Chapitre Quarante-Sept
Lucas
«Lucas ? Lucas, réveilles-toi...»
J'ignore réellement ce qu'il se passe. Il me semble que je dors mais quelque chose vient à perturber mon sommeil.
Les yeux clos, je constate que je ne devrais pas me trouver ainsi. Du moins pas dans cette position. Je sens mon dos me déranger et mon visage semble coller à quelque chose. Quelle heure est-il ? Où suis-je ? Ces interrogations ne font qu'augmenter le nombre de questions qui assaillent mon esprit. Après quelques secondes de battement, je me décide à finalement ouvrir mes paupières. La main sur mon épaule et le visage souriant de Mila me fait comprendre que je suis dans mon bureau et non dans mon lit. J'observe vaguement autour de moi d'un air perdu.
«Mila ? Quelle heure est-il ? Et pourquoi suis-je ici ?» Grommelais-je faiblement.
«Tu t'es endormi Lucas et je suppose donc que tu as passé la nuit ici. Il est environ neuf heures si tu veux tout savoir. Keith m'avait prévenu que tu comptais travailler tard mais je ne m'attendais pas à te voir ici ce matin en plein samedi.»
«Neuf heures ? Samedi ?» J'arquais un sourcil en essayant de comprendre ses paroles.
«Oui mon grand, nous sommes samedi. Et qui plus est, il est neuf heures.» Ricane-t-elle en se répétant.
Un faible soupire traverse la barrière de mes lèvres tandis que je me redresse de mon bureau. La main perdue entre mes mèches brunes, je retiens un bâillement. Mila s'approche quant à elle de moi en déposant doucement une tasse de café fumante sur mon bureau. Justement ce qu'il me fallait ! Je la remercie et souffle dessus avant d'en boire une gorgée.
Et tandis que je bois lentement pour me réveiller, les yeux perçants de la blonde restent fermement figés sur ma personne. Intrigué, j'hausse un sourcil.
«Est-ce que je pourrais savoir ce qui est aussi intéressant à regarder sur mon visage ?»
«Rien en particuliers. Je me disais juste que tu devrais faire un peu plus attention à toi Lucas. Tu te laisses trop surmener par ton travail depuis quelques temps. Cela va finir par jouer sur ta santé.»
«Nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, c'est mon rôle et je me dois de l'assurer. Tout simplement. Tu devrais cesser de t'inquiéter pour moi tu sais.»
«Je suis bien consciente que ton rôle de délégué te tient tout particulièrement à cœur mais dernièrement tu es encore plus renfermé sur ton travail. Ta formation est certes différente des autres mais c'est à peine si on te croise dans les couloirs. Certains élèves s'inquiètent même pour toi, tu sais ? Laisses-moi deviner... C'est à cause d'elle, n'est-ce pas ?»
Mes mâchoires se contractent l'une contre l'autre à ses derniers mots. De si bon matin, parler d'un tel sujet me donne plus mal à la tête qu'autre chose. D'autant plus en compagnie de Mila. Retenant un énième soupire, je me contente de garder mon regard rivé sur ma tasse fumante. Pourtant, je sens bien que le regard de ma partenaire persiste sur ma personne. De quoi redoubler ma fatigue. Je n'ai pas envie de parler pour le moment. Surtout d'elle...
«Tu te trompes.» Répondis-je simplement.
«N'essayes pas de me mentir sur de telles choses. On se connaît depuis longtemps toi et moi. On a vécu tout un tas de choses ensembles. Je te connais. Et par conséquent, je sais reconnaître quand tu es perturbé Lucas.»
«C'est bien pour cela que je regrette parfois que nous soyons aussi proches.» Soupirais-je.
«Ce n'est pas une chose que tu disais lorsque nous étions plus jeunes et que tu t'amusais à me courir après.» Plaisanta-t-elle.
«Hm ? J'étais jeune. Tu pourras toujours te vanter d'avoir été mon premier amour au moins.»
Un léger sourire s'initiait sur mes lèvres le temps d'un instant en me remémorant ces souvenirs. Il est vrai que Mila et moi nous étions rencontrés assez jeunes. De par mes relations familiales avec le directeur et des siennes de par sa lignée jugée pure, il avait été décidé de notre position immédiatement. Nous étions destinés à devenir les délégués de notre communauté au sein de cette Académie. Et bien évidement, de par sa beauté et sa bonté exemplaire, j'avais finis par succomber à son charme. Tout comme la plupart de ses prétendants. Une amourette d'enfance qui avait tout de même duré son temps.
Au fur et à mesure, j'avais simplement fini par réaliser qu'ils'agissait d'avantage d'une relation fraternelle qu'amoureuse que je désirais entre nous. Tout comme elle. Nous étions bien trop proches et à la fois différents pour pouvoir nous accorder l'un à autre une telle relation.
Et au fond, cette pensée me convenait bien mieux aujourd'hui. Bien que pour la plupart des élèves, nous étions considérés comme un couple. Au fond, nous en plaisantions plus qu'autre chose.
«Tu étais si mignon à l'époque. J'aurais aimé te préserver un peu mieux de tout ce monde Lucas. Tu ne méritais pas de tomber dans de telles responsabilités à ton âge.»
«Les choses sont ainsi Mila. Nous ne pouvons plus rien y changer désormais. Tout ce que nous avons à faire maintenant c'est de suivre nos rôles respectifs jusqu'au bout.»
«Je le sais. Tout ce que je te demande c'est de t'accorder aussi une vie. Des amis, des ennemis, des souvenirs de cette époque mais surtout quelqu'un pour t'épauler. Tu en as bien besoin.»
Un long silence se mit soudainement à peser dans la pièce. Loin d'être encombrant, nous le vivions sans l'interrompre. Mila avait toujours été de cette nature bienveillante et protectrice à mon égard. Telle une grande sœur que je n'aurais peut-être jamais eu. Nous échangeâmes un simple sourire qui suffisait pour pouvoir tout se dire.
Un frappement contre la porte nous sortit finalement de nos pensées. Je n'eus pas à réfléchir bien longtemps pour comprendre de qui il s'agissait. Tout comme ma camarade qui se redressait doucement pour aller leur ouvrir la porte. Leurs salutations furent chaleureuses et ils échangèrent quelques mots avant qu'elle ne sorte par la suite en nous laissant seuls.
«A en voir ta tête je suppose que tu as dû dormir ici une fois de plus. J'aurais dû te forcer à aller te coucher hier.» Me lança le Sylphe.
«Tu supposes bien mon ami.»
Nous nous saluèrent d'une simple poignée de main tandis que j'accordais à Lindsay un sourire suivi d'une bise. Tout deux prirent place face à moi après s'être servis à boire. Étant mes deux amis les plus proches en ces lieux, ils étaient régulièrement conviés à m'assister dans mon travail. Si il y avait bien deux personnes sur qui je pouvais compter en dehors de Mila, c'était bien eux. Je n'étais pas du genre à m'entourer de personne mais ils me suffisaient amplement.
«Quelles sont donc les nouvelles pour cette semaine au sujet de l'Académie ?» Demandais-je à leur intention.
«Pour le moment rien. La situation semble calme et relativement stable dans l'ensemble. Les Démons sont toujours plus ou moins discrets dans leurs actes. Il semblerait que Maxence ait demandé à ce qu'ils se tiennent calmes et ne causent pas trop de problèmes. C'est une constatation plutôt étonnante mais il semblerait qu'il ait finalement décidé de coopérer face aux directives données lors de la dernière réunion. Du côté des Anges, on peut dire que certains aient décidé de se faire tout aussi discrets. Toutefois, certains professeurs ont remarqué les comportements de quelques-uns. Il semblerait que certains aient encore du mal à se faire à la nouvelle et il vaudrait mieux donc mieux rester prudent.» Énonça Keith calmement.
«Si on m'avait dit un jour que notre clan poserait bien plus de problèmes que celui des Démons je n'y aurais pas cru... Je trouve cela d'ailleurs bien étrange. Espérons qu'ils n'aient aucun plan entête.»
«Je pense que non. Maxence n'aurait pas envie d'une telle chose pour le moment. Il est bien trop occupé.»
«Et qu'est-ce qui te fait dire ça ?»
Le sourcil arqué, je n'avais pas manqué de relever aux paroles de Lindsay. Étrangement, son visage avait prit un air un peu plus embarrassé d'un coup. Que se passait-il donc ? Rares étaient les fois où je pouvais la voir agir de la sorte à mon égard. Piqué à vif dans ma curiosité, je lui lançais un regard pour l'inciter à poursuivre. Celle-ci se mit à jouer nerveusement avec ses doigts avant d'affronter mon regard.
«Il ne fera rien pour le moment. J'en suis certaine. Il le fera pour la mission qu'on lui a confié. C'est lui qui se chargera d'une partie de l'entraînement d'Alyssa prochainement.»
Une bombe. L'effet de cette nouvelle me fit clairement l'effet d'une bombe. Par un choix volontaire et mûrement réfléchi, j'avais demandé à Lindsay de prendre en charge l'entraînement de cette Ange. A mon sens, il valait mieux cela pour elle comme pour moi.
Après tout, à mon plus grand regret, nos rapports avaient été détruits par ma simple erreur. Et depuis, je n'osais plus vraiment affronter tout ce qui avait un rapport avec elle. Toutefois, la simple idée de me dire que cet homme irait l'entraîner me mettait dans un état presque incontrôlable. Je dû me faire souffrance pour ne pas briser ma tasse au sol.
«Plaît-il?» Demandais-je calmement bien que je grinçais des dents intérieurement.
«Tu m'as très bien entendu Lucas... Maxence se chargera d'entraîner Alyssa. Ils ne seront pas seuls mais il supervisera la chose.»
«Et je peux savoir qui a eu cette idée grotesque ? Est-il vraiment raisonnable de la laisser entre les griffes de ce Démon sachant que nous essayons d'enfouir son côté démoniaque ? Le penses-tu réellement Lindsay ?»
«Je suis consciente que l'idée ne te convienne pas mais elle provient d'un accord passé entre ton oncle et madame Knight. Anna a donné son accord et les choses en sont donc venues ainsi. Il m'est impossible de changer la situation désormais.»
Un soupire de frustration m'échappe tandis que je plaque à nouveau ma main dans ma crinière. La lèvre pincée, je ferme brièvement mes paupières afin de reprendre un semblant de calme. Tout deux sont bien conscients du fait que cette situation qui perdure depuis je ne sais combien de temps m'agace. Rares sont les secrets entre nous. Et voilà que je viens à nouveau de me prendre une claque en pleine figure.
«As-tu d'autre chose de ce genre à me révéler à propos d'elle ?»
Impétueux, mes yeux se soulèvent en sa direction. Petit, on me répétait souvent que mes yeux inspirait l'océan. Puissant comme calme. Il ne lui suffit que d'une simple perturbation pour pouvoir tout terrasser sur son passage. J'ai beau être un Ange, cela ne signifie pas pour autant que je ne peux pas inspirer puissance et force. Telle est la lumière qui me berce.
Pendant de courts instants, j'ai l'impression qu'elle cherche à fuir mon regard. Elle mordille nerveusement sa lèvre et son regard fait l'aller retour entre moi et Keith. Visiblement tout aussi perturbé que moi, le Sylphe tente de la comprendre mais rien n'y fait. Lui non plus ne sait rien. Elle nous cache quelque chose. Je le sais bien. Et bien que j'aimerais n'avoir plus aucun rapport avec cette fille, le désir est plus fort que moi. Je dois savoir. C'est au dessus de mes forces.
«Il y a bien quelque chose mais je ne sais pas si je dois en parler...» Murmure-t-elle.
«De quoi parles-tu ?» Fis-je d'une même voix à celle de Keith.
«Il y a de ça quelques jours, Anna m'a appelé pour voir Alyssa. Elle semblait souffrante durant son entraînement. Quand je suis allée la voir, elle semblait mal en point. Je l'ai donc amené à l'infirmerie et...»
«Et quoi Lindsay ? Que lui arrivait-il ?» Demandais-je presque un peu trop hâtivement.
«Je ne sais pas trop... Elle fait des cauchemars Lucas. Nelly en est même venue à me chercher dans ma chambre au beau milieu de la nuit car elle avait hurlé en pleine nuit. Je ne sais pas ce qui lui arrive mais cela agit directement sur sa santé. Elle n'arrive plus à en dormir.»
«Es-tu sûre qu'il s'agit d'une cause naturelle ?»
«Que veux-tu dire par là ?»
«Ce que je veux dire c'est : Es-tu persuadée que ses cauchemars soient d'une provenance naturelle ? Qu'ils proviennent simplement d'elle ?»
La Naïade m'observe pendant de longues secondes en silence le temps de réfléchir. Puis, visiblement prise d'un éclair de lucidité, elle écarquille ses yeux en portant une main à son front. Keith, loin d'être dupe, semble également avoir compris la situation.
«Tu penses que quelqu'un a décidé de s'en prendre à elle n'est-ce pas?» Me lance mon ami en croisant ses bras.
«C'est ce que je pense oui. L'hypothèse serait tout à fait plausible. Il serait tout à fait possible que des Sorciers aient décidé de lui jeter un sort ou une sorte de malédiction. Il faut reconnaître que beaucoup se sont opposés à ce qu'on la forme.»
«Mais alors... Tu penses que ce serait pour cela que les Démons auraient cessé leurs attaques et qu'ils attaqueraient directement Alyssa sans qu'on ne le sache ?» Ajoute Lindsay.
«C'est un moyen réfléchi en effet. Je ne pense pas que Mara ait un rapport direct avec cela. Elle s'est toujours montré froide quant à ces histoires. Elle n'aurait aucun intérêt de s'impliquer là dedans. Du côté de Maxence, je pense qu'il n'est pas au courant. Non, je pencherais plus pour un élève qui aurait décidé de jouer sur la vengeance personnelle. Peut-être essaie-t-il de lui faire passer un message ? Prémonitoire qui plus est... Les alliances sont possibles. Il faut envisager toutes les possibilités.»
J'ai beau réfléchir et chercher dans mon esprit, la tête d'un potentiel coupable ne me vient pas. Nous n'avons pas encore de preuve quant à cette hypothèse mais je suis persuadé qu'il s'agit de ça. Des cauchemars répétitifs et d'une telle ampleur ne peuvent être que l'œuvre d'un Démon. Les Anges ne seraient pas capable d'une telle chose. Il faut absolument que nous trouvions une solution à ce nouveau problème avant que son cerveau ne puisse plus tenir le choc.
«Lindsay, j'aimerais que tu gardes un œil sur Alyssa. Continues ton rôle d'Ange Gardien. Et si possible, essayes de trouver un sort pour contrer un quelconque sort portant sur l'atteinte aux rêves. Nous aurons sûrement besoin de l'aide de quelques sorciers. Quant à toi Keith, j'aimerais que tu mènes l'enquête sur un possible responsable.»
Les deux hochent vivement leur visage avant de se mettre à la tâche. Pour ma part, je décide de retourner à mes appartements. Une bonne douche ne me fera pas de mal pour me remettre les idées en place. Samedi est considéré comme une journée de repos et je suppose donc que certains élèves doivent être encore au lit. Et tandis que je m'apprête à partir, Lindsay me retient en saisissant mon poignet. Je lui lance un regard confus.
«Je ne lui ai encore rien dit à propos de tu sais quoi mais il serait temps que tu fasses un pas vers elle Lucas. Je pense que vous en avez besoin. L'un comme l'autre. A quoi bon retarder les choses ?Qu'attends-tu ? Que l'occasion ne t'échappe pour de bon ?»
«C'est impossible. Elle ne connaît pas mon identité et n'y comprendrait rien. Je ne peux pas m'accorder une telle chose et tu le sais.»
«Ce que je sais par dessus tout c'est que tu as le droit à ce genre de choses. Pour tout ce que tu accomplis pour nous. Cesses de penser quelques minutes à ton travail et penses un peu plus à toi. Tu finiras par le regretter tôt ou tard. Ce n'est pas à moi de lui avouer qui tu es en réalité. Dépêches-toi avant que quelqu'un ne prenne cette identité.»
Sa main se détache lentement de ma peau tandis qu'elle me lance un regard compatissant. Je préfère ne rien ajouter et la regarde retourner auprès de Keith. Tout est bien plus simple pour ces deux-là à mon contraire.
Après la traversée de quelques couloirs, je parviens finalement jusqu'à mes appartements. Comme on pourrait s'en douter, les délégués de cette Académie reçoivent un traitement un peu plus particuliers quant à leurs conditions de vie. C'est un moyen en plus de pouvoir nous préserver contre le reste des élèves.
D'un pas fatigué, je pénètre dans ma chambre. Lumineuse et spacieuse, mon lit me lance un appel auquel je suis obligé de résister. Non. Pas aujourd'hui. Presque automatiquement, je me dirige vers ma salle de bain. Mes vêtements s'écrasent au sol et je me glisse sous l'eau chaude de la douche. J'aimerais ne pas me soucier de tout ce que je viens d'apprendre et garder mon sang-froid mais le faire me semble trop compliqué.
Mes yeux se ferment brièvement et je revois immédiatement son visage. Ses grands yeux verts baignés de larmes déferlant sur ses joues rosies. Ses lèvres tremblantes m'implorant et me hurlant de ne pas m'approcher d'avantage. Ses longs cheveux bruns secouant vivement au rythme des secouements frénétiques de son visage.
«Tu n'avais pas le droit... Tu n'avais pas le droit Lucas de fouiller dans ma vie. Pas pour me faire apprendre de telles horreurs... Je te l'interdis tu m'entends. Ce n'est pas juste !»
Cette vision me tord l'estomac et mon poing s'abat violemment contre le mur. Mon souffle se fait immédiatement plus rapide. Les remords m'envahissent. Jamais je n'aurais dû faire une telle chose mais il est trop tard maintenant.
J'aurais espéré que ma lettre ait su apaisé les douleurs de son cœur mais triste illusion. Je n'ai même pas eu le courage d'aligner les lettres de mon prénom à la fin de cette lettre. Pourquoi ? Sans doute car j'avais trop peur de m'afficher clairement tel que je suis auprès d'elle. Bon sang... Ce n'est pas moi. Je n'ai jamais envoyé ce genre de mot à une fille et pourtant c'est elle qui remet tout en question en moi. Suis-je vraiment bon ? Mes actes sont-ils vraiment justifiés ?
J'ignore pendant combien de temps je reste sous ces eaux tempétueuses à réfléchir.
Après cet instant, je décide de m'habiller rapidement et sortir à nouveau. Rester enfermé ici ne m'apportera rien. Si je ne peux pas agir directement auprès d'elle, je peux au moins m'accorder le droit de le faire à distance. Vêtu d'une simple chemise blanche accompagné d'un bas noir, j'entame ma promenade dans les couloirs.
Les élèves de mon rang s'inclinent respectueusement face à ma personne. Certains plus courageux me saluent chaleureusement tandis que je leur répond à tous d'un faible sourire.
Je n'ai jamais été d'un tempérament toujours très affectueux. On me considérait d'avantage comme l'élève modèle qui saurait faire respecter les règles et prendre les bonnes décisions pour les siens en cas de nécessité. Un instinct de leader. Voilà ce dont on me qualifie le plus souvent. Et au fond, ce n'est pas faux. Je ne le montre pas assez mais j'aime mes élèves. Je serais capable de tout sacrifice possible pour pouvoir les préserver des dangers qui leurs tomberont dessus.
Mes pensées sont brusquement interrompues lorsque nos routes se croisent. Notre dernière rencontre remonte à quelques jours. Lindsay était avec elle à ce moment-là. Peut-être s'agissait-il du moment où elle revenait de l'infirmerie ? Les choses me semblent bien plus claires d'un coup. A l'expression de son visage, j'avais deviné que quelque chose n'allait pas chez elle mais une partie de ma conscience m'avait insufflé l'ordre de ne pas m'inquiéter.
Nous nous observons pendant de longues secondes. Le regard ancré l'un dans l'autre. Elle cherche à fuir mon regard. Je le sais. Il suffit de voir l'expression qu'affiche son visage pour comprendre. Soudainement, les paroles de Mila et de Lindsay me reviennent en mémoire. Je suis obligé de réprimer un grognement pour les chasser immédiatement. Je n'ai pas le droit. Pas avec ma position actuelle.
Elle est seule. Bizarrement, cette constatation m'intrigue. N'est-elle pas avec ses amis ? Peut-être ont-ils entraînement de leur côté ? Certains élèves profitent après tout de leur temps libre pour perfectionner leurs techniques. Et tandis que je suis à nouveau plonger en pleine réflexion, je la remarque se faufiler discrètement vers la sortie la plus proche. Immédiatement, je m'approche et la saisit par l'épaule. Elle ne peut pas partir. Instinctivement, je regrette mon geste en la sentant sursauter. Comment vais-je m'expliquer désormais ? Quel idiot.
Voilà pourquoi je déteste être en sa présence. Elle me fait perdre tout moyen et toute logique.
«Je... Pardon. Je n'aurais pas dû.» Lâchais-je simplement en la relâchant.
Avant même que je n'ai pu comprendre, je me suis engouffré à mon tour dans ce couloir. Seuls et à l'abri de tout regard, elle m'observe longuement sans un mot. Moi non plus. Je n'ose pas sortir un mot. A quoi bon ? Elle m'en veut et j'en suis parfaitement conscient.
«Pourquoi ?»
Sa voix perce le silence. Ses yeux me fixent intensément et je distingue immédiatement la fatigue sur ses traits. Ainsi, tout était bel et bien vrai. Tandis que je n'osais pas l'affronter, elle luttait seule contre ses propres démons chaque nuit. Cette pensée me torture l'esprit mais je suis d'avantage préoccupé par ses mots. De quoi parle-t-elle ? L'air confus sur mon visage semble lui faire comprendre mon incompréhension.
«Expliques-moi pourquoi est-ce que tu m'as retenu Lucas ? Qu'est-ce que tu me veux à la fin ?»
«Je ne comprends pas de quoi tu parles Alyssa...» Murmurais-je, interloqué.
«N'essayes pas de jouer les innocents avec moi. Tu... Tu as disparu de la civilisation pendant je ne sais combien de jours depuis mon retour. Keith et Lindsay n'arrêtaient pas de me dire que tu étais complètement plongé dans ton travail. Pourquoi ? De quoi avais-tu peur ? Que craignais-tu ? De m'affronter après avoir fouillé dans mon passé c'est ça ?»
La façon dont elle crache ses mots ne fait qu'accentuer son mal être. Ses sourcils se froncent sur son visage mais elle tente tant bien que mal de garder son calme. Depuis qu'elle est de retour, ce n'est que la première fois que nous échangeons réellement des mots. Seuls quelques rares regards ont su faire leur place. Toutefois, ce n'est pas comme avant. Nous nous fuyons mutuellement. Il n'y a pas besoin d'être devin pour comprendre que le malaise est bel et bien présent.
«Ce n'est pas ce que tu crois. Je ne voulais pas te faire souffrir de la sorte. Si je le pouvais, je ferais en sorte que chacun de nos élèves se portent bien ici.»
«Ne pas me faire souffrir ? Tu ne crois pas que c'est un peu tard pour me sortir de telles excuses ? Je... Je t'ai cru, je t'ai réellement apprécié mais j'ai été bien trop idiote. Je savais que vous me cachiez quelque chose. J'aurais sincèrement espéré que tu m'en fasses part mais non. On ne peut pas me confier de telles choses car je ne suis qu'une simple élève. La petite nouvelle que personne ne prend au sérieux. Même si ces choses me concernent directement.»
«Tune comprends pas. C'est justement pour ce genre de raisons que nous avons préféré ne rien te dire. Nous savions d'avance que tu réagirais de la sorte.»
«Et donc vous auriez continué à me mentir de la sorte pendant encore longtemps ? Je dois bien t'accorder le fait qu'au moins les choses auraient été plus simples qu'aujourd'hui. Pas toujours facile d'assumer son rôle de délégué jusqu'au bout.»
Cette fille va finir par me rendre dingue. Je suis obligé de prendre quelques courtes secondes de répit pour ne pas exploser. Je le sens bien. Elle est en colère et ne se prive pas de le montrer contrairement à moi. Elle en a tout les droits mais cela ne signifie pas pour autant que je dois me laisser faire. Pourtant, je n'y arrive pas. Disons, pas entièrement. Je sais très bien que je suis le fautif dans tout ça. Elle n'a pas besoin de me le rappeler.
«Je suis parfaitement au courant de tout ce que tu me dis. Tu as le droit d'être en colère contre moi. Je le sais et je l'accepte. Pourtant, ça ne veut pas dire que tu peux te permettre de me parler de la sorte.»
«Dans ce cas pourquoi continuer cette conversation ? Je n'ai nullement l'envie de te parler pour le moment. Alors s'il te plaît, laisses moi seule maintenant. J'ai d'autres choses à régler maintenant...» Lance-t-elle alors qu'elle cherche à s'enfuir à nouveau.
«Je suis désolé. Sincèrement.» Soufflais-je d'une voix sincère.
Mes mots semblent la prendre au dépourvu. Son corps se crispe et elle se tait immédiatement. Son regard cherche quelque chose à observer. Je suis devant elle. De ma carrure imposante, la seule chose dont elle puisse se permettre de regarder ce n'est que moi ou de vulgaires murs. Selon elle, le choix semble vite fait puisqu'elle déporte son attention sur le mur à sa droite. Pas si étonnant comme réaction au final.
Et tandis que j'approche doucement d'elle, son corps frêle se recule de plus en plus. Comme si elle cherchait à me fuir. Mauvaise idée. Le mur la bloque rapidement de tout mouvement. Je décide de ne pas m'arrêter trop près d'elle histoire de ne pas l'étouffer par ma présence. Elle est bloquée. Seuls dans ce couloir, personne ne peut nous déranger.
«De quoi ?... Je ne veux pas de tes excuses.» Lance-t-elle d'un air mal assuré.
«De tout. J'aurais cru penser que mes mots auraient pu te calmer ou du moins t'apaiser ne serait-ce qu'un peu. Je sais que tu l'as encore. Cette lettre. Lindsay me l'a dit. Elle m'avait promis de ne rien te dire et j'aurais préféré conserver ce secret encore longtemps juste avec elle mais... Plus maintenant. J'en ai assez de toute cette situation et je sais que tu en penses de même. A quoi bon te le cacher ? Je suis celui qui l'a écrite. A toi de me croire ou non. C'est ton choix Alyssa. Et comme j'ai pu te le dire, je suis désolé. J'aurais aimer que les choses se passent autrement pour toi.»
J'ai soudainement l'impression que sa capacité à me répondre lui a été miraculeusement retiré. Quoi que, j'aurais préféré un minimum de répondant de sa part.
N'attendant pas d'avantage de prolonger ce moment de malaise, je m'approche d'elle de façon à être suffisamment proche. Mes lèvres trouvent rapidement leur place contre son front tandis que je glisse une main sur sa joue. Mes paupières se ferment quelques instants et je la sens brièvement se crisper contre moi. Pourtant, je ne cherche pas à en obtenir plus de sa part. Pas de cette façon.
Sans un mot, je m'éloigne en direction de mon bureau, la laissant collée au mur avec une expression indéchiffrable sur son visage.
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Coucou mes chats ! On se retrouve aujourd'hui pour le chapitre Quarante-Sept. Surprise ! On a désormais un nouveau point de vue qui s'ajoute à la liste. Celui de notre cher petit Lucas. Je dois dire que je ne suis pas très à l'aise dans la peau d'un garçon mais bon sachant qu'il a une nature d'Ange plutôt complexe je pense que m'en être sortie... Qu'en avez-vous penser ? Soyez honnêtes hein j'accepte les critiques construites et réfléchies ♪
Autrement, j'espère que tout se passe bien pour vous. Autant ceux en vacances que ceux qui travaillent. Pour ma part, j'entame ma deuxième semaine de vacances. Pas évident avec le Bac cette année mais on fait avec. Je vous fais d'énormes bisous et à mercredi prochain normalement ! ♥
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