~~ Chapitre 28 Partie 2 ~~

Bonsoir à toutes ! Me voici un peu en avance pour la suite du chapitre 28 :)  Comme toujours pensez à recharger la page avant de la lire ;) Bonne lecture ! 

Ayant été mis au courant de l'identité du propriétaire du sac bleu aux rayures roses, il savait qu'il la verrait dans quelques minutes. Un nœud se forma dans son estomac. Son vœu de réveil était sur le point de se réaliser et pourtant il n'en était pas heureux. Voir son bagage et l'attente sur le perron laissait clairement sous entendre un départ futur. Et qu'on le ramène au bon sens avec un bon sceau d'eau froide sur le crâne, mais il avait espéré qu'elle passerait la journée avec eux. Oui, atteint qu'il était, il avait nourri l'espoir idiot et vain et surtout incompréhensible pour lui-même de la voir déambuler encore quelques heures dans cette demeure. Nous étions Dimanche, les températures étaient très agréables et il avait désiré clôturer le week-end sur un pique-nique. C'était certainement enfantin du haut de ses vingt-deux ans mais il en avait eu envie. Les pique-niques regorgeaient de bons souvenirs et il avait voulu inclure Julianne dans celui-ci. Un soudain besoin de l'avoir près de lui toute la journée.

L'étreinte d'hier lui avait clairement retourné le cerveau.

Certes ce souhait n'avait ni queue ni tête au vu de ses dernières paroles et agissements. Mais bon sang, il avait été si pathétiquement certain qu'elle allait passée toute sa journée avec eux qu'il s'était laissé aller à rêver de ce pique-nique avec sa meilleure ennemie. Il était déjà dingue de nature et cette pitoyable attente lui prouvait clairement qu'il avait atteint le prochain stade avec brio. L'équilibre mental lui filait entre les doigts et il aurait très bien pu ricaner de sa propre situation. Ce projet était tombé à l'eau au regard de l'état de Rosalie et Carlos et du départ de Julianne. Il restait certes Camélia et Erwan, mais eux deux ne seraient jamais parvenus à rééquilibrer la balance.

Secouant la tête, il inspira profondément et c'était ainsi qu'il perçut très nettement les effluves de coco qui venaient de se disperser dans l'air. Un frisson le parcourut. La rencontre allait se faire.

La bougresse l'avait fait longuement attendre.

Il avait à peine tourné la tête dans sa direction pour la regarder qu'elle passa en coup de vent à côté de lui. Ses yeux se fermèrent un instant tandis qu'il s'enivrait de ces notes gourmandes, le cœur revigoré. Elle continua d'avancer jusque la voiture et l'ignora royalement comme hier. Eberlué, il la vit poser deux autres sacs sur la banquette arrière. Chose faite, elle passa une main dans ses cheveux et entreprit de les secouer pour créer du volume. Puis, elle referma la portière et se mit à pianoter sur le clavier de son téléphone comme si elle se trouvait totalement seule. Face à son manège il comprit rapidement qu'elle faisait clairement exprès de l'ignorer. Elle avait bien remarqué qu'il était là, étant passée près de lui pour le contourner.

Sans gêne, il continua sa tâche d'observation. Agissant de la sorte, que tentait-elle de lui dire ? Qu'elle se moquait de sa présence ? Qu'il la désintéressait tout bonnement ? Que ce qu'il s'était passé hier n'avait pas d'importance pour elle ? Au vu de ses éclats de rire avec Camélia et de son insolence actuelle c'était ce qu'il devait comprendre et sans vraiment réaliser pourquoi son poing se serra. Ainsi, c'était tout : leur bulle d'hier avait été une erreur.

Si l'étreinte ne la concernait plus alors il en valait de même pour Isaac. Les baisers avaient été amusants et excitants mais ce n'étaient pas eux qui allaient les encourager à être amis ou amants. L'avoir vécu et y repenser lui procurait un certain bien-être mais pas assez puissant pour vouloir réitérer l'expérience, soyons francs. La personne en face était Julianne Davis, et il n'avait pas à s'adonner à ce genre de pratique avec elle. Leur relation avait toujours été plus ou moins chaste, n'étant jamais allée jusqu'à l'oreiller. Et s'il n'y avait pas eu d'échanges torrides avant, il n'y en aurait pas maintenant. Celui d'il y avait quelques heures avait eu lieu sous le coup d'une pulsion. Tous les deux n'avaient clairement pas été dans leur état normal sans quoi il n'aurait jamais vu le jour.

Retourne-toi.

Toutefois, même s'ils savaient tous les deux que ces quelques minutes étaient à jeter aux oubliettes ; il voulait qu'elle le regarde. Pas qu'elle lui parle, Julianne ne lui adressait jamais la parole d'elle-même et il le comprenait aisément. Elle n'avait jamais rien eu à lui dire. Il désirait simplement croiser son regard. Cette obsession ne l'avait jamais quitté depuis qu'il avait connu la brune. Il avait toujours cherché à se faire remarquer par elle, même lorsqu'elle le haïssait, il n'avait jamais digéré le fait qu'elle ne fasse pas attention à sa présence. Lorsqu'ils se retrouvaient dans une même pièce, il devait au moins croiser son regard une fois. Cela avait toujours été la règle de base pour lui. Qu'ils communiquent ou non, l'échange visuel devait avoir lieu.

Regarde-moi.

Qu'il soit effectué ou subi, il devait se faire. Il voulait qu'elle note sa présence et qu'elle l'accepte. Venant d'elle, il avait toujours tout accepté mis à part de l'ignorance. Il ne supportait pas. D'habitude, les efforts de la brune se voyaient clairement mais aujourd'hui il n'en distinguait aucun. Comme si ignorer Isaac ne lui coûtait plus et qu'elle pouvait aisément le faire, dorénavant. Le nœud dans son estomac se durcit. Comment pouvait-elle être autant indifférente à sa présence ?! Habituellement, elle n'y parvenait jamais totalement et là, après le cap qu'ils avaient franchi hier, elle semblait se désintéresser de lui avec aisance. Pas de raidissement de la nuque, pas de regard rivé sur un point. Rien. Un sourire aux lèvres qui atteignait ses yeux et des doigts qui pianotaient rapidement le clavier tactile.

Regarde-moi, bon sang !

Ce n'était pas seulement un désir puéril à assouvir, croyez-le. Il avait clairement besoin de croiser son regard, tellement qu'il serait aller jusque la prendre par les épaules et la mettre de force face à lui. Il avait toujours nécessité cette connexion visuelle lorsqu'ils étaient proche l'un de l'autre. Et aujourd'hui, il fallait qu'elle ait lieu. Il devait fouiller son regard, lire en elle pour trouver des réponses parce qu'à l'heure actuelle son corps n'était pas communicatif. Ajouté à cela, ce besoin était désespérant parce qu'il savait qu'il ne la reverrait pas de sitôt. Il n'avait pas de raisons valables de la retrouver. Elle ne côtoyait que rarement les amis du brun et de plus, elle avait quitté le groupe de lecture de Rosalie. Si leurs seules rencontres se déroulaient chez lui, ces dernières venaient de cesser. De plus, il ne la croisait presque plus à la gare. Alors, parce qu'il ne la reverrait certainement plus et qu'il n'oserait jamais aller chez elle ou organiser des retrouvailles, il fallait qu'il croise son regard. La parole qu'il avait espéré venait de se désintégrer face à son comportement.

A la toiser de la sorte et espérer un retour, il avait l'impression de s'être transformé en une fille de quinze ans qui attendait avec un brin de désespoir un message de son amoureux. C'était ridicule et ringard et pathétique. Mais c'était tout ce qu'il le représentait en cet instant précis.

Il aurait pu s'y prendre comme à son habitude, la fixer longuement avec insistance mais le cœur n'y était plus. Certes, il la dévisageait depuis qu'elle était apparue mais l'amusement n'était plus de la partie. Ce besoin provenait du fond de ses entrailles et constater qu'elle n'y répondait pas le dérangeait véritablement. Même si au vu d'hier aucun changement dans leur relation n'était à prévoir, il aurait dû subsister une certaine gêne. Julianne était une fille alors elle devait être gênée. Par ailleurs, elle n'était pas n'importe quelle fille. Isaac savait parfaitement qu'elle n'était jamais allée aussi loin avec un garçon et ce qu'elle avait vécu, que ce soit lui ou avec un autre, n'était pas anodin pour elle. Alors si tout ceci était nouveau, surtout avec Isaac, comment diable pouvait-elle être aussi décontractée ?! Son mutisme forçait le sien, lui cousant les lèvres au fil rouge de la douleur.

Si elle n'avait rien à lui dire alors il en allait de même pour lui. Muette comme une carpe et détendue comme jamais, elle l'avait convaincu. Il ne la retiendrait pas même s'il lui avait demandé sous le poids de l'émotion de ne plus s'éloigner. Que lui avait-il pris, bon sang ?! S'épancher autant au contact de son corps, s'ouvrir de la sorte parce qu'elle avait posé ses mains sur lui ... Il ne s'abaisserait pas plus qu'il l'avait déjà fait en guettant son retour et en espérant une journée en sa compagnie. Qu'elle parte avec Thomas vu que son départ avait été décidé depuis assez longtemps et comme toujours, il était le dernier à le savoir.

Du mouvement se fit ressentir à ses côtés puis un bras se glissa sous le sien. Camélia venait de les rejoindre, vêtue d'une petite robe blanche.

« - Fin prête, Juli ? Lança-t-elle. »

La concernée leva la tête et, bizarrement, sut exactement où se trouvait l'Américaine. Un sourire chaleureux étira aussitôt ses lèvres pleines et Isaac en déduisit qu'elle n'avait pas levée la tête plus tôt tout simplement pour ne pas le regarder. Il baissa la sienne et observa un instant les cailloux blancs scintillants. Elle n'était définitivement pas comme à son habitude. Il connaissait certains de ses mutismes mais pas celui-ci. Que pouvait-il signifier ? Qu'était-il censé signifier exactement ? Cette froideur et ce désintérêt prouvait qu'elle n'avait rien à cirer de lui, mais cela avait toujours été le cas. Il y avait autre chose, il le sentait mais ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

Lorsqu'il releva les yeux, Julianne était à côté de lui, face à Camélia. Elle avait posé une main sur sa joue et la toisait avec une moue amusée.

« - Tu me tiens au courant, n'est-ce pas ? Rappela la brune. Je serais là.

· Je le ferais, assura Camélia en acquiesçant et en lui ouvrant les bras. »

Après leurs paroles mystérieuses, Julianne n'hésita pas une seconde et accepta cette étreinte bienvenue. Fermant ses yeux, elle posa son menton sur l'épaule dénudée de son amie et se laissa bercer par cette dernière. Camélia lui caressa les cheveux avant de l'embrasser sur la tempe, la faisant sourire. Camélia n'était habituellement pas aussi démonstrative avec les filles et les garçons. Isaac était une exception, et Thomas et Julianne venaient de le devenir. A quel point l'Américaine s'était-elle attachée à elle ? Et que penser de l'inverse ?

Julianne recula et lui embrassa une dernière fois la joue avant de se diriger vers la voiture, Thomas venant de claquer une bise sonore sur la tempe de Camélia.

« - Tu ne salues pas Isaac, Juli ? Crût-elle bon de demander en les regardant tour à tour. »

La concernée se retourna vers elle, tâchant bien de ne pas croiser le regard d'Isaac avant de lancer :

« - Je l'ai déjà fait, Camy, avoua-t-elle. A bientôt ! »

Isaac aurait pu considérer qu'elle venait de mentir en plein jour et que c'était mal. Mais ses mots ne sonnaient pas faux à vrai dire. Elle ne lui avait certes rien dit depuis qu'elle était sortie de sa chambre. Mais son comportement d'hier et celui à cet instant précis laissait clairement sous-entendre qu'elle lui avait déjà fait son Adieu et qu'elle n'avait plus à le réitérer.

Alors c'était ce dont il s'agissait ? Il fallait tout de même reconnaître que c'était étrange. L'on passait le plus clair de notre temps à se mener la vie dure et l'on se quittait sur des baisers passionnés à deux doigts de passer la nuit ensemble ? A quoi cela rimait-il ? Cette question était valable aussi bien pour elle que pour lui.

Thomas lui adressa un signe de tête avant de prendre place derrière le volant tandis que Julianne, après un dernier signe de main, s'installait à son tour à ses côtés. Ils restèrent à regarder le véhicule jusqu'à ce que celui-ci passe le portail noir. Puis, son hôte attira son attention en prenant la parole.

« - Vous vous êtes réconciliés avec Juli, affirma-t-elle. »

Il se tourna dans sa direction et la questionna du regard.

« - Je l'ai compris hier en l'enlaçant, expliqua-t-elle en souriant. Elle sentait ton parfum, Isaac. »

Un léger sourire effleura ses lèvres. Après ce qu'ils avaient fait, elle devait au moins sentir son parfum si ce n'était pas son odeur corporelle.

« - J'en ai donc déduit que vous aviez fait la paix. »

Ne se sentant pas prêt à expliquer la situation à Camélia, il préféra lui donner raison plutôt que de débattre sur les nuances de paix qui pouvaient les concerner. Il allait la quitter lorsqu'elle le retint par le bras.

« - Il était temps je pense. Vos comportements étaient étranges. Elle avait toujours l'air en colère et toi, amusé. Puis, la balance s'inversait. Vous donniez le tournis. »

Il reporta son attention sur elle et la dévisagea un moment. Elle semblait avoir réellement analysé leur situation.

Tournis, vraiment ? Et bien à lui aussi ! Un petit sourire flottait sur les lèvres de la brune et il la questionna du regard.

« - J'imagine que ça vous a fait du bien à tous les deux, n'est-ce pas ? De vous expliquer et de repartir sur de bonnes bases ... »

Du bien ? La pauvre Camélia était à côté de la plaque. Oui, cela lui avait fait du bien. Il avait fait gémir Julianne et ce son lui avait indéniablement fait plaisir. Ceci étant, ce n'était ni des explications, ni un traité de paix. Un départ sur de nouvelles bases ? Fondé sur quelles fondations ? Et pourquoi un nouveau départ ? De ce qu'il avait déduit du comportement de Julianne ce n'était pas une page qui se tournait. Il avait l'air d'exister encore moins qu'avant. Ce qu'ils avaient vécu étaient simplement une pause dans la guerre qu'ils se livraient. Toutefois, l'Américaine attendait une réponse et Isaac devait lui en donner une.

« - Peut-être, répondit-il vaguement. »

Sur ces mots, il tourna les talons et se dirigea vers les marches en pierre. Il avait presqu'atteint la porte que sa voix s'éleva de nouveau.

« - Tu tiens à elle, Isaac. Plus que tu ne veuilles l'admettre. Alors pourquoi ? Questionna-t-elle tandis qu'elle le voyait se stopper à la première marche. »

Embêté et agacé, il s'arrêta et souffla avant de se retourner de nouveau vers elle. Elle paraissait vraiment concernée par le duo Evans-Davis, tout comme Thomas. Que leur prenaient-ils soudainement ? Entre le brun qui exigeait qu'il cesse ses gamineries et la jeune fille qui lui explique leurs agissements, il ne savait plus quoi faire.

« - Pourquoi quoi ? Demanda-t-il en haussant les épaules.

· Avant tu montrais clairement que tu ne l'aimais pas et plus le temps passe et plus vous avez l'air de tenir l'un à l'autre. Surtout toi, Isaac. »

De nouveau ce constat et une nouvelle couche de colère qui venait s'ajouter. Pourquoi était-il le seul à être montré du doigt ? Julianne lui avait clairement dit qu'il n'y avait rien entre eux et même aux yeux des autres, Isaac était toujours mentionné en premier. Cette situation ne lui plaisait définitivement pas.

« - Alors, je te le redemande, maintenant que tu le sais, pourquoi est-ce que tu n'y arrives pas ? Est-ce si difficile pour toi d'aller vers elle ?

· Avoir fait la paix ne signifie pas que je vais aller plaisanter avec elle, Camy.

· Pourquoi ? Renchérit-elle aussitôt, voulant clairement comprendre le problème.

· Parce que c'est comme ça. On n'en a pas besoin. »

Il n'avait pas à être gentil avec elle tout simplement pour être bon. Elle le considérait comme un abruti arrogant et odieux et elle avait raison, parce c'était exactement ce qu'il était. Leur relation était basée sur des piques vipérines et œillades mal intentionnées, et elle continuerait de l'être. L'épisode d'il y a quelques heures ne signifiait rien. Rien du tout.

Sur cette certitude, il pivota et allait s'en aller mais la manie de la brune de le stopper dans son élan se manifesta de nouveau. Il empêcha le soupir de colère de franchir ses lèvres.

« - Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Pourquoi est-ce que tu es tendu comme ça ? »

Elle accompagna ses propos d'une caresse sur sa joue qui se glissa sur sa nuque, son pouce caressant la peau derrière son oreille. Cette marque de tendresse eut pour don de le calmer et de ne pas la repousser. Le nœud qui s'était logé dans son estomac avait-il des répercussions sur son visage ? Ses traits étaient-ils serrés? Les confidences de Rosalie avaient clairement gâché sa journée. A présent qu'il le réalisait, l'étau de ce matin réapparaissait et comprimait ses côtes. La chaleur de ses souvenirs s'était lentement évaporée, aussitôt remplacée par cette même couche de glace.

Il sentit un bras s'enrouler autour de sa nuque et une main se poser dans son dos. Au contact, il ferma instinctivement les yeux, accueillant cette étreinte avec reconnaissance. La chaleur du corps de Camélia lui apportant du réconfort mais ce dernier n'atteint guère son cœur. Il le soulagea en apparence. Toutefois, il était le bienvenu.

« - Pourquoi de l'énervement alors qu'hier tu étais aux anges, Isaac ? Souffla-t-elle dans son cou.

· Je suis simplement fatigué, Camy. Ca ira mieux dans quelques heures, mentit-il à moitié. »

Les bras de la brune le retenait avec légèreté. Et ce n'était pas ce dont il avait besoin. Ainsi, ses bras se murent d'eux-mêmes et il la serra contre lui avec force. Il entendit le souffle de Camélia se couper sous l'effet de surprise mais il n'en tint cure. C'était ce qu'il souhaitait. Un bras autour de ses épaules et l'autre dans le milieu de son dos pour revigorer son corps dépourvu de chaleur. C'était avec cette pose qu'il perçut clairement le résultat qu'il souhaitait. Les ondes chaudes émanant du corps de la brune transpercèrent son épiderme et se répandirent en lui. Rosalie le lui avait souvent dit et aujourd'hui il le réalisait pleinement : parfois seule une femme pouvait vous apporter tendresse et réconfort.

Une trentaine de minutes plus tard, il se trouvait dans sa chambre après avoir accompagné Camélia à sa porte. La brune avait décidé de replonger dans ses draps et de profiter du beau temps ensuite. Avant qu'il ne la quitte elle lui avait tout de même glissé avant de déposer un baiser appuyé sur sa tempe qu'elle espérait qu'un jour il parviendrait à se confier à Julianne sur ce qu'il attendait d'elle. Face à cette confidence, il l'avait questionné du regard et elle lui avait répondu qu'elle l'avait vu observé Julianne comme s'il avait attendu qu'elle agisse. Sur ces mots, elle avait refermé la porte.

Il s'assit sur sont lit en se disant qu'il pourrait imiter Camélia et s'octroyer quelques heures de sommeil, étant donné qu'il n'y avait presque plus personne à la maison. Rosalie et Carlos s'en étaient allés se balader dans les environs. Isaac avait bien compris qu'ils avaient opté pour l'éloignement pour que nul ne se doute de l'état émotionnel de Rosalie. Seul lui, Camélia et Erwan étaient encore présents.

La brune était dans sa chambre, lui dans la sienne et Erwan devait sans doute vaquer à d'autres occupations. Au vu des récents événements, toute la joie qui l'avait animé s'était évaporée comme de la fumée. Il ne savait même pas si mamie avait été véritablement heureuse de son initiative ou bien si elle avait fait semblant de l'être. Dans les deux cas, il se sentait idiot et inutile sur tous les plans. Il déboucha la bouteille d'eau qui était posée sur sa table de chevet et la portait à ses lèvres quand deux petits coups contre la porte se firent entendre. Il leva la tête en direction de cette dernière qui s'ouvrait laissant apparaître un Erwan avec un léger sourire qui ne fit aucunement naître un chez Isaac.

Vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise de la même couleur, il pénétra dans la pièce, se familiarisant avec elle. Depuis combien de temps n'avait-il pas mis les pieds ici ? La question lui brûla les lèvres mais il ne la posa guère à son paternel.

« - Il y a pas mal de cocktails en cuisine et je me suis dit que vu qu'il était onze heures quarante, on pourrait en boire un entre hommes. Qu'en dis-tu ? Proposa-t-il en restant près de la porte. »

Le jeune homme comprit aisément qu'Erwan ne s'était pas rapproché, ne sachant pas si Isaac souhaitait qu'il s'aventure. Au vu de l'effort qu'Erwan venait de faire, même si l'envie n'y était guère, Isaac se dit qu'il se devait de répondre favorablement.

« - Tes invitations étant rares, Papa, je me dois d'accepter, répondit-il un brin froid. »

Il se releva de son lit et passa l'embrasure avant son paternel qui le suivit silencieusement. Au moment où il l'avait contourné, il avait remarqué son sourire figé. Mais il était indifférent, dorénavant. Blesser Erwan de manière volontaire ou involontaire ne l'importait plus. Le temps avait creusé l'écart entre eux.

Ils descendirent les escaliers et le jeune homme attendit dans le salon qu'Erwan revienne avec deux coupes. Lorsqu'il lui en tendit une, il le remercia d'un signe de tête et le suivit silencieusement jusqu'au ruisseau qui bordait leur arrière cour.

L'astre solaire qui déployait toute sa puissance apportait un vent chaud et faisait scintiller l'eau qui coulait à leurs pieds. L'horizon était vert de verdure et l'on pouvait distinguer des collines au loin serpentées de petites routes. Portant sa coupe aux lèvres, il reconnut que cette idée de cocktail au bord de l'eau était plaisante, la compagnie un peu moins, mais l'initiative était agréable.

Il fit taire toutes les pensées qui tournoyaient dans son esprit et se laissa atteindre et bercer par le souffle de la Nature. La tête légèrement baissée, les yeux clos, il accueillait avec gratitude les caresses de ce vent chaud sur son corps. A chaque fois qu'une rafale s'élevait et qu'elle le touchait il avait l'impression qu'elle emportait avec elle une partie du mal qui bouillait en lui. Il était bienheureux de s'en débarrasser d'une quelconque manière. Le calme se faisant dans son cœur et dans son esprit, il se laissa emporté par le bruissement des arbres aux alentours, par le son apaisant de l'écoulement de l'eau. Lorsqu'il entra en parfaite symbiose avec l'environnement qui l'entourait, il sut qu'il avait réussi. La Nature l'enveloppa dans son cocon et une paix passagère se fit en lui, lui permettant d'oublier quelques instants les cicatrices rouvertes.

Respectueux de ce calme, Erwan ne prit la parole que lorsqu'Isaac ouvrit les yeux, quelques minutes plus tard. Le paternel observait le miroitement du ruisseau, fasciné. Puis, tournant la tête vers son fils, il dit :

« - Rosalie m'a confié que c'était votre initiative, à Thomas et toi, d'organiser cette cérémonie. Intention louable, mon fils. »

Il accueillit ces mots avec silence, hochant de la tête tout en regardant l'horizon. Il n'avait plus parlé à son père depuis qu'il les avait rejoints jeudi soir. Vendredi il avait été occupé à son bureau et samedi avec le déroulement de la soirée. Ils avaient échangé quelques mots hier soir mais il avait en somme plus conversé avec Carlos que Erwan lorsqu'ils s'étaient tous les deux intéressés à son nœud de cravate. Plus tard, le jeune homme avait seulement répondu à la demande de son paternel d'aller s'enquérir de l'état de Julianne.

« - C'était une très belle cérémonie et ta grand-mère était ravie. »

La fête se devait d'être belle au prix des efforts qu'avaient fait les deux garçons. C'était peut-être le seul résultat qu'ils avaient eu, ayant été à des années lumières de celui tant attendu. Le brun avait envie de confier à Erwan de cesser de le considérer comme un gamin de quinze ans qui serait heureux de recevoir des compliments. Il n'avait plus cet âge, même si aux yeux de sa famille il resterait à tout jamais leur petit Isaac. Il voulait qu'on lui dise la situation telle qu'elle était réellement et non celle qu'on souhaitait renvoyer. Etant donné qu'il avait été incapable de s'en rendre compte lui-même, il s'attendait à de la sincérité de la part des membres de sa famille et non cette illusion de bonheur et ce sourire faux plaqué sur les lèvres.

« - Et j'étais vraiment content de vous retrouver, avoua-t-il, un léger sourire étirant ses lèvres. Surtout toi, révéla-t-il appuyant ses mots d'une main qui vint se poser sur l'épaule du jeune homme. »

Face à cette révélation et ce sourire qui n'atteignait même pas les yeux de son père, il eut envie de rire de nervosité et de fatigue. Rire de la situation de sa famille. Rire de cette discussion creuse. Rire du vide en lui, de cette douleur qui le suivait comme son ombre. La symbiose avec la Nature s'était disloquée au moment même où Erwan avait pris la parole et maintenant, le calme aussi se dissipait. Au vu de son état, la discussion était houleuse, le sujet vacillant. Une colère dirigée contre lui-même et contre ses proches se réveillait en lui, au fond de ses entrailles. Les rares fois où il avait été mécontent de Carlos et Rosalie, il avait tu le sentiment négatif qui l'avait pris. Jamais l'idée de s'emporter contre eux ou de laisser éclater sa colère devant eux ne lui serait venue en tête. Ils avaient toujours agi pour son bien, que ce dernier soit au final bon ou mauvais pour Isaac. Et par respect pour ce dévouement, il n'aurait jamais pu leur révéler le fond de sa pensée, préférant de loin étouffer tout ce qui bouillait en lui, que ce soit la vague d'amour ou ce vide.

Néanmoins, ce n'était pas Rosalie ou Carlos qui lui faisait face, mais bel et bien Erwan. Et, la relation qu'il avait ses grands-parents, il ne la tenait pas avec son père. S'il ne pouvait avouer le fond de sa pensée à Rosalie et Carlos, avec Erwan il se l'autorisait. Sans aucune gêne et regret. Et pour la première fois de sa vie, il remercia silencieusement son père d'être aussi peu proche de lui. La souffrance d'Erwan ne l'atteindrait pas.

« - Qui veux-tu tromper, Papa ? Moi ? Ou toi-même ? »

S'ensuivit quelques secondes de silence où se mêlaient stupéfaction et tristesse, sur un fond amer. Isaac se tourna vers son père. Les traits indéchiffrables, il le toisait. Au vu de son expression, quiconque aurait pu imaginer que le paternel n'avait guère était touché par les mots du fils. Pourtant Isaac avait ressenti la secousse qu'il avait créé. Etant le digne fils Evans, il avait appris à la manière de son père de cacher ses émotions et voyait bien ses propres stratagèmes agir chez son père. Toutefois, la réplique étant empreinte de vérité, le trouble allait déteindre sur lui, qu'il le veuille ou non. Certaines fissures ne pouvaient guérir tout comme elles ne pouvaient être camouflées. Et ceci se réalisa. Un éclair de douleur traversa furtivement les iris familières et Isaac reçut la confirmation de ce vide commun que nul ne pourrait effacer.

Eveiller le mal de son père ne le toucha pas, il était déjà assez perturbé par le sien. Toutefois, il se rendit compte que ni les Alonzo ni les Evans n'échappaient à cette situation. Si Rosalie et Carlos avaient été touchés par cette cérémonie, alors, il en allait de même pour Erwan. Si Rosalie était la mère de Katerina, Erwan était son époux. Ainsi, sa grand-mère ayant été attristée, il en allait de même de son père. La joie avait côtoyé la douleur, les souvenirs étaient venus confronter le présent, révélant un avenir brumeux.

« - Je ne trompe personne. J'ai sincèrement été heureux de te voir, Isaac.

· Je n'en doute pas une seconde, révéla-t-il. Tu pourrais donc, sincèrement, venir nous voir plus souvent. Et mamie serait réellement ravie. »

La surprise peignit les traits d'Erwan et il perçut aisément l'ironie dans ces propos. Toutefois, le paternel opta pour le silence et se retourna vers le ruisseau. Tout le monde l'avait bien assimilé, Erwan était occupé avec ses subalternes et il n'avait pas assez de temps pour faire parcourir les kilomètres qui le séparait de sa famille. Qui pouvait bien lui en vouloir s'il ne pouvait s'en vouloir à soi-même ? C'était ce qu'Isaac s'était toujours dit et c'étaient ces pensées qui avaient fondé sa relation avec son père.

Depuis tout petit, Isaac avait senti qu'il y avait un problème qui l'enveloppait. Vers l'adolescence, lorsqu'il avait été en mesure de comprendre toute l'histoire et d'effleurer la vérité, il avait cru comprendre de quoi il en tenait. Aujourd'hui, il en était certain depuis quelques temps mais préférait passer cette vérité sous la trappe pour maintenir l'équilibre mental nécessaire à tout individu.

Malgré le fait que c'était son père qui se trouvait à ses côtés, le brun avait cette fois-ci besoin d'extérioriser. Et c'était ce qu'il fit.

« - Ma question sera idiote mais je me dois de te la poser, Papa. Est-ce que tu as ressenti l'absence de maman, hier ? »

Il s'attendait à ce qu'il prenne du temps pour répondre, s'enfermant dans ce mutisme caractériel des Evans. Mais ce ne fut pas le cas, la réponse fut aussitôt donnée.

« - Il ne se passe pas une journée où je ne pense pas à ta mère, Isaac. »

Quand il était petit, Rosalie lui avait plusieurs fois raconté l'histoire d'Erwan et Katerina. Deux êtres qui à priori n'avaient rien à faire ensemble et qui pourtant s'étaient attachés l'un à l'autre de la plus belle des manières. L'amour qui était né de leur rencontre avait été puissant, ardent et cette chaleur Isaac pouvait la ressentir, encore aujourd'hui, à travers les mots de son père. Toutefois, ce n'était pas la réponse qu'il attendait d'Erwan.

« - Est-ce que hier particulièrement, l'absence de maman se faisait ressentir ? »

Cette fois-ci il affronta quelques secondes de silence lourd. Puis la réponse se fit entendre.

« - Oui, avoua-t-il en le regardant. La célébration marquait la longévité de l'union de tes grands-parents mais également les années d'absence de Katerina. Toutefois, expliqua-t-il, le souvenir de ta mère n'a en rien diminué le bonheur que nous avons tous ressenti en voyant Carlos et Rosalie de nouveau unis par le Père Marc-Olivier.»

C'était ce qu'Erwan pensait, mais Rosalie et Carlos n'avaient pu pleinement voir les choses de cette manière. Par quel courage avaient-ils pu assister à cette soirée ? D'où avaient-ils puisé la force de sourire à chacun et en particulier à Isaac ? Sa cécité le rendait malade.

« - Qu'est-ce qui te tracasses, Isaac ? Demanda soudainement Erwan en tournant son fils face à lui.»

Plongeant ses iris tourmentés dans ceux de son père, il ne put lui répondre parce qu'il n'avait pas encore la réponse. Tout du moins, c'était ce qu'il pensait. A la place, il lui posa une autre question qui lui torturait l'esprit.

« - Est-ce que tu penses qu'il est vain de continuer quand on sait d'avance que la partie est perdue ?»

Erwan scruta les traits de son fils, visage qui ressemblait tant au sien. Isaac le vit sonder ses yeux à la recherche de la racine du mal. Si la joie ne pouvait les réunir, peut-être que la douleur si, pensa-t-il.

« - La partie peut nous sembler perdue d'avance, commença-t-il, mais, Isaac, on ne peut savoir à l'avance ce que l'avenir nous réserve. Tes efforts peuvent te paraître vains aujourd'hui, mais il se peut qu'ils portent leur fruits demain. »

Il acquiesça tout en étant que peu convaincu. La pression sur son épaule disparût et la main se retrouva dans ses cheveux, caressant quelques mèches. Le geste le surprit grandement mais à côté de ce sentiment naquit un autre. Un qui était difficile à avouer pour Isaac : de la reconnaissance.

Les gestes affectueux étant rares et n'étant que peu habitué à de la tendresse venant de la part d'Erwan, il lutta du mieux qu'il put pour ne pas se laisser emporté par cette envie qui s'éveillait en lui. Celle de fermer les yeux et d'ancrer ces secondes inédites dans son esprit. Toutefois, par une force venue d'il ne savait où, il réprima ce besoin et fit perdurer l'échange visuel.

« - Tout le monde dit que tu me ressembles, Isaac. Mais de tes traits transparaissent ceux de ta mère. »

Son cœur manqua un battement. Et il ne sut si c'était de la joie ou un sentiment contraire qui s'éveillait en lui. 


Alors, Alors, je reconnais que tout n'est plus très rose depuis la partie une. Mais quelque chose a-t-il déjà été rose dans cette histoire ? ;) Toutefois l'action reviendra très vite avec cette page qui se tourne. 

Comme vous vous en doutiez, l'étreinte de samedi soir n'a rien arrangé entre eux, c'était à prévoir, ce n'est pas quelques bisous et caresses qui vont les faire plonger dans les bras de l'autre. Quoique Isaac attendait certainement autre chose de la part de Julianne, sans s'en rendre vraiment compte. Il tenait à ce Dimanche, passé ensemble, comme au bon vieux temps ;) Mais vous vous souvenez certainement de l'état mental de Julianne et de ses dires, elle va sortir Isaac de sa vie, une bonne fois pour toutes. Alors, vous pouvez comprendre son indifférence ( easy ou difficile nous le saurons plus tard :) ) qui embête tellement Isaac. Sa brune lui échappe, elle prend des libertés et des décisions qui ne lui plaisent pas du tout. Et vous découvrirez bientôt une nouvelle facette de la personnalité du brun. Il peut faire beaucoup de choses pour obtenir ce qu'il veut et souvent il finit par les obtenir ...

En parallèle à ses embrouilles avec Julianne, se dessine un autre problème, plus ou moins grave que celui qu'il a avec Julianne mais qui aura son importance,dans la suite de l'histoire. Et il finira par prendre autant d'ampleur que celui de Julianne. Voyons comment la bulle Evans-Alonzo s'en sortira de tout ça. Avec cette fête d'anniversaire de mariage, l'anniversaire d'Isaac qui approche et les révélations du hacker qui arrivent à grands pas, nos héros ne seront pas au bout de leurs peines. 

Un mot de fin ? Extérioriser ses pensées et  sentiments. Je crois que c'est ce dont les Evans-Alonzo et Davis ont le plus besoin ;) La dégringolade est véritablement entamée à partir de maintenant et nous verrons jusqu'où ils iront. 

Merci beaucoup de me lire, de voter et de commenter mes petites lignes. Vous êtes géniales toutes autant que vous êtes ! 

A très vite, 

Fidèlement vôtre,

Miss-Key. 

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