7. Adrien

Média: Léonie Marty.

Premier week-end d'ennuis.

J'ai eu un sept en mathématiques... de toute manières, je suis nul dans tout ce qui est scientifique. Je ne devrais pas me lamenter pour si peu ! Au contraire de Rachel qui adore cette matière, et d'ailleurs c'est toujours elle qui fait mes exercices. Je fais un tour sur Google, en commençant par taper dans la barre de recherche "comment calculer Thalès" car je ne m'en souviens plus et ma soeur n'est pas à la maison ce soir. Puis je finis par chercher l'homme le plus vieux du monde sur ce moteur de recherche, ne sachant plus comment procéder. Enfin, je passe faire un tour sur le blog de Mélina, un peu comme chaque soir. Elle ne parle plus de moi, en ce moment, et je me dis que c'est surement un peu de ma faute. Si je n'avais rien dit, j'en saurais plus à l'heure qu'il est. Mais il a encore fallu que je l'ouvre pour dire n'importe quoi...

Je vais faire un tour à la soirée de Gaëtan juste pour que Léonie me lâche enfin. Je n'ai vraiment pas envie d'y aller, si vous saviez ! Mais ça fait des mois que je suis pas sorti. En tout cas, je me suis faite promettre de ne pas boire une goutte d'alcool, et de partir au moins avant minuit. Ces fêtes désobligeantes sont encore à un niveau un peu trop élevé pour moi.

Je crois rêver: une fête ? Chez Gaëtan Sarthe ? Le même Gaëtan Sarthe que je crois que c'est lui ? Mais je sais où se trouve sa maison ! Tout le monde sait où se trouve sa maison, en faite. Je saute de mon lit et enfile le premier manteau que j'ai sous la main. Je mets des baskets, les mêmes depuis six mois, et je me recoiffe d'un geste souple afin de remettre en valeur mon visage cerné par la fatigue. En ce moment, je ne dors plus la nuit. Généralement, j'en profite pour sortir et faire ce qui me chante, ma mère ne voit absolument rien. Pendant les week-end, je dors le jour. Sinon, je reste éveillé. Pour moi, dormir est une sorte de torture, car le sommeil est un monde froid, sanguinaire. Mes rêves sont toujours les mêmes depuis un an... parfois, je n'en fais pas. Et c'est terrible de se réveiller en croyant avoir dormi pendant des années, c'est la sensation que j'aie chaque matin. Je crie pour ne pas pleurer à la place.
Je prends la voiture de ma mère, un vieux quatre-quatre qui ne sert presque plus à rien depuis qu'elle fait ses trajets uniquement à vélo. J'ai seulement le permis en conduite accompagnée, mais pour être honnête, je m'en fiche. Dans ce coin de la ville, il n'y a presque pas de flics. Sinon, je serai sans doute derrière les barreaux depuis longtemps ! Je monte dans l'habitacle en secouant la tête, un réflexe purement mécanique pour me donner du courage. C'est la première fois depuis très longtemps que je n'ai pas repris la voiture... je tourne les clés dans le contact et fait vrombir le moteur. Tout est normal. J'appuie sur la pédale d'accélérateur, et lorsque je me sens bouger, je sursaute.
Finalement, je roule à 160 kilomètres heure sur l'autoroute, les yeux rivés sur la route. J'aime la vitesse, le danger, l'adrénaline, mais surtout: je ne veux plus vivre. Je vois les vitesses défiler. 170, 180, 190, ... jusqu'à dépasser les 200. Je pousse un grand cri lorsque je perçois le bruit des voitures qui me klaxonnent. Pour terminer cette petite escapade en beauté, je fais une fausse manipulation, et je me retrouve dans la chaussée. Malheureusement, je n'ai rien de cassé, à croire que j'ai toujours un coup de chance avec les accidents... en bref, j'arrive chez Gaëtan en un morceau. Je descends du quatre quatre tel un cow boy à la poursuite de sa gazelle ( en l'occurrence, Mélina ) et fais claquer la portière. Comme par hasard, je tombe sur elle qui part à grandes enjambées dans la direction opposé. Je l'interpelle d'une voix un peu plus monotone que ce que je voulais, et elle se fige au même moment. Elle se retourne, l'air indigné et la bouche entrouverte. On ne se connaît que depuis quelques jours, mais j'aime déjà quand elle s'énerve...
- Anderson ?! Mais... qu'est ce que tu fiches ici ?
Je lance mes clés de voiture et les rattrape pour me donner un certain style. Et aussi pour lui faire croire que j'ai une voiture. Tout est dans l'interprétation...
- Ton blog. Tout est écrit.
Je sais que je n'aurais pas dû lui redire, mais je n'ai pas trouvé d'autres excuses. Elle hausse les sourcils avant de s'approcher de moi l'air faussement dégagé.
- Arrête de le lire. Ce n'est pas tes oignons.
- C'est comme si tu disais à la mer de rester immobile. Ça ne sert à rien.
Elle pousse un soupir et s'assoit sur le rebord du trottoir. Je viens juste à côté d'elle, histoire de la dévisager juste pour l'embêter. Une question me brûle les lèvres, tout à coup: je ne sais rien d'elle et elle ne sait rien de moi. Pourquoi ne pas commencer à se poser des questions ?
- Ils sont comment, tes parents ?
Elle pince des lèvres, et je ne l'entends plus respirer. Ce n'était peut-être pas une bonne idée, finalement...
- Mes parents ?!
- Oui, tes parents. Moi ils sont: séparés, ennuyants, dépourvus de sentiments et je déteste particulièrement mon père. C'est tout le contraire de ma mère qui est un peu dans la lune mais...
- Tu en as de la chance.
Je la fixe, étonné. Si elle appelle ça de la chance, alors je n'ai plus qu'à me demander comment sont ses parents. Est ce que je dois me faire du souci pour elle ?
- Pourquoi ? Les tiens sont pires que les miens ?
- C'est... c'est un peu compliqué.
Je viens de comprendre. Je suis un idiot.
- Ah ! Ils sont...
Elle me regarde, l'air incrédule. Je viens de m'empêtrer dans une drôle de situation en posant cette question.
- Enfin non, ce n'est pas exactement ça... je suis partie de chez moi, en faite...
- Merde.
Elle resserre les épaules comme s'il s'agissait d'une petite chose toute fragile. Je me trouve bête, tout à coup. Je n'ai pas l'habitude de me retrouver coincé dans ce genre de conversation. Généralement, je préfère ne pas y penser.
- Non, c'est bon, tout va bien.
- C'est un peu gênant tout de même ! Je te paye à boire pour me faire pardonner ?
J'ai trouvé la merveilleuse issue de secours, à utiliser uniquement dans les cas très graves. Son sourire réapparaît.
- Désolée, mais je n'ai pas trop l'habitude de sortir le soir et je suis fatiguée.
Mon air déçu doit sûrement se voir, car elle sourit davantage. Je dis d'une voix vexée:
- OK, pas de problème. Mais je jure solennellement que je ne repartirai pas sur un râteau !
Sur cette dernière parole, je sors un petit bout de papier plié en quatre de ma poche et le lui tend. Elle le prend, même si son air méfiant n'est pas à prendre à la légère. Il s'agit en réalité de mon numéro de téléphone. Elle a à peine le temps de le lire et de cogiter que je suis déjà remonté en voiture. Lorsqu'elle relève la tête, elle a seulement l'honneur de me voir tourner dans une rue adjacente. La vitesse de l'éclair...

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