Chapitre Quarante

     Emilie

Me souvenir de tout est difficile. Non que ma mémoire oublie peu à peu les tréfonds de notre histoire. Bien au contraire. Je me souviens de tout comme si cela s'était déroulé la veille. Comment aurais-je pu l'oublier aussi facilement ? Il est juste dur pour moi de me souvenir de toutes ces épreuves en sachant pertinemment que cet homme que j'ai aimé plus que quiconque n'est aujourd'hui plus de ce monde. Disparu. Il nous a quitté. Il y a de ça plusieurs années maintenant...

Cette pensée me tort le ventre. Je me contiens néanmoins de ne pas craquer à nouveau. Il ne faut pas. Ma fille m'observe. Attentivement. Ses yeux sont fixement dirigés vers moi comme si elle attendait de boire à nouveau chacun de mes mots. J'émets un faible sourire à cette constatation. Bien que nous soyons toutes deux assises ici, j'ai encore du mal à réaliser qu'elle est bel et bien de retour après tout ce temps. Son absence dans cette maison a vraiment provoqué un vide les premières semaines. Toutefois, nous avons continué à vivre. Pour elle. Pour nous. Elle est encore plus belle que la dernière fois. Je suis si fière. Parfois, je revois son père en elle. Elle ne l'admettra peut-être jamais mais ils ont bien plus de points communs qu'elle ne le pense.

Mes paupières se ferment tandis que j'essaye à nouveau de m'imprimer de chaque souvenir qui m'envahit.

     FLASH-BACK EMILIE

Un sentiment étrange pèse dans ma poitrine tandis que je me remémore notre dernière rencontre. J'ignore combien d'heures se sont écoulées. Tout cela m'a paru être une éternité à laquelle je n'échapperais jamais. L'orage a grondé pendant de longs instants et je me repliais au fur et à mesure sur moi-même. Ce n'était pas ce temps tempétueux qui m'inquiétait. Non. Cette cohésion que je possédais envers la nature m'empêchait de ressentir toute peur à son égard. Toutefois, mieux valait-il éviter de la défier. En vérité, c'était sans doute le fait de me retrouver livrée à moi-même face à cet homme qui m'inquiétait d'avantage. Pourtant, il était resté parfaitement calme, observant seulement avec précaution la pierre rouge tenue entre ses doigts. Cet objet semblait détenir bien plus de préciosité qu'elle n'en avait l'air. Il semblait presque ailleurs.

Une fois cet épisode terminé, nous nous sommes quittés sans aucun mot. Ce n'était pas indispensable de s'échanger des mots sachant que nous demeurions ennemis pour toujours. Un long regard a juste pointé le bout de son nez mais je n'ai su rester de marbre bien longtemps. Assez vite, un petit sourire malicieux a traversé rapidement ses lèvres avant qu'il ne s'élance puissamment dans les airs. Chose que je n'ai tardé à faire à mon tour. De l'air. J'avais besoin de m'aérer les idées d'urgence.

Depuis ce jour, mon esprit semble ailleurs. Mes camarades ont constaté ce détail et leur méfiance ne cesse d'augmenter. Non qu'ils ne doutent de moi. Nous ne doutons pas de l'autre dans notre peuple. Notre confiance est sans limite envers nos frères et soeurs. Ils se méfient simplement de ces Démons qui envahissent un peu trop notre terrain de recherche. On ne sait jamais à quoi s'attendre de leur part.

Assise silencieusement sur la branche d'un sapin trônant en hauteur surtout ses confrères, j'admire le paysage qui se donne à moi. J'ai l'impression que cette planète ne cessera jamais de m'hypnotiser. Nous sommes en mission. Mes camarades ne sont pas loin. Pourtant, je me décide à m'accorder une petite pause. Mon cerveau ne peut se résoudre à travailler correctement tant de pensées m'assassinent.

«Tu manques à ton devoir maintenant mon Ange ?»

«Et toi ? Tu persistes à essayer de me surprendre en arrivant en douce ? Désolé de te décevoir mais je commence à reconnaître de mieux en mieux ta présence.»

Mes yeux ne sont pas encore portés en sa direction mais je sais pertinemment qu'il sourit. De cet air malicieux et mesquin que je lui connais si bien. Les bras croisés, il observe loin devant lui avant de reposer son attention sur moi. Au même moment, je me décide à le regarder à mon tour. Une fois de plus, nos regards se croisent, s'entrechoquent. Que se passe-t-il au juste ? Ce genre de ressentiment envers mon ennemi est tout simplement impossible et inconcevable. Ressaisis-toi Emilie un peu bon sang.

Je réprime un froncement de sourcil et tente d'apaiser mon corps. L'air se fait discontinu dans mon corps, prouvant à quel point ce calme dont je suis habituellement reine n'est plus présent. La branche s'affaisse légèrement sous un poids et je rouvre les yeux d'un air surprise en retenant un petit cris.

«Et bien ce bois ne tiendra pas bien longtemps. Il te faudra penser maigrir un peu !»

«Si tu allais trouver un autre endroit où te poser aussi ? Il me semble que le plus lourd d'entre nous c'est toi. Qu'est-ce que tu fais ici d'ailleurs ? Je vais vraiment finir par croire que tu me suis à force.»

«J'aime te voir sortir les griffes ma belle. Et contrairement à ce que tu pourrais penser, je suis également en mission. J'avais envie de faire une pause moi aussi.»

Un sourire carnassier se forme sur ses lèvres tandis que je réprime mon propre corps de réagir à sa remarque. Hors de question que je me laisse berner par ses beaux yeux. Les Démons ont ce don de pouvoir corrompre l'être le plus pure par pur avantage. Tout ça grâce au charme qu'ils laissent évader de leur corps. Il ne m'aura pas. Jamais je ne me laisserais avoir.

. . .

J'ignore encore comment une telle chose a pu se produire. Lui et moi. Nous unifiant en ces lieux comme si plus rien n'existait. C'est tout bonnement impossible. J'ai beau me repasser cette scène un million de fois dans mon esprit je ne peux pas. Ses yeux transperçant mon âme, ses mots brisant chaque barrière en mon esprit,ses lèvres s'écrasant sur les miennes et son corps nu contre le mien. Tremblante, je sanglote depuis des heures. Les élèves sont tous en cours à cette heure-là et mes camarades sont en mission. J'ai dû prétexter une excuse des plus idiotes afin de pouvoir rester ici. Je n'en ai tout bonnement pas la force.

Comment ? Pourquoi le sort s'acharne-t-il à ce point sur moi ? Une seule fois. Il aura suffit de cette seule fois pour que mon monde bascule. A croire que mon Père tient à me punir de mes actes en m'infligeant cette punition.

«Bon sang mon enfant... Que se passe-t-il ?»

Je n'ai pas besoin de relever mon visage pour reconnaître cette voix. Martin. Je l'ai toujours considéré comme un second père pour moi. A la vue de sa mine attristée et inquiète, je ne peux m'empêcher de pleurer d'avantage. Mon corps se sent faible, vidé de toute énergie. Ses bras m'enlacent et je retrouve un semblant de réconfort à cet instant.

«Que t'es-t-il arrivé Emilie ?»

Sa voix se fait douce et rassurante tandis qu'il caresse doucement mon dos. Je n'ose lui répondre. Je ne peux plus parler. Aucun mot ne s'échappe d'entre mes lèvres. J'ai bien trop honte. Et bien qu'il n'ose rien dire, je sais très bien qu'il est au courant. Martin n'a jamais été du genre dupe. Il sait pertinemment que je fréquente ce Démon. Étant un humain au sein de cet établissement, il peut se permettre de parler à l'ensemble des personnes présentes. Ce qui l'inclue donc. Lui. Pourtant, il n'a jamais fait de commentaire à ce sujet.

Ses traits se durcissent. Il se fait soucieux face à mon manque de réponse. Je continue quant à moi de sangloter sans pouvoir m'arrêter. J'ignore quoi faire. Je ne sais plus comment agir. Cette situation me prend au dépourvu. Impuissante, je fais le seul geste qui pourra lui faire comprendre mon désarroi. Délicatement, je porte mes mains à mon ventre afin de le caresser dans un geste tendre. Mes doigts sont tremblants mais je tente de rester forte. Ses yeux s'agrandissent et je constate qu'il a enfin compris.

Oui. Quelque chose est entrain de naître et grandir en moi.

     FIN FLASH-BACK EMILIE

Ma gorge se serre à nouveau. Évoquer ma grossesse à ma fille n'est pas une chose évidente. On ne peut dire qu'en l'apprenant, j'ai pu sauter de joie. Bien au contraire. Toutefois, je persiste. Mon regard retrouve le sien. Elle m'observe attentivement. Aucune larme ne s'échappe de ses yeux. Elle reste étrangement calme. Bien trop à mon goût. Je redoute sa réaction. Elle agit comme une bombe à retardement. Le compte à rebours est lancé. Je ne la connais que trop bien.

«Comment papa a réagit face à ta grossesse ?» Demande-t-elle finalement.

«La nouvelle n'a pas été forcément facile à digérer pour lui comme pour moi. Je dois bien te l'avouer. Tout s'est passé si vite. Au début, je pensais qu'il ne s'agissait que d'une simple erreur lorsque je me suis retrouvée dans ses draps. Mais j'ai bien assez vite déchanté en apprenant ma grossesse. Tu dois te douter qu'un enfant issu d'une union entre Démon et Ange est mal perçue. Alors forcément, je redoutais la réaction de ton père.»

«Pourquoi n'as-tu pas avorté dans ce cas ?»

Cette question me frappe de plein fouet. Je décide de reposer ma tasse avant de commettre tout faux mouvements. Mes pensées se bousculent. Il est vrai qu'à l'époque, j'étais totalement prise au dépourvu face à cette nouvelle. Toutefois, aujourd'hui, je ne peux imaginer un tel acte de barbarie. Cette enfant que j'ai face à moi ne serait pas là.

«Jamais je n'aurais commis un tel acte. Mon peuple m'a toujours appris qu'il ne fallait jamais priver un être de son droit de vie. Nous aimons chaque chose, d'autant plus lorsque cette chose repose en nous. Jamais Alyssa. Tu m'entends. Jamais je n'aurais pu avorter.»

Un silence pèse pendant quelques secondes. Je sens son regard devenir soucieux. Elle cherche ses mots. Ses doigts jouent nerveusement ensemble.

«Et papa dans toute cette histoire ? Vous vous aimiez à l'époque ou cette nuit ensemble n'était qu'une simple folie ?»

«Ton père... Ton père n'a pas appris la nouvelle de suite. Je devais suivre tout un tas d'examen. Et faire cela en présence de mes camarades n'était pas chose évidente. J'ai du quitter quelques temps l'Académie afin de faire des tests et confirmer ma grossesse. Lorsque j'ai eu les résultats, je suis revenue afin de lui parler et lui annoncer la nouvelle. Nous nous aimions. Aussi étonnant que cela puisse l'être. C'est vrai, mais je pense qu'à l'époque tout était encore bien trop confus. Il a accepté la nouvelle. Difficilement mais il l'a fait. Pour toi.»

     FLASH-BACK EMILIE

Sur sa demande, nous nous sommes recueillis dans ce petit chalet situé en haut de la montagne. J'ignore comment il l'a trouvé. Sans doute pendant toutes les heures qu'il avait à tuer. Toujours est-il que revenir en ces lieux m'a procuré un sentiment étrange. C'est ici que tout a commencé. Victor est étrangement silencieux depuis que nous sommes partis. Il ne m'a adressé aucun mot. L'enveloppe ouverte demeurait encore entre ses mains tandis que nous survolions la forêt.

Assieds par-terre contre la porte menant à la terrasse de la chambre, j'observe silencieusement le ciel. Victor est toujours aussi muet. Ses doigts roulent l'une de ses cigarettes tandis qu'une épaisse couverture nous enveloppe. Uniquement vêtu d'un simple bas, je m'interroge encore sur la façon dont il fait pour résister à tout ce froid.

Le silence perdure et cette situation en devient presque insoutenable. Je ne pourrais pas tenir aussi longtemps sans aucune réponse de sa part. J'ai besoin d'une réponse de sa part.

«J'ai peur Victor.» Avouais-je à demi-mot.

Mon corps se replie sur lui-même tandis que je n'ose pas porter mon attention sur lui. Instinctivement, je porte mes mains à mon ventre et le caresse lentement. Cet enfant n'a seulement que quelques jours voir semaines et pourtant, mon esprit est constamment alerté. Il m'obsède. J'ai peur pour lui. Est-ce donc l'instinct maternel ? Je l'ignore. Je vais devoir pourtant m'armer de cet outil pour élever cet enfant...

Aucune réponse ne me parvient une fois de plus. Je le vois triturer machinalement le tabac dans sa petite feuille qu'il essaye d'arranger tant bien que mal.

Un soupire m'échappe et je me décide à reprendre la parole.

«Je ne te demande pas d'assumer cet enfant. Je veux juste que tu sois conscient de son existence. A vrai dire, moi-même, je ne réalise pas encore la situation. Tout s'est passé si vite... Toi et moi. C'est une chose qui n'aurait jamais dû se produire et tu le sais tout autant que moi. Pour le bien de nos peuples respectifs. J'aurais aimé que tout s'arrête après cette nuit avant que cet amour ne nous consume d'avantage mais les choses en sont toutes autres... Je suis consciente de l'importance de ton rang là où tu vis. C'est pourquoi, je ne te demanderais pas de sacrifice. J'élèverais cet enfant seule. Je renoncerais à mon rang et deviendrait une déchue. Tu auras juste à faire comme si rien n'avait jamais existé entre nous. Bien sûr, si le désir te prend un jour, tu pourras toujours voir cet enfant...»

J'aimerais rester de glace mais ma voix me trahit. Les tremblements me prennent et je sens mes joues s'humidifier au fur et à mesure que mes paroles découlent. Je n'ai pas le droit. Non. Il n'est pas de mon devoir de le retenir et de le forcer à assumer. Je suis bien assez forte pour pouvoir assumer cet enfant de moi-même. Frénétiquement, ma main continue de caresser mon ventre. L'énergie qui s'en dégage m'apaise.

«Tu as finis de raconter tes conneries, c'est bon ?»

Mon corps est prit d'un léger sursaut tandis que j'entends enfin sa voix. Mes yeux clignent plusieurs fois avant que je ne réalise que c'est bel et bien à moi qu'il s'adresse. Interdite, je le fixe d'un air éberlué. Il soupire longuement et continue de jouer avec son tabac en fixant ses mains, l'air ailleurs. J'entrouvre mes lèvres afin de lui répondre mais il me dépasse, bien plus rapide que moi.

«Les Démons sont considérés comme des lâches et des menteurs. C'est vrai, mais jamais nous n'irions laisser notre descendance de côté. Nous avons aussi conscience de ce qu'est la famille. Je suis parfaitement conscient de toutes ces conneries de règles entre nos deux peuples. Que l'union de deux êtres est strictement interdite. Mais tu sais quoi ? Je m'en fiche complètement de toutes ces histoires. Ce qu'ils font ce n'est pas pour notre bien. Non. Ce n'est que pour le leur. Ils veulent s'assurer que l'équilibre et la haine demeurent entre nous. Comme depuis toujours. Ils ne pensent pas que l'amour est une maladie qui ne se contrôle pas. Cette nuit là. Quand tu as partagé mes draps, pas une seule fois je n'ai pensé que tout s'arrêterait. Je savais très bien que nos chemins se croiseraient à nouveau. Sûrement pas de cette manière mais je le savais. Et maintenant que tu m'annonces que tu es enceinte, tu veux que je te laisse assumer seule sa responsabilité et que tu sois la seule à te sacrifier ? Tu es bien un Ange toi décidément... Toujours cet âme de grand protecteur et de sacrifice ancrées en vous. Tch ! Tu n'as pas à assumer toute cette merde toute seule tu m'entends ?! Je vais renoncer à mon rang de Démon. Je deviendrais un humain. Nous élèverons cet enfant ensemble tu m'entends. Ces conneries de pouvoir et tout ce qui s'en suit ne m'intéressent plus. Je vais rester avec toi. Nous fonderons notre famille. C'est promis Emilie.»

Les larmes déferlent sur mes joues abondamment tandis qu'il me regarde sérieusement. Bordel. Depuis quand un Démon peut-il prononcer de telles paroles aussi sérieusement ? Après quelques secondes, il se radoucit finalement. Mes yeux se ferment et je laisse nos lèvres se rejoindre tendrement, scellant ainsi cette promesse qu'il vient de me faire.

     FIN FLASH-BACK EMILIE

Un sourire orne désormais mes lèvres. Triste et nostalgique. Il représente parfaitement ce que m'évoque ces souvenirs aujourd'hui. Nous étions heureux malgré tout ce qui pouvait s'abattre sur nous. Tout pour la sûreté de cette enfant. Des larmes déroulent le long de ses joues mais elle ne doit pas s'en être rendue compte pour le moment. Sa lèvre tremble mais elle continue de me fixer silencieusement. Je prends bien conscience que découvrir ces nouvelles facettes de son père provoque une émotion en elle.

Lentement, je me lève de ce siège et m'approche d'elle. Elle n'émet aucune résistance et je passe doucement une main sur ses cheveux et son dos. Mon regard est doux, bienveillant. J'aime cette fille. Ma fille.

«Je sais que tu as toujours eu des problèmes relationnels vis à vis de ton père mais il t'aimait. D'un amour inconditionnel. Il t'a aimé dès la première seconde. Il ne ratait jamais une occasion de pouvoir te sentir dans mon ventre dès que tu te mettais à bouger. Tout cela doit te paraître si loin et impossible. Sa main reposait inlassablement sur mon ventre tandis qu'il te parlait à longueur de journée. Lorsque tu es finalement entrée dans notre vie, en chair et en os, je crois que je ne l'ai jamais vu aussi heureux. Je me suis longtemps demandé s'il avait regretté d'avoir abandonné tout statut pour devenir humain mais ce jour-là, toutes ces pensées m'ont échappé. Il n'a jamais montré aucun signe de regret. Il t'a aimé plus que n'importe quel père. Tu as été une lumière dans sa vie Alyssa. Jusqu'à la fin. Et même si tu ne lui rendais pas de la meilleure des manières, il continuait à t'aimer. Il n'a jamais cessé. Je le sais plus que quiconque. Tu as vraiment aidé à sa survie mon Ange.»

Son corps est parcouru de légers spasmes. Elle hoquette à intervalle irrégulier et tente de se calmer. En vain. Bien que la voir ainsi pourrait paraître attristant, je conserve mon sourire et continue de caresser ses cheveux avec douceur. Ses bras s'enroulent timidement autour de moi et je me sens d'avantage rattachée à elle. Mes lèvres s'écrasent contre sa tête tandis que je ferme mes yeux. Les larmes d'un Ange sont d'une pureté incroyable.

Nous restons ainsi pendant de longues minutes. J'ignore combien de temps précisément mais je reste auprès d'elle. La soutenant du mieux que je le peux tandis qu'elle pleure comme une enfant dans mes bras. S'il y a bien quelque chose que je peux faire pour lui aujourd'hui, c'est bien d'aider sa fille. Le calme revient finalement et il me semble qu'elle a enfin cessé de pleurer. Elle saisit un mouchoir et s'en sert afin de nettoyer le massacre qu'elle pense avoir causer sur son visage.

«Merci maman...» Murmure-t-elle d'une voix presque inaudible.

Je ne réponds rien mais il suffit de voir mes lèvres s'étirer pour comprendre à quel point cette enfant me touche. Je lui accorde un dernier baiser avant de la relâcher doucement.

     Alyssa

Les révélations faites par ma mère me rendent encore un peu chancelantes. Toutefois, je persiste à reprendre mes esprits. L'appréhension que j'avais au début de cette conversation est complètement retombée. Je suis bien consciente que je ne connais pas encore tout de leur histoire mais chaque chose en son temps. Et après tout, certaines choses se doivent de rester là où elles sont.

Je constate que le liquide dans ma tasse a eu le temps de refroidir et je me passe de l'envie de le boire. Semblant remarquer ce détail, ma mère sourit doucement et range la vaisselle sur le petit plateau.

«Et si tu montais voir Steve ? Je suis persuadée qu'il sera ravi de te revoir. Il ne le dit peut-être pas mais tu lui as manqué à ce petit.»

Un faible sourire traverse mes lèvres à ces mots. Bien que mes rapports avec mon petit frère aient toujours été plus ou moins mouvementés, je ne peux pas dire que je ne l'aime pas. Je me redresse rapidement sur mes deux jambes et m'élance dans l'escalier. Un bruit provient de sa chambre. Des cris et des exclamations se font entendre. Intriguée, je décide d'ouvrir la porte.

J'ignore comment je dois réagir face à la scène à laquelle j'assiste. Vanessa et Steve sont tout deux assied sur le lit avec des manettes en main. Le regard fixé sur l'écran, ils semblent complètement absorbés dans leur partie. Si bien que je doute que mon propre frère ait remarqué ma présence. Je reste donc planté devant la porte en les observant. Ils rient tout les deux et n'hésitent pas à se jouer des tours en se bousculant afin de déstabiliser l'autre.

Vanessa a toujours été de ce type de fille sociable et parfois un peu garçon manqué sur les bords. Nombre de fois où je l'ai retrouvé entrain de se bagarrer gentiment avec mon frère ou à jouer inlassablement à la console. Dans un sens, je suis heureuse de savoir que les deux s'entendent aussi bien.

Après de longues minutes de jeu, les deux daignent enfin à remarquer ma présence tandis que leur partie s'achève. Vanessa me lance un grand sourire vainqueur, signe qu'elle a du gagner la partie. Juste à côté, Steve me fixe quelques secondes sans rien dire avant de se lever et marcher en ma direction.

«C'est un hologramme de l'Académie ?» Demande-t-il en m'inspectant d'un air sérieux.

«Je vois que tu es toujours aussi intelligent mon cher frère.»

Je lève les yeux au ciel avant de rire doucement et bloquer sa tête sous mon épaule. Ma main vient rapidement à se perdre dans ses cheveux que j'ébouriffe gentiment. Un grognement ne tarde pas à se faire entendre de sa part tandis qu'il se dégage de mon emprise et réajuste ses quelques mèches d'un mouvement de tête. Contrairement à ma mère, je ne ressens pas ce besoin d'exposer tout à Steve. Il est encore jeune et ce monde ne le concerne pas. Du moins, je ne veux pas qu'il soit impliqué. Si je suis partie, c'est en parti pour qu'on puisse le laisser. Il a droit à son bonheur et sa liberté et c'est mon rôle de le lui assurer maintenant.

«Toujours aussi chiante et petite visiblement de ton côté.» Lance-t-il avec un sourire moqueur.

«Tu riras moins lorsque la petite te mettra à terre.» Répondis-je aussitôt.

Comme je n'ai rien à faire d'autre, je me décide à me lancer à mon tour dans une partie de jeu vidéo. Je n'excelle pas vraiment dans ce domaine mais ce n'est pas ce qui me préoccupe. Je désire simplement profiter de ces instants en leur compagnie à tous. Rire et ne pas me préoccuper du reste comme je le faisais bien avant.

. . .

La soirée se déroule sans encombres. Visiblement ravie de mon retour, ma mère a eu la charmante idée de préparer un repas digne de ce nom. Autant vous annoncer de suite que Vanessa n'a pu s'empêcher d'accepter immédiatement la requête de ma mère lorsque celle-ci lui a proposé de rester manger ici. L'ambiance s'est ainsi retrouvée enjouée et animée. Le poids qui me pesait dernièrement sur le cœur a désormais disparu et je suis désormais plus sereine.

Les mains trempées dans l'eau, je nettoie calmement la vaisselle tandis que ma mère m'assiste à nettoyer le tout. Comme tout semble s'être plus ou moins arrangé entre nous, j'ai décidé de rester ici à partir de maintenant. Je ne veux pas abuser de l'hospitalité de Vanessa et de ses parents. Ils ont déjà beaucoup fait pour moi. C'est pourquoi, pour la remercier, je l'ai invité à dormir chez moi pour la nuit. Ma blonde s'est empressée d'accepter en sautillant de joie. Elle est d'ailleurs actuellement dans la salle de bain, profitant d'un bon bain chaud. Je me serais bien amusée à jouer avec l'eau histoire de l'entendre crier mais je me passe de cette occasion.

«Ton intégration au sein de l'Académie s'est bien passée ?»

Je lève les yeux à l'entente des mots de ma mère. Ce même sourire plane sur ses lèvres depuis tout à l'heure tandis qu'elle m'observe en essuyant les assiettes. En toute honnêteté, j'hésite à lui raconter la vérité ou mentir. Après tout, on ne peut pas vraiment dire que les choses aient été très faciles au début pour moi.

«J'ai eu un peu de mal au début. Disons qu'ils ont eu un peu de mal à m'accepter mais j'ai plus ou moins réussi à me faire ma place. Bien que parfois ce n'était pas toujours facile. On ne peut pas se faire aimer de tout le monde après tout.» Je hausse les épaules.

«Je vois. On n'y peut rien. Ce sont les choses de la vie. Keith et Lindsay ont ben veillé sur toi je suppose ?»

Une fois de plus, je me crispe à l'entente de ces prénoms. Il y a depuis bien longtemps que je ne porte plus vraiment ces deux-là dans mon cœur. Je n'arrive plus à les comprendre. Pourtant, je me souviens encore de leurs expressions peinés lorsqu'ils m'ont aperçu après les révélations de Martin. Ou bien encore le désarroi dans leurs yeux après que je me sois échappée de l'Académie. Y penser me donne mal à la tête et je me force à fermer les yeux afin de penser à autre chose. Ne va pas te rendre malade pour de telles choses Alyssa.

J'inspire légèrement. Je décide de me livrer à elle. S'il y a bien quelqu'un à qui je peux parler de telles choses c'est bien elle.

«Je ne sais pas. Je suis perdue. Ils ont tellement changé depuis que je suis arrivée là-bas. J'avais l'impression de pouvoir leur faire confiance mais ils n'ont cessé de se montrer distants. Ils ont même participé aux recherches sur papa.» Soufflais-je.

«Est-ce que tu te souviens de ce que je t'ai dis la dernière fois ? Tu dois toujours suivre ton instinct. La première fois, lorsqu'ils t'ont demandé de venir avec eux, tu les as suivi. Tu as agi comme tel parce que tu avais confiance en eux. Je sais qu'à cet âge, les choses sont difficiles émotionnellement parlant. Moi-même je suis passée par-là bien que les choses étaient différentes. Les gens changent et agissent sous certaines conditions. Tu te dis sûrement qu'ils te cachent des choses et c'est vrai. Personne n'est complètement blanc ou noir. Pas même les Anges et les Démons.»

«Tu penses que je devrais continuer à leur faire confiance malgré tout c'est ça ?» Demandais-je en haussant un sourcil.

«Je ne te force à rien Alyssa. Je me dis juste que Keith et Lindsay ne devaient pas avoir de mauvaises intentions. Autrement, ils ne nous auraient pas sauvé ton frère et moi. Je te demande juste d'y réfléchir un peu plus mûrement. Peut-être que certains signes sont cachés.»

Les paroles de ma mère ne font que m'intriguer d'avantage. Mordant discrètement ma lèvre, je retiens un soupire. Celle-ci me rassure d'un énième sourire tandis que nous poursuivons notre tâche calmement jusqu'à la terminer.

«Allez, va rejoindre Vanessa. Vous avez besoin de repos toutes les deux.»

J'acquiesce avant de m'éloigner pour monter à l'étage. Une bonne nuit de sommeil me fera le plus grand bien.

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Enfin le chapitre Quarante ! Enfin terminé ! Les révélations au sujet des parents de notre héroïne s'arrêtent ici. Qu'en avez-vous pensé ? Je dois bien avouer que Victor est un père que j'admire et dont je suis déçue de ne plus pouvoir vraiment exploiter mais voilà ! J'espère que vous l'aurez apprécié autant que moi. Donnez moi vos avis et réactions. Que se passera-t-il dans le prochain chapitre selon vous ?

Etant en zone B, je reprend les cours lundi... Ce qui signifie donc que le nombre de chapitre reviendra à un par semaine le samedi ! A ceux en zone A et C, j'espère que vous profitez bien de vos vacances. Reposez-vous, vous le méritez. Sur ce, je vous fais d'énormes bisous mes chatons et toujours un grand merci à vous ♥

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