Chapitre Quarante-Deux
Alyssa
Mon cerveau peine encore à comprendre pleinement ce qui vient de se passer. Comment ? Bien que je savais que ce jour arriverait, comment cela a-t-il pu se produire de la sorte ? Keith et Lindsay sont tenus dans mon salon, s'occupant rapidement de soigner ma mère et Vanessa qui sont légèrement blessées. Semblant remarquer mon trouble, le Sylphe s'avance rapidement vers moi en m'observant de toute part. Ses yeux me parcoure rapidement. J'ignore ce qu'il cherche mais un air soucieux plane sur son visage. Nos iris se croisent et je le vois se détendre peu à peu.
«Tu n'as rien. Je suis soulagé.»
Un soupire s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'il ferme brièvement ses yeux. Ses épaules se détendent tout comme le reste de son corps. Passant ensuite une main songeuse dans sa crinière blonde, il parcoure rapidement du regard l'ensemble de la pièce. Il doit sûrement chercher la présence d'un quelconque danger au cas où.
«Il n'y a plus rien ici. Heureusement nous sommes arrivés juste à temps.»
Je demeure silencieuse. Les événements ont encore du mal à être digérés par ma conscience il semblerait. Après quelques instants, je constate que Lindsay s'approche de nous. Instinctivement, je tourne mes yeux vers les deux femmes pour les découvrir étendues sur le canapé, visiblement endormies. Cette vision me rassure immédiatement. Elles sont saines et sauves. C'est tout ce qui compte.
«Elles ont besoin de repos. Keith, amènes-les à l'étage et rejoins-nous. Tu n'as qu'à t'asseoir en attendant Alyssa. Je vais nous préparer quelque chose à boire si tu le permets. Nous devons parler.»
Sans attendre d'avantage de consigne, Keith prend en premier lieu ma mère dans ses bras afin de la mener à l'étage. Quelques instants plus tard, vient le tour de Vanessa. Je l'observe faire attentivement avant de m'asseoir. Je distingue ensuite que la Naïade a eu le temps de préparer et de revenir ensuite avec un plateau de thé. Il n'y a pas à dire, on croirait qu'elle connaît la maison.
Mes yeux observent le moindre de ses faits et gestes. Je me doute que me voir l'observer de la sorte doit sûrement la perturber mais je n'en ai que faire. Le fait de les revoir après ma fuite me procure un sentiment étrange. Je visualise à nouveau cette scène dans mon esprit. Moi réussissant à créer une brèche inespérée dans cette barrière tandis que Keith tente de me rattraper désespéramment et que Lindsay m'implore de ne pas commettre cet acte.
Perdue dans mes souvenirs, je ne remarque même pas que Keith est de retour, assied à côté de Lindsay.
«Alyssa.» Déclarent-ils d'une même voix.
Cette brève interpellation suffit à me faire sortir de ma rêverie. Doucement, je relève mon visage afin de les observer tout les deux. Comme depuis tout à l'heure, une expression peinée et inquiète trône sur leur visage.
«Arrêtez de me regarder de la sorte. Je n'ai pas besoin de votre compassion. Pas après ce que vous avez pu faire. Vous êtes venus pour me ramener à l'Académie c'est ça ?»
«Je t'en pris Alyssa n'agis pas de la sorte. Nous sommes là pour te ramener avec nous c'est vrai. Il ne sert à rien de te mentir à ce propos. Nous voulons avant tout parler.» Fit Keith calmement.
«Parler ? Parler de quoi au juste ? Peut-être du fait que vous avez fait des recherches sur mon père dans mon dos pour me faire apprendre des choses qui ont risqué l'équilibre de ma famille ?»
Mon ton se fait sec. Je n'ai nullement l'intention de prendre des pincettes avec eux maintenant que j'ai les idées plus claires. Le regard provocateur, je me sers de moi-même une tasse de thé avant de la porter à mes lèvres et en boire une gorgée. Mes deux Anges Gardiens sont quant à eux entrain de me regarder bêtement. Il semblerait que la vérité dans mes mots leur ai empêché de me répondre avec autant d'assurance qu'auparavant.
«Alyssa, nous n'avons jamais voulu te blesser. Comme tu l'as entendu, Martin n'a jamais voulu que tu apprennes cette vérité. Nous avons eu tort de fouiller dans ton passé c'est vrai. Mais au fond, cette information aurait été révélé d'une manière ou d'une autre. L'important est que personne d'autre ne l'apprenne en dehors de l'Académie. Tu es déjà assez en danger comme ça.» Répondit Lindsay.
«En danger ? Comment ça ? Je l'ai toujours été.»
«Cette Succube qui est venue chez toi avait un objectif plus que clair. Elle a été envoyée par Lilith dans le but de te recruter. Ils veulent faire de toi une Déchue et que tu t'allies à leur camp. Tu n'es pas la seule à être visée. Ils sont constamment à l'affût de nouvelles recrues. Monsieur Bright a eu raison de nous envoyer le plus vite possible à ta recherche. Il se doutait que ta sortie ne passerait pas aussi inaperçue. Beaucoup surveillent l'Académie.»
Mon cœur ratait un battement à l'entente des mots du Sylphe. Comment ça ? Les Démons ne cherchaient pas seulement à nous éliminer mais plutôt à nous recruter ? Ces créatures n'avaient-elles donc aucune limite pour assouvir leur moindre désir ? J'en frissonnais longuement en me forçant à boire une gorgée pour digérer la nouvelle. Celui-ci continue calmement ses explications, toutefois quelque peu tendu.
«Ce n'est que le début. Ils ont attendu avec impatience que l'un de nos élèves ne s'échappent de l'Académie. Après tout, si quelqu'un réussissait un tel exploit, qu'est-ce qui les empêcheraient de nous prendre d'assaut ? En plus de ça, pour que quelqu'un veuille fuir, c'est qu'il en a les raisons. Forcément, tu étais la cible parfaite.»
«Mais alors... cette Succube me suivait vraiment depuis le début ? C'est ce que vous êtes entrain de me faire comprendre ?» Lâchais-je difficilement.
«Oui, c'est pourquoi nous avons été envoyé au plus vite pour te chercher une fois que monsieur Bright s'en est rendu compte. Malheureusement, la route ne s'est pas avérée aussi facile que prévue. Nous n'étions pas les seuls à vouloir venir te chercher mais étant tes Anges Gardiens, l'autorisation ne nous a été accordé qu'à nous seulement.»
Ces mots me font subitement revenir en mémoire ces personnes que j'ai laissé là-bas. Nelly, Mélina, Benjamin, Hugo et Zack et tout les autres... J'espère qu'ils n'ont rien. Mes doigts se referment d'avantage autour de la tasse tandis que je plonge mon regard dans le vide, perdue et troublée quant à ce qui pourrait se passer là-bas.
«Mes amis. Comment vont-ils ? Comment va l'Académie ?»
Soudainement, le visage de Keith se referme. Je suis surprise de constater que sa mâchoire se tend tandis qu'il serre les poings. Ses phalanges blanchissent. Visiblement incapable de me répondre, Lindsay le rassure en déposant sa main sur l'une des siennes afin de le calmer. Celui-ci se détend légèrement bien que ses yeux restent sombres. La Naïade dépose doucement ses iris grisées sur ma personne, un faible sourire peinée aux lèvres.
«La situation est compliquée là-bas. Il semblerait que la nouvelle se soit répandue comme une traînée de poudre dans l'ensemble de l'établissement. Autant te dire de suite que la réaction des étudiants et professeurs n'a pas été des plus agréables. Il y a eu différents ressentis sur la nouvelle. Les avis sont mitigés. Au moment, où nous sommes partis, les deux directeurs devaient tenir une réunion avec le corps enseignant. Maxence et sa mère étant impliqués intimement dans cette affaire, les choses n'ont pas été de toute joie. Ils ne savent comment gérer la situation. Concernant tes amis, je pense qu'ils sont encore sous le choc de la nouvelle. Nelly a apprit la nouvelle en discutant avec Keith le soir où tu t'es enfuie. Tandis que les autres, ils ont appris la nouvelle comme tout le reste...»
Ma gorge se noue à l'entente de ses mots. A l'entendre, il semblerait que la situation là-bas soit presque ingérable. Et je ne doute pas que ce soit bel et bien le cas. Tout est de ma faute. Cette union qui me lie à ces Démons. Maxence est mon cousin. La directrice est ma tante. Qu'adviendra-t-il donc de moi une fois de retour là-bas ? Cette pensée ne fait que m'effrayer.
«Certains ont tenu à ce que je te donne ces lettres. Prends-les.»
Tandis que je hausse un sourcil, je vois la jeune femme fouiller rapidement dans la poche de son manteau. Plusieurs lettres s'en échappent et elle me les tend avec ce même petit sourire. Hésitante, je finis par m'en saisir. Je ne veux pas les ouvrir de suite. Autrement, je sens que je vais défaillir devant eux. Je relève mes yeux vers elle. La conversation n'est pas encore finie.
«Que fera-t-on de moi une fois là-bas ? Je ne serais plus un Ange à leurs yeux maintenant qu'ils connaissent mon lien de parenté avec Maxence.»
Ma voix tente de garder un minimum d'équilibre bien que cette question me tort l'estomac. J'angoisse. Je sais d'avance que je devrais tôt ou tard retourner là-bas mais savoir ce qu'il adviendra de moi m'effraie. Ma réputation atteindra les catacombes de l'Enfer à ce rythme là. Et l'expression que prend les deux devant moi n'avance en rien ma réflexion.
«Aux yeux de tous, tu restes un Ange. Nous n'allons pas faire de transfert. Les deux partis sont d'accord à ce sujet. Jusqu'à aujourd'hui, tu as montré les signes indiquant que tu avais des aptitudes d'Ange. Certes, du sang de Démon coule dans tes veines mais rien n'implique que tu ais les capacités qui s'y accorde. Ce n'est pas la première fois que nous recevons des élèves au sang mixte à l'Académie bien que cela soit rare. Il faut juste reconnaître que la situation est compliquée à l'heure actuelle. Tu ne craindras rien. Certes, on ne pourra empêcher le fait que certains se méfieront de toi mais ils ne t'attaqueront pas. Nous ne le permettrons pas. Aussi bien monsieur Bright que madame Knight. Tu seras mise sous protection et tout le monde sera au courant des conséquences engendrées s'ils s'en prennent à toi.»
«Vous ne pourrez pas me protéger éternellement et certains en profiterons à la première occasion.» Soufflais-je.
«C'est pourquoi nous allons accélérer ton processus d'entraînement. Anna se chargera personnellement de cette tâche avec d'autres élèves. Dont nous. Au vue de la situation, nous allons employer les meilleurs moyens possibles. Tu deviendras l'une de nos meilleures recrues.»
«Et pourquoi un tel choix ? Ma position familiale m'impose désormais de devenir une élève modèle c'est ça ?» Lâchais-je ironiquement.
«Exactement. Certains appelleront ça un traitement de faveur mais qu'importe. C'est le cas. Tu dois apprendre à gagner un certain charisme. Si tu arrives à te faire accepter par tout le monde, plus personne n'osera se mettre en travers de ta route. Tu comprends ? Nous allons faire de toi une élève respectée de tous.»
J'ignore réellement comment je dois prendre cette nouvelle. Est-ce une plaisanterie ? J'hésite très clairement à rire mais l'expression sérieuse qu'arbore les deux êtres face à moi m'en dissuade de suite. Sérieusement ? Ils veulent faire de moi une élève respectée de tous à l'Académie ? J'ai du mal à imaginer une telle possibilité.
«Faire une telle chose est clairement impossible. Vous le savez autant que moi. Personne ne me respectera. Je serais juste détestée voir redoutée de certain pour mon sang. Pas pour mes capacités.»
«Crois un peu en toi. Nous ferons en sorte que tu atteignes ce rang.» Répond finalement Keith en me fixant dans les yeux.
Nos regards se perdent l'un dans l'autre pendant de longs instants sans que l'un ne se décide à lâcher l'affaire. C'est à finalement Lindsay de nous faire perdre le contact en passant sa main entre nos deux yeux. Un petit soupire lui échappe avant qu'elle ne se mette à sourire doucement en ma direction. Intriguée, je l'observe à mon tour.
«En attendant notre départ, nous te laissons le temps de réfléchir. Non que nous allons te laisser le choix ou non de venir avec nous, mais je pense que faire du tris dans ton esprit ne serait pas plus mal. Je suppose que notre retour te bouscule un peu. Beaucoup de gens sont inquiets pour toi là-bas. Penses à lire ces lettres que nous t'avons donné. Certaines et certains ont tenu à t'adresser des mots en particuliers. Lis-les. Keith va aller faire un tour dans le quartier afin de s'assurer que rien ne rôde dans les parages. Je vais m'occuper de ta mère et de ton amie pendant ce temps.»
«Est-ce qu'elles vont bien ?» Demandais-je du bout des lèvres.
«Hum ? Elles vont bien. Je suppose que la Succube leur avait lancé un sort afin de les immobiliser complètement. Il semblerait qu'elle avait voulu que cette conversation ne se tienne qu'entre vous deux. Heureusement, elles n'ont rien. Leurs blessures sont soignées et elles ont surtout besoin de repos maintenant.»
«Je vois. Merci Lindsay.»
«Je t'en pris Alyssa.»
Un énième sourire se dessine sur ses lèvres tandis qu'elle se relève en lissant le tissue de son jean. Elle se saisit du petit plateau de thé en me laissant ma tasse. L'apportant en cuisine, elle me fait par la suite signe qu'elle monte à l'étage. J'entends ses pas dans l'escalier. Pendant ce temps, il semblerait que Keith se soit déjà éclipsé. Mystérieux comme à son habitude.
Enfin seule, je porte d'avantage attention aux lettres que je tiens entre mes mains. Il y en a plusieurs. Plus ou moins épaisses les unes que les autres. La première provient de Nelly. Forcément. Curieuse et nerveuse à la fois, je me décide à l'ouvrir afin d'en lire son contenu. Mes yeux s'attardent tout particulièrement sur un passage.
J'ai décidé de ne pas jouer dans les grands et longs états d'âmes dans lesquels ton départ m'a plongé. Sérieusement ? Reviens. L'Académie n'est plus pareille sans toi. Je sais que la nouvelle a été difficile à apprendre. Je sais tout. Ce soir-là, quand tu t'es enfuie de la chambre, je me suis battue avec Keith. Il me désignait comme ignorante de la vérité et que je devais l'aider à te retrouver. Je n'en ai eu que faire. Je te croyais. Et cela me suffisait amplement pour pouvoir te défendre qu'importe la raison.
Ce n'est que lorsqu'il m'a plaqué contre le mur en me hurlant dessus que tu étais la cousine biologique de Maxence, une fille de Démon, que j'ai compris. Compris que ce soir-là tu commettrais sans doute l'irréparable. C'est pour ça que ce soir-là, je t'ai imploré de ne pas partir.
J'aurais aimé venir en personne te chercher. Après tout, je n'ai pas été capable de t'empêcher de partir alors si je peux aider à te faire revenir, je le ferais. Je t'en supplie, reviens parmi nous Alyssa.
Tu n'es pas seule là-bas.
Je racle difficilement ma gorge en calmant les tremblements qu'ont prit mes mains. Le papier se dépose soigneusement sur mes genoux tandis que j'enchaîne sur ma lecture. Des lettres écrites par Benjamin et Mélanie trônent également dans le paquet. Une fois de plus, les mêmes mots reviennent : «Tu n'est pas seule.», «Cette vérité ne change rien à ce que tu es.», «C'est idiot Alyssa.», «Tu nous manques. Reviens»... Lire me devient de plus en plus difficile et mon cœur se charge d'un poids. Des mots écrits par certains de mes professeurs ou encore Anna et les jumeaux traînent. Même Martin a tenu à m'adresser quelques mots de son écriture tremblante. Je suis surprise d'en voir autant. Même si certains ne disent que quelques phrases, ils ont pris le temps de me les écrire pour demander mon retour. Mon départ les affectent-ils à ce point ? J'ai dû mal à y croire et pourtant mon corps entier se charge d'émotions.
Le cœur lourd, je le sens soudainement s'arrêter de battre pendant de courtes secondes. Une enveloppe à l'allure parfaitement commune aux autres attire néanmoins mon attention. Cette écriture. Il ne me semble pas la connaître. Du moins, pas selon mes souvenirs. Aucun mot n'est inscrit sur le papier. Elle me semble néanmoins étrange mais d'une rareté des plus précieuses. Je tiens entre mes doigts un bijoux. Drôle de comparaison je le sais. Que contient-elle ?
Anxieuse, j'inspecte pendant de longues secondes l'enveloppe sans l'ouvrir. Mes mains sont moites et je ne cesse de les essuyer contre mon bas afin de ne pas en affecter le papier. J'ignore pourquoi mais un sentiment m'agrippe l'estomac. Je me sens étrange, anormale. Pourquoi un inconnu tiendrait-il à m'écrire des mots ? Plusieurs suppositions me viennent en tête sans que je ne trouve réellement de réponse. Toutes me paraissent idiotes bien que j'ai longuement hésité entre Lucas ou Maxence. Impossible, ces deux-là ne m'auraient jamais écrit. Simple fierté masculine. Je suis rien pour eux. Du moins, si on éloigne l'aspect biologique. Après de longues minutes, je prend mon petit couteau et déchire soigneusement le papier. Ouverte, je pioche à l'intérieur pour en sortir la lettre. Mes yeux hésitent puis se plongent à la découverte de ces mots mystérieux.
Belle comme la nuit, le souvenir de ses yeux sur mon être vide me provoque des sentiments nouveaux.
L'astre Lunaire l'admire et se reflète sur sa peau de velours bien que son jumeau le Soleil la jalouse secrètement pour les flammes qu'elle renferme.
Sa beauté est telle qu'elle-même n'en prend pas conscience. Une peau de miel dont on n'aimerait jamais se lasser d'y goûter. Ses yeux, orbes pareilles aux feuilles verdoyantes de l'automne ainsi qu'aux noisettes perchées à ses branches, aspirent mon âme. Ses lèvres charnues qui ne demandent qu'à être embrassées. Son nez légèrement retroussé dont on aimerait y caresser sa bouche pour la taquiner. Ses longs cheveux de jais aux quelques reflets des milles et une gourmandise. Tout en elle m'inspire. Elle est belle sans besoin de le montrer. Juste par un regard, je me sens hypnotisé. Malheureusement, le cœur a ses raisons. Des raisons qui m'empêchent de lui avouer ce qu'elle représente à mes yeux.
Les souvenirs me sont maintenant douloureux.
Ces yeux ont été décorés d'une teinte maussade. Mon cœur s'alourdit au souvenir de ses actes. J'ai terni cette image que j'aime tant. Cette innocence et cette violence qui n'a cessé de me faire perdre pied depuis qu'elle est arrivée. Cette demoiselle à l'importance et dont les erreurs ne la rendent que plus humaine.
Je me confie aujourd'hui sur ces mots maladroits. Parce que m'exprimer de vive voix est une chose compliquée. Mon allure semble forte mais mon assurance se perd à tes côtés. Tu ne le vois pas, aveuglée par cette allure froide que je me donne. Je combat chaque jour pour ne pas te le montrer.
Telle une comète, tu as percuté ma vie. Brillante, lumineuse, attirante mais dangereuse. Tu es celle qui me guide parmi ce ciel noir tandis que tu rejoins notre Terre. Tu me rejoindras à nouveau.
Pardonnes-moi. Pardonnes-moi pour mes fautes. Pour avoir terni l'éclat de tes yeux et ce sourire. Pardonnes-moi Alyssa.
A l'astre qui illumine secrètement mes nuits, Un tendre admirateur.
Troublée ? Je le suis. Et encore, ce mot me semble faible. Mes yeux se figent sur les dernières lettres écrites contre ce papier. Mes joues me chauffent violemment et mon ventre se comprime. Serait-il possible que le feu m'ait à nouveau envahi d'une toute autre façon ? La lèvre coincée entre mes dents, je relis plusieurs fois ces mêmes mots. Tout me semble irréel. Est-ce donc possible ? Une personne m'aurait-elle vraiment accordé ces mots ? Qui donc ? J'ai beau fouillé à nouveau dans mes souvenirs, la réponse me semble incertaine. L'écriture est soignée et les mots choisis n'en sont que plus magnifiques. C'est la première fois quel'on m'écrit de telles choses.
Pendant de longues années, je n'avais jamais réellement prêté à l'importance des mots que s'échangeaient les amoureux transis. Certes, j'avais lu quelques lectures romantiques et à l'eau de rose. Toutefois, cet amour, je ne le connaissais pas. Le seul dont je faisais réellement preuve était celui entre mes parents. Du moins, jusqu'à ce que celui-ci ne se brise un beau jour. Depuis, ce sentiment n'a qu'une signification puérile à mes yeux. Pourtant, ces mots me chamboulent. Savoir qu'elle m'est adressée. Que chaque mot a été choisi à mon égard. Tout cela me bouleverse.
Chancelante, mes mains restent agrippées au papier. L'envie de savoir qui est cet inconnu me transperce de toute part.
«Alors ?»
La voix grave de Keith me ramène brusquement à la réalité. Calant immédiatement le papier contre mon cœur, je l'observe attentivement tandis qu'il revient se poser sur le canapé. Sa main s'égare dans sa crinière tandis qu'il émet un petit soupire. Malgré la beauté incontestable de son visage, la fatigue s'y lit. Il semble exténué mais continue de faire preuve de bonne figure.
«Je vois que tu as lu les lettres finalement.»
«Oui.»
Ma réponse est claire et simple. Je ne compte pas lui en dire d'avantage. Et ce, bien qu'une question me brûle les lèvres. L'homme hausse légèrement un sourcil face à ma réponse mais ne s'en préoccupe pas d'avantage. Il dispose sa tête contre le dossier du siège, fixant longuement le plafond.
«Ma ronde en ville s'est bien passée. Il n'y a rien dans les parages. Je pense que la Succube ne reviendra pas de si tôt maintenant que nous sommes de retour ici.»
«Ils ont peur de vous ?» Demandais-je.
«Peur ? C'est un bien grand mot. Après tout, ils sont nos aînés et ont donc plus d'expérience. Pourtant, il est difficile de dire qu'ils ne nous craignent pas. Nous sommes entraînés à l'Académie à devenir de parfaits petits soldats. Alors forcément, ils préfèrent éviter de se frotter à nous. Cette Démone en avait simplement profiter mais elle ne reviendra plus maintenant.»
«Qu'est-ce qui m'assure qu'elle ne reviendra pas pour s'en prendre à ma mère et Vanessa une fois que je serais partie ?»
«Ils ne reviendront pas. C'est le pacte. S'ils le feraient, ce serait considéré comme une provocation et une mise en guerre. Je doute qu'ils veuillent cela. Ils ont bien trop à perdre en se lançant dans une bataille inutile. Ils sont venus cette fois-ci car tu n'étais plus sous notre protection. De toute évidence, étant là-bas, s'attaquer à tes proches ne les avancerait à rien.»
Dans un sens, apprendre une telle nouvelle me rassure. Si bien que je sens mon corps se détendre et l'air circuler plus librement dans mes poumons. Le Sylphe m'observe silencieusement bien que ses yeux s'égarent parfois en direction de l'escalier. Surveille-t-il le retour de Lindsay ? D'ailleurs, je me demande bien si les choses avancent entre eux. Il y a tellement de rumeurs à leur sujet qu'on ne sait plus vraiment discerner le vrai du faux.
«Keith ? J'aimerais te poser une question.» Fis-je soudainement.
«Je t'écoute.» Répondit-il en haussant un sourcil, curieux.
«Pourquoi, lorsque je suis arrivée à l'Académie, vous avez commencé à m'ignorer de suite ? Je veux savoir. Ne me mens pas.»
Mes yeux le fixent intensément tandis que je le vois se tendre à ma question. Sa gorge se racle, je vois sa pomme d'Adam remuer dans sa gorge. Il joint ses mains en regardant ses pieds avant que son attention ne se porte finalement sur moi. Un air grave prend place.
«Au début, ce n'était pas voulu. Lindsay et moi avions réellement l'intention de te protéger et de t'aider dans ton intégration. Malheureusement, cette histoire de recherche sur ton père est apparue plus vite que prévue. Monsieur Bright a demandé à ce que tu ne sois pas mise au courant. Simple question de précaution et de sécurité à ton égard. Étant tes Anges Gardiens, il a été décidé que ce soit nous qui soyons chargé des recherches. Alors forcément, nous avons dû jouer le jeu pour que tu ne te doutes de rien. Il valait mieux que tu nous détestes plutôt que tu t'attaches pour que nous te blessions dans ton dos. Lindsay a longtemps été contre cette idée et a été souvent en conflit avec Lucas à cause de ça.»
«Elle ne voulait pas le faire ?» Demandais-je d'un air surprit.
«Non. Elle a toujours été comme ça. Du genre à se préoccuper des autres. Alors forcément, l'idée de t'abandonner contre tous ne lui a pas plu. Elle gardait souvent un œil sur toi, cachée dans ton ombre. Elle a voulu t'aider à de nombreuses reprises mais j'ai été obligée de l'en dissuader si elle ne voulait pas s'attirer les foudres du directeur. C'est un peu son côté maternel qui a dû ressortir.»
«C'est pour ça qu'elle te plaît, non ?»
Je réalise soudainement la signification de mes mots et me pince la lèvre en émettant un rire nerveux. Keith n'y répond rien, se contentant de me regarder avec l'air le plus serein du monde. Ma remarque ne semble pas l'avoir perturbé mais ce n'est pas pour autant qu'il m'accorde une réponse.
Néanmoins, cette réponse de sa part me laisse encore un peu amère. Ainsi, ils seraient au courant depuis un bon moment de cette histoire de recherches à propos de mon père ? L'apprendre n'est pas une nouvelle qui m'enchante mais je ne peux m'empêcher de concevoir par la même occasion leur ressentit. Après tout, Lindsay, d'une nature pourtant si douce, n'a pas hésité à se défier contre son supérieur et ami Lucas. Les aurais-je jugé trop vite ?
«Vous discutez ?»
Une voix claire s'élève dans mon dos et je ne tarde pas à la reconnaître. Mes yeux se tournent en même temps que mon visage et je la vois tenue en bas de l'escalier. Un sourire orne son visage tandis que ses pas nous rejoignent dans le salon. Contrairement à ce que j'aurais pu croire, elle prend place à côté de moi. Ses yeux s'attardent rapidement sur les lettres disposées sur mes genoux et tout particulièrement celle que je tiens encore entre mes mains. Un sourire s'étire sur ses lèvres à cette constatation. Serait-il possible qu'elle connaisse l'identité de cet admirateur dit secret ? L'envie de lui poser la question me brûle les lèvres mais je n'ose pas réellement le faire en présence de Keith. Je me décide alors à changer de sujet.
«Comment vont-elles ?»
«Elles vont bien. Vanessa s'est réveillée tout à l'heure mais comme elle semblait un peu perdue, je lui ai dis de se rendormir. Elle m'a fait un discours assez étrange avant de s'assoupir à nouveau. Ta mère dort encore profondément. Je pense qu'elle a essayé de se dénouer du sort de la Succube dans son inconscient mais cela lui a prit beaucoup d'énergie.»
«Je vois... Vanessa est au courant pour vous. Je lui ai tout dis. Votre nature, le fait que je sois un Ange et l'Académie.» Avouais-je.
«Nous le savons déjà Alyssa.» Répond la Naïade.
«Elle n'aura pas de problème je l'espère. J'en prendrais toutes les responsabilités. C'est moi qui ait décidé de tout lui avouer de mon plein gré.»
«Rassures-toi. Il ne lui arrivera strictement rien. Nous avons juste besoin que tu reviennes à l'Académie avec nous. Il faudra partir assez vite. C'est pourquoi, je te laisse leur annoncer ton départ. On ne peut pas retarder d'avantage les choses. Elles sont préparées à ton départ. Je pense qu'elles le savaient déjà de toute évidence.»
Le cœur lourd, je resserre mon emprise sur le papier tenu entre mes mains. Je savais que ce moment viendrait tôt ou tard. Je ne veux pas les quitter. Pourtant, il le faudra. Une fois de plus. Je déteste les au revoir.
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Coucou mes chatons ! Que pensez-vous de ce chapitre ? Je suppose que l'identité de ce fameux admirateur ne sera pas bien difficile à trouver pour vous au contraire de notre petite Alyssa. Je dois avouer que c'était un peu le but nyhéhé. Donnez-moi votre ressentit. J'ai pas mal galéré à trouver les bons mots mais au final je suis satisfaite du résultat. On en apprend également d'avantage sur le comportement douteux de Keith et Lindsay. Au final, ils ont bien tenu leur rôle d'Ange Gardien. Non ?
Bon allez je vais devoir retourner au boulot. Si tout se passe bien, le chapitre de samedi prochain sera assuré ou sera posté dimanche en cas de soucis. Je commence mes épreuves mercredi jusqu'au mercredi prochain. Souhaitez-moi bonne chance pour la Philosophie, l'Histoire et l'Anglais pour la semaine qui arrive ! Bisous je vous aime et encore merci de votre soutient ♥
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