Chapitre 1

"'Cause this is the end,

Pretend that you want it,

Don't react,

The damage is done."

Losing Your Memory – Ryan Star.


Appuyé sur mes cannes grises, je peine à passer le palier de
l'immense demeure de la famille Hamilton. Tout sourire, la mère de Willow me propose une aide que je refuse catégoriquement, avant de patienter pour me saluer avec toute la chaleur qui la caractérise.

—     Ah, mon petit Axel ! Quel plaisir de te voir, ça faisait si longtemps, s'exclame la cinquantenaire en replaçant une mèche brune derrière son oreille percée.

Le genou et le cœur en feu, je grimace un pauvre rictus poli alors qu'elle me débarrasse de ma veste noire.

—     Je suis désolé Marie, avec la rééducation et les enterrements, je n'avais pas trop la tête à sortir...

Le visage pâle de la femme qui m'a vu grandir aux côtés de sa fille devient grave, et je me surprends à espérer que cette réponse franche la dissuade d'enchaîner sur une conversation hypocrite que personne ici n'a réellement envie d'entamer.

—     Je comprends mon grand, excuse-moi. Sache juste que je suis heureuse de te voir, tu seras toujours le bienvenu dans cette maison, ajoute-t-elle avec tendresse. Tu as l'air fatigué, tu veux que je te prépare la chambre d'amis ou tu préfères monter avec Willow ?

Les nerfs toujours à vif, je ne parviens plus à soutenir son regard plein de sollicitude sans que mes larmes ne refassent surface. Je ne mérite pas sa bienveillance.

—     On va essayer d'aller dans ma chambre et si jamais c'est trop compliqué, je préparerais la chambre d'amis moi-même, maman, me sauve Willow en retroussant les manches de son pull en laine beaucoup trop grand.

—     Vous êtes sûrs que ça va aller ? s'enquiert Marie en triturant la croix fine suspendue à sa chaîne en or.

—     Mais laisse-les donc se débrouiller, ce ne sont plus des enfants ! se moque gentiment Hayes en plaçant ses paluches sur les hanches de sa femme.

Il dépose un baiser sur les cheveux mi-longs de Marie avant de l'attirer contre lui, puis jette un œil pétillant de gentillesse dans ma direction.

—     Salut kiddo, ravi de te voir sur pied, articule-t-il avec un accent anglais à couper au couteau.

Les dents serrées, je meurs d'envie de lui dire que je suis loin d'être « sur pied » puisque je tiens tout juste debout, mais je décide de m'abstenir. M'en prendre à lui ne soulagera pas ma douleur. Ça ne fera pas revenir Neven. Je finis par hocher la tête en relevant un coin de mes lèvres, puis Willow m'entraîne vers les escaliers blancs ultra-modernes sans laisser d'autre choix à ses parents que nous laisser tranquille. L'ascension vers cette chambre que je connais par cœur est difficile, mais j'y mets tous mes efforts pour ne surtout pas avoir à redescendre et à faire face aux regards pleins de pitié de Hayes et Marie.

Épuisé par toutes ces marches, je m'écroule sur le lit deux places de Willow en admirant les posters qui mêlent chanteurs d'anciens boys band à champions du monde de patinage artistique en passant par ses danseuses étoiles favorites et ses groupes de Rock adorés. Apaisé par cet environnement qui me rappelle nos plus belles années, je me détends et lorgne sur la table de nuit grise fixée au mur pour y retrouver le visage du garçon que j'aurais voulu embrasser avec fougue chaque seconde de ma vie. Enfermée dans un cadre en carton que Neven avait fabriqué pour les huit ans de notre amie commune, la petite photo de Willow, Neven et moi au championnat d'Europe de l'équipe de basket de ce dernier me serre le cœur.

—     La dernière photo avant la catastrophe, soupire Willow, les yeux rieurs.

—     La catastrophe ? L'apocalypse, tu veux dire, murmuré-je, un sourire sincère aux lèvres. Quand on a appris qu'ils avaient gagné, on a tellement bu qu'aucun de nous trois n'a été foutu de se rappeler comment on avait bien pu fêter ça.

—     C'est pour ça qu'on l'a refêté la semaine d'après, glousse ma meilleure amie en m'arrachant au passage un rire sonore.

—     Je suis pas sûr de beaucoup mieux me souvenir de la deuxième fois, raillé-je.

—     Oh, moi je m'en souviens bien ! Je me suis retrouvée toute seule parce que messieurs ont préféré finir dans l'une des chambres de chez Lucas que de rester avec leur meilleure amie adorée.

Le rouge me monte aux joues lorsque les souvenirs de ma première fois me reviennent par bribes, ce qui n'échappe pas à Willow qui finit pliée en deux, un coussin sur le ventre, sans pouvoir calmer sa crise de fou-rire.

—     C'est ça, marre-toi, marmonné-je en prenant un air boudeur.

—     T'aurais vu la tête d'Océane quand elle a compris pourquoi on ne la laissait pas monter pour qu'elle offre un verre à Neven...

Quand la réalité revient s'écraser sur nos épaules, l'hilarité de ma meilleure amie se stoppe nette et je fronce les sourcils. Lucas... Océane...

—     Est-ce que tu as des nouvelles ? chuchote-t-elle soudain sans oser me regarder.

—     Elle est toujours dans le coma, articulé-je mécaniquement. Les médecins disent que maintenant, ils peuvent plus rien faire. Y'a une chance sur deux qu'elle se réveille.

Willow rampe jusqu'à moi, son plaid bleu rempli d'étoiles blanches à la main et nous emmitoufle dedans tous les deux en calant son dos contre mon torse. De nouveau tiraillé par mes émotions destructrices, je passe un bras autour du corps minuscule de la jolie blonde blottie contre ma poitrine douloureuse, et la serre à l'étouffer.

—     Axel ?

—     Oui ?

—     Qu'est-ce qu'on va faire maintenant qu'il ne reste plus que nous deux ?

Le timbre de sa voix n'est qu'un murmure, mais je ressens tout le désespoir qu'il renferme comme s'il venait de me submerger pour m'engloutir dans ses abysses les plus sombres.

—     Vivre, je suppose. Tu vas essayer de vivre. Tu vas aller à Londres pour patiner auprès des plus grands, ou alors tu vas aller à New York et entrer à Julliard avec l'aide un peu pistonnée du célèbre papy Hamilton et tu deviendras la plus grande danseuse du monde. À côté de toi, Maïa Plissetskaïa et Surya Bonaly auront l'air de vulgaires débutantes, lui assuré-je en observant les deux championnes sur les murs qui nous entourent.

Bien qu'un léger sursaut d'humour la secoue, mon amie ne passe pas à côté de la partie que je tente d'éluder.

—     Et toi alors ?

—     Moi ?

Moi, je vais mourir ici, loin de ce rêve que tu vas réaliser à ma place, ma Willow.

—     Vivre, je suppose.


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Salut tout le monde,

J'espère que ça va bien. Ça me fait bizarre de reposter deux fois par semaine, ça faisait longtemps que ça m'était pas arriver, mais ça me plaît. Et puis ça me fait aussi bizarre de bosser sur Je N'ai Plus Peur, mais ça aussi, ça me plaît. J'ai à la fois hâte et peur de republier cette histoire. Hâte et peur de reprendre son écriture.

Bref, en tout cas, j'espère que ce chapitre vous a plu, et qu'il a pu vous permettre de compléter un peu vos hypothèses sur ce qui a pu se passer dans la vie d'Axel.

D'ailleurs, en parlant d'Axel, à votre avis, pourquoi pense-t-il ne pas mériter la bienveillance de Marie ?

Et puis, vous la trouvez bienveillante, vous ? Les parents de Willow vous inspirent quoi ?

Pour vous, Willow sera une future danseuse ou une future patineuse ?

La musique, un grand classique, maintenant. Mais on aime ?


J'arrête avec mes questions, maintenant. Il faut que j'aille bosser un peu, de toute façon. Je vous dis à mardi, du coup. Merci beaucoup pour votre présence incroyable sur le prologue et le trailer, ça me touche énormément. J'espère que Ne Saute Pas sera à la hauteur de votre enthousiasme.

À très vite les potes, prenez soin de vous.

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