24. Mélina
Média: Adrien Anderson et Mélina Allard.
Trente-quatrième jour en enfer.
Ma vie est fichue. Car, je ne sais pas si vous le saviez avant oui ou non, mais je sors désormais avec Gaëtan. Et je suis la dernière mise au courant, évidemment. Ce matin, j'ai presque eu une haie d'honneur en arrivant au lycée. Je ne vais pas juste qu'à dire que c'est "dérangeant", parce que sortir avec le garçon le plus parfait de Calais est un réel privilège... mais voilà, les temps ont changé, et je dois admettre que je ne l'aime plus. Il est peut-être trop parfait, justement. Ou alors, je n'ai juste pas du tout envie d'avoir le coeur brisé une deuxième fois par le même mec, sous peine de devenir la fille la plus naïve du monde. Je n'en ai aucune idée, mais je laisse faire. S'il a envie de sortir avec moi, qu'il sorte avec moi. Tout ce que je demande, c'est qu'il arrête de me coller systématiquement, ce qu'il a l'air de faire à merveille pour l'instant. J'ai entendu une vague rumeur comme quoi Anderson avait été expulsé du lycée pendant trois jours. Je ne suis absolument pas étonnée, non. Ce qui me trouble, c'est qu'il était encore et toujours en compagnie de Cédric Sanchez, et qu'il aurait littéralement tout saccagé dans la salle d'étude sans oublier toutefois de l'insulter. C'est pour cela que j'ai décidé d'interroger Cédric après mon cours d'éducation physique et sportive. Vous voyez le genre: le teint rougit, la sueur dégoulinante de mon front et l'odeur de transpiration bien représentative de ma personne. Une vraie bombe atomique. Je me résonne en me disant que je fais ce geste pour une bonne cause, enfin je crois, et que si j'entraine l'interrogé dans un endroit un peu à l'écart, personne ne pourra se douter de quelque chose. Mis à part lui, en faite... avec ma redoutable chance, je le trouve en train de vagabonder dans les couloirs tout en inspectant les flèches sur les murs, et j'en déduis qu'il doit probablement s'être perdu. Voilà une bonne raison pour l'accoster.
- Cédric Sanchez, c'est bien ça ? Mélina Allard.
Je lui tends la main alors que je n'ai généralement pas l'habitude de faire ça. Ce doit être le stress. Je n'ai jamais été enquêtrice, jusqu'à aujourd'hui... il me serre la main en rigolant. Tiens, il se moque de moi. Il ne fera jamais parti de mes amis.
- Salut. Euh... je cherche la salle de musique ? C'est par où ?
Je mets mes mains dans mes poches tout en plissant les yeux. Comme dans New-York Unité Spéciale. Sauf qu'il y aurait moins d'audience.
- Tu es nouveau ?
Je détourne le sujet telle une vraie professionnelle. Il doit me prendre pour une cinglée.
- Oui. Du coup... c'est où ?
- Tu habitais où, avant d'être arrivé à Calais ?
J'ai de la chance d'être tombée sur le moins méfiant. Il est néanmoins difficile pour moi de rester sérieuse.
- J'habitais vers Nice. C'est une ville merveilleuse. Mais je n'y suis resté qu'un an à peine.
- Et pourquoi ?
- Parce que mes parents voulaient revenir ici.
- Donc tu as déjà habité à Calais ?
C'est là que la tâche va se compliquer pour moi. Et son air méfiant n'est surement pas à prendre à la légère. Trop questions, pas assez de réponses. Et je suis en train de frôler une piste...
- C'est une sorte d'interrogatoire surprise ?
Il a dit ça en rigolant légèrement, ce qui veut dire que pour l'instant tout va pour le mieux. Je prends mon air le plus dégagé et naturel possible.
- Non, bien sûr que non. Je tiens juste à te connaitre. Je fais ça avec tous les nouveaux.
- Ah, parce que je vais être en retard à mon cours si ça continue...
- Juste, réponds à cette question. Parce que je suis certaine de t'avoir déjà vu quelque part.
Je dois avouer que je suis l'une des meilleures investigatrices du lycée. Je devrais participer au journal, ou aux interview... j'ai peut-être un don.
- Oui, j'ai déjà habité à Calais.
- Et pourquoi tous ces déménagements comme ça ?
C'est vrai quoi, c'est bizarre. Et je me fiche de savoir si ce sont des raisons personnelles. Il a l'air gêné, et je sens que la réponse est là, juste à portée de main.
- Je n'aime pas trop en parler...
- Oh, mais ne te gêne surtout pas hein. Je voudrais devenir ton amie.
J'ai dit ça au pif, mais il semble heureux. Tant mieux pour moi, j'ai gagné sa confiance en une phrase.
- Et bien... tu connaissais une certaine Lise Sanchez ? C'était ma sœur.
- Euh, non... je suis arrivée ici en fin de première.
- En faite... elle est décédée il y a un peu plus d'un an, maintenant.
Mes deux sourcils se lèvent d'eux même, et je suis complètement surprise par cette révélation. Je n'aurais surement pas dû lui demander tout ça... mais alors, pourquoi je continue ?
- Oh... je suis désolée, je comprends parfaitement. Tu sais pourquoi elle est... partie ?
- Un accident de voiture. Et elle n'était pas seule, à ce qu'il parait.
Soudain, mon cerveau a un petit déclenchement, et tout a l'air de s'emboîter parfaitement dans ma tête. Adrien a peur de prendre la voiture. Lise Sanchez est morte dans un accident de voiture. Et une autre personne était dedans lors de cette tragédie. Je n'ai plus aucun doute.
- Et, c'était qui, cette deuxième personne ?
- Je ne sais plus trop... pourquoi ?
- Non non, pour rien... est ce que cette personne est morte, elle aussi ?
- Non, je crois qu'elle s'en était tirée...
Je suis de plus en plus certaine qu'il s'agit bel et bien d'Adrien.
- Et tu ne sais rien d'autre sur cette personne ? Tu en es vraiment sûr ?
- Mais, attends une minutes, pourquoi tu t'intéresses tant à ce gars qui était dans la voiture ?
- Donc c'était un garçon ??!
Je me prends la tête par deux mains, complètement abasourdie. J'en étais sûre. Anderson cache un lourd secret. Peut-être bien plus gros que le mien... Cédric se doute désormais de quelque chose, mais je ne m'occupe plus de lui.
- Pourquoi...
- Est ce qu'il était du côté passager, ou conducteur ?
- Conducteur mais...
- Il était blessé ? Peut-être dans le coma ou... une cicatrice ??!
- Il s'était enfui juste après l'accident, mais on l'a identifié grâce a son ADN sur le siège. Et puis, il y avait une photo de lui dans la boîte à gant. Comme c'était la voiture de ma soeur, on en a déduit qu'ils étaient ensemble. Ou alors très proches. Mais ce type était un lâche. Rien de plus.
Les yeux scrutant le vide, je réfléchis à toutes les informations que j'ai accumulées d'un coup. Un lâche... ce doit être exactement ça. Si je le connaissais un peu mieux, je le saurais. Mais pour l'instant, tout ce dont j'ai vu de lui me révèle le contraire. Il m'a sauvée du suicide. Et je sais que juste pour cet acte, je ne le traiterai jamais de fêlé, et encore moins de lâche.
- Est ce que ça va ?
Je me réveille soudainement, les yeux embués de larmes.
- Euh... oui oui, tout va bien. Je... je crois que je vais y aller...
Je me rends compte que je dis toujours la même phrase lorsque je me sens mal à l'aise. Je cligne fortement des yeux pour m'empêcher de pleurer et trottine jusqu'à la lourde porte de sortie du lycée.
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