lui demander de garder ce qu'elle pensait d'elle pour elle ...

Le tumulte dans son cerveau prit fin de lui-même. Et son estomac se noua face à ce qui était en train de se passer. Des bras venaient de l'entourer dans une étreinte réconfortante, quasi maternelle. Et malgré toute la bonne volonté et les shoot de courage qu'elle s'était administré depuis une semaine, elle sentit ses barrières trembler.

-Je ressens ta lutte, ma chérie. Tu veux repartir sur de nouvelles bases mais tu es encore incertaine. Tu recherches un équilibre dans un monde où Isaac Evans n'existe plus.

- Je suis désolée d'être encore amoureuse de lui, Célia. J'ai fait tout mon possible pour mettre fin à ça. Mais il était partout. Dans mon passé, dans mon présent. Dans mes rêves les plus fous et dans mes cauchemars les plus sombres. Il était partout.

- Je ne t'en veux pas, tu n'as pas à te justifier des sentiments que tu lui portes. Je voulais juste te dire que dans notre monde à nous, Isaac n'existe plus. Il est l'ombre de lui-même.

Mission accomplie.

Elle le voulait détruit, elle l'avait. Et elle n'avait pas à être satisfaite de cette situation. Elle devait être indifférente et elle le resterait. Qu'importe ce que Célia lui rapporterait. Il était temps d'aller de l'avant.

Et face à son silence, Célia le comprit comme une invitation à continuer.

- Je l'ai vu il y a une semaine au centre-ville sortant du Monop'. Il avait l'air complètement effacé et pour avoir côtoyé Isaac pendant cinq ans, c'est une première. Il s'est fait bousculé par deux jeunes en roller et il n'a pas du tout réagi, peut-être qu'il n'a même rien senti. Il était totalement absent, perdu dans ses pensées. Et je les savais tortueuses. Il y avait une telle souffrance dans son regard éteint, comme s'il avait appris la mort de quelqu'un. Il était sur mon trottoir et j'ai eu tout le loisir de l'observer jusqu'à qu'il arrive devant moi et me découvre.

Elle observait Célia rapporter sa rencontre avec Isaac et elle pouvait lire sur ses traits, en plus d'entendre son ressenti, tout le trouble qu'elle avait ressenti face à un tel Isaac. Elle avait l'air profondément choquée.

- Il était tellement absorbé par ses pensées qu'il a mis des secondes à me reconnaître et à changer d'expression. Et au lieu de m'insulter ou me rabaisser comme à chaque fois, il n'a rien dit. Il m'a seulement regardée. Et je crois bien que c'étaient les secondes les plus longues de ma vie, Juli. J'avais l'impression qu'à travers son regard, il réalisait ou listait, j'en sais rien, tout ce qu'on s'était dit et fait depuis qu'ont se connaissaient. C'est super étrange mais c'est comme ça que je l'ai ressenti. Et pour qu'il ait réagi de cette sorte en m'ayant vu, j'ai compris qu'il s'était passé un truc entre vous.

Julianne acquiesça. Elle allait déballer le mal qui sommeillait en elle, dans toute sa splendeur.

- Qu'est-ce que vous vous êtes dit  ? Demanda-t-elle à voix basse, posant une main sur sa joue.

- J'ai été ignoble, Célia. Et peut-être que tu me détesteras pour ce que j'ai dit mais je ne regrette pas mes mots.

- Dis-moi, chérie, l'encouragea-t-elle.

Elle ne regrettait pas ses mots mais avait le plus grand mal du monde à les ressortir devant elle. Elle ne voulait pas que l'on caractérise d'ignoble. Tout sauf cela. Mais elle ne devait plus rien lui cacher pour ne pas laisser cette brèche entre elles grandir.

- Je lui ai dit qu'il était responsable de la mort de sa mère car c'était l'accouchement qui avait entraîné la catastrophe. Je lui ai dit qu'il devait avoir honte de ça et que toute sa famille avait sûrement dû au moins une fois pensé comme moi. Au lieu de la remercier pour tout ce qu'elle fait avait pour lui il avait fait de sa mère le tabou du siècle. Je lui ai dit qu'il ne pouvait qu'avoir honte de ce qu'il faisait, de ce qu'il était.

Il n'y avait plus aucun secret dorénavant. Et elle attendait comment est-ce qu'une fille aussi affectueuse et qui avait hâte de mettre au monde son premier enfant allait réagir.

- Pourquoi est-ce que tu l'aimes aussi mal hein  ? Pourquoi est-ce qu'il a toujours fallu que vous vous fassiez autant de mal alors que vous auriez pu être un couple comme Jordan et moi  ? Demanda-t-elle les larmes aux yeux.

- Avec nos fêlures, c'était impossible, Célia.

- J'espère qu'il se remettra de tout ça et repartira sur de bonnes bases.

Célia n'était pas mauvaise, loin de là. Mais pour qu'elle puisse souhaiter cela à son pire ennemi, elle avait dû le voir dans une très mauvaise posture. Et il était normal et préférable qu'il le soit après ce qu'elle lui ait dit. Comme chaque homme, il avait besoin de temps pour se remettre et celui-ci, la vie le lui offrirait. Donc, comme elle, il s'en remettrait. Ce n'était qu'une question de jours ou de semaines avant qu'il ne rebondisse. Et Isaac était un battant, il ne fallait pas l'oublier, il remonterait la pente rapidement, surprenant les siens. 


Lectrices de mon coeur, je posterai un chapitre du pdv d'Isaac dans le courant de la semaine prochaine, I promise ! 

Portez-vous bien et Njoy vos vacances ! 

Célestine. 

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