Connaissez-vous ce sentiment de vide intérieur ? Votre corps fonctionne normalement cependant vous ne ressentez plus rien. Le monde tourne au ralenti tandis que vous sombrez dans l'obscurité. Je pose ma main sur ma poitrine en sentant les palpitations de mon coeur. Cette sensation étrange me donne des vertiges. Il pourrait presque sortir de ma poitrine et être exposée à la vue de tous.

Je lève les yeux vers la foule présente afin de rendre un dernier hommage à mon meilleur ami. Ce n'est pas une chose étonnante lorsque l'on connaît Kai. Il était la gentillesse incarnée, la joie de vivre et la bonté. Comment détester une telle personne ? Je serais incapable d'éprouver ne serait-ce que de la haine pour cet homme.

Installée auprès de la famille Martin, je reste stoïque en écoutant la grand-mère de Kai évoquer des souvenirs de son petit-fils. Olivia n'arrête pas de pleurer depuis notre entrée dans l'église, mais je la comprends. Elle vient de perdre l'amour de sa vie. Ma place ne devrait pas être auprès de cette famille, je n'étais que la meilleure amie. Je sens bien les regards curieux dans ma direction, mais je me contente de les ignorer afin de focaliser mon attention sur les photos de Kai. On passe d'un nourrisson venant à peine de naître et d'un beau jeune homme à la remise des diplômes.

La cérémonie s'achève quelques minutes plus tard à mon grand soulagement. Je frotte mes mains sur mon jean noir puis quitte rapidement ce banc inconfortable. Je m'empresse de sortir de l'église afin d'éviter la foule. Ma mère ainsi que mon grand-frère Miles ne tarde pas à me rejoindre.

— Tu étais incroyable lors de ton discours, déclare ma mère d'une voix émue.

— Je veux juste que cette journée cauchemardesque s'achève le plus vite possible. Je ne peux pas continuer à faire semblant d'aller bien.

Miles serre délicatement mon épaule en me lançant un sourire triste. Il est le seul à comprendre ce que j'éprouve actuellement. Un étrange mélange de tristesse et incompréhension. Kai n'était pas suicidaire, il n'aurait jamais commis une telle chose. C'est à cause de cette maudite Olivia, elle est la cause de son mal-être !

J'aurais voulu que mon petit ami m'accompagne, mais Anton craignait de ne pas être le bienvenue. Je peux le comprendre, il ne connaissait pas tellement Kai. Il reste mon unique ancrage dans cette tempête.

Des familles que je connais depuis mon enfance encerclent les Martin en présentant leurs condoléances. Cette famille est très appréciée en ville, ils ont la main sur le coeur et aide toujours en cas de besoin. Une qualité que peu de personnes possèdent encore.

La chaleur étouffante me donne envie de vomir. Nous sommes peut-être en automne cependant la température dépasse la normale. La chaleur est terrible, mon front est recouvert d'une fine couche transpiration et je ne parle même pas de l'état de mon dos.

― Je ne vais pas m'attarder, Anton attend mon retour.

― Tu peux bien le laisser quelques heures, seul.

Miles ne supporte pas mon petit ami et ne le cache pas. Je soupire en essayant de me montrer amicale même aujourd'hui, mais c'est peine perdu. Je serre les dents à cause de la douleur que provoque mes sandales. Elles sont bien trop petites, mais je ne me voyais pas mettre ma fidèle paire de basket pour un enterrement et surtout par cette chaleur. Anton a bien essayé de me faire porter une robe ainsi que des ballerines pour paraître féminine, mais je l'ai envoyé balader.

― Je suis juste crevée.

― Elle est bidon ton excuse.

Ma mère claque sa langue contre son palet en fronçant les sourcils.

― Ce n'est pas le moment pour des enfantillages ! Nous sommes dans un lieu sacré alors un peu de respect serait le bienvenu. Miles, c'est un jour compliqué pour ta soeur alors cesse de faire des remarques désagréables !

― Très bien.

Il me faut quelques secondes pour repérer mon paternel plongée dans une grande conversation avec des amis de la famille. Mon regard tombe sur la silhouette élancée du petit frère de Kai. Son regard est tourné vers son portable, rien ne semble le déranger. La ressemblance entre les deux frères ne fait qu'accentuer mon mal-être.

― Nous nous verrons ce week-end pour le repas familial, murmuré-je.

― Repose-toi bien, ma chérie.

Je quitte rapidement l'église afin de m'éloigner de la foule et calmer la boule dans mon ventre. Je fouille dans mon sac à la recherche des clés de ma voiture ainsi que mon portable pour appeler Anton. Il s'inquiète toujours pour moi et de mon bien-être psychologique. Celui-ci ne répond pas, je lui laisse un message vocal puis me dirige vers ma voiture. Des larmes inondent mes joues lorsque je songe à Kai. Sa mort est un véritable cauchemar auquel je ne veux absolument pas croire. Nous nous sommes parlés juste avant que celui-ci ne décide de passer à l'acte dans le plus grand secret. Jamais plus, je ne pourrais entendre le son de sa voix, le voir sourire en écoutant de la musique ou froncer les sourcils pour se concentrer. Parce que Kainan Martin est définitivement mort et rien ne pourra le ramener.

Il me faut quelques minutes pour retrouver ma voiture et profiter de l'occasion pour fumer une cigarette. Anton n'appréciait pas que je fume alors je veille à ne pas le faire devant lui. Les souvenirs de mon meilleur ami défilent dans mon esprit. Nous nous sommes rencontrés dans la cour de récréation lorsque je suis intervenue pour empêcher un enfant plus âgé de lui voler son goûter. Les professeurs n'arrivaient plus à nous décoller l'un de l'autre. Personne ne se souvient de Kai sans Emma. Beaucoup d'heures de colle à cause de nos nombreuses blagues. Nous n'avons jamais été séparés, ce qui rend cette disparition encore plus douloureuse.

― Salut, Emma.

Je me retourne en coinçant la cigarette entre mes lèvres. Je l'allume avec mon briquet en argent personnalisé lors de mon dernier anniversaire. La première taffe est toujours la meilleure, il faut savourer.

― Salut.

J'observe mon ex meilleure amie jouer nerveusement avec l'un de ses bracelets en argent. Lana est différente de celle que j'ai connu, superficielle et indifférente aux autres. L'époque où nous formions un trio me manque. La vie sépare même les meilleurs amis, c'est triste mais véridique. Je suis surprise qu'elle décide de m'adresser la parole même après quelques années après la fin du lycée.

— Comment vas-tu ? demande-t-elle.

— Je gère à ma façon.

Je lève ma cigarette, unique échappatoire durant cette journée de merde. Ce n'est pas le meilleur moyen pour remettre mes idées en place cependant c'est la seule chose qui me rappelle que cette horreur est bien réelle.

— C'est vraiment tragique tout ça...

— Ouais.

Elle me dévisage derrière ses boucles rousses lui donnant une apparence de poupée. Je l'ai toujours trouvé belle, mais elle n'en avait pas conscience. Son regard émeraude croise le mien pendant une seconde. Je porte une seconde fois la clope à ma bouche en tapotant du pied.

— C'était quelqu'un de merveilleux.

— Comment peux-tu le savoir ? Si mes souvenirs sont corrects, tu as décidé de nous tourner le dos presque un mois après notre entrée au lycée. N'hésite pas à me contredire si je fais fausse route, surtout.

Son visage amical se métamorphose, il redevient celui qu'elle montrait au lycée : une connasse. Cette fille n'est qu'une copie conforme de mon ancienne meilleure amie.

— Tu as vraiment besoin d'être une connasse aujourd'hui ?

— J'expose juste la vérité.

Lana s'éloigne finalement de moi pour rejoindre les autres dans le cimetière. J'ai beau mépriser Lana, j'éprouve toujours une pointe au coeur quand je me montre mauvaise. Peut-être que les choses auraient-elles étaient différentes si elle n'avait pas quitté notre petite bande.

Je termine ma cigarette et jette le mégot dans la poubelle la plus proche. Je déverrouille ma voiture puis m'installe derrière le volant afin de quitter cet endroit le plus vite possible. J'ai beau vivre dans cette ville depuis ma naissance, je rêve de faire mes valises et partir le plus loin possible. Désormais, plus rien ne me retient.

Hello ! Comment allez-vous ?
Le début d'année est le moment parfait pour remettre en avant cette histoire qui attendait dans un coin. Contrairement à mon habitude, ce récit sera composé d'une vingtaine de chapitres et bien plus courts. Je vais m'imposer une publication hebdomadaire en espérant que cela vous plaira autant que moi.
Une petite étoile et un commentaire font toujours plaisir alors n'hésitez pas.

10.01.2023