Chapitre Quatre-Vingt-Dix-Huit
Alyssa
Ont-ils le choix ? En toute honnêteté, non. Nous n'avons pas le temps de réfléchir à milles et une solutions alors qu'une est justement entrain de leur tendre fièrement les bras. Je sais que leur demander de me faire confiance aveuglement n'est pas une chose des plus évidentes. D'autant plus en ces temps de crise. Et pourtant, à l'heure actuelle, il s'agit d'une nécessité. Nous ne pouvons pas faire autrement. Je ne peux pas prendre le risque de faire échouer tout mon plan en leur révélant la vérité. Pas maintenant. Ils ne comprendraient pas tous mes choix. Moi-même, j'ai encore du mal à y concevoir pleinement.
«De l'aide des Démons ? Sérieusement ? Je n'y crois pas... C'est officiel, tu dois être son double maléfique ou quelque chose du genre. Je pensais que tu avais enfin laissé de côté cette lubie de vouloir toujours t'associer à eux depuis tout ce temps ! N'as-tu donc toujours pas retenu la leçon ?»
«Nelly... Là n'est pas la question. Je te demande de me faire confiance même si ça peut te paraître insensé. Crois-moi, j'en ai réellement besoin. Vous êtes les seuls à qui je peux demander une telle chose.»
«Te faire confiance, je le peux mais c'est à eux que je ne peux pas. On ne sait pas ce qu'ils manigancent. L'un d'entre eux a tenté de tuer Mélina et regarde dans quel état elle est maintenant. On ne peut pas leur accorder toute notre confiance sous prétexte que nous sommes en difficulté. Les choses ne fonctionnent pas de cette façon entre nous. Qui sait, certains d'entre eux ont sûrement décidé de se liguer à leur camp. Ce ne serait pas si étonnant. Ils pourraient nous poignarder à tout moment. On ne peut pas se permettre de prendre de tels risques.»
«Je sais que ce que je vous demande est dur à accepter mais nous n'avons pas le choix. Avec les forces et les effectifs qu'ils nous restent, nous en sortir indemne est tout bonnement impossible. Du moins par nous-même. Nous ne sommes qu'un groupe d'étudiants perdus dans ce champ de bataille. J'ai besoin de leurs forces et de leurs pouvoirs pour pouvoir nous sortir de toute cette situation. C'est beaucoup demander, j'en ai bien conscience mais ce sera la dernière fois. L'ultime fois. C'est promis. Sans leur aide, je ne pourrais pas.» Implorais-je.
Rester dans cet endroit à la vue de tous est un danger omniprésent. Je le sais. Et pourtant, j'ai avant tout besoin de m'assurer qu'ils sont avec moi, que je peux leur faire confiance une dernière fois. Sans doute suis-je trop égoïste mais ils sont les seuls sur qui je peux véritablement compter. J'ai besoin de leur soutient pour me conforter dans l'idée que je fais le bon choix et que je n'aurais aucun regret suite à cette décision.
Face à la mine fermée de mon amie, je comprend très rapidement que la convaincre sera plus compliqué que prévu. Je le conçois. C'est tout à fait normal et je ne pourrais pas lui en vouloir de m'abandonner maintenant. Elle en a tant fait pour moi depuis mon arrivée ici. Mélina est bien trop faible pour pouvoir faire quelque chose à l'heure actuelle. Il faut qu'elle aille se mettre en sécurité. Je pourrais me passer de son aide si c'est pour m'assurer en échange de sa survie. Je lui dois bien ça.
«Bon... Ça me va. De toute évidence, au point où nous en sommes, demander de l'aide à des Démons n'est même plus étonnant. Ce n'est pas comme si c'était la première fois que l'on commettait ce genre de folie avec toi... J'espère simplement que tu as les arguments suffisants pour les convaincre et les rallier à notre cause aussi folle sois-tu.» Me souffle le rouquin en m'accordant un regard convaincu.
«Benjamin qu'est-ce que-... C'est complètement de la folie.»
«Ouvre un peu les yeux deux minutes. Est-ce que tu vois une autre issue ? Nous n'avons pas d'autres options. Nous sommes bloqués, pris au piège et on ignore pour combien de temps. Je fais confiance à Alyssa. Elle a forcément une solution. Aussi dingue soit-elle. Je suis prêt à me jeter dans la gueule du loup s'il le faut plutôt que de rester là à subir encore des pertes.»
Touchée par ses mots, je lui dédie rapidement un regard empli de reconnaissance. Je pourrais tout aussi bien le prendre à nouveau dans mes bras mais mieux vaut-il éviter ce genre de scène bien trop émotive à mon sens. J'ignore si je pourrais encore tenir le coup bien longtemps à ce rythme. Gardons la tête froide.
Face à la décision de notre ami, Nelly et Mélina ne tardent pas à se lancer un long regard lourd de sens. Elles doivent prendre à leur tour une décision. Bonne ou mauvaise. Quelques longues secondes de suspens s'écoulent avant que l'aînée des deux ne reprennent à nouveau parole pour me fixer sérieusement sous l'incompréhension de la plus jeune.
«C'est entendu mais à une seule et unique condition. Je veux que Mélina reste en dehors de tout ça. Elle ne devra pas participer à toute cette folie.»
«Quoi ?! C'est hors de question. Vous ne participerez pas à tout ça sans moi quand même ! Je refuse de rester sur le banc de touche. J'ai aussi un rôle à jouer dans toute cette histoire ! Je ne peux pas laisser Nelly seule. Je suis sa gardienne, c'est mon rôle ! Vous aurez forcément besoin de moi.» S'exclame-t-elle avec vigueur avant de grimacer en s'appuyant maladroitement sur sa cheville blessée.
«Marché conclu. De toute évidence, j'avais bien pour intention de la laisser en dehors de toutes ces histoires. Tu peux te rassurer Nelly.»
Immédiatement plus rassurée par ma réponse, je constate que les épaules de mon amie se détendent. Rien de plus étonnant. La Sorcière à nos côtés demeure toutefois mécontente de notre décision, sûrement vexée de notre manque de considération à son égard. J'ai bien conscience du fait qu'elle aimerait m'aider plus que tout mais dans son état actuel, ce serait mettre en danger sa vie autant que celle des autres. Et c'est un risque que je ne peux pas me permettre de prendre. Nous devrons nous passer de son aide pour cette fois.
Je décide de m'approcher d'elle avant de déposer lentement mes mains sur ses épaules. Nos regards s'accrochent immédiatement tandis qu'un faible sourire se dessine sur mes lèvres pour la réconforter.
«Tu en as déjà fais bien plus que je ne l'aurais imaginé Mélina. Qu'importe ce qui a pu se passer, je sais que tu es dans cet état parce que tu as voulu me protéger. Je t'en suis infiniment reconnaissante. Je suis tellement heureuse d'avoir pu rencontrer quelqu'un d'aussi fiable que toi. C'est pour cette raison que je ne peux pas me permettre de te mettre en danger plus longtemps. Tu as besoin de repos maintenant.»
«Alyssa... S'il te plaît laisse-moi au moins faire quelque chose.»
«Je veux que tu ailles te mettre en sécurité de suite. Va rejoindre Martin et sa femme. Je t'indiquerais leur localisation mais ne te fait pas repérer. Prends garde. Ils peuvent être n'importe où. Je t'en pris, protège les pour moi. Je sais qu'à toi je pourrais te faire confiance et qu'ils sauront s'occuper de toi pour te soigner en retour. C'est tout ce que je te demande.»
«Tu n'as pas le droit de me demander une telle chose en me prenant par les sentiments... C'est de la manipulation. Est-ce que tu en as bien conscience ?»
«Je sais et tu as toutes les raisons du monde pour m'en vouloir mais je veux que tu penses aussi à toi. Tu en as déjà assez fait sur le champ de bataille pour aujourd'hui. Repose-toi et prends-soin d'eux. Ta vie a tout autant d'importance et je ne supporterais pas de te perdre toi aussi. Pas comme Anna. Pense à nous, à Nelly.»
Évoquer ce prénom à voix haute ranime immédiatement cette douleur amère enfouie en moi mais je décide de tenir bon. Ma prise se serre inconsciemment sur les épaules de la Sorcière alors que je lui laisse le temps de digérer ces informations. De toute évidence, si elle continue à me tenir tête, je n'aurais pas d'autres choix que de la forcer. D'une manière ou d'une autre. Même si je n'aime pas ça.
«D'accord... Je suppose que je n'ai pas d'autres choix de toute évidence, non ? J'irais les rejoindre et j'en profiterais pour me faire passer pour toi le temps qu'ils se rendent compte de la supercherie. Profite de cette occasion pour mettre à exécution ton plan. Et surtout, vous avez intérêt à vous en sortir en un seul morceau. C'est clair ? Autrement je me chargerais de votre cas très personnellement. Vous n'avez pas intérêt à me laisser seule dans ce monde de détraqués.»
Un léger rire m'échappe alors qu'elle m'envoie un regard qui se veut plus que sévère. Je décide de l'enlacer un court instant en lui murmurant mes remerciements les plus sincères avant de me séparer d'elle et de poser une main contre son front pour lui transmettre de mon mieux le lieu où se trouve mes deux autres amis. Ma pratique sur la transmission d'image mentale n'est pas encore exceptionnelle dans le domaine mais il semblerait que mon essai soit un succès au vu de la mine de la plus jeune. Apprendre toujours de nouvelles capacités est bien pratique.
Profitant de la situation, Nelly ne tarde pas à s'abaisser au niveau de sa cheville. Je ne suis guère étonnée de la voir user d'un peu de sa magie pour arranger de manière superficielle sa blessure. C'est dans des moments comme ceux-ci que je regrette de ne pas avoir les mêmes facultés que Lindsay. Les choses seraient sans doute plus simples pour nous.
«Je ne peux pas entièrement soigner ça mais ça te permettra au moins de supporter la douleur jusqu'à ce que tu les rejoignes. Évite si possible la moindre confrontation avec un ennemi potentiel et tout devrait bien se passer. Fais au plus vite.»
«Entendu, merci Nelly. Fais attention à toi. N'oublie pas notre promesse.»
Sur un dernier regard entendu, Mélina finit par rebrousser rapidement chemin. Sa démarche est encore boiteuse. Pourtant, je vois déjà sa silhouette disparaître en l'espace de quelques instants. Rassurée, je soupire longuement et me tourne vers mes deux autres camarades. L'un comme l'autre m'observent attentivement, attendant sûrement de recevoir mes nouvelles directives. Nous devons faire au mieux pour être les plus discrets possibles.
«Il faut que je sorte d'ici sans me faire remarquer. Je vais avoir besoin de vous deux sur ce coup-là pour me trouver deux personnes en particuliers. Vous n'aurez qu'à leur donner ce papier. Ne le surtout lisez pas. Il suffira amplement à les convaincre si mon intuition est bonne.»
Sans attendre davantage, je décide rapidement de leur dévoiler l'identité de ces deux personnes. Leurs réactions me fait bien comprendre qu'ils ne comprennent pas encore clairement où je veux en venir mais je décide de ne pas argumenter sur la question. Ils savent pertinemment que je ne pourrais rien leur dire. Du moins, pas pour le moment. Tout ce qui importe, c'est de trouver avant tout ces personnes. J'ai besoin d'eux si je veux que mon plan fonctionne le mieux possible.
N'essayant guère de me convaincre du contraire, l'un comme l'autre lâchent un profond soupire avant de se résoudre à ma requête. Il me faudra bien évidemment plus de monde mais pour le moment, ce sera largement suffisant. Il faut bien commencer quelque part après tout.
[...]
La situation est étrangement calme. Du moins, si on oublie la bataille qui est entrain de se livrer dehors. Nelly et Benjamin ne sont toujours pas de retour et je commence de plus en plus à m'impatienter. Jusqu'ici, la pièce dans laquelle je suis enfermée me tient par miracle à l'écart de tout ennemi. J'ignore encore combien de temps tout ceci pourra durer mais je décide de garder contrôle sur mon état mental. Il faut que je conserve mon calme et mes idées au clair. Je n'ai pas le droit de craquer.
Un léger tressaillement saisit mon corps tout entier lorsque la poignée de la porte s'actionne soudainement. Prudente, je me cale dans un coin, prête à neutraliser mon ennemi à tout moment si cela est nécessaire. Fort heureusement, je suis rapidement dépossédée de toute angoisse lorsque le visage de mes deux amis apparaît en compagnie de nos deux invités. Benjamin se hâte rapidement à refermer la porte alors que le regard des deux autres se déposent sur ma personne. Sans la moindre sympathie bien évidement.
«Alors c'est ici que tu te cachais depuis tout ce temps ? Plutôt banal. Tu es drôlement chanceuse dans tout ton malheur décidément. Je me demande encore comment tu peux arriver à faire une telle chose.»
Silencieuse, j'indique à mes amis de garder contenance devant cette attaque verbale. Ces mots sont peut-être durs mais je m'y suis préparée depuis bien longtemps. Les avoir ici est déjà beaucoup demandé alors je me dois d'encaisser la moindre de leurs reproches sans broncher. Je les mérite toutes. Je ne suis pas dupe et encore moins innocente dans toutes ces histoires. Nous ne sommes plus la fille et les deux ennemis qui avaient fini par bien s'entendre à mon arrivée. Peut-être que tout n'était qu'une illusion ? Sans doute...
J'ai dû bien assez vite choisir mon véritable camp et traîner en leur compagnie n'était pas raisonnable vis-à-vis de nos règles. Il m'arrive parfois de regretter leur présence mais j'ai fais de mon propre chef le choix de ne plus les fréquenter comme auparavant. Il faut savoir faire des sacrifices et mon entente avec Hugo et Zack en fait parti.
«Merci à vous deux d'être venus jusqu'ici.»
«Oh détrompes-toi. Ce n'est pas pour toi que nous sommes ici. Prends-en bien conscience. Nous ne te devons rien. J'ai accepté de suivre tes amis juste pour savoir ce que tu voulais nous dire. Je jugerais ensuite s'il faut te dénoncer ou non auprès de Maxence.»
«Je vois... Le mot que je vous ai fait parvenir indique parfaitement ce que j'ai pour intention de vous accorder en échange de ce service.»
«Sérieusement ? Comme si on pouvait y croire. Ne nous prends pas pour des idiots. Je pense que tu as déjà suffisamment jouer avec nous ces derniers mois, non ?»
«Crois-moi Zack. Je suis plus que sincère dans mes propos. Tu y auras le droit à condition de m'amener en dehors de cette Académie. Je dois partir d'ici.»
«Fuir ? Et tu penses réellement que deux loups comme nous pourrons réussir à te faire sortir sans se faire repérer ? C'est du pur suicide. Même tes amis ont du mal à y croire regarde-les. Je me disais bien que tu n'avais aucune considération pour notre existence mais pas à ce point.»
«J'ai énoncé le fait que vous me viendriez en aide mais pas que vous seriez les seuls... Sortez donc. Je sais que vous êtes là à nous espionner depuis tout ce temps Mara.»
Une mine déconfite se dessine rapidement sur le visage de mes camarades alors qu'ils observent vigoureusement autour d'eux. Un rire amer attire directement mon attention tandis que la silhouette de Mara se dessine dans la pièce. J'ignore exactement depuis combien de temps elle se trouve ici mais elle sait déjà ce que j'envisage à sa façon de me regarder. Rien de plus étonnant pour quelqu'un d'aussi calculateur qu'elle.
«Je suis impressionnée par tes prouesses. Tout le monde n'est pas capable de sentir ma présence aux premiers abords. Il semblerait que tes instincts soient davantage développés en situation de danger. Tu ressemblerais presque à ton cousin avec un air aussi grave sur le visage. Ne m'observe pas comme ça voyons. Tu me donnerais presque envie de vomir.»
Un long frisson parcoure mon échine tandis que la déléguée des Démons parcoure la salle pour se planter devant moi. Mara est un Démon tout particulièrement charismatique et effrayant. C'est un fait indéniable. En dépit de ses rares apparitions, nous savons tous très bien que ses implications peuvent être redoutables. Nelly en garde elle-même un mauvais souvenir.
Le regard froid et l'expression fermée, je sais d'avance qu'elle peut lire en moi comme dans un livre ouvert. Devrais-je m'en inquiéter ? Très certainement. Et pourtant, sa présence ne peut m'être que bénéfique. Mara fait elle aussi partie de mon plan et elle le soupçonne d'avance à son expression intéressée.
«Je suppose que tu as besoin de moi, n'est-ce pas ? Pour ce fameux plan que tu sembles tant avoir élaboré.»
«A quoi bon poser la question si vous en connaissez déjà sa réponse ?»
Je n'ai même pas besoin de tourner ma tête pour deviner que les jumeaux sont à l'heure actuelle sont entrain de me fusiller du regard. Parler avec des Démons est une chose mais répondre de la sorte à leur dirigeante actuelle en est une autre. J'ai bien conscience que Mara possède un rôle plus effacé que Maxence dans cette Académie mais elle demeure toujours avec une certaine influence auprès d'eux. L'épisode avec la Gorgone me l'a bien montré.
Le visage dénué de toute émotion, j'observe attentivement Mara s'approcher d'une démarche hypnotisante jusqu'à moi. On aura beau dire que les Démons sont des êtres effrayants, leur charisme en reste indéniable. Pas si étonnant qu'ils soient les principaux adversaires des Anges. Leurs beautés et leurs forces se doivent d'être égales pour davantage de divertissement. Un frisson parcoure mon échine au moment où son ongle peint d'un rouge vif effleure ma joue.
«Avoir du cran est une bonne chose mais à ta place je prendrais conscience de ma place. Ce pouvoir que tu renfermes en toi ne te donne pas tous les droits. Prends-en bien conscience. Ta position n'égalera jamais la mienne petite.»
Les battements de mon cœur s'intensifient drastiquement alors que son ongle dérive lentement au niveau de ma poitrine. Une légère douleur me saisit au moment où sa griffe acérée s'enfonce dans ma chaire et qu'un faible sourire orne ses lèvres. Elle ne se prive nullement pour admirer le liquide couler de long de ma plaie avant d'en recueillir sur son doigt et le porter à ses lèvres.
«Je sais très bien ce que tu envisages. Dans un sens ça me paraît tout à fait évident bien qu'idiot. Si ceci est réellement ton plan, je compte sur toi pour t'y tenir. Ne me déçois pas.»
Je le savais. Mara n'est pas dupe. Et par je ne sais quelle magie, elle semble lire en moi comme dans un livre ouvert. La tension dans la pièce est telle que mes deux amis n'osent bouger, sans doute pris d'une terreur en voyant la Démone se jouer aussi facilement de moi.
«Ce n'est pas dans mes habitudes de venir en aide aux ennemis mais je suppose que je peux faire une entrave pour cette fois... Que serait un Démon sans enfreindre les règles ? Considère simplement que la réussite de ta mission sera une récompense suffisante pour moi. Autrement, le prix en sera tout autre. Hugo, Zack, vous vous chargerez d'amener cette fille en dehors de l'Académie. Je me chargerais de détourner l'attention pendant ce temps. Hum avec l'aide de cette Sorcière, je suppose ? Bien que je pourrais très bien me débrouiller seule.»
Un simple hochement de tête de ma part suffit à lui faire comprendre qu'elle a vu juste une fois de plus. Toutefois, la réaction de Nelly en est toute autre puisqu'elle me lance un regard interloqué. La faire travailler avec la femme qui a osé se jouer d'elle est dur et j'en ai bien conscience. L'idée ne me plaît guère mais Nelly est la seule Sorcière sur qui je peux compter à l'heure actuelle. Et si Mara décide de retourner sa veste au dernier moment, je pourrais toujours me fier à son instinct pour rattraper la situation tant bien que mal.
Les deux Loups semblent tout aussi insatisfaits par cette soudaine décision au vu de leurs expressions agacées et contrites. Néanmoins, un simple regard de la part de leur supérieure suffit à les faire taire. Tenir tête à Mara est bien trop risqué pour qu'ils veuillent s'y frotter directement même s'ils ne lui sont pas aussi dévoués qu'à Maxence. La sentence est bien trop lourde en guise de représailles.
«Très bien. Dans ce cas ne perdons pas plus de temps. Ne laissons pas plus de victimes subir toutes ces horreurs.» Annonçais-je.
[...]
J'ignore une fois de plus les grognements de Zack en ma direction alors que mes mains s'agrippent fermement au pelage de Hugo. Grimper sur lui me paraissait être le choix le plus justifiable. Je risque bien assez ma vie en ce moment-même. Il serait idiot de risquer ma vie en lui laissant l'occasion de me m'empaler contre une branche à tout moment. Benjamin réajuste une énième fois la longue cape sur ma tête tout en jetant quelques regards furtifs autour de nous. Mon odeur est complètement brouillée de cette façon, ne laissant entrevoir que l'odeur putride de la mort.
«Tu es vraiment sûre de toi Alyssa ? Je veux dire... Te laisser partir de la sorte avec eux. On ne sait même pas ce que tu as en tête. Je ne suis pas rassuré... Ils pourraient te trahir à tout moment.»
«Benjamin. On en a déjà parlé. Fais leur confiance au moins pour cette fois. Et de toute évidence, il est bien trop tard pour reculer maintenant. Les choses sont faites. Nelly et Mara sont déjà lancées. C'est à notre tour maintenant.»
Une faible grimace lui apparaît pendant un court instant avant que je ne me décide à le prendre dans mes bras une dernière fois. Sa prise se serre autour de mes hanches et je dépose une faible tape sur son dos pour lui faire signe de me lâcher. Chose qu'il fait bien évidement à contre cœur après quelques secondes supplémentaires. Les deux Démons se contentent quant à eux de nous ignorer royalement bien que toujours aussi insatisfaits de cet ordre.
«Ce ne sont que des au revoir Benjamin. Je vais revenir. Et cette fois, on pourra continuer nos études tous ensemble. Comme avant. Tu auras toutes les occasions de pouvoir m'apprendre ta maîtrise du feu.»
«Alyssa...»
«Prends simplement soin des filles pour moi le temps que je revienne. Je sais que je peux te faire confiance. Tu es un peu comme notre grand frère à nous toutes. Ne t'en fait pas. Tout ira bien pour moi alors fais en sorte qu'il en soit de même de ton côté.»
Un bruit à proximité attire mon attention et je comprend bien assez vite que Mara et Nelly ont déjà commencé le travail. J'adresse un dernier sourire à mon ami avant de tapoter doucement la tête de Hugo pour lui faire comprendre que je suis prête. Benjamin sait très bien ce qu'il lui reste à faire désormais et j'ai suffisamment confiance en lui pour savoir qu'il ne me décevra pas. Sans perdre un instant de plus, je laisse les deux loups s'enfoncer dans la forêt alors que mon ami disparaît aussitôt à pleine enjambée. L'agitation au loin se fait directement ressentir et j'espère au plus profond de moi que tout se passera comme prévu.
[...]
La respiration saccadée des deux loups se fait entendre alors que nous traversons à une allure fulgurante ces bois sans fin. Ils savent où nous devons nous rendre. Prudente, je me charge de jeter plusieurs regards derrière moi en m'agrippant fermement à la fourrure entre mes doigts. Les cris et bruits d'épée se font entendre au loin et je ne peux m'empêcher d'être rassurée à l'idée que mon plan ait pu fonctionné. Aussi fou et bancal soit-il. Du moins, jusqu'à maintenant.
Ne tardant pas à reconnaître les lieux où nous nous trouvons, j'indique rapidement aux deux créatures de stopper leur course. Ceux-ci obtempèrent immédiatement bien que toujours silencieux. Les conversations ne seront pas pour aujourd'hui.
«Attendez-moi ici. Je n'en aurais pas pour longtemps. Nous repartirons aussitôt alors reposez-vous en attendant.» Assurais-je.
Comme si la situation actuelle ne semblait guère les inquiéter, les deux bêtes se couchent lourdement au sol non sans émettre un faible soupire de lassitude. A l'habitude, j'aurais eu tendance à trouver ces deux peluches vivantes adorables mais au vu de leurs véritables identités et leur rancœur à mon égard, je me passerais de tout commentaire à leur sujet.
Inspirant profondément, je jette un dernier regard autour de moi avant de m'avancer en tenant prudemment la cape autour de moi. Personne n'est aux alentours, bien trop occupé à se battre devant l'Académie ou à se lancer à ma recherche. Le temps m'est compté et pourtant je me dois de faire ça. M'enfuir de la sorte sans lui accorder la moindre parole en retour serait bien trop cruel. Je lui dois bien une telle chose pour tout ce qu'il a pu faire pour moi en seulement quelques mois. Il est l'une de mes plus belles rencontres, la plus inattendue, la plus marquante.
J'ai l'impression d'entendre mon cœur battre jusque dans mes oreilles tant je suis anxieuse et à la fois excitée à l'idée de le retrouver. Mes jambes me tiennent à peine debout que j'aperçois finalement sa silhouette au loin. J'ai beau le voir de dos, je constate de suite à sa posture tendue qu'il n'est guère rassuré à l'idée de se retrouver ici. Benjamin a réussi à le prévenir à temps. J'ose un pas en sa direction et dépose ma main contre son épaule.
«Qui êtes-vous ?!»
Un hoquet de stupeur manque de s'échapper de ma gorge alors que mon corps est rapidement propulsé contre le mur de pierre. La gorge étouffée par son poignet, je tente tant bien que mal de le rassurer tandis que ses pupilles océans me fusillent furieusement du regard. Il ne me reconnaît pas. Et c'est bien l'intérêt de ce déguisement et de cette odeur. Son corps semble se tendre un court instant lorsque ma main atteint sa joue pour le caresser. Je suis toute aussi électrisée par ce contact. Nous n'avons été séparés que quelques heures et j'ai pourtant l'impression qu'il s'agissait de semaines entières.
«Ce n'est que moi. Calmes-toi. Je ne te veux aucun mal.»
Ses yeux continuent de s'élargir alors que je dégage avec précaution la capuche de ma tête pour le laisser entrevoir mon visage. Il semble dans un premier temps bouleversé avant de reprendre peu à peu conscience et de me relâcher. Je ne peux d'ailleurs que me sentir soulager à l'idée de pouvoir enfin respirer convenablement. Ma main l'arrête de justesse dans ses mots. Je ne veux pas qu'il dise mon prénom. Pas maintenant. Tout tomberait à l'eau. Fort heureusement, Lucas semble comprendre bien assez vite mes pensées à son regard entendu.
«Tes cheveux... Que s'est-il donc passé ?» Demande-t-il en me scrutant intensément.
«Disons que j'avais besoin d'un petit rafraîchissement. Une coupe un peu plus courte me va bien, non ? Nelly en avait besoin pour pouvoir berner nos ennemis l'espace de quelques instants.»
Dans le fond, perdre quelques centimètres de longueur n'est pas la fin du monde. Mes amis ne semblaient pas tout aussi enchantés par l'idée mais nous avons pu convenir assez rapidement qu'un raccourcissement jusqu'à mes épaules ne me ferait pas de mal. Je ne suis pas assez superficielle pour porter autant d'attention à ce genre de détails. Surtout dans de telles conditions. Si mon odeur présente dans mes cheveux peut servir à les berner, je suis prête à le faire.
J'ai tout juste le temps de réfléchir davantage que ses mains glissent à mes joues et que sa bouche s'empare de la mienne avec ferveur. Une multitude de sensations viennent à m'envahir alors que je me raccroche à ce baiser comme s'il s'agissait du dernier.
«Qu'est-ce qui se passe bon sang ? Pourquoi es-tu ici ? Je t'avais interdit de sortir de cette salle. Tu sais que c'est bien trop dangereux... Ne me dis pas que Martin et sa femme ont-» Grogne-t-il en collant son front au mien.
«Ils vont bien. Mélina est avec eux. J'ai un plan Lucas. Et j'en suis la principale actrice alors je ne peux pas me permettre de rester enfermée dans cette pièce à attendre que vous régliez le problème à ma place. Tu sais tout autant que moi que je risque de devenir folle à vous imaginer tous à l'extérieur vous battre pour moi. C'est totalement ridicule.»
«Quand cesseras-tu donc d'agir sans réfléchir ? C'est tout bonnement insensé. As-tu seulement conscience du danger dans lequel tu t'impliques en étant ici ? Ils pourraient très bien te retrouver à tout moment.»
«Je crois en Nelly. Et en d'autres aussi d'ailleurs... Et puis, là n'est pas la question. Fais-moi simplement confiance. J'ai besoin que tu crois en moi sur ce coup-là. Plus que quiconque.»
«J'ai confiance en toi et tu le sais mais nous savons tous que tu as tendance à aimer t'impliquer dans des situations qui te dépassent. Qu'est-ce que tu comptes faire hein ? Fuir l'Académie ne te suffira pas. Nous avons déjà essayé souviens-toi et nous sommes revenus ici. Laisse-moi au moins t'accompagner. Je te suivrais où que tu ailles et tu le sais. Tu ne pourras pas t'en sortir seule.»
Un faible sourire fleurit sur mes lèvres tandis que je penche tout naturellement mon visage contre l'une de ses grandes paumes. Je m'y attendais. Il me suffit de voir l'air inquiet sur son visage pour comprendre qu'il ne me laissera pas partir aussi facilement. Je le sais. Lucas est comme ça. Du moins avec moi. Toutefois, je ne suis pas aussi égoïste pour vouloir le garder avec moi jusqu'à le mettre en danger. Il est bien plus efficace auprès des autres qu'avec moi.
«Ça ne marchera pas. Bien trop de monde compte sur toi là-bas. Et puis, ne penses-tu pas que ce serait un peu louche que tu disparaisses soudainement ? Maxence doit sûrement faire diversion à l'heure actuelle grâce à Benjamin mais ça ne durera pas. On sait tous les deux que nos chemins vont devoir se séparer ensuite. Tu devras retourner sur le champ de bataille pour défendre les nôtres et moi je devrais trouver une solution à tout cet acharnement sans fin. Ils me veulent mais ils ne m'auront pas.»
«Pourquoi ai-je la désagréable sensation que tu es entrain de me dire adieu ? Ne me dis pas que tu-»
«Ce ne sont pas des adieux. Simplement un au revoir. Je ne devrais même pas être là à l'heure actuelle à te parler mais... J'avais besoin de te parler une dernière fois, tu comprends ? J'avais besoin de me donner du courage. Nos routes se recroiseront. C'est ainsi que les choses fonctionnent chez les Anges, non ? Nos âmes sont désormais étroitement liées alors nous nous retrouverons un jour. Pas quand tout ira mieux, ce serait bien trop utopique. Mais au moins quand je serais capable de t'aimer librement sans être poursuivie pour la relique qui vit en moi.»
«Je ne te connais que trop bien. Je pourrais lire en toi comme dans un livre ouvert. Et je pressens d'avance que cette solution à nos problèmes ne me plaira guère.»
«C'est bien pour cette raison que je te refuse l'accès à mon esprit à l'heure actuelle. Comprends-moi. Je fais ça pour vous tous, pour toi. Je suis la seule à pouvoir faire quelque chose maintenant. Je ne pourrais jamais faire cesser toutes ces batailles inutiles mais si je peux au moins faire quelque chose maintenant... Je le ferais. Tu en ferais tout autant à ma place et c'est pour cette raison que je sais que tu me comprends.»
Un lourd silence plane soudainement dans l'air avant que je ne lève les yeux en sentant une douce brise caresser mes cheveux. Quelle ironie. Lui demander de me rejoindre dans cet endroit si particuliers. Cet endroit où nous avions pour habitude de nous rencontrer il y a quelques temps pour m'aider sur mes pouvoirs.
Comment cet homme a-t-il pu bouleverser ma vie en seulement quelques instants ? Comment a-t-il pu transformer cette fille totalement désintéressée par ce genre de relation ? Je tente tant bien que mal de garder contenance alors que ma gorge se resserre et que j'admire le moindre de ses traits. J'aimerais m'en imprégner jusqu'à la dernière seconde, ne jamais les oublier. J'ignore encore tout de nos retrouvailles et de quand je pourrais de nouveau le serrer contre moi. Ce sentiment me tord le ventre. Je n'ai pas le choix.
«Il faut que tu t'en ailles maintenant. Nous avons perdu suffisamment de temps comme ça. Retourne te battre et reste en vie. Mais avant, serre-moi une dernière fois dans tes bras. Je t'en pris.»
Ma voix manque de se briser dans un sanglot. Les traits douloureux de mon Ange me paraissent insupportables mais je ne peux pas dévier le regard devant une telle beauté. Il m'hypnotise. Lucas ne semble guère supporter cette vue à son tour puisque je sens ses bras se refermer vigoureusement autour de moi. J'ignore combien de temps nous restons dans cette position alors que le temps cours. J'ai l'impression de me rattacher à lui comme à une bouée de sauvetage. Je ne veux pas le lâcher.
Comment pourrais-je donc regretter tout ce qui a pu m'arriver cette dernière année malgré ces malheurs ? Comment le pourrais-je donc avec toutes les personnes merveilleuses qui se sont égarées sur mon chemin ? J'ai des regrets c'est vrai mais ma rencontre avec Lucas n'en fait point parti.
Un hurlement au loin me sort soudainement de cette douce illusion qui avait réussi à me sauver pendant un court instant. Mon sang se glace alors que je sais pertinemment ce dont il s'agit. Une nouvelle victime. Est-elle morte ? A l'agonie ? L'air morbide qui trône aux alentours me le fait bien comprendre.
«Je t'aime.»
Quelle ironie. Pourquoi est-ce donc dans un moment aussi dramatique que nous décidons l'un et l'autre de nous exprimer d'une même voix ? Je décide de ravaler rapidement mes larmes pour sceller cet amour par un dernier baiser.
Nous n'avons pas besoin de plus de mots. Nos doigts se cherchent, se trouvent puis se séparent lorsque l'heure vient enfin. Et c'est avec le cœur lourd que j'observe sa silhouette disparaître entre les branchages. Aimer quelqu'un, c'est s'accorder le risque de le perdre. Et à partir d'aujourd'hui, je m'accorde le droit de le laisser me perdre. Puisse nos routes se recroiser un jour mon amour.
Lilith
Tous des incapables. De vulgaires incapables. Voilà maintenant plus de plusieurs heures que nous avons entreprit de prendre d'assaut cet endroit et pourtant, aucun résultat ne semble porter ces fruits. Qui y-a-t-il donc de si compliqué dans le fait de trouver une gamine pour des Démons vieux de plusieurs centaines d'années ? Je le savais. Je l'avais pressenti. Nous aurions dû nous charger d'elle dès le début au lieu de le manipuler. Nous aurions dû nous servir de nos sbires pour la faire changer d'avis et la mettre sous notre contrôle. Au lieu de ça, ces imbéciles ont préféré lui faire du chantage. Et lorsque j'en vois désormais le résultat, je suis plus qu'outrée.
Cette petite peste est entrain de nous glisser entre les doigts. J'aurais dû l'égorger lorsque j'en avais encore l'occasion pour moi seule.
Repoussant à nouveau un de mes ennemis sans lui laisser le temps de se relever pour l'envoyer crouler sous terre, un détail ne tarde pas à attirer mon attention. L'Ange. Il n'est plus là.
«Où est parti ce gamin ?» Grognais-je.
Comment ai-je pu donc le perdre de vue ? Ce combat est à peine divertissant pour un être de mon grade et pourtant, j'ai réussi à le perdre. Sa mère elle-même ne semble guère s'en être rendue compte, visiblement bien trop occupée à se battre de son côté. Quelle vue misérable.
Je ne suis pas dupe. Je l'ai bien vu de mes propres yeux. Ce gamin possède une relation étroite avec le Phénix. Par conséquent, s'il n'est plus dans les parages, c'est qu'il doit forcément être auprès d'elle. Il aura sûrement profité de toute cette agitation pour s'enfuir en toute discrétion. Je ne peux m'empêcher de taper furieusement du pied à cette idée.
Ils ont essayé de nous berner mais je ne suis pas assez idiote pour les laisser faire. Ils le regretteront. J'aurais ce pouvoir. Même si je dois la tuer de mes propres mains pour l'avoir.
- - - - - - - - - - - - - - -
Hey hey les chatons ! Je sais que mon absence est impardonnable après ces longs mois mais je vous reviens comme promis avec le nouveau chapitre. Le chapitre suivant est déjà écrit et je suis entrain de finaliser les dernières pages de l'épilogue. Ce qui signifie que si j'ai le temps cette semaine, vous aurez enfin la fin de l'histoire la semaine prochaine ! Petit cadeau d'anniversaire de ma part. J'attends avec impatience vos retours sur le chapitre en espérant ne pas avoir perdu trop de monde en cours de route après autant d'attente ahah. Sur ce, je vous fais de gros bisous et à la prochaine ♥
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top