Chapitre Quatre-Vingt-Neuf
Maxence
Cette odeur planant dans l'air. Ces ténèbres à perte de vue. Ce monde en lui-même. Tout me semble si lointain et pourtant je ne peux que retrouver un sentiment d'adrénaline en retrouvant ces lieux. Il y a depuis bien longtemps que je n'avais pas posé pied ici depuis mon arrivée dans cette foutue Académie. La mutation de ma mère ne m'avait pas laissé grand choix à l'époque mais je dois bien reconnaître que grandir dans cet endroit m'aurait épargné bien des migraines à cause de ces Anges. On n'est jamais mieux que chez soi. Je comprend mieux le sens de ces mots à l'instant-même.
Mon regard pivote brièvement derrière moi. Je retiens un rire sarcastique à la vue des mines ahuries de nos envahisseurs. Le premier voyage est toujours surprenant pour les nouveaux venus. D'autant plus qu'ils risquent à tout moment de se retrouver la tête plantée sur un pieux de la place publique. Bien que cette idée ne me déplairait pas tant que ça, je suis obligé de me persuader qu'ils pourront nous être d'une quelconque utilité à un moment. Du moins, il y a tout intérêt. Toutes ces histoires ont tendance à me faire aller à l'encontre de mes principes.
Si on m'avait dit un jour que je travaillerais avec eux, j'aurais très certainement craché au visage de mon interlocuteur avant de l'abattre sans pitié. Il faudra que je pense tout personnellement à me venger auprès d'Alyssa une fois que nous l'auront sorti d'ici. Il est hors de question que mon rang en prenne d'avantage pour son grade.
«Vous feriez mieux d'avancer au lieu de rester planter là. Si on se fait repérer, je doute que vous ne restiez en vie encore bien longtemps. Sauf si l'idée de mourir de suite vous convient. Personnellement, je pense que ce sera plus simple pour se déplacer ensuite.»
«C'est fou ce que tu peux être encourageant par moment...» Ironisa la plus jeune Sorcière.
Je ne manquais pas de lui répondre par un regard qui lui suffit à se taire de suite. Mieux valait-il pour elle qu'elle sache rester à sa place. L'idée de rester à leurs côtés me paraissaient déjà bien assez agaçante pour qu'elle puisse se permettre d'en rajouter une couche. Cela relevait clairement du miracle que l'un d'entre eux ne soit pas déjà jeté dans un puits sans fond. Très clairement, mes nerfs commençaient sérieusement à me démanger.
Sans leur prêter d'avantage d'attention, je décidais de m'enfoncer dans la ruelle profonde où nous venions d'atterrir. La nature avait suffisamment bien faite les choses pour nous faire arriver à cet endroit. Sentant que les autres me suivaient sur mes pas, je décidais de m'arrêter brutalement une fois l'issue à porter de vue. Un grommellement de la part de l'Ange derrière moi me fit doucement sourire. J'espérais secrètement qu'il se soit prit le mur en pleine figure. Après tout, ses états d'âme de ces derniers temps commençaient sérieusement à me taper sur le système.
Moi me plaindre constamment ? Bien sûr. Je suis un Démon. Être une pourriture est mon mode de vie.
«Je peux savoir ce qui t'arrive pour que tu t'arrêtes sans prévenir comme ça ?» Grogna l'Ange.
«A moins de vouloir foncer tête baissée dans le tas comme des idiots suicidaires, mieux vaudrait-il pour vous que nous vérifions les alentours. Simple question de précaution vois-tu ?»
«Étrangement, j'ai du mal à accorder le mot précaution avec toi si tu veux mon avis.»
«Et étrangement, je ne sais pas ce qui me retient de te lancer la tête la première parmi eux. Histoire d'être enfin tranquille.»
«Ça suffit vous deux. Vous disputez de la sorte ne servira à rien si ce n'est nous faire perdre du temps. Restez fixés sur notre objectif.»
Je me retiens à nouveau de ne pas foudroyer cette Naïade sur le champ. Sa manière de nous interrompre sans la moindre gêne commence sérieusement à me taper sur les nerfs. Aurait-elle donc oublié sa place sous prétexte que nous ne sommes plus dans l'Académie ? Il lui a suffit d'échanger quelques paroles avec moi pour pouvoir se permettre de me parler de la sorte. A sa place, je n'interviendrais pas dans ce genre d'échange. Toutefois, un regard jeté à l'attention de son cher camarade Sylphe suffit à calmer mes nerfs. Son visage contrarié est bien plus divertissant et je me retiens à tout moment de lui rire au nez. Je sais bien à quel point il ne voit pas tout cela d'un bon œil.
Soit. Plutôt que de faire tourner en rond l'Ange, je me contenterais de m'amuser avec son meilleur ami. Il me faut bien cela pour me divertir et me changer les idées. Autrement, je ne tiendrais pas le coup encore longtemps.
«Contentez-vous de la fermer pour le moment. Ce sera bien plus pratique pour tout le monde. Vous n'êtes clairement pas avantagé ici.»
Le dos collé au mur, j'avance lentement mon visage de façon à pouvoir jeter un coup d'œil au paysage. Mes sourcils se froncent immédiatement en apercevant les alentours. Quelque chose n'est pas habituel dans la scène qui se dessine devant moi. Les Démons semblent étrangement agités et je peux très bien lire à leurs expressions que quelque chose ne tourne pas rond.
Bien évidement, notre clan n'est pas connu pour être calme et civilisé. Néanmoins, cette fois-ci, les choses sont différentes. Je décide alors de tendre d'avantage l'oreille afin de pouvoir mieux les entendre.
«Tu es sûr de tes sources au moins ? Tout cela ne pourrait être que de fausses rumeurs tu sais. Vu tout ce qui court en ce moment...»
«Bien sûr que je le suis ! Il y a une rumeur disant que la fille serait arrivée dans leur manoir. Ils pensent pouvoir nous cacher la vérité mais je suis persuadé qu'elle est là-bas. Les Anges semblent encore plus agités que d'habitude et elle est toujours introuvable sur Terre.»
«Qu'est-ce qui pourrait nous faire dire que toute cette histoire est vrai hein ? Ils pourraient tout aussi bien nous mentir. Histoire de motiver d'avantage leurs troupes à se lancer à l'attaque. Ces pourritures sont prêts à tous les stratagèmes pour nous avoir. Tu devrais être un des mieux placés pour savoir ce dont nous sommes capables.»
«C'est bien pour cette raison que nous devons la voir de nous-mêmes. Rendons-nous là-bas et réclamons une présentation publique. Ils seront bien assez vite obligés de nous la montrer s'ils veulent conserver le peu de pouvoir qu'ils leur restent. Autrement, ils devront faire ça à un mouvement de colère de notre part. Ils se pensent assez puissants pour pouvoir nous cacher de telles choses...»
Les nombreux éclats de voix de la part de tous ces Démons ne manquent pas de me faire lâcher un soupir. Il aurait été bien trop beau pour que la populace ne décide pas de se mêler à toute cette histoire. Il semblerait que la nouvelle concernant son arrivée se soit répandue comme une traînée de poudre. De quoi ne pas nous arranger dans nos affaires. Quelle plaie. Comme si nous avions besoin de ça en plus.
«Alors ? Qu'est-ce qui se passe ?» Murmurèrent les voix derrière moi.
«Que du bon. Je sens que l'on va bien s'amuser pour ce qui va se passer ensuite. Il semblerait que la nouvelle soit arrivée bien plus vite que prévu à l'oreille des Démons. Ils ont prévu de manifester visiblement, aussi idiots puissent-ils être.»
«Comme si nous n'avions pas déjà assez à gérer... Et qu'est-ce que nous sommes sensés faire dans ce cas ? Avec toute cette agitation, il nous sera plus compliqué de nous organiser.»
«La solution me paraît pourtant plus simple. Il ne nous reste plus qu'une seule chose à faire : nous glisser parmi la foule et arriver le plus rapidement possible là-bas. Avec un peu de chance, nous pourrons la récupérer à ce moment-là. Et de toute évidence, ils seront bien trop occupés avec cette histoire pour se préoccuper de nous. Croyez-moi, dans ce genre de situation, les Démons aiment parfois plus se battre contre leurs maîtres que contre des Anges.»
Bien que cette idée me paraît assez peu réfléchi contrairement à ce que j'aurais pu proposer d'habitude, nous n'avons pas vraiment le temps pour ce genre de formalité. Nous devons faire vite. Je ne tiens pas à perdre d'avantage de temps.
Et si jamais le moindre problème venait à se présenter à nous, je suppose que je n'aurais pas vraiment d'autre choix que de provoquer une crise. Histoire de détourner l'attention. Ne suis-je donc pas le meilleur pour ce genre de chose après tout ?
Ignorant totalement leurs remarques, j'ajuste la capuche sur ma tête avant de m'élancer parmi la foule en me prêtant au jeu.
Alyssa
La tapisserie des lieux est bien trop sombre à mon goût. Tout est vide, dépourvu de la moindre émotion. Est-ce donc le traitement que je mérite ? Je suis moi-même désespérée de me voir me poser ce genre de questions aussi futiles. Bien évidement, il s'agit là de Démons. Le confort n'a rien d'important chez eux. D'autant plus avec une invité telle que moi.
Je lance un bref regard à l'attention de la table à quelques mètres de moi. Je n'ai toujours rien touché et pourtant, mon ventre ne cesse de me crier famine. Mes dents pincent ma lèvre alors que je détourne mon regard. Surtout, ne pas craquer. Qui sait ce qui pourrait se trouver là-dedans. Je n'ai nullement confiance en eux. Si je dois me laisser mourir de faim pour qu'ils puissent m'accorder d'avantage de considération, qu'il en soit ainsi.
«Quelle plaie...»
Mon corps se recroqueville sur lui-même et je dépose ma tête contre mes genoux. Au moins, on ne peut pas dire qu'ils y sont allés d'une main légère quant à ma tenue. Celle-ci est d'une douceur inégalable malgré son aspect bien trop sombre à mon goût. Quant à mes talons, j'ai bien assez vite décidé de les abandonner au bord du lit afin de ne pas rendre mes pieds meurtris.
Je décide pendant un court instant de fermer mes paupières afin de m'abandonner à mes pensées. Dans le fond, je doute que cela ne soit une très bonne idée mais c'est tout ce que je peux faire.
«Votre père et moi nous n'avons jamais divorcé parce que nous nous aimions plus. Des Démons en avaient après lui et il souhaitait avant tout votre sécurité. Notre sécurité. C'est pourquoi, nous nous séparés afin de garder éloignés. Il s'est sacrifié pour vous les enfants.»
«Se sacrifier ? Tu parles. Comme si on méritait qu'il fasse une telle chose pour nous. Quel idiot. Il ne méritait pas ça...»
Un léger grognement s'échappe d'entre mes lèvres tandis que je jette contre le mur le premier coussin à portée de main. Il n'aurait jamais dû faire une telle chose. Mon père n'aurait jamais dû se sacrifier pour nous. Il me suffit de le voir à nouveau pour qu'une boule se forme dans ma gorge. Était-il vraiment vivant à ce moment ? N'était-ce pas tout simplement un stratagème pour mieux m'avoir ? Après tout, il serait tout à fait possible qu'un Démon puisse prendre son apparence.
Je ne sais plus quoi penser et rester dans cet endroit n'arrange en rien la situation. Il faut que je puisse prendre l'air pour mieux réfléchir à toute cette situation.
Agacée par tout cela, je m'élance hors du lit et viens abattre mes poings contre la porte. Plusieurs échos de voix s'échappent successivement de ma gorge. J'ai beau les interpeller ou les menacer, personne ne se manifeste. Je suis pourtant sûre que quelqu'un doit m'entendre mais personne ne me répond.
«Comme s'ils allaient réussir à m'avoir de leur côté de cette façon. Bande d'imbéciles... Vous me le payerez.»
Je hausse subitement les sourcils en entendant le verrou de la porte. Serait-il possible que quelqu'un ait enfin daigné à répondre à mes appels ? Prudente quant à mon nouveau visiteur, je recule instinctivement de quelques pas. La surprise est bien plus amère que je ne le pensais en découvrant le visage de Samaël. Un air sournois trône sur ses lèvres tandis qu'il pénètre dans la pièce et que la porte se referme derrière lui dans un grand fracas.
J'en ignore peut-être beaucoup à son sujet mais j'ai suffisamment eu l'occasion de l'observer interagir avec ses camarades pour comprendre à peu près de quel type de personne il s'agit. Et très clairement, cette image ne me rassure guère.
«Qu'est-ce que tu me veux ?»
«Allons, je te trouve bien froide tout d'un coup. J'aurais pensé que tu te serais montrée un peu plus joyeuse à l'idée que quelqu'un puisse enfin répondre à tes appels. Tu voulais voir quelqu'un n'est-ce pas ? Et bien me voilà. A ton entière disposition.»
«Je ne demandais pas à avoir de la visite mais plutôt à sortir d'ici. En plus de ça, tu ne devrais pas être plutôt avec les autres à gérer les problèmes suite à mon arrivée hein ?»
«Je vois que l'on t'a tenu au courant de tout ce bordel. Pour être franc avec toi ma petite, il vaut mieux que je sois là avec toi plutôt qu'avec eux. Disons que ces petits vieux aigris n'aiment pas vraiment le vent de fraîcheur que je peux leur apporter.»
Je décide de ne rien répondre, bien trop intriguée par ce personnage si singulier et décalé à mon goût. A croire que mes soupçons à son propos étaient vrais. D'ailleurs, au vu de la relation qu'il semble entretenir avec Lilith, je doute bien que le laisser là-bas en leur compagnie n'aurait pas soulager les esprits. Et forcément, il a fallu que son dévolu se jette sur ma personne. Pour le coup, j'aurais finalement préféré rester seule.
«Alors, comment vis-tu ton arrivée ici ? Je vois que tu n'as pas touché à ce que l'on t'avait apporté. Tu as pour plan de te laisser mourir de faim finalement ? Je trouve cela bien dommage.»
«Comment ne pas le vivre bien voyons ? Je pense que je respire plus que la joie de vivre à l'heure actuelle. Tu ne trouves pas ? Je suis tellement heureuse que je n'en ai même pas envie de manger !» Soufflais-je ironiquement.
«Et bien quel humour. Je vois que les Anges ont eu le temps de bien te bourrer le cerveau avec leur mauvais goût après tout ce temps. Tu leur ressemblerais même un peu trop à mon sens.»
Une fois de plus, je décide de ne pas relever à ses paroles. Il est simplement là pour me distraire. Je ne suis pas sotte. Plus longtemps il restera à mes côtés et plus longtemps ils n'auront pas à se préoccuper sur les quelconques tentatives que je pourrais faire pour m'échapper. Et ce, bien qu'à l'heure actuelle je manque terriblement d'idées.
«Je devine que tu ne sais pas grand-chose à mon sujet n'est-ce pas ? Que diras-tu de m'écouter un peu ? Histoire de pouvoir faire les présentations et que nous puissions faire passer le temps toi et moi.»
«Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix.» Soufflais-je.
«A vrai dire, non. A ta place, j'apprendrais un minimum à connaître la plupart des personnes que tu as pu voir tout à l'heure. Simple question de survie pour toi. Toujours connaître ses ennemis tu connais ?»
«Je croyais que vous me vouliez comme alliée ? Ton discours est un peu contradictoire face à celui de ton camarade.»
«Allons bon. Ne te montre pas aussi prude. Nous savons tous les deux très bien que tu nous considères plus comme étant tes ennemis que comme des alliés potentiels. Et vice-versa. Si nous te gardons ici c'est avant tout pour nous assurer que les Anges ne mettront pas la main sur toi. Après, le fait de savoir si tu comptes nous aider ou non entre en seconde ligne bien que cela nous serait d'une grande aide.»
Ce Démon avait au moins le mérite d'être honnête au lieu d'essayer de me baratiner. Restant debout, prête à réagir à la moindre de ses approches, je me mis à le suivre attentivement du regard alors qu'il se dirigeait vers une chaise posée dans la pièce. Il prit sans plus attente place et m'accorda un bref sourire sournois. Expression typique chez les Démons que j'avais appris à connaître grâce à mon cousin.
Je croisais les bras contre ma poitrine et attendait donc d'en entendre d'avantage. Dans le fond, il n'avait pas si tort. Si je devais rester ici pour quelques temps, autant apprendre à connaître mes ravisseurs un minimum. Tout cela ne pouvait m'être que bénéfique.
«Je suppose que tu as déjà entendu mon prénom tout à l'heure de la part de Lilith ? Elle et moi avons une relation assez étroite. Du moins, si nous pouvons appeler ça comme ça. Je me doute que je n'ai pas besoin de te raconter l'histoire d'Adam et d'Eve ? Lilith était considérée comme la première femme d'Adam avant de devenir la reine des Succubes et qu'Eve ne prenne sa place. Si tu veux mon humble avis, je la préfère bien plus comme ça. Cette femme a le chic pour pouvoir pimenter notre quotidien ici je dois bien le reconnaître. J'adore ça.»
«Et en quoi as-tu donc un quelconque rapport là-dedans ?» Demandais-je.
«Un peu de patience, j'allais tout justement y venir. Dans cette fameuse histoire, Eve commet le péché originel n'est-ce pas ? Néanmoins, une telle chose n'est pas arrivée toute seule. Il a bien fallu que quelqu'un en soit l'investigateur. Tu vois où je veux en venir ?»
Un plis se forme sur mon front alors que ses lèvres s'étirent d'avantage à mesure qu'il me voit réfléchir. Je sais d'avance qu'il prend un certain plaisir à me voir réfléchir de la sorte. L'investigateur du péché originel ?
C'est alors que l'une des phrases prononcées par Lilith me revient subitement en mémoire. Au vu de la description faite, je devine rapidement ce que mon interlocuteur veut me faire comprendre. Mes yeux grossissent rapidement alors que je l'interroge directement du regard.
«Alors comme ça tu serais... le serpent ?»
«Bingo ! Je vois que tu es plutôt vive d'esprit. Bien que ce ne soit plus vraiment ma fonction à l'heure actuelle, c'est ainsi que l'on me connaissait à l'origine. Aujourd'hui, on a plutôt tendance à me surnommer l'Ange de la mort. Je dois bien reconnaître que cette appellation n'est pas la plus joyeuse mais je dois avouer que ça fait toujours son petit effet. Notamment lorsque je croise des Anges comme toi. Généralement leur visage se décompose bien assez vite. C'est vraiment jouissif !»
Difficile de ne pas être une preuve vivante de ses propos. L'Ange de la mort ? Sérieusement ? Effectivement, ce surnom n'a rien de bien joyeux ou même de rassurant. Toutefois, je comprend mieux ce lien spécial qui semble le relier à Lilith. Tous les deux ont un passé commun de part le Jardin d'Eden. Tentant de contenir la moindre émotion, je glisse mes mains sur mes bras en conservant une expression détachée.
«Ne t'en fait pas. Je ne te ferais rien. Du moins, pas pour le moment. Concernant les autres, je pense que tu apprendras bien assez vite à les connaître. Je doute du fait que je sois le seul qui viendra te tenir compagnie durant ton séjour ici.»
«Je n'ai nullement besoin de vos visites. Tout ce que je veux c'est sortir d'ici. Vous devez être conscients que je veux c'est voir mon père.»
Mon ton se fait tranchant. Je ne tiens pas à leur accorder de faux espoirs. Ils peuvent toujours se mettre le doigt dans l'œil s'ils comptent m'avoir à leurs côtés. Un rire s'échappe de la gorge du Démon qui ne semble nullement agacé par mes propos.
Un bruit contre la porte nous interrompt subitement. Jetant un bref regard en ma direction, Samaël finit par se diriger vers la porte. Celle-ci s'entrouvre automatiquement et je peux voir le visage d'un homme s'y glisser. Celui-ci semble murmurer quelques paroles à l'oreille du Démon qui semble tout particulièrement à son écoute.
Je reste quant à moi à ma place, observant simplement la scène le plus attentivement possible. Au vu de l'air sérieux qui trône désormais sur son visage, je devine bien assez vite que quelque chose ne s'est pas produit comme il l'espérait.
«Il semblerait que nous allons avoir besoin de ta collaboration plus tôt que prévu princesse...»
[...]
Les bras toujours enchaînés, j'avance silencieusement à travers ces couloirs. L'odeur morbide de la mort plane jusqu'à mes narines et je suis obligée de contenir mon souffle pour m'empêcher de vomir à tout moment. Des plaintes, des cris et des pleurs se font entendre de par tous les murs. C'est tout bonnement insupportable. Je n'ose même pas tourner mon visage de peur de croiser le regard de quelqu'un.
Sur le coup, je ne peux que me maudire moi-même. Encore une fois, j'ai été bien trop faible et c'est ce qui m'a amené à me retrouver ici.
FLASH-BACK
«Il en est hors de question. Quel intérêt aurais-je à me montrer devant cette foule de Démon ? Je ne vous ferais jamais ce plaisir, sachez-le. Débrouillez-vous d'une autre manière.»
«Ne joues pas la difficile voyons. Nous n'avons pas le temps de trouver d'autres alternatives pour pouvoir calmer ces idiots. A croire que la nouvelle s'est répandue bien plus rapidement que prévu...»
«Tout cela m'importe peu. Débrouilles-toi pour trouver un autre plan si tu es si intelligent. Je resterais ici coûte que coûte.»
Une ombre passe rapidement sur le visage de mon interlocuteur et je devine que mes petites histoires commencent à l'agacer. Son air jovial et joueur disparaît pour laisser place à un air bien plus sombre. Je racle durement ma gorge au moment ou ses mains viennent à se poser de chaque côté de mon corps tandis que je suis plaquée au mur.
Ses orbes sombres me fixent avec intensité alors qu'il s'approche doucement de moi. Un frisson désagréable me parcoure au moment où sa voix se faufile jusqu'à mon oreille.
«Bien, je suppose que je n'ai d'autres choix. Tu auras l'autorisation de voir ton père juste avant. N'est-ce donc pas un bon compromis ? Tu n'auras pas beaucoup de temps mais je pense suffisamment pour que cela puisse te convaincre de nous aider ? Alors qu'en dis-tu ? Voir ton papa chéri est ce que tu veux après tout...»
Je ne peux m'empêcher de mordre ma lèvre en l'entendant dire. Forcément, il sait comment m'avoir. Mon père est sûrement ma seule et plus grande faiblesse dans ce bas monde.
FIN FLASH-BACK
«Nous y sommes. Je te laisse quinze minutes pas plus. Ils ne tarderont pas à arriver et nous avons besoin que tu sois là de suite. Ouvrez-lui la porte.»
«Attendez. Est-ce que vous pouvez me détacher ? Je ne ferais rien. Je tiens juste à ce qu'il ne me voit pas dans cet état. Vous avez ma parole.»
Ma question semble laisser planer le doute pendant quelques secondes. Samaël m'observe longuement tandis que les gardes à ses côtés me lancent un regard méfiant. Bien sûr. Après tout, qui irait croire à une telle demande ? Néanmoins, le Démon n'y conteste rien et sort des clés de sa poche.
«Maître vous-» Tente un garde, surprit.
«Silence. Je sais très bien ce que je fais. Nous te rattacherons de suite une fois sortie. Ne tente rien ou nous le tuerons.»
J'acquiesce d'un simple mouvement de tête et tend mes poignets. Quelques secondes plus tard, je ne peux m'empêcher d'émettre un faible soupire de soulagement en me sentant enfin libre de mes mouvements. J'inspire profondément puis pénètre dans la cellule face à moi tandis que la porte se referme immédiatement.
Lucas
Le souffle court, je tente tant bien que mal de me frayer un passage à travers cette foule enragée qui ne semble point nous remarquer pour le moment. Des cris et des échos de voix se font entendre de tous les côtés. Et malgré la peur de me faire prendre à tout temps moment, c'est l'adrénaline qui me guide. Elle est là. Je la sens. Nous la trouverons bientôt et nous pourrons partir de cet endroit nocif. Et par la suite, nous trouverons une solution. Elle ne pourra pas vivre éternellement dans cette situation. Je le refuse. Elle ne mérite pas ça.
J'ajuste à nouveau ma capuche correctement tout en jetant un bref regard derrière moi. Mes camarades me suivent de près, tout aussi prudents. Maxence quant à lui mène toujours la danse. Bien que l'idée de laisser devant nous ne me plaît guère, je dois bien reconnaître qu'avoir un Démon en première ligne est sûrement bien plus sûr.
«Nous y sommes presque. Frayons nous un chemin devant. Ces idiots sont tellement pris dans le feu de l'action qu'ils n'iront même pas nous soupçonner. Essayez de vous mêlez à la foule.»
Je hoche brièvement mon visage avant de poursuivre mon ascension. L'idée de jouer le Démon ne me plait pas vraiment je suis prêt à tout.
Tous sont désormais rassemblés devant ce qui semblerait être une sorte de manoir ou de château de l'ancienne époque. Toutes sortes de Démons nous entourent et je me doute bien que certains d'entre nous ne doivent être nullement rassurés par cette perspective. Toutefois, tout ira. Du moins, je l'espère.
Nous ne tardons pas à nous arrêter une fois suffisamment près. De ce que je peux comprendre, tout se passera là-haut sur ce balcon. L'agitation continue de se faire entendre pendant de longues minutes avant qu'une voix grave ne transperce soudainement l'air.
«Silence !»
Un homme ne tarde pas à se dégager de l'ombre afin de se présenter à la foule. Le silence s'abat automatiquement bien que la tension continue de planer dans l'air. J'aurais même l'impression de voir Maxence se tendre à mes côtés. Le connait-il pour pouvoir réagir ainsi ? A première vue, cet homme semble suffisamment important et puissant pour pouvoir imposer de la sorte un tel silence. D'autres personnes ne tardent pas à parvenir à ses côtés, tout aussi droits et imposants.
Et comme si tout cela m'apparaissait comme une évidence, je devine bien assez vite qu'il s'agit là des ravisseurs d'Alyssa. Mes poings se serrent fermement alors que je tente de me contenir. Pas maintenant Lucas. Nous devons attendre le moment le plus opportun pour agir. Autrement, tous nos efforts seront réduits à néant en seulement quelques instants.
«Où est-elle ? Où la fille Phénix ? Nous savons très bien que vous l'avez avec vous ne tentez pas de nous mentir !» S'exclame une voix avant que d'autres ne se succèdent.
«Ça suffit ! Montrez une telle agitation ne vous servira à rien si vous voulez que nous répondions à vos requêtes. Nous n'avons pas besoin de ça en temps de guerre. Et vous le savez tout aussi bien que moi.»
Quelques grognements se font entendre tandis que l'homme parcoure la foule du regard. Son regard se fait lourd de sens avant qu'il ne s'arrête quelques instants en notre direction. J'en viendrais presque à redouter le fait que nous soyons démasqués à cette constatation. Toutefois, il s'éclaircit la voix en toussotant légèrement.
«Les rumeurs que vous avez entendu sont réelles. La fille au Phénix est parmi nous. Nous avons réussi à la retrouver et elle est actuellement chez nous.»
«Qu'est-ce qui nous fait dire que tout cela est réel et que vous ne cherchez pas à nous berner pour mieux nous envoyer sur le champ de bataille ? Prouvez-le ! Pourquoi ne pas nous l'avoir dit ? Vous comptez garder seulement pour vous.»
«Bien sûr. Il en va de soit. Néanmoins, je pense que dans une situation pareille, vous montrez la preuve réelle sera bien plus convaincant. Approches.»
Les battements de mon cœur s'accélère subitement alors que je retiens mon souffle. Il me suffit de la voir s'approcher pour que mon corps entier ne s'agite. Elle est entièrement vêtue de noir, des chaînes autour de son cou et de ses poignets. Sa peau ne semble pas marquée de blessure et pourtant je sais ce que ces Vampires lui ont fait. Quant à ses Démons, je suis persuadé que la souffrance psychologique leur est bien plus efficace.
Une expression que je ne saurais décrire trône sur son visage tandis qu'elle se fraye un chemin à travers ses Démons. Je ne saurais comment l'expliquer mais quelque chose ne va pas. Elle n'est pas dans son état habituel. Il me suffit de la voir pour le comprendre. Autrement, pourquoi irait-elle se présenter ainsi face à cette foule ?
Les Démons autour de nous semblent complètement silencieux, sûrement bien trop absorbés à l'idée de la découvrir enfin.
«Vous vouliez la voir n'est-ce pas ? Vous voilà donc servi. Peut-être devrais-tu leur faire une petite démonstration tu ne penses pas ? Histoire qu'ils soient bel et bien sûrs que tu es bien la fille dont tout le monde parle.»
Mes sourcils se froncent et je continue de la fixer avec insistance. Alyssa continue de regarder droit devant elle, ne cherchant même pas à affronter le regard de tous ces ennemis. J'en suis persuadé, quelque chose ne va pas. Ils l'ont manipulé.
Il suffit par la suite de quelques instants pour que ses yeux ne tournent à cette couleur si particulièrement ambrée. Son aura se transforme ensuite, laissant clairement apparaître ce qu'elle est en réalité.
«Je m'appelle Alyssa Taylor, enfant d'Emilie et de Victor. Je suis la fille dont les rumeurs parlent tant ces derniers temps c'est vrai. Je suis la fille au Phénix.»
Ses paroles retentissent comme un coup de massue en moi tout comme sur le reste de la population. Comment peut-elle ainsi se livrer sans peur de représailles. Je serre fortement les poings tandis que des voix, des acclamations ou même des revendications se font entendre. Je suis bousculé de toute part et pourtant mon regard reste accroché à cette même personne.
Elle semble parcourir la foule, observant sûrement la réaction tous ces Démons. Pendant un court instant, je décide de dégager ma capuche de mon champ de vision. Nos regards se croisent alors et ce que je lis dans son regard ne me plaît guère.
Pourquoi ai-je donc l'impression que quelque chose qui risque de me déplaire va arriver ?
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Bonsoir mes chatons ! Nouveau chapitre comme vous avez pu le voir. Lucas et toute sa petite troupe sont bel et bien arrivés en Enfers mais les retrouvailles avec Alyssa ne sont pas aussi joyeuses que prévu. Que pensez-vous qu'il soit arrivé à notre Ange pour qu'elle puisse agir soudainement de la sorte ? J'ai hâte d'entendre toutes vos théories sur la suite de l'histoire mouahah. Sur ce, je vous fais d'énormes bisous et d'ailleurs, quand est-ce que vous êtes en vacances les chatons ? ♥
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